Les secondes qui s'écoulent après la petite apparition tonitruante de ma mère paraissent comme des heures. Je suis encore affalé sur mon fessier, sur ce sol froid et décidément cruel, à pondérer la situation, et à me demander ce qui serait la meilleure série de décisions à prendre. Je suis encore un peu confus, irrité de devoir ainsi faire la lumière sur ce qu'il vient de se passer, choqué d'avoir vu ma mère aussi furieuse quand elle m'a prise en flagrant délit d'omission. Je ne sais plus vraiment ce que je dois ressentir, ni ce que je dois penser. Ma vision se floute de nouveau, pour ne refaire la mise au point que quelques secondes après. J'ai envie de pleurer. J'ai envie de crier. J'ai envie de m'arracher le torse et laisser sortir tout ce qu'il y a à l'intérieur des fois que ça ait pu apaiser cet inconfort en moi.
- Leo. Relève-toi.me demande Zelliel, en tendant sa main vers moi. - J'essaie, Zell'. J'essaie vraiment.peiné-je à articuler tout en essayant de me relever. - Attrape ma main alors. Je suis là.insiste-t-il. - Qu'est-ce que je vais lui dire Zell' ?commencé-je alors à sangloter en passant ma main sur ma joue droite accueillant une larme. - Tu crois vraiment qu'elle va soudainement t'en vouloir ? Dis-toi qu'elle s'est juste rendue compte d'avoir loupé un épisode charnière de ta vie, et qu'elle veut tout simplement rattraper son erreur d'avoir ignoré les signes avant-coureurs.présume l'homme devant moi toujours main tendue. - J'en sais foutrement rien...*snif*...je...*prend la main de Zelliel et me hisse à sa hauteur*...ne sais plus ce que je dois faire ni penser. Tout est en feu dans ma tête. - Tu regrettes ?doute Zelliel. - De quoi ? Le baiser ? Non, bien sûr que non.le rassuré-je.Je me demande juste si je ne me brûle pas les ailes trop vite. Et je ne veux pas brûler les tiennes non plus, tu comprends ?insisté-je. - C'est vrai que le timing est un peu bâtard, tu m'en vois désolé. Mais tu m'as cueilli au mauvais moment aussi !commence-t-il à me reprocher.Si t'avais pas été aussi rabat-joie dans la ruelle, on aurait peut-être pu en parler à un autre moment ! - Ah parce que ça va être de ma faute maintenant ?me fustigé-je.Bonjour le soutien ! - Mais non, le prends pas comme ça, c'est juste que pour moi aussi c'est le chaos dans ma tête.avoue-t-il.Pour moi aussi, beaucoup de choses sont en jeu, à commencer par notre lien, et ce que penseras ta mère de moi à l'issue de cette soirée. - Tu as raison... pardon, je me suis emporté.rétorqué-je en redescendant d'un cran dans l'émotion.Bon. Il va falloir que je me fasse violence je crois bien.dis-je en me retournant en direction du salon.Tu m'accompagnes Zell' ? - Je te suis. Passe devant, je vais tâcher de faire bonne mesure. - Eh bien...tout en respirant par le nez une dernière fois, et insufflant une bonne fois pour toute...allons-y. Opération « Maman pas content » ! - Mhhhpfff !pouffe Zelliel.Toi décidément, t'as vraiment le chic pour rendre ridicule une humeur sérieuse.se moque-t-il.
Je finis de me décider à effectuer un pas vers l'avant. L'équilibre est encore précaire, due à une faiblesse encore palpable des muscles cruraux, très probablement du fait de cette tension et de ce stress qui s'est manifesté à la suite de l'échange tendre et doux avec Zelliel. Mon meilleur ami - oui car il est encore ce type de personne pour moi au demeurant, jusqu'à éclaircissement total de la situation, lui, me suit comme si de rien n'était, comme si tout allait bien, et comme si rien ne pouvait l'atteindre, pas même l'agacement de ma mère, qu'il connait bien, et dont il connait la capacité à être mordante quand il le faut. Pour le coup, il a presque le beau rôle de l'histoire.
Celui qui aura enfin percer le voile de mystère de sa propre insécurité émotionnelle et affective. Celui qui aura enfin fait le premier pas vers l'autre, avouer ses propres sentiments, ou tout du moins, presque tout avouer. Celui qui aura vaincu ce trac et cet inconfort indicible qui habite une personne lorsqu'elle s'apprête à se jeter dans la gueule d'un loup invisible, intangible et indescriptible en l'apparence. Celui qui aura eu l'audace de sortir de sa zone de confort, le temps d'à peine quelques secondes, pour se montrer en plein jour sous une lumière presque blafarde. Celui qui aura tout simplement prit en premier des risques sentimentaux, quitte à être refoulé dans la seconde même où l'acte se réalise, ou au contraire, quitte à s'embourber dans une histoire bien plus effusive et rocambolesque encore.
Moi, je suis l'espèce de dindon de la farce. Je suis la victime des humeurs qu'un homme dont je suis proche, et pour lequel je nourris une affection toute particulière. Je suis la conséquence malheureusement - ou bienheureuse, tout dépend de comment on perçoit la situation - d'une prise de décision venue de nulle part, ou en l'apparence, débarquant d'un horizon que l'on pensait encore flou et à peine envisageable en temps normal. Je suis l'homme crédule qui est bêtement tombé dans le jeu de son bourreau affectif, pensant pouvoir résoudre l'affaire avec les mots et seulement les mots. Je suis la bête de foire d'une attraction plus vraie que nature, m'exposant malgré moi à la vue et à la tension du monde. Je suis comme le mouton noir, ou le vilain petit canard, que l'on pourrait aisément montrer du doigt car il aura fait, dit ou pensé quelque chose qu'il ne fallait pas.
Et pour finir, ma mère. Assise. Sur le grand sofa du salon. Les jambes croisées. Les bras longeant s'allongeant jusque vers ses cuisses, ne laissant l'opportunité qu'à ses doigts et les paumes de ses mains de pouvoir trôner sur la fibre épidermique. Elle a le regard soucieux, inquiet, presque grave. Si je ne la connaissais pas, si je n'étais pas son fils, j'aurais pu croire à une situation de vie ou de mort, ou à une dernière marche solennelle avant qu'elle n'ait prononcé une sentence irréversible, irrévocable, finale. Son pied en suspens dans le vide créé par sa jambe et le genou de support de l'autre, trahit non sans mal une certaine agitation dans son esprit. Est-elle en colère ? Est-elle déçue ? Est-elle sous le coup d'une vive émotion et n'arrive pas à le dissimuler ? Je m'attends tout. Sauf... à ce qui va suivre, à ma grande surprise.
Son regard est pesant. L'impassibilité de ses pupilles donnent comme un avant-goût d'une descente aux enfers. L'immobilité de ses sourcils lui donne une impression de geôlière qui s'apprête à réprimander l'un de ses incarcérés. La placidité de l'expression de son visage ne me rassurent pas une seule seconde, et à tout moment, je sens mon cœur comme débordant de stress, d'anxiété, d'appréhension, prêt à bondir hors de ma poitrine, pour aller se cacher dans un des coins sombres de la pièce, à l'abri des regards et des conséquences de cette série d'action nocturne. Je sens comme une goutte de sueur perler sur l'une de mes tempes, probablement due à une suractivité cérébrale et musculaire céphalique. Je ne suis pas à mon aise, dans ma propre maison familiale. C'est un comble. En quelques fractions de secondes, je passe de joueur à domicile, à un complet étranger jouant sur des terres hostiles et méfiantes. Elle, elle se tourne les pouces. Elle, elle attend que je prenne la parole. Elle, elle n'a rien à me cacher, ni même à tenter de me dissimuler. Elle, elle est en position de force.
Lui, il est à mes côtés, sur le fauteuil faisant face à ma tortionnaire malgré elle. Lui, il est étonnamment calme et confiant. Lui, il n'a plus le poids des non-dits et des apparences sur les épaules. Lui, il est comme l'assistant de cette matonne, attendant le moment fatidique pour faire tomber le couperet sur ma culpabilité. Lui, il est en droit de savoir ce que je pense réellement de tout cela, et surtout, de voir comment je vais négocier cette affaire. Lui, il est désormais hors d'état de panique, il n'a plus aucune raison de s'en faire pour le futur. Lui, il n'a plus qu'à attendre que je prenne également la parole pour engager LA conversation tant attendue.
Moi, je suis la petite chose sur le point de craquer sous la pression d'un plafond de verre s’affaissant au-dessus de ma tête. Moi, je suis la victime collatérale d'une histoire de sentiments à laquelle je ne pensais pas participer un jour. Moi, je suis la frêle colombe de la paix se retrouvant piéger au beau milieu des rameaux d'olivier qu'elle était venue chercher en guise de bon augure. Moi, je suis la brebis désormais galeuse, qui possède un poids sur la poitrine, et qui n'aura pas le choix que de se livrer en pâture à son loup maternel. Moi, je suis la nouvellement petite créature qui vient de naitre au monde, abandonnant sa crédulité et faisant face à la dure et atroce réalité de la vie réelle. Moi, je suis celui qui doit également des explications aux deux autres interlocuteurs, avides de connaitre la suite de la scène, ancrée dans un acte tumultueux et crucial.
- Leonis. Je t'écoute.annonce ma mère, brisant le silence de plomb. - Ce... c'est compliqué à expliquer tu sais... je ne sais pas...hésité-je. - Moi,accentue-t-elle comme un contre-argument rôdé, je pense que c'est très simple au contraire. Que s'est-il passé ? - Je... - Ne tourne pas autour du pot.m'interrompt-elle.Je sais qu'il y a quelque chose te concernant toi et Zelliel. Son comportement de tout à l'heure est semblable au tien maintenant.fait-elle le rapprochement.Si tu ne me dis pas ce qu'il se passe, mon chéri, tu me verras déçue de ce secret soudain à garder au fond de toi.ajoute-t-elle. - Non maman, c'est pas ça... J't'en supplie... Laisse-moi le temps de... - Le temps de manipuler les mots, de les tordre et de les réarranger à ta convenance ?suppose-t-elle.Je refuse. Je veux connaitre la vérité, et maintenant. Je ne te lâcherai pas tant que toi ou que ta moitié assise à côté ne me dira pas ce qu'il se passe.avoue-t-elle en fronçant un sourcil. - Me... ma... - Sa moitié ?enchaine Zelliel. - Ne me prenez pas pour une hase de six semaines, allons.s'insurge-t-elle.Vous m'attristeriez de me penser sénile au point de ne pas me rendre compte de cette lueur dans vos regards... - Oh...soupiré-je alors.
- Vous le savez depuis longtemps Stella ?ose demander Zelliel. - Pas depuis très longtemps,avoue-t-elle, mais je dois bien vous donner ce mérite d'avoir su brouiller les pistes jusqu'au bout, surtout toi Zelliel. - Ce n'était pas volontaire, loin de moi d'essayer de vous berner.se défend mon meilleur ami. - Je me doute, je me doute.concède-t-elle.Cependant, je pense pouvoir dire que du côté de mon cher et tennnn~ndre...insiste-t-elle en rivant les yeux sur moi...cela fait depuis un long moment qu'il n'a d'yeux que pour toi. - Maman... c'est... gênant...minaudé-je. - Vous vous moquez de moi.s'offusque Zelliel. - Jamais de la vie voyons, je crois que tu me connais maintenant.assure-t-elle.Je pense même que cette petite lueur s'est allumée pendant sa période convalescence, après avoir sombré dans les médicaments pour estomper la douleur de son genou jusqu'à l'opération finale. - Ah bon ?s'étonna-t-il. - Il faut dire qu'il n'y en a pas beaucoup, des anciens amis sportifs ou collègues étudiants, qui l'ont soutenu pendant toute ce temps.lui révèle-t-elle. - Je l'ignorais. Moi qui pensais au contraire qu'il avait eu tout le soutien dont il avait besoin, et que je n'étais qu'une pièce rapportée parmi tant d'autres. - Hmpf !pouffé-je d'ironie. - Au contraire Zelliel. Si nous n'avions pas été là, et si toi non plus n'avais pas été là... le destin seul sait ce qu'il en aurait été advenu de ton meilleur ami.
