ALCHERINGA (nom propre): Le monde des rêves auquel les Périapses accèdent au cours de rituels révélateurs afin de chercher des réponses.

Comme si elle lisait dans ses pensées, Fred se tourna vers Aelius et désigna un carré de terre à l’autre bout du verger, qui était visiblement encore inexploité. « On a commencé à débroussailler un peu le coin là-bas pour commencer la semence du nouveau champ de céréales avant que la saison chaude arrive. » À ces mots, Aelius eut presque un rire nerveux. Il faisait déjà si chaud dans ce monde alternatif, et ce n’était pas encore la saison chaude ! Ciel, qu’est-ce que cela serait lorsque la véritable chaleur arriverait donc ! « Il faut encore qu’on creuse toutes les tranchées, ça va prendre du temps, mais on devrait être bons niveau timing. Et normalement, Rayan a fait les calculs, on a un débit d’eau assez élevé pour s’occuper de cette nouvelle parcelle sans aucun problème. Après, il y aura aussi le potager à étendre en déplaçant peut être les arbrisseaux qu’on avait plantés la saison dernière. » Elle désigna du doigt des plants d’arbres à baie qui étaient effectivement tout jeunes et n’avaient vraisemblablement encore jamais produit de fruits. Ils étaient correctement espacés, mais il y avait peut-être plus efficace à faire, c’était vrai. L’Orient, lui, ne connaissait pas grand chose à l’agriculture et tout le tralala, donc il laissait clairement ça aux professionnels qu’étaient Fred et Rayan dans ce monde. Il était simplement subjugué par la beauté des vergers en Alcheringa. Et bien sûr, cela lui rappelait le trésor qu’étaient les champs de fleurs de Pan en Arcadie. Il eut une image vive et colorée qui flasha devant ses yeux, celle des champs inondés. Jamais il ne se lasserait de ceux-ci, même s’il n’aimait pas trop y travailler quand il était plus jeune. Désormais, cela ne faisait plus partie de ses tâches. Il pouvait se contenter de contempler cette merveille, sans avoir à mettre la main à la pâte, car il aurait déjà beaucoup à faire dans son laboratoire.

« Rayan ! » Fred fit un signe de la main pour interpeler l’homme qui était aussi grand et aussi brun que dans le monde réel. Et ne portait pas de lunettes ! Pas d’anachronisme donc en Alcheringa. Si ça se trouve, c’était simplement le cas parce qu’il y avait précédemment pensé et son cerveau avait donc anticipé la chose… Ou bien c’était une pure coïncidence. Quant à son cou, pas d’encre non plus, il n’arborait donc pas son beau tatouage en l’honneur de la fleur de Pan. (411 mots)

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« J’ai entendu qu’il y avait eu du grabuge au campement, les renégats ? » Ce Rayan là avait l’air beaucoup plus sérieux et terre à terre que le séducteur un peu volage du monde réel, c’était étrange. Mais c’était aussi une toute première impression seulement, qui avait le mérite d’inspirer la confiance et le respect. Quelqu’un sur qui l’on pouvait se reposer pour superviser ces vergers, et donc, par extension dans le monde réel, la fleur de Pan. L’Orient ne fut pas étonné par cette conjuration de son inconscient. Il avait toujours eu confiance en Rayan, qui était lui aussi un Périapse et était à la foi très pieux, et fasciné par les miracles de la fleur de Pan. Après tout, pourquoi aurait-il eu un tatouage de la fleur de Pan autrement ? Par pure esthétique, certes, car il avait toujours eu beaucoup de style et de prestance. Mais surtout parce qu’en tant que chimiste étant surtout formé en pharmacologie, il était subjugué par les effets de cette plante, bien au-delà de tous les espoirs et rêves les plus fous de bien des médecins et autres scientifiques.

