- Comment ça se passe à l'académie du coup ? Bientôt la rentrée ? enchaine ma mère.
- Oui en effet ! répond Zelliel avec aplomb cette fois-ci. Je n'ai pas vraiment hâte d'y retourner, mais ça devrait pouvoir se faire sans trop de difficultés.
- C'est sûr que de subitement revenir à un rythme de travail plus soutenu, ce n'est pas toujours plaisant.
- Ça, et puis ça va être la première rentrée sans votre fils ! ajoute-t-il comme si l'information était cruciale. On a déjà expérimenté une fin d'année sans lui, sans trop que ça ne fasse bizarre, mais un retour là-bas sans lui... soupire-t-il avant de reprendre ...ça va faire vide.
- Rrho, t'exagères non ? réagis-je comme si de rien n'était.
- Comprends-le Leo. Vous êtes inséparables depuis quoi... quasiment une bonne vingtaine d'années non ?
- Mhmh ! acquiesce Zelliel en hochant de la tête tout en nasalisant sa réponse.
- Oui, donc faut le comprendre... insiste-t-elle.
- C'est vrai que ça va me faire bizarre également de ne pas le voir au travail lundi matin. regretté-je alors.
- Manquerait presque que ça ne te fasse rien tiens ! pesta Zelliel sur un ton taquin, mais teinté de sérieux.
- Surtout qu'on a pas eu de tes nouvelles depuis un moment d'ailleurs, Zelliel. reprend maman. Pas depuiiiii~is...
- Oulah ! Ça doit faire un mom-
- Ah bah depuis votre fameuse soirée à la boite de nuit du centre ville ! lance-t-elle.


Cette phrase fait l'effet d'une bombe, tant pour moi - qui écarquille grand les yeux - que pour Zelliel, qui manque alors de s'étouffer en avalant de travers son bout de viande chaudement servi. Il est vrai que je n'ai pas du tout repensé à cet épisode estival, mais il y a fort à parier que Zelliel non plus n'a pas prévu d'en parler. Mais maintenant que j'y pense, il est vrai qu'il s'en était passé des choses là-bas, en compagnie d'Angelo, un désormais ami musicien de Kalos, et de Lana, ma collègue scientifique et nutritionniste diététicienne. Je crois que si j'ai occulté cette soirée jusqu'à maintenant, tout me revient très vivement à l'esprit. Et je ne suis apparemment pas le seul chez qui le tilt se produit.

Le teint du visage de Zelliel, normalement légèrement hâlé par un bronzage naturel et un grain de peau plutôt typé, vire au rouge légèrement vif. Pas au moins de ressembler à une tomate bien mure, mais on n'en est pas loin pour le coup. Ce soir-là, il était aux commandes d'un véritable harem de belles femmes qui s'arrachaient littéralement les cheveux et les vêtements pour pouvoir s'octroyer un bout de danse sur la piste en sa compagnie. C'est vrai qu'il était particulier beau ce soir-là, il s'était mis sur son trente-et-un supposément, et possédait cet aplomb presque charismatique de charme. Je crois même que Lana en a pincé pour lui avant de finir totalement éméchée...

- Maman... c'est gênant... finis-je par avouer.
- Bah quoi ? se questionne-t-elle. C'est même la dernière fois que tu m'as parlé de lui, j'ai pas rêvé ?
- C'est pas le problème, maman. m'offusqué-je. Mais ce n'est pas forcément le moment de remettre ça sur le tapis... dis-je en rougissant de plus belle.
- Rrhooo, qu'est-ce que tu peux être vieux jeu parfois Leo ! râle Stella.

Il faut dire qu'elle n'a pas non plus son pareil pour plonger la tête la première dans les sujets piquants et complètement indiscrets. Qu'elle eut été au courant de cette fameuse soirée, dans cette discothèque, en la présence de Zelliel, ainsi que des consommations d'alcool légèrement hors de contrôle, soit. Qu'elle eut été en la possession de l'information venant de ma part que cet épisode avait été en réalité une couverture pour un client de la pension, venu enquêter sur les dessous de la gestion du lieu de plaisirs nocturnes et de délits liquoreux, soit. Qu'elle eut la connaissance de ce qui s'était passé avec Lana, et aussi Zelliel, de comment il était habillée ce soir-là, de comment toutes les femmes lui tournaient autour alors qu'il tentait de me faire la conversation non sans grand mal, soit. Mais de là à faire intervenir le sujet, de but en blanc, au détour d'un dîner familial, censé être détendu et complètement hors de tout tracas sentimental et psychologique, je ne suis pas sûr que chaque parti prenant à cette discussion soit tout à fait à l'aise avec le concept.


