Nous y sommes, nous y voilà. La toute première prestation d'entrainement pokémon à la pension. Le client, Lime Aunade, a fait le choix de ne prendre qu'un programme basique avec néanmoins un petit élément particulier, l'apprentissage d'un compétence provenant d'une Capsule Secrète pokémon. Selon ses dires, ses deux compagnons manquent encore de discipline, de rigueur physique et de confiance. Il leur fallait rentrer dans un moule compétitif, afin de briller sur le devant de la scène du dressage pokémon. Cette conception des créatures n'est pas sans me rappeler le personnage de Rurha de Vil, ce brillant et puissant dresseur qui passe en ce moment à la télévision dans le cadre de ses matches haletants et extraordinaires à la Ligue ; une seconde édition le concernant, selon les mots des commentateurs et autres spéculations des bookmakers, ce qui en soit est déjà un énorme fait d'arme.

Mon client partait dans cette même veine, très probablement pour s'annoncer comme la nouvelle star montante du domaine du dressage. Alors si en plus je peux bénéficier d'un peu de publicité si toutefois un combattant pokémon de renommée mondiale venait à faire usage des pokémons entrainés par mes soins, je ne dis évidemment pas non. Tout ce que j'espère, c'est que cet homme n'en fasse pas un mauvais usage : j'entraine des pokémons dans un souci d'éthique et de bien-être, et si je dois m'apercevoir que le dresseur bénéficiant de mes services baigne du côté obscur de la force, ou s'adonne à des activités illicites et dangereuses pour ses compagnons, alors c'est la liste rouge qui risque de s'établir tout aussi rapidement qu'un signalement auprès des autorités compétentes.


Mais revenons à nos deux nouveaux pensionnaires. Il s'agit de deux pokémons que je n'ai encore jamais vu personnellement, quand bien même je sache que l'un de ces deux spécimens est présent au Parc Safari non loin d'ici. Tout d'abord, celui que je connais de nom, un Pandespiègle. Une espèce de pokémon appartenant à la famille des ursidés, s'apparentant à un panda commun des régions montagneuses. Une constitution déjà plus robuste que n'importe quel pokémon de petit gabarit standard, et une soif d'apprendre déjà prononcée si j'en crois son comportement dynamique et agile. Vient ensuite l'autre petit pokémon, de type dragon et vol : un Sonistrelle. C'est la première fois que je fais face à un pokémon dont le type s'apparente plus à une chauve-souris qu'un véritable dragon. Ce qui me frappe au premier regard, c'est l'apparence malingre du spécimen, qui fait très nettement ressentir la dimension « nouveau-né » du pokémon, qu provient effectivement d'une éclosion d’œuf, sans doute d'une reproduction d'une Bruyverne, si j'en crois les compléments d'informations provenant de mon Pokédex dont la base de données a été rafraichie et actualisée lors de la mise à jour de mes renseignements personnels, dont la nouvelle prise de fonction en tant qu'Éleveur Pokémon.

En l'état, je ne vois aucun inconvénient à leur faire suivre un régime alimentaire adapté pour la prise de masse et la croissance musculaire. Ils ont l'air encore très jeune, encore malléable dans leur génétique, je vais donc pouvoir en tirer le maximum de potentiel. Il va donc falloir que je leur fasse passer une série de tests, afin d'observer leurs aptitudes physiques, mais aussi pour observer leur comportement face à la nouveauté, l'inconnu, l'effort et la tentative de dépassement de soi. Sur le papier, ça a l'air facile à mener, ça demande peu d'investissement en moyens, mais en réalité, il s'agit surtout de mettre en confiance les pensionnaires, leur faire sentir qu'ils ne sont là que temporairement, que ma présence et celle de mes collègues ne supplanteront pas celle de leur dresseur d'origine, et que tout sera fait pour qu'ils se sentent à leur aise et en sécurité.

D'ailleurs, je sais déjà lequel de mes pokémons je vais choisir pour accompagner ce Pandespiègle et le petit Sonistrelle. J'ai moi-même un petit pokémon qui aurait bien besoin d'un boost de confiance et d'un regain de forme physique.

Je veux parler de mon petit Lofn, bien évidemment. Mais si, vous savez, mon Osselait, celui rencontré à la Tour Pokémon, qui jouait avec mon Spectrum à un jeu qui leur rappelait les souvenirs de leur précédent maitre défunt, tombé pour cause de maladie incurable et grave. Je me rappelle encore de ce divertissement tout à fait singulier : une marelle du mime. Chaque case de la marelle ne se suffisait pas à elle-même, il y avait également un symbole inscrit à même la surface édaphique de l'étage. Chaque symbole signifiait une action bien précise, et chaque action devait être réalisée au bon moment pour que la partie soit valide et que le jeu continue, dans une espèce d'infinité de tours si tant était que l'on se prenait rapidement à l'exercice. Un cœur, un éclair, un nuage, un fantôme, une étoile, une fleur, un arbre et la représentation respective de l'Osselait et du Spectrum ; tels étaient les symboles dont je me souviens.

