ALCHERINGA (nom propre): Le monde des rêves auquel les Périapses accèdent au cours de rituels révélateurs afin de chercher des réponses.

La femme avait dit quelque chose sur des renégats qui préparaient une attaque. Visiblement, l’hallucination l’avait placé dans une espèce de guerre de territoire entre ces gens et d’autres. Était-ce un village ? Une civilisation tout entière ? Pour cela, il lui fallait prendre son courage à demain et sortir de sous cette peau de… Ursaring, peut-être ? Et aller mettre des vêtements pour sortir dehors et voir de quoi il retournait véritablement. Il y avait des chances que les réponses qu’il cherche concernant son rapatriement en Arcadie et les projets de Qasar Winona se trouvent précisément dans cet affrontement imminent. Sinon, la poudre de fleur de pan n’aurait pas conjuré cette situation. C’était là le but, mais aussi le danger d’Alcheringa : chercher les significations des avatars alentours sans pour autant que cela devienne obsessionnel, au risque de louper le véritable sens de cette fabrication mentale. Il fallait garder l’œil ouvert, et, normalement, un savoir caché finirait par se laisser entrevoir, sans que l’on ait véritablement besoin d’y travailler activement. Tout ce qu’il fallait, c’était suivre son instinct, accepter ce monde irréel, et agir comme si tout était vrai. Aussi Ael souffla-t-il un grand coup avant de jeter la peau d’Ursaring par terre et de faire les quelques pas qui le séparaient du cageot contenant des habits de fortune. Une fois les habits revêtus, il observa qu’il n’était guère recouvert, mais au fond, cela ne changeait pas beaucoup de certaines tenues liturgiques en Arcadie. Ces tissus étaient beaucoup moins ostentatoires, moins agréables à porter également.

Il se rendit vite compte de la raison pour laquelle ces vêtements étaient si légers et courts. À l’extérieur, la température était élevée et, surtout, l’humidité importante. Il aurait presque pu se contenter du bas et enlever entièrement le haut mais préféra rester couvert pour le moment, observant les lieux autour de lui. Il s’agissait effectivement d’une sorte de petit village. Ou campement, difficile à dire tant les habitations étaient primitives. Peut-être ces lieux n’étaient-ils que temporaires, transitoires, entre deux vrais villages. La présence d’une palissade de fortune le fit cependant douter. Ces gens n’auraient sans doute pas pris la peine d’ériger une telle protection s’ils n’étaient ici que peu de temps. Après, il aurait pu s’agir de nomades, restant quelques semaines ou mois à un endroit avant de chercher d’autres contrées où s’établir. En tous les cas, il ne trouverait pas les réponses à ses questions en restant planté là. (409 mots)

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Autour de lui, les gens s’affairaient. Habillés comme lui, c’est-à-dire chichement, hommes, femmes et enfants se préparaient visiblement à l’affrontement, rapatriant des vivres vers ce qui semblait être le centre du village où le bâtiment avait l’air plus solide que les autres, des pierres se mêlant à la construction, et d’où s’échappait de la fumée par le toit. D’autres s’armaient de lances, mais aussi d’un arc et de flèches. Il vit également passer des seaux de pierres qui serviraient sans doute de projectiles contre les ennemis. Certains semblaient déjà en poste, à mi-hauteur des murs de bois, sur une sorte de chemin de ronde d’où ils pouvaient voir si quelqu’un approchait des murs, mais aussi se cacher pour se défendre des éventuelles armes adverses.

Aelius fut surtout frappé de voir que peu de Pokémon se trouvaient dans le campement. Hormis le Carmadura et le Malvalame de tout à l’heure, il vit uniquement quelques autres espèces comme un Goupix ou encore un Ramoloss. Et lorsque ces dits Pokémon passaient, suivant généralement un humain en particulier — l’Orient imagina qu’il s’agissait de leur dresseur — les autres humains s’écartèrent et froncèrent les sourcils, certains arborant même une expression de dégoût. Humains et Pokémon ne vivaient donc pas en harmonie en ces lieux ? C’était on ne peut plus étrange, car la symbiose entre Pokémon et humains était l’un des grands principes Arcadiens. Après tout, en y réfléchissant bien, les Pokémon de type psy étaient généralement bien plus doués pour utiliser leur potentiel hypostatique que de simples humains, personne ne pouvait en douter. Quant aux Pokémon de type feu, eh bien, leur utilité se trouvait véritablement dans les vertus purifiantes des flammes, notamment pour les corps des défunts, mais aussi pour certains rituels liturgiques.

