La théorie se confirme : des restes vont t'attendre dans ton frigo demain, soigneusement rangés dans une boîte en plastique que tu as oublié de rendre à la voisine après votre petite sauterie pour le Nouvel An. Tu en es particulièrement satisfaite, un demi-sourire étirant tes lèvres et ton agacement oublié pour une seconde. Le ventre rempli aide à ce sujet, tu ne l'avoueras jamais, mais la blondinette a raison. Cela ne signifie pas que tu as changé d'avis vis à vis de son intrusion et que sa simple présence ne te déplaît plus, mais il y a une chose en moins pour te noircir l'humeur. L'effet ne dure pas bien longtemps. La soirée te parait longue maintenant que tu es de retour sur le canapé, ton ordinateur sur les genoux sans que tu n'ais grand chose à y faire. Tu espères vraiment que cette période creuse se finira bientôt, cette inactivité ne te va pas. Depuis que tu as ton diplôme en poche, tu as pris soin de cultiver une routine de travail sans doute peu saine, mais qui t'empêchait généralement de t'ennuyer. Avec l'expérience pour te rendre plus efficace et des Pokémon dressés pour t'aider, tu ne peux nier que les affaires se règlent plus rapidement lorsque cela ne tient qu'à toi.

Tu traînes un moment comme ça, passant d'un divertissement à un autre en ignorant soigneusement ta squatteuse jusqu'à ce que le picotement au niveau de tes yeux vienne à nouveau te rappeler que le repos serait sans doute une bonne alternative. Tu pourrais au moins lire ce polar que t'as refourgué ta mère pour éviter de trop te détruire la vue. Et le dos au vu de l'inconfort du fauteuil.

« Lock, besoin d'un dernier tour dehors ? »

Tu demandes en te levant avec un sifflement quand une de tes vertèbres craque au moment où tu te déplies. Le cabot ne lève pas la tête de là où elle est posée sur le matelas, mais il te fixe en battant paresseusement de la queue. Non, donc. Tu bâilles au moment de t'étirer, jettes un œil à la femme à ses côtés. Elle ne bronche pas. Elle ne l'a pas fait depuis un bout de temps. Tu n'es pas sûre qu'elle dorme pour autant, elle te semble un peu rigide sous les couvertures. Ce n'est pas ton problème. Malgré tout, tu t'en poses des questions à son sujet. Tu as tout le temps d'y penser tandis que tu te brosses les dents, la hanche calée au lavabo. Tu as une vue directe sur ton lit depuis l'alcôve qui te sert de salle de bain. Quel spectacle curieux.

« Hm ? »

Le contact familier de Shamir aux abords de ton esprit attire ton attention sur elle. La Lucario a gardé sa position de sentinelle dans un coin de la pièce durant toute la soirée. Tu sais que cela ne sert à rien de lui proposer de se détendre, elle restera de garde toute la nuit. Tu mentirais en disant que tu ne préfères pas cela. Erika a beau ne pas paraître être une menace, elle a prouvé qu'elle l'était pourtant à de nombreuses reprises. Peut-être pas directement physiquement, mais cela ne change rien à la notion que tu ne devrais pas trop te détendre en sa présence. Tu as beau le savoir, malgré tout tu le fais et tu peux remercier Shamir pour son attention.

La louve parait s'interroger et tu comprends à son petit mouvement de tête que c'est à ton sujet. Tu hausses les épaules avant d'ôter la brosse de ta bouche.

« C'est juste de la curiosité, je m'en fais pas vraiment. »

Parler avec du dentifrice te laisse une impression mentholée un peu désagréable dans la gorge que tu rinces avec un peu d'eau. C'est vrai que tu ne t'en fais pas vraiment, mais cette histoire est décidément bien étrange. Surtout, tu ne comprends pas le rôle que l'on t'y fait jouer.

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apparition d'un Pokémon, s'il vous plaît :3

Un Rongourmand niv.6 qui sème des noisettes, la bouche bien trop remplie, débarque face à vous !

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Que voulez-vous faire ?