La réaction de Zelliel ne se fait pas attendre, et prétexte une envie pressante pour s'éclipser en direction de la salle d'eau. Je ne peux décemment pas le suivre ni même l'accompagner - pas comme cette fameuse soirée de beuverie passagère - alors je ne fais que le suivre du regard, sentant son courroux silencieux émaner de sa démarche. A-t-il mal pris l'intervention, certes manquant de tact, de ma mère ? Ou n'a-t-il réellement que l'envie d'aller ce soulager avant de revenir à la table, en attendant que le sujet s'estompe au fur et à mesures des mets à ingérer ?

- Tu crois vraiment qu'il l'a mal pris ? chuchota maman dans ma direction.
- Je ne pense pas maman. la rassuré-je. Surtout qu'il ne s'est rien passé d'exceptionnel, comme je te l'ai déjà dit.
- Eh beeeee~en, ça n'a pas l'air évident évident si tu veux mon avis. m'avise-t-elle.
- J'essaierai de voir ça avec lui plus tard. lui proposé-je. On change de sujet ?
- D'accord. Pardon Leo, je ne pensais pas à mal. s'excuse Stella.
- T'inquiète pas... t'es juste la reine des pieds dans le plat, c'est tout. annoncé-je avec un sourire moqueur. Mais je t'aime quand même.
- 'Manquerait plus que le contraire tiens ! pouffe-t-elle de rire après coup.

L'absence de Zelliel se fait de plus en plus longue. Ma mère et moi continuons de savourer ce qu'il reste du plat chaud, tout en laissant l'assiette de notre hôte de toujours se refroidir. Quand bien même je l'aie rassurée, maman ne sait plus vraiment sur quel pied danser. Elle a envie d'aller voir si tout va bien pour mon meilleur ami, mais son respect pour lui l'en empêche. Elle a envie d'envisager un sujet de conversation à son sujet avec moi, mais elle sait combien je suis frileux sur ce genre de situation. Alors elle attend. Elle commence à tapoter ses mains sur la table. Elle se mord les lèvres de temps à autres, en signe de nervosité grandissante. Elle introduit une petite chorégraphie jambière sous la table, la faisant trembler par moments. Elle n'est pas à l'aise du tout, et elle se sent coupable de la dégradation soudaine de l'atmosphère. Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle l'était déjà bien avant cela, lorsque Zelliel et moi nous sommes vus dehors, dans la ruelle adjacente, à tenter de régler ce différend émotionnel. Je décide alors de prendre les devants, car s'il y a bien une chose que je n'apprécie pas, c'est de voir ma chère mère se tracasser pour rien. Je me lève, et me dirige vers le couloir au fond duquel se trouve la salle d'eau.

- Zell', tu en as encore pour longtemps ? questionné-je dans le vide.

Mais pas une voix ne s'élève du corridor. Je décide alors de m'approcher de la porte de l'endroit où est censé se trouver mon meilleur ami. Et là, j'entends une sorte de soupir.

- Zell' ? Tout va bien ? retenté-je en collant l'oreille à la porte.
- Oui oui, t'inquiète. répond-il calmement. Je me rafraichis un peu, j'ai eu une comme une bouffée de chaleur qui m'a presque fait tourner de l’œil.
- Oh ?! suis-je surpris par son annonce. Tu veux que je t'apporte une aspirine ?
- Non ça va j't'ai dit ! rouspète-t-il désormais. J'en ai pour quelques secondes, j'arrive.
- Bah tu sais quoi ? Je ne bougerai pas.
- Hein ?
- T'as bien entendu mon p'tit père... je ne bougerai pas de ce couloir tant que tu ne me diras pas ce que tu as vraiment. le remets-je en doute.
- Je t'ai dit que...
- Et tu crois vraiment que je vais gober ton histoire de bouffer de chaleur ? Vraiment ? Zelliel, tu m'la feras pas, pas à moi ! me targué-je.
- Pffff... soupire-t-il lourdement.