Visiblement, dans ce monde parallèle en Alcheringa, cette dite symbiose n’existait pas, et l’Orient fut à la fois surpris et intrigué par cette dichotomie avec la réalité. Il y avait sans doute ici un premier élément clé pour répondre à ses différentes interrogations. La poudre de fleur de pan l’avait convié dans un monde où les humains semblaient méfiants à l’égard des Pokémon. Et ce monde était primitif, comme en témoignaient les constructions de fortune, et le manque cruel de confort, tout simplement. Il y avait donc peut-être ici un lien à exploiter pour obtenir une première réponse. La cohésion entre Pokémon et humains semblait de prime importance pour répondre aux interrogations du Périapse. (408 mots)

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« Ael, par ici, vers la porte sud ! » Un visage qui lui sembla familier interpella l’Orient qui suivit le mouvement et se rendit donc vers la dite porte en se mettant à courir pour suivre le rythme de son interlocuteur. « Les ennemis sont là ? » Pour bénéficier de toutes les vertus d’Alcheringa, il devait jouer le jeu au maximum, comme si l’Arcadie était véritablement en état de siège. « Pas encore, mais il y a du mouvement dans les arbres un peu plus loin. » Ils arrivèrent près de la palissade en bois, la porte ayant été fermée, bien évidemment, et l’homme aida Aelius à se hisser sur l’espèce de petit chemin de ronde. « Là, vers le rocher, tu vois ? » Entre deux troncs d’arbre, une interstice pour espionner les mouvements par-delà leurs murs. Il pointait quelque chose du doigt, et l’Orient dut plisser les yeux pour distinguer quoi que ce soit, ne sachant absolument pas ce qu’il était censé chercher du regard. Il resta silencieux, mais comprit bien vite que l’homme attendait une réponse, son regard rivé sur le visage du Périapse. Se pouvait-il… Était-il une des figures de leadership dans ce campement ? Ne sachant trop quoi faire, il émit une sorte de grognement qui aurait pu être interprété d’une manière ou d’une autre, mais cela sembla confirmer l’homme dans ses observations. « Je vais faire signe aux autres de ramener les forces ici. » Alors qu’il fit demi-tour pour descendre de son poste d’observation et prévenir les autres forces du clan, Aelius lui saisit le bras, les yeux toujours rivés vers l’extérieur. « Non. C’est peut-être une diversion. Avant de donner un quelconque signal, il faut qu’on soit sûr. » L’homme écouta attentivement et écarquilla les yeux avant de vivement hocher la tête. C’est alors que l’Orient s’aperçut qu’il était bien plus jeune qu’il n’aurait cru. La saleté sur son visage et ses vêtements, son aspect peu soigné lui vieillissaient les traits. Et lui, quel âge avait-il dans cet univers alternatif ? N’ayant aucun moyen de vérifier son reflet aux alentours, il se contenta d’inspecter d’un peu plus près son corps, et particulièrement ses mains, puis ses pieds. Ceux-ci paraissaient effectivement plus travaillés, durcis par le labeur, quel qu’il soit. Mais cela aurait très bien pu venir de la vie plus primitive et dure dans ce monde parallèle. Cependant, en prêtant un peu plus attention à sa peau et sa pilosité, il aperçut quelques tâches de soleil, une peau plus souple et moins ferme, quelques poils grisonnants. (428 mots)

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De toute évidence, Aelius était plus âgé dans ce monde et ce jeune homme se référait à lui comme à un chef. Enfin, pas nécessairement car il n’y avait pas non plus d’honorifique ou de distance véritable entre eux, du moins, l’Orient n’en avait pas l’impression. Non, c’était plus comme s’il faisait partie des gens respectés du clan. Un peu comme la Corona. Sans chercher spécifiquement de réponse et sans vouloir surinterpréter tout ce qui l’entourait, Ael venait déjà de faire plusieurs observations très riches de ses premières minutes en Alcheringa. De retour de son expérience hallucinogène, il devrait veiller à la cohésion entre humains et Pokémon et, plus encore, accepter sa future place au sein de la Corona. Et cela voulait fatalement dire vivre en Arcadie à temps plein ou presque. En quelques minutes donc, ses plus grandes interrogations avaient semble-t-il déjà trouvé une réponse.

À moins qu’il eut fallu interpréter les choses totalement à l’envers. Peut-être que sa présence en tant que figure respectée ici avait mené ce campement à la guerre et l’avait poussé dans une ère primitive d’inconfort et de saleté. Peut-être était-il trop proche et trop soucieux des Pokémon et devait-il s’en détacher complètement. Là encore, cette dernière interprétation aurait pu mener à différents chemins dans la vraie vie : laisser tomber le projet de Qasar Winona visant à maximiser le potentiel hypostatique des Pokémon, cela n’amenant que ruine et déclin. Ou bien, au contraire, embrasser ces recherches scientifiques sans s’offusquer des sacrifices Pokémon au long du chemin. Des dommages collatéraux, au nom de l’essor d’Arcadie.

Si les messages étaient nombreux, tout autant que les potentielles réponses qu’il cherchait, les interprétations l’étaient encore plus, et surtout parfois totalement contradictoires. Il lui faudrait passer plus de temps ici, pour tenter de comprendre davantage les raisons de la conjuration de monde alternatif plus qu’un autre.

« Au feu, au feu ! »

Le cri vint de derrière eux, et fut suivi de nombreux autres qui s’élevèrent pour avertir du même malheur. Au nord, à l’opposé du village, la porte nord était effectivement recouverte de flamme et en partie démolie, un énorme boulet de pierre enflammé ayant roulé un peu plus loin après avoir clairement occasionné les dégâts. « Repositionnez-vous vers le nord ! » Aelius se redressa pour indiquer les flammes et mettre tout le monde en mouvement, les sortant de leur torpeur momentanée car il fallait agir vite. (406 mots)

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Il avait donc eu raison. L’ennemi avait effectué une diversion au sud pour mieux attaquer au nord. Cependant, par acquis de conscience, il demande à deux gardes de rester sur les lieux, juste au cas où il s’agisse d’une double attaque. Le jeune homme avait qui il avait parlé récemment s’époumona pour indiquer à quiconque le pouvait de se munir d’un seau et de puiser de l’eau dans la réserve et le puits pour éteindre les flammes le plus vite possible. L’Orient se mit en mouvement et commença à se diriger vers un seau pour en faire de même lorsqu’une idée le frappa en voyant le Goupix qui suivait un humain. « Tous les Pokémon, avec moi ! »

Malgré l’urgence de la situation et la cohue, plus d’un visage se retourna les yeux écarquillés en entendant Aelius donner un tel ordre, mais tout le monde s’exécuta. Les dresseurs se joignirent au Périapse, leurs Pokémon avec eux, et d’autres Pokémon seuls, soit parce que leur dresseur n’était pas là, soit peut-être parce qu’ils n’en avaient pas, en firent de même. Il y avait dans le lot une majorité de Pokémon de type feu comme en Arcadie, et des types psy, comme le Ramoloss de tout à l’heure. « Pokémon feu, absorbez les flammes si vous le pouvez pour booster votre propre attaque. » Les dresseurs eurent des petits cris de stupéfaction et les Pokémon eux-mêmes semblèrent dubitatif, mais il suffit qu’un Goupix s’avance pour respirer les flammes proches de lui pour qu’ils se mettent tous en mouvement. Bientôt, les flammes diminuèrent en intensité et Aelius serra le poing, satisfait de pouvoir réduire les dégâts potentiels qui auraient pu arriver si un véritable incendie s’était déclaré au sein de leur campement majoritairement fait de bois.

« Ils réarment leur catapulte, à couvert ! » Alors que plusieurs habitants s’écartèrent de la porte, certains lâchant même leurs armes, l’Orient fit signe aux Pokémon et dresseurs avec lui de rester, et fut rejoint par la femme présente à son réveil, flanquée de son Carmadura et de son Malvalame. Elle lui adressa un signe de tête. « Pokémon psy, préparez-vous à intercepter le projectile en érigeant une barrière psychique ! » Là encore, les regards furent dubitatifs, mais la femme montra l’exemple en donnant l’ordre à son Carmadura de se placer devant les troupes. Le Pokémon leva les bras devant lui et ses yeux se mirent à luire d’une aura bleutée tandis que plusieurs petits cailloux et autres brindilles furent peu à peu soulevés de terre. « Tous ensemble ! » (426 mots)

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La voix de la femme était forte, autoritaire. Se pouvait-il qu’il s’agisse de Loren ? Non, elle n’aurait pas eu des traits si différents, bien qu’il y ait un air de ressemblance… Une descendante peut-être ? Ou bien… La dernière option qui se présenta au Périapse ne lui fit pas plaisir du tout. Il aurait pu s’agir de nulle autre que Qasar Winona. Une version alternative tout du moins. Ou peut-être plus jeune ? Après tout, il ne l’avait pas connue quand elle était dans la fleur de l’âge et plusieurs Ponants avaient maintes fois loué la personne qu’elle était dans sa jeunesse. Alcheringa était une monde mystique, défiant les lois du temps et de l’espace et reliant tous les Périapses entre eux, passés, présents et futurs. Certains utilisaient parfois la poudre de fleur de pan pour y voyager afin de communiquer avec les Proxima d’autrefois, certains prétendant même avoir pu s’entretenir avec les Magna…

L’Orient ne s’attarda pas plus sur ces réflexions, se concentrant davantage sur ce qui était en train de se dérouler devant lui. Comme un seul homme, dresseurs et Pokémon s’amalgamèrent autour de la femme et son Carmadura, prenant la même pose qu’eux et commençant à joindre leur force psychique à la barrière qu’érigeait le Pokémon au double type feu et psy, l’idéal leader en Arcadie.