Partager ton lit est une expérience curieuse. Ce n'est pas la première fois que tu te retrouves entre les draps au côté de quelqu'un naturellement. Il y avait eu des coups d'un soir que tu n'avais pas eu le courage de quitter une fois satisfaite, trop fatiguée à l'idée de retrouver tes vêtements avant de t'enfoncer dans la nuit. Seulement, il n'est pas habituel pour toi de ramener qui que ce soit ici. Aussi pourri qu'il soit, le loft est ton espace et tu n'y tolères pas grand monde. Encore moins durant plusieurs heures. Tu avais bien reçu Six ou Inzia à l'occasion, mais jamais durant bien longtemps. Il était vite devenu évident que leurs appartements respectifs étaient bien plus confortables pour traîner. Tu es loin d'avoir honte de ton mode de vie, tu ne vois donc aucune raison de faire des efforts pour rendre plus accueillant un lieu qui remplit parfaitement bien son rôle. Toujours un peu sur la défensive, tu n'avais jamais non plus aimé l'idée de laisser des personnes extérieures en apprendre trop sur toi. Aucune de tes conquêtes n'avait donc été ramenée ici. Sherlock est ton seul partenaire de sommeil et, désormais, ils sont deux sur ce matelas où tu vas devoir te faire une place maintenant que ta routine nocturne est accomplie. Te glisser sous l'édredon demande de pousser un peu le chien, une action trop familière pour qu'elle s'accompagne qu'un quelconque sentiment de culpabilité. Tu le connais, il trouvera vite une façon de s'installer de façon plus confortable encore. Sans surprise, tu le vois donc aller se coller à la blonde avant de poser la tête sur ses jambes. Quand on les voit comme ça, il est difficile d'imaginer que c'est bien toi sa dresseuse et qu'elle n'est pas qu'une étrangère rencontrée dans l'après-midi. Ce Pokémon te surprendra toujours. Vraiment, si il n'avait pas un aussi bon flair... Tu soupires en étendant le bras pour éteindre la lampe sur pied posée à proximité du lit, vous plongeant ainsi dans une obscurité relative au vu de toutes les sources lumineuses à l'extérieur. Cela ne t'a jamais dérangé. Tu trouves même un certain réconfort à l'idée de pouvoir toujours détailler ce qui t'entoure.

Le silence règne durant un long moment. Le sommeil est difficile à trouver dans ces conditions. La situation n'a rien de familière et tu ne sais quelle position adopter. Tu restes allongée sur le dos malgré l'envie de te tourner sur le côté. Seulement, tu ne sais quel côté choisir, l'idée de présenter ton dos à cette femme te dérangeant autant que celle de te montrer vulnérable en lui faisant face. Tu ne sais pas si Erika dort. Elle est tout aussi immobile.

Puis, elle brise le silence.

« J'avais rendez-vous à la clinique aujourd'hui. »

Sa voix est à peine audible. Quand tu tournes la tête dans sa direction et que tu ouvres les yeux, tu n'as pas l'impression que quoi que ce soit ait changé. Seules quelques mèches de cheveux et le bas de son visage dépassent de la couverture sous laquelle elle reste cachée depuis un moment. Ses lèvres sont pincées et il te semble les voir frémir.

« Pour... Tu sais.
L'avortement. »

Tu réponds de ta voix rauque et peu affectée. C'est de ça qu'elle parle, inutile de faire des mystères. Tu n'as aucune raison d'être surprise puisqu'elle t'a livré le fond de sa pensée à ce sujet lors de votre dernière entrevue. Si son avis ne changeait pas, il n'y avait pas trente-six solutions. Elle relâche son souffle avec difficulté. Sans doute aurais-tu pu être plus délicate. Mais ce n'est pas ton caractère. D'autant plus qu'elle n'est personne pour toi.

« Oui. Pour l'avortement.
Et c'est fait ? »

Car elle aurait pu se dégonfler avant l'heure du rendez-vous, décider de tenter tout de même cette aventure qu'est la maternité en mettant de côté ses doutes. Elle hoche la tête, tu abandonnes donc cette idée.

« Pourquoi t'es venue ici ? T'as pas l'air bête donc je suppose que tu sais qu'il y a aucune chance que je te réconforte. »

Il lui faut longtemps pour répondre. Tellement que tu te demandes si elle n'ignorera pas simplement ta question comme elle l'a fait avec tant d'autres.

« Je voulais juste un jour sans avoir à faire semblant. Je ne savais pas où aller d'autre, c'est tout. »

Légitime. Et cohérent. Tu parais être la seule à savoir après tout, un fait toujours aussi étonnant.

« Tant que t'as pas d'attente. »

Tu murmures en te retournant enfin pour faire face aux fenêtres donnant sur la nuit parsemée de centaine de lumières. Tes yeux se ferment et, même si le sommeil ne te vient pas tout de suite, ton corps se détends. Tu le vis mieux désormais que le mystère est percé.

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tentative de fuite:

La nuit ne s'avère pas facile. Autant pour elle que pour toi. Ton intérêt se porte naturellement en priorité sur ta petite personne et le fait qu'il soit dérangeant d'être régulièrement réveillée par des plaintes et des mouvements induits par la douleur, ainsi que par les déplacements fréquents et assez maladroits de ta squatteuse vers les toilettes. La notion de vie privée est peu présente dans le studio, il y a donc des choses que tu perçois dont les froissements de plastique des emballages de protections hygiéniques et le bruit caractéristique d'une bande adhésive relâchant sa prise. Tu en sais trop peu sur la procédure en elle-même et cela se sent dans ton étonnement face à tous ces détails qui te paraitraient évidents grâce à une recherche rapide. Que tu ne fais pas. Ce ne sont pas tes affaires. Vers trois heures du matin, quand la fatigue fait son œuvre et qu'il devient évident que Erika supporte de moins en moins bien la situation, c'est Shamir qui fait le premier pas. Les yeux mi-clos, tu la vois se rapprocher d'une démarche à peine audible vers le côté du lit où est allongée la jeune femme. Cette dernière ne remarque pas la patte qui se tends dans sa direction, une lumière dorée se déplaçant paresseusement de la Lucario vers son abdomen. Tu devines plus que tu ne peux affirmer qu'elle utilise l'une de ses attaques de soutien. Vu son espèce, il n'est pas étonnant que la louve supporte mal de voir une innocente souffrir de la sorte, même si son innocence reste théoriquement à prouver. Ses intérêts ne doivent dans tous les cas pas être bien mauvais si Shamir agit de la sorte et l'a tolérée si longtemps dans votre environnement. Il faut un moment, mais les bras d'Erika se décrispent un petit peu là où ils entourent son ventre. Si les mouvements des crampes restent bien visibles, ce qu'à fait ta Lucario doit avoir aidé. Tu n'es pas certaine qu'il soit vraiment prudent pour un humain de recevoir ainsi l'aide d'un Pokémon, mais puisqu'elle n'est pas plus mal que quelques instants auparavant, tu supposes que cela ira pour cette fois.