Et elle disait vrai. Il n'y a pas réellement eu de visiteurs autres que ma famille, et Zelliel. Mes amis du club de basketball avait complètement déserté ma présence des suites de ma blessure mettant un terme à ma carrière à leurs côtés. Certains avaient bien essayé de garder le contact, mais les nouvelles de ma descente aux enfers leur avaient fait bien trop peur, et aucun ne s'étaient risqués à venir voir une épave qui était tout juste l'ombre d'elle-même. A l'époque, je n'avais rien trouvé à leur redire, étant moi-même d'accord qu'un tel spectacle n'aurait été que plus traumatisant encore. Du côté de l'université également, le peu de comparses que j'avais dans la branche du sport et de l'entreprenariat avait répondu aux abonnés absents. Ce qui était peut-être encore plus prévisible, du fait de la faible proximité tout de même que nous entretenions à l'époque, et n'étant au final qu'un compagnon de révision de plus, mais également, un concurrent de moins pour l'accession au diplôme d'état tant convoité.
Et aussi fou que cela puisse paraitre, il n'y avait eu que Zelliel, un type rencontré dans un cours de langue vivante, avec lequel on avait passé de très bons moments dans la salle de classe. Nous nous étions rapprochés par le fait que nous eûmes été que très peu de garçons dans ce cursus annexe de nos parcours d'étude respectifs. Mais le feeling était bien passé, assez rapidement, et nous avions consolidé ce lien en assistant chacun aux évènements importants de l'autre : moi et mes matches certains weekends, lui et ses différentes représentations de danse de rue. Car oui, petit détail dont vous n'aviez pas connaissance : Zelliel est un danseur de hip-hop et de breakdance. Incroyable non ?
Comment en suis-je venu à aller le voir pendant ses représentations urbaines ? A vrai dire, aucune idée. Il se trouve que j'ai toujours essayé de lui rendre la pareille, et assister à un évènement le concernant lui et l'une de ses passions, c'était le minimum syndical que je pouvais effectuer pour ne pas paraitre tel un profiteur ou un homme dépourvu d'états d'âme. Et heureusement que j'avais eu cette tendance à être respectueux et curieux d'en connaitre plus sur les gens que j'apprécie, car sinon, je serais passé à côté d'une petite pépite de danseur qu'est Zelliel, même encore à ce jour. Pour en témoigner, il possède un rythme incroyable dans la peau, ses mouvements sont tantôt déliés, tantôt saccadés, à la fois souples mais puissants, et possède un sens de l'équilibre comme j'en avais rarement vu.
Peu de gens s'intéresse à la danse comme étant un sport, mais pour le coup, ses performances en public relevaient littéralement de la démonstration physique. Être capable d'exécuter des figures au sol, en se mettant parfois en suspension par la force de ses bras seuls, exprimant toute la puissance de ses doigts et de ses poignets à pouvoir soutenir la pesanteur et la lourdeur de son corps musclé. Zelliel n'est pas un adepte du bodybuilding, ni même des salles de musculations intensives, mais il cultivait un certain gabarit qui s'apparentait très étonnamment à la mienne, un joueur de sport collectif. En même temps, vu les figures qu'il est capable de réaliser, je ne m'étonne plus de le savoir plus robuste et plus endurant qu'en l'apparence. Des planches dynamiques, des exercices de pompes à la verticale, des enchainements complexes mêlant souplesse des membres et des jointures, et aussi explosivité dans les prises d'élan et dans la rapidité d'exécution.