Mon meilleur ami finit par céder à mes provocations, et ouvre la porte afin de refaire surface dans la maison. A en juger par les gouttelettes d'eau sur son visage, il s'est effectivement rafraichit, mais pas parce qu'il était transit de fièvre ou de cette fameuse bouffée de chaleur, mais potentiellement pour cacher un teint rougi par un sentiment bien plus complexe qu'il n'y parait. Mais qu'importe. Je sens qu'il me cache encore quelque chose, et ce quelque chose a un rapport avec cette fameuse soirée à la discothèque du centre-ville. Même si elle a mis les pieds dans le plat, ma mère a effectivement mis le doigt sur un sujet visiblement sensible pour lui, alors que pour moi, il n'y a pas lieu de s'alarmer de quoi que ce soit. Je me demande bien ce qu'il en est de ce malaise inopiné.

La tension est à son comble dans ce fichu couloir exigu menant vers la salle d'eau. Zelliel me regarde dans le blanc des yeux, avec cette lueur presque incandescente d'une sorte d'irritabilité palpable. Je tente de soutenir son regard, tant bien que mal, en affichant mon incompréhension et ma perdition de par son comportement. Comment un simple sujet de conversation comme celui-ci a-t-il bien pu dégoupiller sur un malaise aussi fort ? N'avons-nous pas vécu la même soirée ? N'avons-nous pas retenu tous les deux toute l'incongruité et l'absurdité de certains des évènements de ce moment passé dans cette boite de nuit ouvertement inclusive de tous les gens et toutes les orientations ? C'est comme si, visiblement, nous avions vécu cette nuit sur deux plans de la réalité bien distincts. Deux plans parallèles bien que confondus en l'apparence.

- Tu veux en parler ou... lancé-je.
- Oui, mais pas à l'intérieur. Je ne veux pas mêler ta mère ça. rétorque Zelliel. On peut prendre un temps dehors ?
- Bah bien sûr ! réponds-je avec une évidence presque bête. 'maaaaa~an ! On va prendre l'air vite fait avec Zell'. On revient pour le dessert ?
- ...oui chéri ! Pas de soucis, prenez votre temps, j'ai encore quelques touches à ajouter. annonce-t-elle au loin.
- Parfait ! A toute !


Et sur ces quelques mots, j'en profite pour une petite veste toujours disponible pour mes visites sur le portemanteau présent dans le coin du couloir. Nous passons ensuite par l'arrière de la cuisine, et empruntons la porte menant vers le jardin extérieur. Il ne fait pas encore tout à fait sombre, la nuit ne s'est pas encore tout à fait installée. Mais il y a déjà ce petit air frais et cette petite brise furtive qui nous chatouille le visage. Pour une fois, l'ambiance parait plus légère, moins étouffante, et surtout, beaucoup plus libre de mouvement. Finalement, j'avais peut-être également besoin d'un peu d'air frais aussi. Il faut dire que la succession des évènements de cette fin de journée commencent à également m'inconforter au point d'en avoir eu quelques sueurs tout à l'heure à table. Mais je suis sûr que tout prendra un dénouement bien plus serein. Il me suffit juste de relancer mon meilleur ami sur ce qui le tracasse, et le laisser me dévoiler tout ce qui l'embête depuis notre entrevue dans la rue plus tôt dans la fin de journée.