« Devine, les renégats. Un morceau de la palissade nord a été démoli, mais la reconstruction a déjà commencé et le plus gros est remis en état. Ils ont rien volé et sont même pas rentrés, Winona et Ael les ont mis en déroute en rameutant les Pokémon du campement. » Rayan eut l’air surpris un instant de la partie sur les Pokémon, aucunement du reste, et ses yeux passèrent de Fred à Ael, avant de revenir sur la rouquine, le visage impressionné. « Et vous ici, aucun problème ? » Rayan se retourna et désigna le reste du verger de la main. « Rien du tout, aussi paisible que d’habitude, comme tu peux le voir. Vous avez pas été suivis ? » Soudain, Ael fut pris de panique, réalisant que cela avait pu être le but des renégats tout du long. Leur faire peur, les intimider, pour ensuite battre en retraite pour mieux les suivre et pister jusqu’à leurs champs de ressources. Heureusement pour lui, Fred écarta toutes ces inquiétudes en secouant la tête. « Non, j’ai fait attention. » Première nouvelle. Aelius n’avait même pas réalisé que Fred gardait un œil sur les alentours pour s’assurer qu’ils n’étaient pas suivis. Elle était plus prévoyante que lui. Même si, encore une fois, rien de ceci n’était réel, tout n’était que le fruit de son imagination après avoir reniflé la poudre de fleur de Pan. (421 mots)

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Aelius rejoignit bien volontiers les autres travailleurs pour mettre les mains directement dans la tête et aider à creuser les premières tranchées sur ce qui deviendrait la nouvelle parcelle du champ de céréales. Les outils étaient très rudimentaires, et surtout, ils n’avaient pas l’air aussi solides que ceux dont il avait l’habitude dans le monde réel, aussi avait-il un peu moins confiance en eux, d’une certaine manière, et hésitait donc un peu plus lorsqu’il effectuait les différents gestes, de peur qu’ils cassent. C’était un sentiment étrange, celui de se fatiguer dans un monde pourtant totalement irréel. C’était exactement comme dans un rêve où toutes les sensations étaient parfaitement illusoires, donnant l’impression qu’il s’agissait de la réalité. Un rêve conscient, où il pouvait penser, agir, où il avait un pouvoir de décision comme dans la vraie vie. Un monde où il devait aussi s’hydrater, manger quelque chose pour se sustenter et devait prendre des pauses avant de continuer. Il finit par sentir ses muscles qui s’engourdissaient et s’arrêta un instant de plus, se posant directement au sol, là où l’herbe poussait encore car ils avaient défriché le plus gros mais n’avaient pas encore labouré, ce qui serait nécessaire pour ensuite ensemencer le sol et laisser place aux cultures de céréales.

Une idée lui vint subitement à l’esprit. Il y avait une véritable possibilité que Loren partage ce même monde des rêves. C’était même une forte probabilité compte tenu du potentiel hypostatique de la Nova et du fait qu’ils avaient réalisé le rituel ensemble. La seule inconnue dans tout cela était leur faible maîtrise du dit rituel et d’Alcheringa en lui-même. Il était possible qu’elle soit ailleurs, dans un autre monde alternatif. Cela étant dit, cela ne signifiait pas que Loren n’existait tout de même pas dans ce monde. En effet, il était possible que la Nova soit présente sous une autre forme, comme c’était le cas pour Qasar Winona. Aussi lui était-il venu l’idée de poser innocemment la question à Fred et Rayan, les deux autres comparses qu’il avait reconnus du monde réel. Si la « vraie » Loren était là, en Alcheringa avec lui, dans cette exacte manifestation du monde des rêves, alors il pourrait potentiellement la trouver et à eux deux, pourraient réfléchir ensemble aux signes jusque là obtenus. Et si elle n’était pas vraiment elle, alors il pourrait voir comment son inconscient avait conjuré la Nova, sans attendre quoi que ce soit de plus. (409 mots)

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La question sur le bout de la langue, il attendit donc sagement que Fred prenne elle aussi une pause, afin de pouvoir la lui poser. Il n’eut pas à attendre longtemps, car la rouquine finit par venir s’asseoir juste à côté de lui en le voyant se reposer momentanément, lui adressant même un sourire en se laissant lourdement tomber sur le sol à ses côtés, avec toute la grâce qui caractérisait aussi la Winifred du monde réel. Elle avait avec elle un seau d’eau et deux récipients en terre cuite qui faisaient sans doute office de verre afin de boire. « Je te jure, j’ai l’impression que l’eau d’ici est plus pure que celle qu’on fait remonter du puits au campement. Rayan me dit que je me fais des films, mais je sais pas, y’a quelque chose dans le goût de plus naturel, je sais pas trop comment dire. Te fous pas de ma gueule. » Elle changea brusquement de ton pour ajouter cette dernière partie, le regard en coin vers Aelius, alors même que l’Orient n’avait pas pipé un mot ni même exprimé quoi que ce soit sur son visage. Il se sentit tout de même obligé de lever les mains pour prouver son innocence, avant de se munir de son verre et de boire à son tour. Honnêtement, l’eau avait simplement le goût de l’eau pour lui, rien de bien particulier. D’ailleurs, même l’eau de la rivière sacrée en Arcadie avait le goût de l’eau normale pour le Périapse, qui n’y avait jamais vu une quelconque différence là où certains juraient que c’était la meilleure eau qui leur avait été donné de boire. « Je t’avoue que je vois pas la différence, mais j’ai pas le palais le plus développé non plus donc bon. » C’était visiblement la bonne réplique car Fred s’adoucit instantanément, elle qui s’était visiblement attendu aux mêmes moqueries dont elle avait apparemment été victime de la part de Rayan. « Je savais que t’étais plus sympa que Rayan. Ou au moins, plus diplomate que l’autre là. » Elle le désigna d’un pouce, les yeux plissés, mais Aelius comprit bien dans son ton qu’elle n’avait pas du tout de dent contre l’homme en question qui continuait à travailler le sol avec régularité et presque sans effort sur son visage. Aelius voulut y voir un signe qu’ils formeraient une bonne équipe tous les trois, à diriger les différents pans du futur centre de soins en Arcadie. (410 mots)

