Avant de passer à ce moment aussi solennel que cliché, et avant de se donner dans une prière aussi cruciale que complètement improbable, Angelo se permet un dernier trait d'agacement compte tenu de la situation. Il rejoint Lana dans sa quête de possible future vengeance dans les limbes de la vie d'après, pour tourmenter et faire de la future vie d'ectoplasme d'Horacio un véritable enfer éthéré. Sur le principe, je ne peux pas leur en vouloir de céder à leurs pulsions de rage, moi-même je suis actuellement habité par un sentiment de frustration tellement énorme qu'il me faut du temps pour arrêter de souffler du nez, pour desserrer ma mâchoire de sa crispation maladive du moment, et pour refocaliser ma vue sur la femme d’Église. Je vois rouge depuis que je sais que ce sbire de la Team Galaxie est le principal responsable de tout ce désordre et ce chaos ambiant, et ce, depuis les toutes premières secondes de notre téléportation dans cet univers parallèle.

Machinalement, je fais appel à Simargl, et l’enlace de toutes mes forces à même son pelage flamboyant et légèrement tigré. Je ne lui dis pas un mot, mais je lui fais comprendre que cet instant est peut-être notre dernier, et qu'il n'y a pas une seule seconde à perdre et que je dois absolument lui témoigner tout mon amour et ma gratitude. La fierté de l'avoir eu pour partenaire ces quelques temps, quitte à essuyer une défaite cuisante lors d'un concours de coordination. La chance d'avoir un partenaire comme lui, prêt à répondre présent dans tous les moments les plus difficiles, quitte à se mettre lui-même en danger pour répondre à mes attentes. L'orgueil que j'en ai de le savoir près de moi et d'être ce pilier de soutien indéfectible et opiniâtre à souhait. Heureux de pouvoir l'appeler mon ami. Satisfait de pouvoir me tenir à ses côtés pour ces derniers instants de vérité. Et rêveur de pouvoir imaginer que, si nous devions nous retrouver sous une autre forme dans une autre vie, nous pourrions tenter de redevenir de bons et loyaux amis, d'égal à égal, et en faisant de nouveau tout notre possible pour avancer le plus loin possible ensemble.


Je décide de tourner le dos à Sœur Elizabeth, plonge ma tête dans la fourrure du haut de poitrine de mon compagnon canin, qui lui vient glisser son museau dans le dos de mon tee-shirt. Nous entamons nous même notre moment de prière, en communion parfaite lui et moi, chacun entretenant un bout e contact physique pour être sûr de savoir quand est-ce que nous serions délivrés de notre enveloppe charnelle, ou pour savoir si nous avions réussi ce pari fou de croire une femme de religion, qui avait eu pour projet de nous tourmenter dans cette foutue chapelle. Et à l'intérieur de ma tête, j'entends comme une voix, probablement la mienne quand je pense, accompagnée d'une autre, sensiblement identique, probablement une autre voix liée à la mienne, quand je réagis à ce que je pense.

- Je t'en supplie. Toi qui est quelque part dans cet univers. Si tu existes bel et bien et que tu m'entends. Protège Draco. Protège Zelliel. Protège ma famille et mes collègues. Protège tous ces êtres chers qui sont restés dans leur dimension, et couvre-les de ton amour et ton infinie bonté.
- Entends mes paroles. S'il te plait entends-les.
- Donne-leur la force d'affronter les évènements à venir même si je devais en être absent.
- Donne leur ton temps et ta puissance.
- Toi qui est peut-être quelque part en train de m'écouter. Accorde-moi ce dernier souhait égoïste et futile, de bien vouloir me donner l'ultime possibilité de leur dire au revoir, de leur dire que je les aime, et que de là où je serai, je mettrai tout en œuvre pour les protéger et leur conférer la force de concrétiser leurs rêves et leurs désirs les plus fous.
- Protège-les. Aime-les. Chéris-les.
- Toi qui est quelque part en train de me regarder, je te supplie de bien vouloir prendre soin de mon Arcanin, qui tente encore de me protéger en faisant barrière entre ma pauvre carcasse mortelle et le reste du monde. Préserve-le de ce destin sordide et funeste dans lequel je l'ai fait intervenir. Accueille-le une nouvelle fois dans notre monde comme ce fils que tu as toujours aimé, chéri et protégé. Je me contenterai de le savoir sain et sauf, et j'en accepte le sacrifice de ma propre vie s'il le faut.
- Fais-lui grâce de ta miséricorde et ta bienveillance.