- Bon alors ? Qu'est-ce qui va pas Zell' ? insisté-je de nouveau.
- Tu me promets que tu ne te moqueras pas ? tente-t-il de s'assurer.
- Beuh ! Tu m'connais non ?
- Justement ! Tu peux être plutôt taquin parfois... me lance-t-il avec un léger sourire ...là, je veux que tu sois disponible et sérieux jusqu'à la fin. Promis ?
- Promis. Je t'écoute.
- J'ai plutôt des questions à te poser en réalité. Sur cette fameuse soirée à la boite. introduit-il.
- D'accord. Vas-y, je répondrai du mieux que je peux.
- Tu connais ce jeune homme depuis longtemps ? questionne-t-il d'un air soucieux.
- Qui ? répliqué-je sans me rendre compte encore de qui il était question.
- Bah, le blond chevelu là. reprend-il. Vous aviez l'air proche non ?
- AAAAAA~AH ! me rends-je compte alors. Angelo ? Noooo~on ! Ha ha ! C'était un client de la pension !

- Ah ! Tu vois, tu te moques ! regrette Zelliel.
- Mais non je ne me moque pas, ha ha ! ris-je avec délectation du moment.
- Bah qu'est-ce qui te fait rire comme ça ?
- J'étais juste loin de m'imaginer que la présence d'Angelo t'aurais fait sourciller, voilà tout.
- En tous cas, vous aviez l'air de bien vous amuser. Jusqu'à ce que vous vous éclipsiez en laissant votre collègue là... la blonde... c'est quoi son nom déjà ?
- Lana. J'ignorais que tu la connaissais déjà ? douté-je.
- Oh ! Heu... on s'est vu à la soirée d'inauguration de ta pension ! tente-t-il de justifier.
- Zelliel...
- Oui ?
- Elle n'était pas présente ce soir-là. lui révèlé-je. Elle a eu un empêchement et n'est arrivée de depuis Kalos que le weekend qui suivait.
- Ah bon ? Bizarre, je pensais l'avoir vue là-bas. dit-il en se grattant la tête maintenant.
- J'ai comme l'impression que tu en sais bien plus de ce qu'il se passe dans ma pension que tu ne veux bien l'avouer, je me trompe ?
- Pas du tout ! Je m'intéresse à ce que tu fais de là où je suis, voilà tout. assure-t-il.
- M'ouais... j'sais pas pourquoi ce détail me dérange, mais j'sens que je ne vais pas tarder à la découvrir. supposé-je. Donc oui, nous nous sommes éclipsés, Angelo et moi. Ça t'a inquiété ?
- J'étais paaaaaaa~as inquiet. Mais plutôt surpris de vous voir aussi proche aussi rapidement, surtout qu'il est arrivé dans le coin il y a p-
- JE LE SAVAIS ! TU TE RENSEIGNES SUR CE QU'IL SE PASSE DANS MA PENSION EN DOUCE ! le confonds-je.
- Hein ? Mais, heu, non ! C'est Her-
- Ouuuuuuu~uh la maligne ! Je sens qu'elle va m'entendre demain matin à mon retour. menacé-je alors dans le vide.
- C'est ma faute ! Pas celle d'Hermione. avoue Zelliel. Oui j'avoue... je prends de tes nouvelles en douce à la pension auprès de ta réceptionniste... soupire-t-il.
- Et tu pouvais pas simplement venir me voir en personne, au lieu de tourner autour du pot comme un stalker ?
- Moi ?! Un stalker ?! Jamais ! Pour qui tu me prends ? s'offusque-t-il.
- Baaaaaa~ah... pour quelqu'un qui s'intéresse de très près à son meilleur ami, et indirectement de surcroit.
- Touché. admet-il. Je ne voulais pas te déranger dans ton boulot, et j'étais pas censé non plus utiliser mes rares pauses de l'académie pour venir voir où tu en étais. C'est juste que...
- Ah ça y est nous y revoilà, le « c'est juste que » ! lèvé-je les yeux au ciel.
- Bah comme je te l'ai dit plus tôt... tu me manquais et puis...
- Et puis quoi ?! S'il te plait Zelliel, je t'ai connu plus direct comme garçon ! le brusqué-je.
- C'est dur à dire tu sais.
- Qu'est-ce qui est si dur à dire ?
- De livrer ses véritables sentiments pour quelqu'un de proche.