C'est simple, à en croire les divers racontars à son sujet, Zelliel est une espèce de danseur né, pour qui tout parait facile, promis à un très bel avenir de danseur professionnel ou de chorégraphe urbain, si tant était qu'il eut voulu en faire une vocation. Mais c'était très peu pour lui. Pour l'avoir entendu se confier à plusieurs reprises à ce sujet, lors de nos quelques séances interminables de conversations sur les bancs de l'université, Zelliel rêvait d'une vie simple mais stimulante, tranquille mais glorifiante de ses capacités intellectuelles, et ne pensant qu'à faire profiter les autres de son savoir, de sa sagesse et de son sens des priorités. Tout comme moi plus tard, il a développé cette envie d'instruire, de partager son savoir et de communiquer son goût pour l'apprentissage et la transmission d'un héritage cognitif et socioculturel. Un professeur dans l'âme, un danseur dans l'instinct.
Toutes ses qualités et ses aptitudes ont fait qu'avec le temps, je me suis senti d'autant plus attiré par son charisme naturel que par son aura amical et incroyablement apaisante. Son tempérament de feu complétait assez bien avec mon caractère plus mesuré, plus doux. A l'époque, il représentait toute l'ardeur que je voulais mettre dans mes matches, dans mes heures d'entrainement ainsi que de mes réussites scolaires. Déjà à l'époque je savais que le chemin pour devenir professionnel serait long, et négliger mes études n'était pas une option, il me fallait un plan en parallèle, afin de ne pas finir la tête dans le fond du trou si je devais ne pas accéder à cette qualité de joueur de haut niveau et rémunéré pour son travail au sein d'une équipe de renom. Ce fut donc pour cela que j'avais entamé un cursus extrascolaire pour devenir un coach sportif personnel, afin de pouvoir investir un rôle plus important dans les salles de musculations que je pouvais être amené à fréquenter de par mes hobbies sportifs.
Bien évidement, je n'avais pas décidé de fréquenter n'importe laquelle de ces salles. Tout naturellement, c'était celle de Parmanie qui abritait une présence que je connaissais très bien, celle de Zelliel. Eh oui, ce maitre de la danse et ce crac des études faisait lui aussi ce qu'il fallait pour se maintenir en grande forme, entretenir ses aptitudes sportives pour continuer à danser et à se produire dans les compétitions locales de danse, ou pour tout simplement se la donner une fois les soirées arrivées, sur les dancefloors des boites de nuit les plus courues et les plus fréquentées de la région du Kantô. Un fêtard ? Lui ? A vrai dire, ce n'était pas le genre de personne à faire n’importe quoi une fois en sortie, et je l'avais appris à mes dépends, en tentant de le suivre dans l'une de ces soirées dansantes dans une discothèque de Céladopole. Moi qui suit un piètre danseur, et un piètre buveur, j'avais vu tout faux ce soir-là : alcool, tentative de suivre le rythme de certaines musiques plutôt cadencées et rapides, parvenir à maintenir les apparences et faire fi de ce que les autres pouvaient bien penser une fois sur la piste de danse.
Un pur échec, monumental. Non seulement mes faibles qualités de danseur n'avaient pas suffit à impressionner qui que ce soit, dont Zelliel, mais en plus, l'alcool m'était trop rapidement monté à la tête, et m'avait obligé à botter en touche pour le restant de la nuit, me faisant tenir la compagnie d'un siège dans l'arrière-salle, afin de décuver un peu avant d'entrevoir une éventuelle heure de sortie et de retour jusqu'à Parmanie via la Piste Cyclable. Hors de question de m'écrouler le long de cette voie de circulation, sinon, mon père m'en aurait parler encore pendant des années et des années. Mais mon sauveur de l'époque était déjà ce beau brun aux yeux bleus. Celui-là même portant le nom d'Argento. Avec son prénom, il portait des initiales qui englobait tout l'alphabet humain existant, et ça, c'était la classe. Non seulement il était venu se soucier de mon état de fatigue et d'énergie, mais en plus, il s'était octroyé du temps pour me faire la conversation et me donner quelques petites astuces sur mes futures venues dans les discothèques kantonaises.