A ce moment-là, plus rien ni personne ne comptait plus que ces personnes et ces pokémons que j'ai en tête. Tous semblent revenir dans des flashs successifs, un par un. Ceux qui seront apparus le plus longtemps seront mes parents, mon fidèle Draco, mes frères et sœurs, ainsi que Zelliel. Ils sont tout ce que j'ai de plus précieux au monde, et de les savoir potentiellement à l'abri de toute cette dévastation interdimensionnelle, me rassure et me fait me détendre dans ma posture. Mes épaules se relâchent à l'idée de voir de nouveau ma mère sourire et mon père la prendre dans ses bras. Ma mâchoire se détend quand j'imagine mes frères et sœurs faire carrière chacun dans leur propre domaine respectif. Mes muscles se ramollissent et abolissent la lourdeur de la pesanteur quand je repense à Draco, et que je le vois évoluer en un magnifique dragon à son tour, un peu comme Dialga, Palkia et Giratina ont pu le faire de leur temps. Et enfin, mon cœur ralentit et se stabilise dans son rythme au moment où j'aperçois Zelliel. Il n'est pas l'amour de ma vie, mais il est un amour dans ma vie. Rien n'aurait pu prédire de la longévité de notre lien ni de notre relation à venir, mais ce qui était sûr, c'est que de le savoir à l'abri, et capable de pouvoir aller de l'avant et de retrouver le bonheur, me suffit amplement pour continuer cette prière intérieure, ce monologue final, cet ultime invocation d'une puissance inconnue.


Puis le silence s'installe. Mes yeux sont toujours fermés. Ma tête toujours contre le torse de mon Arcanin. Son museau humide et expulsant l'air à intervalle régulier, toujours sous mon tee-shirt et me mouillant le dos. Je me dis alors que nous sommes peut-être devenus sourds, et que nous avons finalement passé l'arme à gauche. Je me rassure en me disant que peu importe où nos corps avaient été emmenés, j'avais la chance d'être toujours aux côtés de Simargl. La mort n'est peut-être pas aussi brutale et douloureuse après tout, il suffit peut-être de l'accepter et de l'embrasser pour qu'elle nous accorde sa douceur et le vœu de rester prêt de son compagnon le plus cher de l'instant. Mais très vite, de la musique semble revenir en fondu dans l'arrière-plan sonore. Puis une brise semble vouloir s'insinuer dans mon dos et dans le pelage de Simargl.

Instinctivement, mon compagnon canin sort sa tête de mon tee-shirt, et je rouvre les yeux en m'extirpant de sa toison. La lumière met du temps à faire sa mise au point dans mes rétines, mais très vite, je remarque le paysage si familier et grouillant de mouvement de Célestia. Visiblement, nous avons été rappelés à notre monde d'origine, et rien n'avait absolument changé de depuis le moment où nous avions été aspirés dans l'autre univers parallèle. Une torpeur me prend et je secoue ma tête sur les côtés : je vois Lana, saine et sauve aux côtés de son Lakmécygne ; je vois Angelo, avec Chance à ses côtés. Mais je ne vois aucun signe de Sœur Elizabeth. Était-elle le prix à payer pour nous ramener sains et saufs à notre environnement ? Était-elle plus qu'une simple émissaire de Dialga et avait été emmenée autre part pour le bien du reste de l'histoire ?

- Miraculeusement bien ! répondons Lana et moi à la question d'Angelo à l'unisson.
- Je ne sais pas si c'est Dialga, poursuis-je, mais en tous les cas, nos prières auront été entendues. Alors... reprends-je le cap ...tâchons de nous trouver un petit coin tranquille, une table, un bar, ou que sais-je, et allons savourer notre retour à cette bonne vieille Terre qui nous aura tant manquée mine de rien. proposé-je. Qu'en dis-tu Angelo ? Partant ? C'est moi qui rince. lui annoncé-je avec un clin d’œil taquin.
- Si j'étais toi, Angelo, j'hésiterai pas une seule seconde. J'suis trop pauvre pour claquer mon argent comme le boss... ironise Lana en prenant les devants pour s'éviter mon courroux.
- Je t'ai déjà dit de pas m’appeler... héééé~é reviens Lana ! Lanaaaa~a ! Tu paies rien pour attendre !