- Avec juste un arbok par contre ça va être chaud…, question nourriture. Cam’, retourne voir les gens et essaye de leur éviter la syncope face à tous nos pokémons, moi je vais chasser de la bouffe avec Opale, Juliette, Angel et Lari’.

J’appelle ma tranchodon, ma archéodong, ma dogrino et mon couafarel pour qu’ils viennent avec moi, sans laisser à Cameron l’occasion de protester et en lui confiant Améthyste tout de suite. Après m’avoir crié d’être prudent, il finit par me laisser partir. Bien sûr que je serai prudent, c’est pas comme si j’avais le choix vu la tronche de ce qui traîne dans cette vallée. Des pokémons bien trop grands, des oiseaux de feu… Même moi j’ai conscience que c’est très dangereux. Et je ne porte même pas le bracelet d’Aram, ce qui me fait grimacer et appréhender, mais il faut bien nourrir mes pokémons. Et les villageois, accessoirement. Personnellement, je n’ai pas de notion de chasse, mes pokémons en revanche… Opale et Lari’ sont très doués pour ça, je l’ai déjà constaté. Angel a un très bon flair et Juliette pourra nous aider aussi à l’aide de ses pouvoirs psychiques : on sait jamais qu’on tombe sur d’autres arboks.

En premier lieu, je décide de sortir du bosquet où se sont réfugiés les villageois pour m’avancer vers le village. Les flammes devraient être quasiment éteintes désormais, je ne risquerai rien à part respirer de la cendre. Ca ne doit pas être bien grave ! Mon objectif est de voir s’il ne reste pas des bouts de flambusard géants à récupérer, ou encore vivants qui seraient des proies faciles après avoir joué les kamikazes. En plus, ce n’est pas si loin du bosquet alors même si je suis à pied je ne devrais pas mettre plus d’une heure à faire l’aller-retour.
Ma dogrino ouvre la marche, avec plusieurs mètres d’avance sur nous. Elle garde la truffe en l’air, à l’affut des odeurs suspectes. Celle de brûlé doit la perturber, mais j’ose espérer que son flair fonctionnera quand même. Mon couafarel, lui, ferme la marche. Il est assez rapide pour bondir vers l’avant en cas de besoin. Ma archéodong et ma tranchodon se tiennent pour leur part à mes côtés Toutes deux ont les capacité d’agir à distance si besoin et veulent me protéger en cas de danger. Pour le moment, rien ne se passe, mais cette formation me rassure. Elles me rappellent qu’à côté du leur, mon corps est faible et que je ne dois pas me jeter bêtement vers le danger. Ca ne m’empêchera pas d’essayer de taper dans le tas pour les aider en cas de besoin, mais disons qu’au moins elles m’incitent à un peu de prudence. Mes proches en seraient contents.

L’ancien village n’est plus que ruines et désolations. Toutes ces structures sont parties en cendre et charbon. J’écrase du pied certaines braises encore rouges, même s’il n’y a plus rien à incendier, et tousse à cause des particules cendrées. Le feu a été dévastateur et sans pitié. Pourquoi s’obstinent-ils à bâtir des villages si c’est ce qu’il advient à chaque fois ? Ils sont stupides ou quoi ? Il y a plein de cas où l’espoir rend bête, après tout.
Angel et Lari usent de leurs flairs pour essayer de repérer des choses intéressantes parmi les débris. Sans succès. On dirait que la solution de facilité pour trouver de la nourriture ne me sera pas accessible et qu’il va falloir que j’aille ailleurs, plus loin, pour chasser. Peut-être que je devrais retourner dans les bois d’où nous venons : je saurais depuis là-bas retrouver le bosquet où se cachent les villageois. Si j’avais ma moto, on irait plus vite, mais je ne veux pas gâcher de l’essence pour ça : rejoindre les falaises, quand on le pourra, est plus important.
Je suis sur le point de m’éloigner du village en ruines quand ma archéodong émet un drôle de son. Une distorsion de ses bruits de grosse cloche habituels.

- Qu’est-ce qu’y se passe, Juliette ?

Elle se tient droite, ses bras d’acier tendus le plus possible vers les côtés. Puis, d’un seul coup, elle se laisse lourdement tomber au sol en créant une onde de choc avec ses pouvoirs psychique. Le “gong” qui en résulte résonne à travers toute la plaine et fait trembler le sol autour d’elle. Ca perturbe mes autres pokémons, même Angel qui n’est pourtant pas sensibles aux capacités de type psy. Juliette recommence une seconde fois, puis une troisième fois, jusqu’à ce que des bosses se mettent à pousser de terre… Qu’est-ce que c’est que ça ?
La réponse ne tarde pas à venir quand je vois Lari’ se jeter sur un de ces monticules, tout crocs dehors et en arracher une créature que j’identifie vite comme un taupiqueur. La créature, réduite à l’état de vermisseaux entre les dents de mon couafarel, se débat, mais ne fait pas long feu. Ma dogrino et ma tranchodon comprennent l’idée et font de même avec les autres taupiquières que Juliette a permi de faire remonter à la surface. Bientôt, je me retrouve avec une dizaine de petites proies chassées par mes compagnons.

Ces taupiqueurs ont une taille normale. D’un côté, c’est rassurant de savoir que tous les pokémons du coin ne sont pas monstrueusement grands, d’un autre, ça ne fait pas beaucoup de nourriture. Ils rentrent même tous dans la place restante de mon sac à dos. Je songe qu’ils vont me mettre du sang partout, mais oublie vite cette problématique car il y a plus important à penser pour le moment.

- Beau travail d’équipe en tout cas !, je félicite mes pokémons avant de vraiment reprendre ma route.

Après réflexion, je décide de me diriger de l’autre côté du reste du village. Avec les flammes et la fumée, Cameron et moi n’avons pas pu bien voir ce qu’il s’y trouvait, même depuis le haut de la colline. En plus, si je continue tout droit, je n’aurai pas de mal à retrouver mon chemin. Mes pokémons ont repris leur formation et me font me sentir en sécurité, même si j’imagine qu’il peut y avoir d’autres taupiqueurs sous terre qui ne doivent pas apprécier le massacre de leurs copains. Je jette un oeil à Juliette pour me rassurer : si elle a été capable de les sentir alors qu’ils n’étaient pas agressifs, elle sera capable de nous prévenir et nous protéger.
Les restes de structures en bois cessent bien vite, le village était vraiment petit. A l’autre bout, je remarque un chemin qui s’est dessiné dans l’herbe à force d’être piétiné par les passages humains et en conclu qu’il y a quelque chose au bout. Si ça va jusqu’à un endroit qui a été épargné par l’incendie, alors peut-être que je trouverai des choses utiles. Je décide qu’il s’agit de ma destination et m’engage d’un bon pas le long du chemin.

Il me mène jusqu’à un nouveau bosquet, ce qui me fait me questionner sérieusement sur l’emplacement de ce village. Les gars ils se font plusieurs fois attaquer par des pokémons surpuissants et ils décident de bâtir leur chez-eux à la vue de tous ? Pile là où il n’y a pas d’arbre pour les dissimuler ? Ils doivent être vraiment bêtes… Ou alors quelque chose les contraint à le faire. Moi, je ne suis pas capable de comprendre quoi, mais peut-être que lorsque nous aurons plus d’éléments Cameron sera apte à tirer quelques conclusions. Ou alors ils sont juste débiles, c’est possible aussi. Je ne pense pas que tout a de grandes raisons dans le monde ou les comportements des gens, après tout.

Après m’être enfoncé un peu plus dans le bosquet, je me mets à entendre un bruit d’eau. Il y en a qui coule, pas loin. Ce chemin menait donc à la rivière, pour récupérer de l’eau… C’est logique, après tout. S’installer à côté d’une source d’eau, pour vivre, ça doit être indispensable - et me fait me demander pourquoi le peuple d’Aram, à l’origine, s’est installé là où il n’y en a pas. Par contre, c’est pas une bonne nouvelle dans ma quête pour trouver quelque chose d’utile. Je vois pas ce qu’il peut y avoir de très intéressant de laissé ici, dans un endroit qui doit aussi attirer des pokémons sauvages. Enfin, ça ne m’empêche pas de continuer à avancer.
En apercevant le cours d’eau, Angel se jette dedans. Elle saute de la berge et fait une bombe avant de se mettre à nager et japper joyeusement. La concentration est partie quelque part loin, très loin, mais bon, elle est super mignonne quand elle est comme ça alors je lui pardonne tout. Lari’, plus digne, se contente de poser les deux pattes avant dedans et boire. Opale reste sur la berge, et Juliette n’en a rien à cirer de l’eau.

Le chemin s’arrête au niveau de la berge et, comme je le craignais, il n’a pas l’air d’y avoir quoi que ce soit d’intéressant ici…

Je m'assois un moment au bord de l’eau. Ici aussi, des cendres tombent du ciel, mais au moins les branches d’arbres me protègent un peu. C’est agréable, de prendre le temps de se poser. Avec tout ce qu’il s’est passé, je n’ai pas vraiment eu le temps de mettre de l’ordre dans… Dans je ne sais quoi, en fait. Alors je vais juste profiter d’un moment de répit sans une tierce personne pour poser des questions et théories, sans membre d’un peuple où on ne comprend rien à ce qu’ils disent et avec des coutumes qui me mettent mal à l’aise, et sans pokémon sauvage géant menaçant qui risque de m’attaquer. J’aurais presque envie de m’allonger dans l’herbe, si je n’avais pas conscience que, malgré tout, je reste dans un lieu hostile. Il faut que je puisse me relever rapidement pour m’enfuir si besoin, même si je n’ai pas trop peur non plus à cause de la présence de mes pokémons. Opale, ma tranchodon, vient se mettre debout juste à côté de moi, en alerte, comme pour me prouver que j’ai raison et que je peux me permettre de me détendre.
Alors, je me mets à penser à Rubis, encore. Mais cette fois, d’autres pensées s’y ajoutent, comme si la situation me laissait de la place pour d’autres choses. Je pense à ma vie hors de cette vallée, à mes proches surtout. L’idée de ne jamais les revoir, surtout Aram et Rose, est insupportable. Je refuse de l’admettre pour le moment, car je dois faire confiance à Cameron. Avec lui, nous trouverons un moyen de rentrer chez nous, même si ce n’est pas par un moyen digne d’un film Disney comme il l’imagine. Je ferai tout pour ça, pour retourner auprès d’eux, avec Rubis.
J’ai le réflexe de sortir mon téléphone portable pour regarder l’heure, et suis surpris de voir qu’il est sensé être déjà vingt-deux heures passées. C’est vrai que nous étions à la plaine en fin d’après-midi, avec Cameron. Ici, le soleil est encore haut dans le ciel. Soit arriver ici nous a aussi fait subir un décalage temporel, soit la nuit ne fonctionne pas de la même manière. Ou les journées. Ca arrive, dans les films de science-fiction, que le temps ne fonctionne pas de la même manière dans les mondes imaginaires. Sauf qu’ici, ça n’a rien d’imaginaire. Je pousse un soupir. En fait, ce n’est pas une si bonne idée que ça que de me poser pour réfléchir.

Je me relève et marche un peu le long de la rive, en compagnie de mes pokémons. A un moment, ma dogrino sort de l’eau et vient s’ébrouer à côté de nous. Je ne cherche même plus à l’esquiver, tant il est sûr et certain, à chaque fois, qu’elle va m’éclabousser. C’est comme si elle le faisait exprès ! Ce qui m’inquiète, par contre, c’est que comme elle est trempée elle va se mettre à puer le dogrino mouillé et je n’ai rien pour la laver de cette eau vaseuse. Comme on est en plein air, et qu’on va le rester a priori, ça devrait aller.

Je me rends vite compte avoir bien fait de continuer à marcher le long de la rivière, car je tombe sur du matériel de pêche. Des cannes sont là, grossièrement dissimulées sous des branches découpées et autres planches de bois. Les outils sont rudimentaires, un bâton avec une sorte de liane et un crochet improvisé au bout. Ma seule expérience de pêche, c’est avec Aram et du matériel bien plus sophistiqué, et même là ce n’était pas glorieux pour moi alors je ne vois pas ce que je pourrais faire de ces trucs. En fouillant, je finis par trouver ce qui ressemble à un filet. C’est accroché sur une armature en bois et grossièrement tissé avec des plantes. Ca ne chopera pas de petits poissons, mais me paraît déjà plus viable que de tenter les cannes. Si ce truc est là, c’est que ça a été utilisé dans la rivière, alors ça ne coûte rien de tenter le coup. Par contre, restera-t-il quelque chose là-dedans ? Parce qu’avec Angel qu’a fait la folle dans l’eau, elle a dû effrayer tout le monde. Et puis comment je m’en sers, de toute façon ? Je vais pas aller me mettre dans l’eau alors que je n’ai pas de vêtements de rechange, surtout que je n’ai aucune idée de la profondeur et des pokémons qui la peuplent. Autant je me fais bouffer le mollet si j’ai le malheur d’y aller. Comment s’y prenaient les habitants ?... C’est con, je peux même pas retourner leur demander puisque je ne vais rien y comprendre.

J’ai l’idée de demander à Opale de se servir du filet dans l’eau pour moi : d’ici à ce que quoi que ce soit arrive à lui gnaquer les mollets, on a de la marge, c’est une tranchodon forte et résistante ! Après lui avoir mimé comment se servir de l’outil, je la laisse aller dans l’eau et regarde ce qu’il se passe. Comme je m’en doutais, elle est plus confuse qu’autre chose. Je suis sur le point de lui dire de laisser tomber quand je la vois se pencher en avant, voir carrément se jeter dans l’eau, toutes dents dehors, pour attraper quelque chose. Quand elle se redresse, elle tient entre ses dents un pokémon poisson que je ne connais pas. Il est plutôt marron, avec comme un masque de pierre sur le visage. Ca ressemble à un relicanth, je crois, mais sans être exactement la même chose. Trop bizarre. Surtout que les relicanths n’ont rien à faire dans des rivières. C’est des pokémons des abysses, non ? Ceux qu’on voit dans les documentaires, dans des cadres tout sombres et qui sont filmés comme s’ils étaient super moches exprès.
Opale serre les dents d’un coup sec, enfonce ses crocs dans le corps du poisson qui se débat encore quelques secondes avant de mourir. Il a une assez bonne taille, ça finira de remplir mon sac. Je ne sais pas si on aura assez de nourriture pour les gens et les pokémons, mais ce sera toujours mieux que rien. Au pire, mon trajet n’a pas été si long alors je pourrai tenter d’aller trouver de quoi manger ailleurs, encore, avant la tombée de la nuit. Si tant est que la nuit tombe, car je ne suis toujours pas plus avancée concernant la notion du temps.

Je presse le pas lorsque je repasse par le village dévasté. Si je m’y suis attardé avant, cette fois ça me met un peu mal à l’aise. Aussi, je n’ai pas envie de risquer d’attirer des pokémons sauvages avec le fruit de la chasse de mes pokémons. Bientôt, je suis de retour dans le bosquet où se cachent les villageois et Cameron. Quand j’arrive, ils ont fini de dépecer l’arbok. Ils m’adressent un geste et poussent un cri que j’imagine être des saluts quand ils me voient. Mon collègue et le vieil homme qui nous a accueilli tout à l’heure nous rejoignent vite et je leur montre ce que je ramène. C’est pas beau à voir, mais c’est de la viande. Cameron devient un peu blême, mais les villageois, eux, sont très contents.

- Désolé, j’ai pas l’habitude de voir ça. Le cadavre de l’arbok était moins dégueu, je hausse les épaules, car je me fous un peu de ce qu’il pense de la future viande. Ton sac doit être plein de sang maintenant, comment on va nettoyer ça ?
- On s’en fiche un peu, non ?

Après avoir pris quelques secondes de réflexion, Cameron finit par hocher la tête, même s’il continue d’examiner le contenu de mon sac comme s’il allait magiquement faire apparaître une machine à laver ou d’autres outils qui permettraient de le rendre moins sale. De mon côté, je suis tenté d’aller voir comment les villageois préparent le poisson pour voir si ça ressemble à ce que m’a appris Aram, mais préfère rester à proximité de mes pokémons. Même si Cameron a l’air d’avoir fait son taf et que les autres personnes ne sont pas tant effrayées par leur présence, ils n’ont pas l’air rassurés non plus. Il ne faut que quelques minutes pour que mon collègue me rejoigne. Il a la main au menton, encore en train de réfléchir, et jette de nombreux coups d’oeils en direction de ceux qui sont en train de préparer les pokémons que j’ai ramené pour que nous ayons tous à manger.

- S’ils sont sans défense face aux pokémons, tu trouves pas ça bizarre qu’ils sachent les préparer ?
- Maintenant que tu le dis… Mais bon en même temps y a pas l’air d’y avoir grand chose d’autre à bouffer dans le coin.
- Ca reste bizarre… Je me demande s’ils ont toujours vécu ici. Tu vas me dire, s’ils sont prisonniers comme je le suppose, ça ne doit pas être le cas. C’est bien que tu ais ramené plus de nourriture en tout cas, car dans le doute je propose que nous ne mangions pas de l’arbok, je hausse un sourcil, ne comprenant pas ce qu’il veut dire par là. C’est un pokémon de type poison, je pense que ça ne se mange pas comme ça, il doit falloir une certaine préparation…
- Attends t’es en train de dire qu’ils vont peut-être tous s’empoisonner là ?
- J’essaye de ne pas y penser, mais oui, peut-être.
- Et t’as rien dit ? Tu les as pas empêché ?
- Pour tout te dire…, Cameron a l’air un peu honteux. J’y ai pensé il y a dix minutes. Et je ne vois pas comment on pourrait leur expliquer…

Donc maintenant il ne nous reste plus qu’à espérer que tous les villageois restants ne s’empoisonnent pas à cause de nous.
Super.

Le repas passe, ainsi qu’une autre heure et demi, et tous les villageois sont encore en bonne santé. Cameron et moi sommes soulagés qu’aucune catastrophe ne soit arrivée. La lune est haut dans le ciel, il fait nuit noire. Je n’ai toujours aucune idée de l’heure qu’il est, mais c’est rassurant de voir que le cycle jour-nuit est bien présent. D’ailleurs, c’est une question que mon collègue partageait, puisqu’il me l’a fait remarquer lorsque le ciel a commencé à s’assombrir. Il note d’ailleurs que la nuit est tombée assez rapidement, ce à quoi je n’ai pas fait attention.
Sans lumière, nous ne voyons plus grand chose dans les bois, ce qui pousse les villageois à aller se coucher. Le vieil homme nous prend cependant en aparté et, avec beaucoup de difficulté, nous comprenons qu’il se demande si nos pokémons sauvages pourraient monter la garde. Cameron accepte immédiatement, sans me consulter, se justifiant ensuite de la fatigue qu’ils doivent tous ressentir après avoir vu leu village partir en cendre et plusieurs des leurs mourir dans les flammes. De toute façon, ce n’est pas comme si j’avais une objection. Certains de mes pokémons auraient de toute façon monté la garde pour qu’on puisse essayer de se reposer, mon collègue et moi. Je dis “se reposer”, car je n’espère pas dormir. Me connaissant, même si je finis par fermer les yeux, je vais directement être tourmenté par des cauchemars qui vont me réveiller. Surtout que, là, j’ai quand même plein de bonnes raisons d’en faire, des cauchemars.

Les gens se couchent à même le sol, puisqu’ils n’ont rien. Cameron se cale contre Keldeo et son draco pour un semblant de confort et un vrai sentiment de protection. De mon côté, c’est ma dogrino qui se couche sur le flanc et me sert vaguement d’oreiller, maintenant qu’elle est sèche, et ma mentali et mon voltali qui se mettent en boule contre mon torse pour servir de bouillottes. Je les serre contre moi, ne pouvant oublier que ma source principale de chaleur, en temps normal, ce serait mon dracaufeu. L’inactivité de la nuit focalise presque toutes mes pensées vers lui, et je subis le temps qui passe en m’inquiétant pour ce qu’il lui est arrivé. Parfois, mes pensées vagabondent vers mes proches, surtout Aram et Rose, car je me demande si je vais les revoir un jour. Ces pensées là, c’est plus simple de les chasser : Cameron doit encore mener son enquête et, tant qu’il ne l’a pas fait, tout est encore possible.
Pour le moment, je dois encore me convaincre d’avoir de l’espoir, car il est tout à fait possible d’en avoir.

Le temps passe et je n’ai rien d’autre à faire que de regarder l’obscurité de la forêt. Comme je le pensais, impossible de trouver le sommeil. Au mieux, je somnole un peu, ce qui a le mérite de faire passer la nuit un peu plus vite. Le soucis, c’est que je me suis aussi trouvé de nouvelles angoisses. Car je n’aime toujours pas compter à ce point sur des personnes dont je ne suis pa ssi proche. Si c’était Aram, Rose, Tarja ou la mère de ma meilleure amie, sûrement que je serais plus tranquille, mais Cameron… D’accord nous sommes plus ou moins potes, et je sais que c’est quelqu’un de fiable, mais ce n’est pas pareil. Compter à ce point sur lui me donne l’impression de perdre le contrôle sur quelque chose d’important. Ce qui n’est pas le cas, vu que je ne perds rien : je n’ai pas du tout de contrôle au départ de toute façon. Sans lui, je n’en serais sûrement même pas là, je me serais isolé des villageois malgré les capacités de ma mushana. Je serais parti je ne sais où avec ma moto, peut-être vers la falaise et j’aurais… Je ne sais pas, car je ne sais pas à quoi ça ressemble de toute façon.
J’ai hâte d’être au lendemain matin, vraiment hâte, pour qu’on puisse avancer. S’il ne faisait pas aussi sombre, si les environs n’étaient pas aussi dangereux, j’aurais eu envie de partir tout seul pour déjà commencer, ce soir. Seulement, même moi je ne suis pas si inconscient que ça. Ca se passe bien pour le moment, mais on sait jamais, des pokémons géants bien plus menaçants que des arboks ou des flambusards pourraient me tomber sur la gueule. Mes proches me disent souvent d’être plus prudent, et bien voilà où elle en est, ma prudence.

Un peu plus tard, n’y tenant plus, je réveille ma mentali pour lui demander d’utiliser ses pouvoirs psychiques et me faire dormir. Ce n’est pas un véritable sommeil réparateur, mais au moins le temps passera plus vite. Ma pokémon hésite un instant avant de se résoudre avec un hochement de tête. La perle sur son front s’illumine alors qu’elle me fixe dans les yeux. Je sens les ondes psychiques entrer dans ma tête, m’apaiser immédiatement et mes yeux se fermer sans que je puisse lutter. Dans mes derniers instants de conscience, je m’apprête à accueillir le monde des cauchemars, qui va s’immiscer dans mes pensées, je le sais, tout en espérant qu’ils ne seront pas assez forts pour effacer l’effet des pouvoirs psychiques de Kunzite.