Il y eut un bruit de détente, comme un arbre qui craque ou un énorme élastique qui cède, et un sifflement, celui du projectile qui fendit l’air en direction de la porte nord. L’armée psychique ne parvint pas à l’empêcher de démolir une autre partie de la palissade, mais elle put le stopper dans sa course avant que le boulet continue sa route et n’aille plus loin de le village pour le ravager de sa célérité et de ses flammes. Il fut suspendu dans les airs, arrêté par la barrière psychique in extremis, la sueur perlant sur les fronts des Pokémon qui luttaient pour le maintenir dans cette position. « Tenez bon ! » Alors que certains commençaient à visiblement faiblir sous le poids du projectile à maintenir, les troupes furent galvanisées par le cri de leur meneuse et, sous ses directives, reculent de quelques pas, avant de renvoyer le projectile d’où il était venu, même si la force ne fut évidemment pas la même.

Cependant, devant cette prouesse de la cohésion entre humains et Pokémon, les autres habitants ressortirent des endroits où ils s’étaient abrités pour éviter le projectile, et le clan apparut uni devant la porte nord qui finit tout de même par s’effondrer après les deux boulets qui l’avaient transpercée. (432 mots)

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Par le trou désormais béant dans la palissade, là où se trouvait auparavant la porte nord, les habitants du clan perle purent voir directement leur ennemi : des individus dissimulés sous des capes noires, utilisant le couvert des arbres de la forêt environnante pour ne pas être repérés, ou le moins possible. Et surtout, devant eux, la machine responsable pour tous ces dégâts, une catapulte de fortune qui était visiblement munie de quatre grosses roues en bois ayant facilité l’acheminement jusqu’ici. Mais surtout, deux énormes Pokémon qui étaient harnachés à la machine pour la traîner. Aelius reconnut deux Bourrinos, ces équidés qui servaient également à Paldea pour traîner des charrettes ou des équipements d’agriculture.

Les individus restaient au loin, sûrement pour ne pas s’approcher de trop près maintenant qu’ils étaient à découvert. Il était impossible d’estimer leur nombre, la densité de la forêt environnante en dissimulant beaucoup trop pour pouvoir réellement compter. Néanmoins, ceux qui étaient visibles ne bougeaient pas et semblaient adopter une posture montrant qu’ils étaient prêts à combattre. Mais personne n’avait dit qu’il fallait les combattre d’homme à homme. Alors même que certains gardes reprirent leurs lances et s’apprêtèrent à foncer vers l’ennemi, la femme leva le poing en l’air pour leur faire signe de rester où ils étaient. « Mais, Winona ! »

Le nom eut l’effet d’un électrochoc sur Aelius. Cette femme était donc Qasar Winona dans cette itération d’Alcheringa. Elle paraissait pourtant si jeune et si avenante. Loin de l’image qu’il se faisait de sa leader actuelle. Mais la poudre de fleur de pan l’avait conjurée ainsi : une jeune chef forte, puissante et respectée. Il y avait sans aucun doute là aussi un message, celui de faire confiance à la Qasar, même si l’Orient aurait toutes les difficultés du monde à oublier ses griefs contre elle. « Inutile de verser du sang si cela peut être empêché. » Elle glissa ses mots avec monotonie, mais fermeté. Certains des habitants du Clan Perle avaient été blessés, mais heureusement, il n’y avait pour le moment rien de grave. Cela cesserait s’ils en venaient à un affrontement direct, lances contres lances, poings contre poings. « Je suis Winona, élue du Clan Perle. Qui est votre chef, que nous discutions de cet affrontement inutile. »

Elle s’était avancée de quelques mètres, jusqu’à être à hauteur de la palissade endommagée. L’Orient se crispa en imaginant la présence de potentiels archers dans les arbres. Il esquissa un mouvement pour la rejoindre, mais elle tourna la tête, l’ayant apparemment senti, et lui fit un très léger signe de tête indiquant son Carmadura. (429 mots)

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