En te retournant une énième fois, tirant un peu la couverture avec toi d'une façon parfaitement anormale qui recouvrira sans doute ainsi en partie Erika - un hasard total -, tu ne peux pas t'empêcher de te demander à nouveau pour quelle raison une femme comme elle préférerait passer un moment pareil chez une inconnue. Tu comprends bien que la situation est compliquée, que ce soit avec son père et avec son mari, mais, à son âge, elle doit bien avoir des amis sur qui compter. Même toi tu en as malgré un caractère qui n'a rien de facile. La question de pourquoi elle n'a pas utilisé sa carte secrète pour passer la nuit dans un hôtel se pose aussi, mais la réponse te vient plus rapidement. Elle ne veut pas être seule. Un fait qui n'a rien d'étonnant au vu de ce qu'elle traverse. Tu as beau être inutile et peu soucieuse à ses côtés, tu ne peux empêcher ton corps de produire de la chaleur et d'exister. Tu supposes que, parfois, c'est assez.

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apparition d'un Pokémon, s'il vous plaît :3

Ploc, ploc, ploc. Quelque chose qui fait toc. Pouic, pouic, pouic.
C'est en fait un Nénupiot sauvage LV.6 qui fait son mysique.

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On lui donne une nouvelle feuille de nénuphar ou bien ?

7 janvier

Erika n'a pas d'amis. Tu y penses distraitement en observant le plafond de ta chambre, encore un peu dans le gaz après cette nuit difficile. Ce n'est pas si étonnant au vu du côté contrôlant des hommes de sa vie. Ce genre de personnes ont tendance à isoler l'objet de leur affection par crainte de le perdre à cause d'une intervention extérieure ou par jalousie. Néanmoins, la jeune femme n'a pas vraiment le profil de l'abusée type. Elle ne cherche pas à camoufler ou à excuser les comportements de son époux et de son père. Elle s'en agace et ne les craint pas vraiment. Dans cette histoire, aussi contre-intuitif que cela soit vu la situation, il serait plus cohérent de la voir en tant que marionnettiste peu satisfaite des actions de ses créations. Cela ne t'aide toujours pas à régler l'affaire Landgaard. Plus tu en apprends, moins tu sembles savoir comment emboiter les pièces de tout ce bordel jusqu'à créer une image satisfaisant tes besoins. Au vu du désespoir qu'affiche le père, tu n'es même pas sûre qu'il soit prudent de le lâcher sans résoudre le cas. Le pauvre bougre a eu la mauvaise idée de faire de toi son dernier espoir et n'a donc plus d'argent à investir sur un autre privé, voire un professionnel d'un tout autre ordre capable de lui donner la finalité qu'il désire.

« Tu comptes le quitter ? »

Tu questionnes ta voisine de lit dès que tu perçois les premiers signes de son réveil. La respiration qui s'accélère un instant à cause de l'environnement inconnu, les mouvements réflexes, puis un étirement léger. Elle s'humecte les lèvres après un soupir fatigué et tu la vois se redresser du coin de l'œil. Ses gestes sont lents et mesurés, comme si elle attendait une douleur qui ne semble pas se manifester. Pas encore, tu supposes. Il faut un moment et un bâillement avant qu'elle ne pose le regard sur toi. Curieuse dans son observation et ses sourcils froncés délicatement par une émotion que tu n'identifies pas.

« Lance ? »

Qui d'autre ? Tu hausses les épaules, dérangeant un peu ta tête que tu as posé entre les paumes de tes mains. Vu de l'extérieur, la scène doit offrir un sens bien différent de ce qu'elle représente vraiment. Vous êtes trop détendues dans un moment qui n'a pourtant rien de familier. Presque intime quand ce qui vous rapproche tient entre les pages d'un dossier peu concluant, ainsi que sur le dos d'une révélation surprise.

« Un jour. Quand le moment sera le plus opportun. »

Ce qu'elle sous-entends par là, tu ne peux que le deviner. Pas qu'il existe beaucoup d'options possibles. Tu n'en vois que deux, à vrai dire. Tu ne pousses pas plus pour qu'elle continue à parler, peu encline à te confronter à un nouveau refus de si bon matin.

Erika n'a pas d'amis et, plus tu y penses, plus tu acceptes la notion qu'il s'agit là d'un choix murement réfléchi.

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tentative de fuite: