Celui qui accueille notre groupe est un vieil homme usé par la vie et les événements, comme en témoignent son visage et ses bras nus. Ces derniers sont recouverts de cicatrices diverses, son visage a été fortement griffé plusieurs fois, et une partie de sa peau ressemble à celle de grands brûlés qui n’ont pas été soignés correctement. L’une de ses mains est entourée de bandages du même acabit que ceux qui entourent le bras de l’enfant. Il accueil la femme et le petit garçon avec des sons que j’associe à du soulagement, il y a quelque chose dans le ton de leur voix qui me fait dire ça. Ils ont aussi l’air heureux de se retrouver.
Le vieil homme se tourne ensuite vers Cameron est moi. Il nous considère, ainsi que la moto et le cadavre d’arbok que je transporte dessus. La femme et l’enfant se lancent dans des explications dans leur langue. J’ose espérer qu’elle est en train de leur raconter des bonnes choses sur nous, comme par exemple qu’on a retrouvé le gamin et qu’on les a sauvés d’une attaque de pokémons sauvages. A un moment, ils se mettent à pointer nos pokémons, Keldeo et Améthyste et se lancent dans un nouveau discours. Le vieil homme écarquille les yeux, surpris.

- Je crois qu’ils n’ont pas l’habitude des pokémons domestiques, commente Cameron. J’espère qu’il a raison, sinon je pourrais m’inquiéter pour nos compagnons.

Une fois les explications terminées, le vieillard s’approche de nous pour baraguiner des paroles qui nous sont incompréhensible et il commence à se prosterner. Encore. J’en peux vraiment plus de cette habitude : y a rien qui mérite qu’on se prosterne devant moi. Cameron peut-être, il a fait des trucs incroyables dans sa vie, mais moi non. Je suis juste un abruti malchanceux, ce qui explique que je doive me sortir de situation complexes. Aucun mérite de mon côté. Peu de sens de l’initiative également. Bref, je suis sur le point d’aller ramasser le vieux pour lui demander de se relever, mais Cameron m’arrête. Il a un sourire forcé sur le visage et m’indique de faire la même chose.

- Non.
- Tu risques de l’offenser.
- M’en fous, je sais plus ce que ça veut dire.
- Pourtant vu ton sale caractère tu devrais connaître, je ne relève pas la pique, attendant ses explications. Si se prosterner fait partie de leurs coutumes pour marquer la gratitude ou autre sentiment de respect ou positif, l’en empêcher va nous faire passer pour des gros cons. On risque de le blesser, lui être désagréable ou n’importe quoi d’autre qu’on a pas envie d’être face à ce qui est peut-être un membre du seul groupe humain ici.

Je me renfrogne avant de soupirer. Tout ça, je le sais, même si j’ai pas tous les mots ou langages techniques pour le dire. C’est vrai que cette coutume, si c’en est une, me met vraiment mal à l’aise, mais je devrais être capable de passer outre. Je crois que c’est le stress. Le stress et l’angoisse. Le mode survie fonctionne bien pour l’oublier, mais ça se manifeste tout de même par des moyens détourner. Et, tout à l’heure, Cameron a parlé de mon dracaufeu. Rubis… Où il est putain ? Qu’est-ce qui lui est arrivé ? Pitié qu’il aille bien. Non, ça c’est sûrement dans mes rêves les plus fous. Juste… Qu’il soit vivant. Qu’il soit en vie, quelque part ici, et que je puisse le retrouver.

Une fois que le vieil homme s’est relevé, il s’approche d’abord de Keldeo. Ce dernier bombe le torse, en pokémon digne, et laisse le vieillard lui toucher la crinière puis la corne. Ce dernier a l’air fasciné par ce qui est en train de lui arriver, sa lèvre en tremble, tout comme le reste de son corps. La femme et l’enfant le regardent faire avec des yeux ronds, comme si ces gestes étaient exceptionnels. Cameron doit avoir raison : ils n’ont pas l’habitude des pokémons domestiques. Entre ça et leur réaction face à ma moto, je me demande vraiment où nous avons atterri. Existe-t-il encore un peuple, quelque part, qui n’a pas domestiqué les pokémons ? Ou qui ne connaît pas cette pratique ? Il faudra que je pose la question à mon collègue un peu plus tard, il sera peut-être plus au courant que moi.
Après son interaction avec Keldeo, le vieil homme se tourne vers ma mushana. Elle a toujours les yeux ouverts, mais a l’air plus apaisée. Avant d’accepter de se faire toucher, elle se tourne vers moi pour que je la rassure. Honnêtement, je n’ai aucune idée de si je peux faire confiance à ce vieillard ou non, mais je ne veux pas l’offenser comme me l’a expliqué Cameron. Si ça peut nous permettre d’obtenir de quoi survivre ici ou des informations supplémentaires sur notre situation, il faut bien le laisser faire. J’indique donc à Améthyste qu’elle peut se laisser faire et le bout des doigts du vieil homme finit pas toucher la surface de son corps arrondi et lisse. Et là, il se passe quelque chose d’étrange. Il écarquille les yeux avant de les fermer. Ses poils se hérissent et je vois des vibrations d’air autour de ma mushana.

L’homme finit par retirer sa main et retrouver un état normal. Il nous regarde progressivement, moi et Cameron, sous le choc. J’ignore ce qu’Améthyste lui a montré alors je la touche à mon tour, pour essayer d’établir un contact. Elle comprend ce que je cherche à faire et initie une connexion psychique entre elle et moi. Je n’ai pas besoin de fermer les yeux pour voir ce qu’elle veut me montrer.
Dans mon esprit défilent les images de l’histoire récente de leur village. Des huttes plus que rudimentaires, parfois quelques cabanes à l’air branlant. Comme si ce peuple avait du mal à construire. Les humains qui y vivent sont déjà aussi maigres que ceux que l’on a rencontré, ils ont cependant le sourire aux lèvres. Améthyste me transmet un sentiment d’espoir venant d’eux. Jusqu’à l’arrivée des prédateurs. Je voix des flambusards à la taille démesurée surplomber le village, sortant du ciel. Presque de nulle part. Comme s’ils vivaient de l’autre côté des nuages plutôt que dans les arbres. Comme les arboks, ils sont exceptionnellement grands, plus grand que tous les pokémons oiseaux que je connais, bien plus grands. Leurs ailes s’enflamment alors qu’ils volent au-dessus du village, comme des rapaces, avant de cracher leurs flammes sur les habitations rudimentaires et leurs habitants. Les hurlements s’élèvent, me résonnent dans les oreilles. Les flambusard vont jusqu’à s’écraser eux-mêmes, transformées en boules de flammes, sur le village, emportant constructions et humains sur leurs passages. Le vieil homme, dot je suis témoin du point de vue, se démène pour que le plus de personnes possible s’enfuie. Son coeur se déchire car il doit en abandonner. Il n’y a plus que les flammes et la fuite, accompagnées des sentiments de panique et de lassitude. Améthyste me transmet la répétition et le désespoir. Puis, tout s’arrête Elle a terminé de me conter ce qu’elle a lu dans ce vieil homme.

Les survivants du village se sont rassemblés dans un bosquet, à l’abri des regards et, ils l’espèrent sûrement, à l’abri des oiseaux de feu. Ils sont seulement une dizaine, quasiment tous blessés, chacun arborant le désespoir sur son visage. Le petit garçon que nous avons trouvé est le seul enfant. Il y a deux adolescentes, le reste ne sont que des adultes. Ils n’ont pas l’air de dépasser les quarante ans, le vieil homme qui nous a accueilli est le seul dans sa tranche d’âge. Ils n’ont quasiment pas d’affaire avec eux, tout est rassemblé dans un tas qui ne ressemble pas à grand chose. Es-ce qu’ils espèrent rebâtir quelque chose avec ça ? Je ne vois pas comment ils pourront faire. Enfin, ils doivent avoir leurs méthodes, puisque ce n’est pas la première fois que ça leur arrive.
Depuis qu’Améthyste m’a donné la vision de l’histoire de leur village, je suis silencieux. Difficile de me remettre de la vague de désespoir et d’injustice qui m’a traversé, transmise par le vieil homme, lors du défilé de ses souvenirs. Cameron a bien essayé de m’interroger, mais je n’ai pas pu lui répondre. A chaque fois que je voulais former des mots, je sentais aussi les larmes monter. Il est hors de question que je me mette à pleurer pour des émotions qui ne sont même pas les miennes, alors il attendra que ça passe.

Le groupe de survivants est intrigué par ma moto, comme les autres personnes que nous avons rencontrées jusqu’ici. Le petit garçon leur donne des explications, dans lesquelles se retrouve le fameux “vroum-vroum” que personne ne semble comprendre. Ils s’intéressent également au corps d’arbok que je transporte. L’explication qui leur est donné par ceux qui savent semble les subjuguer et ils sont à deux doigts de tous se prosterner également. Heureusement, ils ne le font pas, se contentant de courbettes qui sont déjà bien assez gênantes comme ça.
Cameron prend les devant pour tenter de leur expliquer, à l’aide de gestes divers, que notre but est de manger ce pokémon si jamais ils n’ont pas d’autre chose pour qu’on se nourrisse tous. Heureusement pour nous, le geste de mettre des choses dans sa bouche est assez universel. L’idée est accueillie avec enthousiasme et deux hommes prennent l’initative de débarasser la carcasse pour commencer à le dépecer et le préparer. La technique m’intéresse un peu, mais mon collègue décide qu’il est temps de me prendre à part pour qu’on ait un discussion. Je savais que je n’allais pas y couper, mais, naïvement, j’espérais que ça arriverait plus tardivement.

- Il y a deux choses dont on doit parler : premièrement ce qu’il s’est passé avec ta mushana, et deuxièmement élucider le mystère qui fait qu’elle soit en-dehors de sa pokéball.

Nos pokémons sont venus avec nous, comme s’ils souhaitaient nous écouter. Le problème, c’est que je suis absolument incapable de répondre à la première question avec des mots, car je n’en connais pas d’assez puissants pour décrire le ressenti qui m’a été transmis. Alors, à la place, je demande à ma mushana de donner la même vision à Cameron. Ca me donne l’impression de fuir une responsabilité, mais en même temps je suis convaincu que ce sera plus efficace que toutes les phrases que je pourrais essayer de formuler.

Le visage de Cameron se ferme tandis qu’il reçoit les informations données par ma mushana. J’ai beaucoup de mal à interpréter son expression, toujours aussi marqué que je suis par les émotions qui m’ont été transmises. Car ce ne sont vraiment pas tant les images qui me restent, des drames on en voit beaucoup, et je crois qu’à moins que cela arrive à un proche j’y suis assez désensibilisé .Par contre, ressentir les choses avec une intensité proche de la personne qui les a vécues, c’est quelque chose d’inhabituel. Je ne me sens pas proche du vieil homme pour autant, sur un plan personnel, mais je ne peux pas nier qu’il y a bel et bien quelque chose qui reste en moi de son histoire.
Lorsque le contact entre Améthyste et Cameron cesse, il reste pensif. Ca dure quelques instants, jusqu’à ce qu’il se mette à marmonner trop bas pour que je puisse l’entendre. J’espère un temps qu’il va me donner des explications claires, mais puisqu’il reste dans ses propres réflexions, je finis par l'interpeller. C’est frustrant ! Déjà il n’a pas l’air d’être touché émotionnellement et en plus il me laisse dans le flou de ses conclusions. D’accord d’habitude je n’aime pas les longs exposés comme ceux que fait Célestin, mais cette situation est assez exceptionnelle pour que ça m’intéresse.

- Pardon, c’est juste que je trouve ça très intéressant… D’un point de vue scientifique, si je peux le dire ainsi, il voit que je tire une drôle de tête et se corrige vite : Bien sûr ce qui arrive à ces gens est horrible ! Je… Je réfléchis intensément aussi pour ne pas songer à ce qu’a ressenti le vieil homme. Mais c’est aussi très intéressant pour comprendre le contexte dans lequel nous avons atterri.
- Si tu parles des pokémons géants chelous, on est deux à avoir compris, il secoue la tête. Quoi alors ?
- Le schéma de répétition et ce que nous savons du terrain, allez c’est bon je vais rien compendre encore… Non. Je dois me concentrer. Je dois comprendre, c’est important ! Si ce n’est pas la première fois que ce peuple se fait attaquer ainsi par des pokémons feu et que leur village est systématiquement brûlé, pourquoi continuent-ils d’en bâtir ? Et dans des lieux dégagés en plus, où ils sont à la vue de leurs prédateurs ? Ce n’est pas logique. La forêt n’est pas forcément sécurisée, comme nous l’avons vu avec des arboks, mais il pourrait y avoir d’autres options. Ils sont également démunis face aux pokémons : dans les visions je n’ai vu aucune arme ou tentative de se défendre. La mère et l’enfant étaient terrifiés face à l’arbok et le vieil homme nous a accueilli comme des héros… D’accord nous avions récupéré l’enfant, mais surtout il n’arrêtait pas de regarder l’arbok. Je crois que nous avons fait une chose dont ils sont incapables. D’une manière ou d’une autre, ces gens ne doivent pas pouvoir se défendre contre les pokémons sauvages.
- Bah vu comme les pokémons sont gros et sans pokéballs…
- Nous n’avons pas attendu les pokéballs pour domestiquer des pokémons, même certaines espèces massives ou a priori agressives. Les slogans qui prônent l’amitié et la collaboration entre humains et pokémons viennent de notre histoire, ce n’est pas qu’une stratégie marketting, je le saurais sûrement, si j’avais étudié à l’école.
- D’accord pour les pokémons, et le terrain du coup ?
- Je soupçonne que ces gens soient prisonniers.

Prisonniers ? Qu’est-ce qu’il veut dire par là ? Je regarde autour de nous pour être sûr de n’avoir rien raté, mais ne remarque rien qui puisse faire penser à une barrière ou indiquer que nous sommes dans une sorte de cage géante. Je puise même dans mes souvenirs de films de science-fiction pour essayer de voir des éléments surnaturels sans que rien ne vienne non plus.

- Tu te souviens de ce qu’on a vu quand on était au-dessus de la colline ?
- Une grande vallée ?
- Pas ça !, il soupire, agacé par ma bêtise. Les falaises, Illia ! Il y en avait partout, tout autour, comme si nous étions sur un bout de terre qui se serait détaché et était tombé plus bas que le reste. Je te parie ce que tu veux qu’il est impossible d’escalader ces falaises.
- Ok, le pop-corn au ciné.
- ... Quoi ?
- On parie le pop-corn au prochain ciné. Celui qui perd paye pour l’autre.
- J’aime pas le pop-corn, justement, c’est tout l’intérêt de la manœuvre. Mais on s’en fout de ton pop-corn, en fait ! Je te sors une théorie super intéressante et qui implique des trucs fous et toi tout ce que tu trouves à faire c’est me parler de pop-corn ?!

Je détourne le regard, ne sachant pas trop quoi répondre. Ce qu’il y a, c’est que ce qu’il raconte est trop pour moi. Car je sais qu’il doit y avoir du vrai dans ce qu’il raconte, c’est Cameron après tout, un expert pour analyser et étudier ce genre de choses. Mais c’est vertigineux, et ça implique que nous sommes nous aussi prisonniers sans aucune chance de nous échapper de cette cuvette pleine de pokémons sauvages hyper dangereux et avec pour seuls alliés les quelques membres d’un groupe famélique et mal en point. Et que je ne retrouverai sûrement pas Rubis, ou pas à temps pour… Pour je ne sais quoi. Je n’ai pas envie de dire “le sauver”, car ça implique qu’il est en danger. Je prie toujours pour qu’il aille bien, je vais me mettre à le faire pour le retrouver si tout ça s’avère vrai.
Je voudrais m’échapper, mais je ne le peux pas, bien sûr. Après avoir croisé les bras pour savoir quoi faire de mes mains, je finis par marmonner :

- Je fais ce que je peux avec l’angoisse…

Par chance, Cameron s’est rapproché et m’a bien entendu. Il me pose une main sur l’épaule, ce qui fait bizarre puisqu’il fait bien dix centimètres de moins que moi au minimum. Puis, d’un ton assuré, il déclare :

- Il n’y a pas à avoir peur. Les choses arrivent pour des raisons logiques de cause à conséquences. Si ma théorie est vraie et que ces gens sont bel et bien enfermés, il y a une raison à cela. Si nous trouvons cette raison, nous pourrons la défaire ou nous en exclure car nous sommes innocents. Alors, il n’y aura aucune raison de nous garder ici et nous pourrons rentrer chez nous.
- Euh… Cam’..., je ne sais même pas formuler ce que j’ai en tête tant ce qu’il vient de me dire me paraît lunaire. Je reste de longues secondes à le regarder bêtement avant de parvenir à aligner quelques mots : Tu te crois dans un Disney ?

Bien sûr, il ne comprend pas ce que je veux dire. Il va donc falloir que je lui explique. Lui et sa naïveté me fatiguent d’avance, comme si je n’étais pas assez stressé comme ça…

- Comment dire, euh…, je ne m’attendais pas à ce qu’il me sorte une logique aussi foireuse, ni à ce qu’il ne comprenne pas ce que je sous-entends. Tu sais qu’il y a des injustices dans le monde, hein ? Même plein d'injustices. A la pelle. Tout le temps. Alors si y a vraiment un truc, on sait pas quoi, qui a enfermé ces gens en terraformant la vallée pour les empêcher de sortir et leur balancer des flambusards géants sur la gueule, tu crois pas qu’il y a de grandes chances qu’ils en aient rien à foutre de nous ? Les dommages collatéraux, tu connais ?
- C’est pas faux ce que tu dis, merci à lui d’entendre raison. Il porte tout de même sa main à son menton, signe qu’il est encore en train de réfléchir. A quoi, je n’en sais rien et je ne suis pas sûr de vouloir savoir, même si je sais qu’il va me le communiquer quoiqu’il arrive. Mais peut-être que ça l’est ! Peut-être que c’est faux et que j’ai raison. De toute façon, je ne vois pas ce que ça coûte de chercher, vu la situation, je soupire, soupire et soupire encore. Si tu veux rester inactif libre à toi, je chercherai avec Keldeo, mais il faudra que tu me prêtes ta moto pour aller voir les falaises.
- Alors là tu rêves ! C’est moi qui conduit !, hors de question que qui que ce soit d’autre que moi pose son cul à la place du conducteur. En plus, Cameron n’a même pas le permis, s’il essayait je suis sûr qu’il irait se manger le premier arbre qui passerait.
- Ravi de voir que tu fais preuve d’un peu de bonne volonté !, je le fusille du regard, ce qui n’entame pas sa bonne humeur soudaine.
- Je veux surtout retrouver Rubis.

Tout de suite, mon collègue redevient plus grave. Nous n’avons pas encore évoqué la disparition de mon dracaufeu à voix haute, c’en était à ce que je me demande s’il l’avait remarqué. Au vu de son expression, c’est le cas et il ne sait pas quoi en penser vu comme il croise les bras, embêté.

- Je me demande si ça a un rapport avec son chromatisme soudain.
- Avant qu’on quitte le taf, Tarja m’a dit que ses écailles ont une matière qu’existe pas dedans, tu crois que ça peut venir d’ici ? Ils sont tellement coupés du monde… On aurait pu pas découvrir cette matière encore.
- Peut-être. En tout cas, Rubis doit intéresser ce qui nous a mené ici. Nous qui sommes désormais coincés, comme ces autres gens. Peut-être qu’ils ont subit la même chose que nous, auquel cas il y a de grandes chances que ce qui a pris ton dracaufeu ait un rapport avec leur enfermement. Enfin, si cette théorie se confirme, bien sûr !

Je ne peux pas m’empêcher de me prendre la tête dans les mains. Tout ça sonne déjà si compliqué, j’ai peur que ça le devienne encore plus, que je n’y comprenne plus rien et que je n’arrive jamais à retrouver Rubis. Pire, qu’on parvienne à rentrer, mais que lui reste ici. Je ne pourrai jamais me le pardonner, je refuse que ça arrive. Il va falloir que je laisse Cameron me guider sur ce coup-là, car moi, les théories et la réflexion ça fait plusieurs, beaucoup trop. Tout ce que ma dit mon collègue me tourne dans la tête et je ne vois pas comment il va obtenir des données : on ne comprend rien à ce que ces gens nous racontent et ils ne nous comprennent pas plus. Les noeuds dans mon ventre se resserrent.

- Je te propose de se pencher sur quelque chose de plus concret pour le moment !, je relève la tête, Cameron a l’air mal à l’aise. Ta mushana, on peut peut-être trouver comment elle est sortie de sa pokéball et ainsi sortir nos autres pokémons !

Il tente de sourire, même si je vois bien que son expression est forcée. Je crois comprendre qu’il essaye d’alléger une partie de mon stress, comme il peut. Nous ne sommes dans cette situation que depuis quelques heures et je suis déjà un boulet à son pied. Quelque chose me dit que, sans moi, Cameron irait beaucoup plus vite. Ca me soule putain…

Malgré les angoisses qui font plus que pointer le bout de leur nez, je me plie à l’étude que veut mener mon collègue. Il a raison, c’est un bon moyen de se rattacher au moment et serait une grande avancée. Tous les jours, je prends tous mes pokémons avec moi, sauf Sunshine qui reste à la maison hors de sa pokéball. Ca veut dire que j’ai avec moi mon guériaigle d’Hisui, qui est assez grand pour qu’un humain puisse monter sur son dos. Si nous parvenons à le sortir de sa pokéball, il règlera l’hypothèse des falaises soi-disant infranchissables. Si tant est qu’elles le soient vraiment… Enfin bref, ça nous ferait une bonne assurance, quoi !
Je me concentre pour me souvenir des circonstances dans lesquelles j’ai fait sortir Améthyste de sa pokéball afin de rapporter tout ce que j’ai pu remarquer de particulier à Cameron. Je me souviens que j’avais testé plusieurs sphères métalliques et puis…

- Il y avait comme… Un champ de force autour de sa pokéball, je peine à l’exprimer autrement. L’air autour était bizarre, ça donnait une vision trouble de ce qu’il y avait de l’autre côté. Quand j’ai posé la main dessus, j’ai senti comme des pulsations je crois.
- Sûrement ses pouvoirs psychiques. Ta mushana est très puissante, je me remémore la manière dont le crâne de l’arbok s’est écrasé. Peut-être que ses pouvoirs lui ont permis de faire fonctionner sa pokéball malgré tout.

L’idée qui se dégage de notre discussion, après quelques échanges en plus, est de demander à Amy’ de réitérer cette utilisation de ses pouvoirs, mais sur une autre pokéball afin de faire apparaître un autre pokémon. Après débat nous nous fixons sur Angel, ma dogrino, afin de profiter de son flair et de son instinct de protection. Si cela ne doit marcher qu’une fois, nous devons faire appel au pokémon le plus utile pour nous. Je déteste voir mes pokémons à travers un tel prisme, mais nous n’avons malheureusement pas le choix.
Après avoir tenté d’expliquer ce que je veux à ma mushana, à l’aide d’une connexion psychique, je lui tend la sphère métallique à activer. Je m’attends à ce qu’elle la prenne entre ses pattes, mais à la place elle se recule de quelques centimètres avant de fermer les yeux. La brume qui s’échappe de son event se densifie et le champ de force que j’ai vu réapparaît, tout autour d’elle. Il est plus intense que celui de tout à l’heure. Cameron et moi sommes fascinés sans comprendre ce qu’elle fait. Enfin, moi, je ne comprends pas, parce que mon collègue, lui, me dit de mettre la pokéball d’Angel dans le champ de force.

Quand mes doigts traversent le champ de force, je sens l’air autour d’eux vibrer et pulser, comme lorsque j’ai empoigné la pokéball d’Améthyste. Je sens que c’est le moment et appuie sur le mécanisme de celle d’Angel. La pokéball s’ouvre et libère ma dogrino. Comme pour ma mushana, le processus est plus lent qu’à l’accoutumé, mais elle est bel et bien là. Je m’empresse de remettre la pokéball dans ma poche pensant qu’Amy’ cesse de faire fonctionner le champ de force. Angel se jette sur moi, comme à son habitude, pour un gros câlin et me faire la fête. Cameron n’est pas épargné par son excès de joie, Keldeo non plus. Qu’est-ce que je suis content de la voir ! Je lui gratouille la tête, le dos, derrière les oreilles, partout où elle aime bien pendant qu’elle me donne de gros coups de langue. Ma bébou, sauvée, avec moi malgré tout. Objectivement c’est une maigre consolation, vu que tous mes autres pokémons sont encore coincés et que Rubis est toujours porté disparu, mais ça ne m’empêche pas de savourer la joie de cette petite victoire.

- Je vais tester avec mon draco, annonce Cameron pendant que je suis occupé à me vautrer dans l’herbe avec ma dogrino.

Améthyste réactive le champ de force et mon collègue y fait passer les pokéballs de son draco, puis de sa chlorobulle, qui tous les deux apparaissent également parmi nous. Le soulagement se dessine sur le visage de leur dresseur, qui les enlace d’un gros câlin. De mon côté, je laisse Angel pour faire passer mes autres pokémons à travers les pouvoirs de ma mushana et bientôt tous mes compagnons sont présents. Sauf Rubis. Son absence reste une plaie dans mon coeur, mais voir tous les autres être là, auprès de nous, me donne plus d’espoir que les théories et hypothèses de Cameron. Ils sont concrets, réels, présents.
Après avoir désactivé le champ de force une dernière fois, ma mushana ferme les yeux et c’est comme si elle s’endormait paisiblement. Je la prend dans mes bras pour qu’elle n’ait pas à se dépenser en flottant. Sa brume devient un mince filet, preuve de son manque d’énergie. Elle a beau être forte, elle aussi a ses limites.

- Dommage, constate Cameron. J’aurais bien testé autre chose.
- On va la laisser se reposer d’abord, elle a déjà fait des trucs de ouf là !

Je ne demande pas à mon collègue ce qu’il compte tester d’autre car je n’ai pas envie de repartir dans une discussion qui pousse à réflexions tout de suite. Je préfère profiter d’être avec mes pokémons, de les savoir sains et saufs, et surtout qu’ils pourront manger.