Je dois bien avouer qu'à cette époque, j'étais un peu tout penaud, un peu timide et surtout, je m'étais sorti tout seul de ma zone de confort pour essayer de plaire à quelqu'un qui était à mille lieues de nourrir un quelconque intérêt nocturne pour ma personne. Grosso modo, cette soirée-là fut la plus honteuse que j'ai eu à vivre en termes de divertissement de fin de semaine, et de fin de soirée. Mais au moins, j'avais pu avoir ce petit moment de complicité et de rapprochement, déjà, avec celui qui sera devenu mon meilleur ami au fil des années. Voire plus, du coup, par la force des choses, de l'attraction et des sentiments. Encore une fois, je précise que je ne suis pas attiré par un genre en particulier, la preuve en fut que l'image de cette charmante femme rousse, Masa de son prénom, venue de Paldea pour rendre visite à une amie du Kantô. Si nous avions pu nous revoir et passer du temps ensemble, très certainement que nous aurions pu entretenir ce même genre de rapprochement émotionnel puis physique. Mais le destin en a voulu autrement, et le temps aura donné raison à ce fichu bourreau des cœurs.
- Donc vous êtes ensembles les garçons ?questionne ma mère, me sortant de ma réminiscence du passé. - Pas vrai- - Pas tout à fait madame.me coupe Zelliel. - Comment ça, « pas tout à fait » ?enchaine-t-elle en faisant le signe des guillemets dans les airs. - Zelliel vient juste de- - Cette soirée n'était pas prévue pour, mais j'ai saisi l'opportunité de lui dire ce que j'avais sur le cœur. Disons que j'ai voulu officialiser la situation un peu plus précisément.me réinterrompt-il. - Je vois. D'où cette tension pendant le dîner, et un peu avant pendant notre conversation dans le salon. - Vous avez tout compris.admet mon meilleur ami. - Mais je ne comprends pas pourquoi cet agacement quand vous êtes arrivés à la maison ?remet-elle sur le tapis. - Bof, une petit embr- - On s'est légèrement disputé sur le chemin. Enfin, « je » ...se montre-t-il du doigt... me suis disputé avec Leo parce que je n'en pouvais plus de cette distance que son nouveau travail avait instaurée entre nous.commence-t-il à raconter. - Tu vas m'interrompre encore long- - Et j'avais également un petit fond de jalousie, en repensant à une soirée à laquelle nous nous sommes retrouvés un peu par hasard, en compagnie d'un client de sa pension qui avait l'air fort sympathique et plus jeune que moi. - Zell', je t'ai déjà dit que- - Mais on a pu régler cette histoire tout à l'heure quand nous étions dehors. Tout va bien, et j'en ai profité pour tout lui avouer derrière, et je pense que le contrecoup de cette révélation est la raison de sa perte d'équilibre. La tension, le relâchement de l'anxiété de la situation. Tout ça tout ça quoi.conclut-il. - Je peux en placer une maintenant ?m'insurgé-je. - Pas tout de suite mon garçon. J'ai encore deux ou trois questions à poser à ce don juan.me confie ma mère en plissant les yeux.Ça fait depuis combien de temps que tu envisageais de tout lui dire ?
Décidément, ma mère est très commère aussi quand elle le veut. Si elle avait pu travailler dans les forces de police, et s'occuper de la partie des récoltes d'informations, des témoignages, ou même faire du profilage ; il y a fort à parier qu'elle n'aurait pas eu son pareil dans l'exercice. Elle est très tenace, très volontaire dans ses questionnements, et elle prend volontiers un parti bien senti pour délier les langues, quitte à jouer le rôle d'une femme un peu trop acariâtre pour faire réagir. Là, sa victime s’appelait Zelliel. Il avait oser chambouler la vie de son fils. Il allait devoir se soumettre au détecteur de mensonge et au révélateur d'histoire personnel dans les secondes qui viendraient. Le pauvre.