- Eh bien je t'écoute. Qu'est-ce que tu as de si crucial à me dire ? Parle à la fin ! m'impatienté-je.
- Je vais y venir, oulalah ! rouspète Zelliel. D'abord, je me dois de te poser quelques questions avant d'être sûr de me lancer.
- D'accord, vas-y. enchainé-je pour ne pas perdre plus de temps, et ne pas faire s'inquiéter ma mère.
- Cet Angelo et toi, vous êtes devenus proches ?
- Oui. fusillé-je vocalement.
- Y a-t-il quelque chose entre vous depuis cette fameuse soirée ?
- Oui, mais rien de spécial. lancé-je avec innocence, menteur improvisé que je suis pour tenter de lui tirer les vers du nez.
- Oh... et... il te plait ? questionne-t-il avec une légère gêne, faisant rougir l'extrémité de ses oreilles arrondies et bien proportionnées.

La voilà la question que j'attends depuis le départ. Je savais qu'il me cachait quelque chose, mais jamais ô grand jamais je n'aurais pu me douter qu'il s'agisse d'une question d'attirance pour une personne étrangère à son réseau de connaissances, et du même sexe qui plus est. J'imagine qu'il a dû falloir une sacrée dose de courage dans sa tête et dans son cœur pour oser poser cette question, surtout en sachant que je suis devenu concis et abrupte dans mes temps et mes longueurs de réponses, juste pour pouvoir le provoquer un tantinet et lui faire avouer ses projets mentaux plus tôt que prévu. Il cherche donc à savoir si oui ou non je peux éventuellement m'amouracher d'une personne qui vient tout juste de débarquer dans ma vie, d'abord en tant que client, puis désormais en tant qu'ami ; un détail qu'il ne connait pas visiblement, quand bien même il se soit arranger pour pouvoir enquêter en sous-marin à ce sujet auprès de mes collègues de la pension.

- A vrai dire, je ne me suis pas posé la question. feins-je. Mais...
- Mais ?
- Mais je peux te certifier qu'il n'y a absolument rien entre lui et moi. C'est un client qui est venu incognito enquêter sur la discothèque de la ville, car son patron est le propriétaire des lieux, ayant attribué son commandement à l'un de ses collaborateurs.
- Sérieux ? J'ignorais que la boite n'était pas à cet énergumène.
- Si tu savais ce qu'Angelo y a découvert, tu serais probablement à mille lieues de te dire que tu y retournerais un jour. rajouté-je. Mais toujours est-il qu'Angelo est devenu un ami de par cette petite escale à la boite, et qu'on s'y est bien amusé en la compagnie de Lana, que tu connais déjà donc. le taquiné-je du regard.
- M'oui... une sacrée maladroite une fois fin finie celle-là... ose-t-il plaisanter.
- Ha ha ha ! C'est ce qui fait son charme ! ricané-je instinctivement. Bref, nous sommes devenus bons amis, mais ça s'arrête-là. Pourquoi ça te préoccupe autant de savoir à qui je m'intéresse, et avec qui je pourrais avoir un lien, si soudainement ?
- Bah comme je te l'ai dit. Tu me manquais. Je me suis rendu compte que ta présence me rassurait et me rendait heureux, plus que de raison. commence-t-il à avouer à demi-mot. Et j'ai ressenti comme une angoisse, un stress, une appréhension, de te savoir aussi proche de quelqu'un d'autre en aussi peu de temps, sans que cela ne te dérange, en ma présence.
- Le fameux manque... je comprends mieux... réagis-je en connectant toutes les informations jusqu'à lors. Tu serais pas un peu jaloux par hasard ? suggèré-je en oscillant l'un des sourcils. Tu sais que tu es le seul avec qui je partage ce lien aussi fort que nous avons, pas vrai ? tenté-je de m'assurer.