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« Dis, tu sais où est Loren ? Je l’ai pas vue au campement. » Il se prépara presque à une réaction violente ou suspicieuse de la part de Fred, son corps se tendant momentanément. En effet, si Loren n’existait pas ici, ou sous une autre forme, il n’était pas à l’abri que cette question soulève tout un tas de drapeaux rouges. Mais la jeune femme sembla totalement non affectée. Elle souleva une épaule négligemment, puis but une nouvelle gorgée de cette eau qu’elle trouvait si pure. « Bah, tu sais comment elle est. » D’une main, elle se mit à faire une myriade de gestes vagues dans les airs, sans doute pour expliciter son propos, mais cela eut l’effet de rendre Aelius complètement perdu, les sourcils froncés, les yeux plissés, la bouche remontée sur un coin. En un mot, paumé. Et Winifred ne manqua pas sa réaction, puisqu’elle se tourna vers lui et roula les yeux vers le ciel, avant de prendre une profonde inspiration, puis de reprendre calmement son explication, en adoptant un ton assez doux, comme si elle ne voulait surtout pas vexer le jeune homme. « Je sais que vous êtes super proches tous les deux, et je l’aime bien aussi hein, attention, je veux pas parler d’elle en mal. Juste, ce que je veux dire, c’est que c’est pas étonnant quoi. Que tu l’aies pas vue au campement, que personne sache où elle est… C’est tout Loren quoi. Secrète, comme d’habitude, en train de mener ses petites expéditions à droite à gauche… » Uh. C’était à la fois surprenant et pourtant… pas du tout. Un sentiment très paradoxal éprit l’Orient dont le regard bifurqua dans le vide, comme pour réfléchir plus longuement à cette réponse de la part de Winifred. Il était vrai que Loren avait toujours eu ce côté un peu renfermé, un peu secret, même avec lui. Mais il avait toujours mis ça sur le compte du jardin secret que tout le monde avait, lui y compris. Après tout, il avait mis du temps avant de cracher le morceau auprès de sa meilleure amie et de lui révéler sa conversation exacte avec Qasar Winona et les plans dont il faisait dorénavant partie pour l’avenir de l’Arcadie et ce que cela signifiait quant à son retour permanent sur l’île. Il était tout à fait normal, et même sain, que chacun ait ses petits secrets. Loren ne lui disait pas toujours tout, et il ne s’attendait pas à ce qu’elle devienne un livre ouvert du jour au lendemain. (422 mots)

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« Des petits expéditions, tu veux dire, pour Winona ? Des ordres qui lui ont été donnés ? » Cette question là eut l’effet totalement inverse de faire se retourner Fred avec de grands yeux écarquillés, la tête légèrement en avant, complètement incrédule. Visiblement, il avait tapé totalement à côté. « Loren ? Qui fait des trucs pour Winona ? Alors là, j’aimerais bien voir ça. Non, non, elle fait son truc dans son coin. » Là non plus, au fond, ce n’était pas surprenant. Loren avait toujours été la plus farouche opposante à Winona quand ils en parlaient entre eux, alors même qu’elle était sa chair, son sang, étant la petite fille de la Qasar. Mais c’était sans doute un fardeau trop lourd à porter qui faisait que la Nova se rebellait encore plus, avec plus de ferveur que les autres, contre leur chef spirituelle et temporelle. Jamais en public bien sûr, c’était impossible, impensable même. Mais de leur côté, dans leur petit cocon à Alforneira. Il n’était donc pas surpris, au fond, de la réponse de Fred. Simplement, cela l’obligeait à réfléchir à ce qu’il pensait réellement lui, s’il n’était pas influencé par la rancoeur de Loren… Serait-il aussi opposé à la Qasar si la Nova n’était pas sa meilleure amie, constamment à rouspéter après Winona et à la critiquer ? S’il était tout à fait honnête avec lui même, et c’était un peu le but d’Alcheringa, il n’appréciait pas les velléités parfois tyranniques de la Qasar, mais il lui reconnaissait une très bonne gestion de l’île, alors que pour Loren, tout était beaucoup plus à vif, plus dans la réaction et les sentiments qu’autre chose, naturellement. S’ils n’avaient pas été aussi proches, Aelius n’aurait sans doute pas ressenti autant d’animosité pour la Qasar. Il ne l’aurait pas appréciée, c’était très clair, et surtout, réciproque. C’était avant tout parce que Winona l’avait toujours traité un peu différemment — du moins, c’était l’impression qu’il avait eue depuis tout petit — qu’il avait de l’inimitié en retour pour elle.

Aelius soupira profondément. C’était peut-être là une autre potentielle réponse. Une réponse qu’il n’était pas allé chercher en Alcheringa lorsqu’il avait initié le rituel, loin de là. Mais parfois, les réponses inattendues étaient nécessaires. En l’occurrence, il lui fallait passer outre ses simples émotions vis à vis de Winona et réfléchir de manière logique et raisonnée au plan qu’elle avait mis en place. Qu’il l’aime ou pas, elle avait de bonnes idées. Le centre était un excellent projet, ni plus ni moins. (418 mots)

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Aelius devait se détacher de l’émotion, car cela ne permettait pas de prendre des décisions éclairées. Cette conversation avec la Fred d’Alcheringa l’éclairait peut-être plus encore que ce qu’il avait cru comprendre jusque là. Et la rouquine continua, après avoir elle-même soupiré longuement, visiblement un peu contrite à l’idée de contrarier l’Orient. « Je veux vraiment pas te faire de la peine Ael. Je sais que tu l’adores, et elle t’adore aussi, c’est clair. Après tout, y’a un peu qu’avec toi qu’elle interagit quand on y pense. » C’était là aussi une profonde vérité à laquelle il ne pensait pas d’ordinaire. Ils formaient un duo si fusionnel, si proche… Les autres Arcadiens ne faisaient pas le poids en comparaison, et cela les isolait, souvent. Par choix, purement par choix, pas parce que les autres ne voulaient pas les côtoyer, loin de là. Cela ne l’avait jamais fait souffrir. À vrai dire, il n’y pensait que parfois, distraitement. Mais là qu’il s’attardait sur la question, il percevait effectivement que Loren était un peu une marginale. Une Nova cependant, et donc plutôt révérée parmi les Arcadiens et surtout les Périapses qui voyaient en elle la successeur de Qasar Winona, mais peut-être en deçà des attentes à cause de son manque d’implication et surtout son manque d’interaction avec les autres autochtones ? C’était difficile à dire. Cependant, il était vrai, et c’était un constat qu’Aelius s’était parfois fait lui-même, qu’il avait un tempérament plus sociable, plus ouvert aux autres que sa meilleure amie, et qu’il communiquait, riait, jouait, s’embrouillait aussi, avec les autres Arcadiens beaucoup plus quand il voyageait seul, que quand il revenait sur l’île avec Loren.

Était-ce là une leçon à tirer ? S’avouer que son antipathie pour Winona venait surtout de Loren et était ne serait-ce qu’alimenté par la haine véritable que la Nova vouait à sa grand-mère, c’était une chose. Mais réfléchir assez loin pour en venir à presque conclure que Loren l’empêchait de véritablement se lier aux autres Arcadiens… C’était tout autre. Une conclusion qu’il se refusait à faire, et qu’il rejeta à peine fut-elle formulée dans son esprit, mettant un terme à ses réflexions dans le vague, et se reconcentrant sur la conversation avec Fred vers qui il se tourna à nouveau pour lui adresser un sourire. « T’inquiète, ça me fait pas de peine, je voulais juste savoir si tu savais où elle était, c’est tout. » Puis il se releva comme si de rien n’était pour reprendre le travail. (420 mots)

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