- Baaaaaa~ah, c'était pas évident à jaugé ce soir-là. se permet-il de douter. Vous aviez l'air d'être en parfaite symbiose, coordonnés au niveau de l'attitude et du feeling. J'étais presque à me demander si vous n'étiez pas ensemble depuis peu, et que j'avais loupé l'information. se gratte-t-il la tête pour dissimuler cette espèce de honte l'envahir.
- Zell', Zell', Zell'. rétorqué-je sur le ton du sermon. Qu'on soit clair et net entre nous, puisque l'on peut tout se dire, pas vrai ?
- Évidemment, ça va de soi.
- Eh bien... avalé-je ma salive ensuite, reprenant ma respiration pour lui servir tout ce que j'avais alors en tête à ce moment précis de la conversation ...sache qu'Angelo et moi c'est purement amical. S'il y a bien une personne avec laquelle j'aurais pu envisager quelque chose, ça aurait pu être Lana. Elle est charmante, drôle, prévenante et surtout, très terre-à-terre et raccrochée à ses idéaux les plus profonds. Elle, oui, j'aurais compris que tu puisses te poser la question.
- Ah ? C'est vrai que je ne l'avais pas envisagé sous cet angle... se rend compte Zelliel, un peu coi de la révélation.
- Forcément, puisque je soupçonne que ton point de vue ne se soit arrêté que sur le fait que ce soit un autre homme qui m'accompagne, avec qui je rigole et que je partage un évènement de soirée assez incongru pour être tout à fait commun. justifié-je. Ce qui me surprend le plus, Zell', ajouté-je en croisant les bras, c'est que ce sentiment de jalousie soit arrivé aussi tard de ta part. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour me le dire ? Tu avais peur de ma réaction ? le mitraillé-je de question de prise de recul.
- Non ! Enfin, si, un peu. Mais c'est pas de ta réaction dont j'avais peur ! C'était plutôt la possibilité que ton chemin se soit raccroché à celui d'un autre.
- Exactement ! Et qu'aurais-tu dit ou fait si je t'avais annoncé qu'effectivement, je fréquentais quelqu'un de façon un peu plus sérieuse qu'à l'accoutumée ?
- Tu ne lâcheras pas le morceau hein ? se résigne mon meilleur ami. Tu veux m'entendre le dire n'est-ce pas ?
- Tu as tout compris mon p'tit pote ! acquiescé-je. Dis-le. Ce sentiment qui te taraude autant qu'il me perturbe en ce moment. Dis-la, cette phrase qui fait tant de sens dans ta tête et dans ton cœur, autant qu'elle me fait frissonner d'adrénaline quand je l'envisage. Formule-la, cette fameuse idée que tu te fais de notre lien privilégié toi et moi, et qui te fait prendre des décisions à la hâte pour être sûr de ne pas me perdre de vue, ni d'ouïe, ni de sentiments.


A bien reconsidérer cette partie de l'épisode, il serait légitime de se dire que je prends un peu trop la confiance pour mon propre bien. Moi aussi, je suis terrifié à l'idée d'imaginer autre chose que ce que nous partageons Zelliel et moi, et ce, depuis bientôt une bonne quinzaine d'années maintenant. Moi aussi, j'ai le souffle court quand je l'imagine me dévoiler une partie de sa nature profonde, celle qu'il cache à la plupart de ses proches si ce n'est sa famille ou encore mes parents, ainsi qu'à moi-même. Moi aussi, je rougis dès que j'envisage de l'entendre confesser ces sentiments qu'il garde enfoui par peur de me perdre dans le processus de révélation. Moi aussi, j'espérais qu'il n'ait personne d'autre dans sa vie, et être l'un des seuls et uniques privilégiés de son attention, de ses émotions, et de son attachement sentimental. Moi aussi, je n'étais pas indifférent à son charme, et ce, depuis nos années de lycée sur Parmanie, mon coéquipier de génie en salle de classe, mon supporter numéro deux - le spot de numéro étant réservé à ma mère ad vitam æternam - lors de mes rencontres sportives, cruciales pour moi et mon ambition passée de faire carrière dans le domaine. Moi aussi, je voulais lui dire ces quelques mots qui brulent mes lèvres et mon cœur à chaque fois que nous passons des moments à deux.

Mais ce soir, il sera pour une fois l'acteur principal de cette folle discussion prenant des tournures de comédie dramatique. Ce soir, ce sera lui, la star du moment, et moi, son supporter numéro un, ou deux, ou trente-six. Ce soir, sa langue se déliera et m'annoncera alors une évidence, que probablement peu de monde aura vu venir nous concernant. Lui, l'homme à femme. Moi, le gendre idéal, selon les quelques conquêtes féminines entretenues par le passé pendant ma vie d'étudiant en université puis à l'académie.