Le cœur signifiait qu'il fallait entonner une petite mélodie douce, tendre et qui procurait une sensation de bien-être, d'amour et de confiance. L'éclair, lui, donnait l'indication de devenir extatique, de bouger dans tous les sens, comme si vous étiez frappés par la foudre. Puis le nuage, symbole de la pluie qui s'apprête à tomber, cette case imposait à quiconque s'y aventurait de devoir feindre le sentiment de tristesse, accompagné de larmes de crocodiles à produire sur commande. L'étoile, elle, demandait au joueur de devoir imiter la sensation de découverte, d'émerveillement face à l'inconnu et la joie de révéler un secret incroyable du destin. La fleur, quant à elle, elle n'avait pas réelle incidence sur la dynamique du jeu, si je me rappelle à peu près ce dont il s'agit, cela s'apparentait à un mime d'une plante en pleine croissance, cherchant la force du soleil et l'énergie du carbone l'alimentant pour déployer par la suite ses pétales, comme un doux réveil d'un matin frais et chaleureux. L'arbre, de son côté, imposait au concurrent de devoir imiter la posture d'un arbre soufflé par le vent, ondulant au gré de la brise et des animaux venant le bousculer dans sa démarche de l'instant, de quoi faire rire un auditoire. Et enfin, les peintures autoportraitiques de Lofn et Vetala, mon désormais Ectoplasma : celles-ci semblaient uniques en leur genre et propres aux pokémons jouant la partie ; cette case imposait de devoir rendre hommage à une personne ou un autre compagnon pokémon spécifique, et produire comme une sorte de déclaration d'amitié ou d'amour selon la cible choisie. Moment fort pour Draco, mon fidèle Minidraco de l'époque, Geshtinanna,mon Ortide encore candide et peu expérimentée, Simargl et Kitsune, mon Caninos et mon Goupix timide et dépassés par les évènements, Nekhbet et Mûshika, ma Rapasdepic et ma Rattatac maternelle et incroyablement empathique qui s'étaient retirées plus loin dans le corridor de l'étage pour dissimuler leur émotion. En ma compagnie, nous avions assisté à la litanie sombre et mélancolique de deux pokémons décriant leur amour profond et leur respect inconditionnel à cet être cher parti trop tôt.

Mais depuis, Lofn s'est comme enfermé dans une crainte permanente, alors que Vetala, lui, a recouvré sa joie de vivre et son entrain pour faire des blagues et autres farces à quiconque en voulait bien. Mon petit pokémon à os avait encore du mal à s'ouvrir à mon contact. Il ne faisait pas non plus trop confiance aux autres de mes compagnons, quand bien même Kitsune et Geshtinanna se comportaient comme des grandes sœurs avec lui, le faisant penser à autre chose pour l'éloigner de cette tristesse et de ce gros manque de confiance qui l'habitent depuis son départ de la Tour Pokémon de Lavanville. Mais aujourd'hui, grâce aux deux acolytes de Lime Aunade, j'avais enfin de quoi justifier sa participation à un entrainement tout particulier, qui lui profiterait en termes de croissance, de reprise de confiance en lui, tout en développant son esprit de conquérant et son envie d'en découdre avec la vie. Notre premier jour d'activités physiques et sportives sera axé sur la capacité à rester calme et précis dans sa posture, tout en tentant d'esquiver des obstacles mouvants ou des projectiles qui viendront à leur rencontre.

A présent, nous pouvons commencer à envisager le programme que suivront ces trois compagnons d'un instant. Certes, la fusion des dynamiques et des affinités entre Lofn et les deux autres pokémon de Lime risque de ne pas être au rendez-vous, du fait des craintes et des natures méfiantes de chacun de ces trois spécimens. D'un côté, un Osselait encore affecté par la disparition de son dresseur d'origine, capable de se refermer dans un silence assourdissant et dans une étroitesse d'esprit qui ne lui laisse aucune occasion de pouvoir s'exprimer, de pouvoir ressentir les vraies énergies du monde extérieur, et qui le prive de tout lien affectif avec d'autres comparses à l'exception de Vetala, mon Ectoplasma. Ensuite, on avait ce petit Sonistrelle, un récent nouveau-né d'une éclosion fraiche, provenant d'on ne sait où, et qui partait avec un premier handicap, celui d'être de constitution plus faible que la normale, comme si une carence nutritive pouvait en être la cause sous-jacente selon mon premier diagnostic purement athlétique. Et enfin, un Pandespiègle qui doit avoir quelques prédispositions au renforcement musculaire et énergétique, du fait de sa future condition de Pandarbare, si tant est que son dresseur décide de lui faire suivre la voie de l'évolution.

Si je me fais totalement confiance, je partirai ainsi sur un menu plutôt polyvalent, mais partant quand même sur une base privilégiée de force et de constitution physique augmentée. Il ne s'agira pas de les rendre plus explosifs dans leurs mouvements, ni de leur faire développer des réflexes furtifs qu'ils n'apprendraient pas de prime abord. Concernant Lofn, il s'agira de lui faire reprendre confiance par l'exercice physique et par la prise de masse relative, histoire de créer un déclic et imaginer une possible extension de régime sportif pour lui faire doucement et surement atteindre le stade de proche évolution en Ossatueur. Pour le Sonistrelle, j'opterai pour un programme visant à fortifier les muscles de ses ailes et de ses pattes, ainsi que de rendre plus souple les ligaments de ces dernières, tout en fortifiant le corps principal : il faut avant tout que ce pokémon mi-chauve-souris mi-dragon puisse être à l'aise avec la puissance de ses brassées aériennes, tout en maximisant son potentiel de ses serres draconiques et son endurance afin de combiner les deux aspects de son double type. Sans oublier l'apprentissage de la capscule secrète du Vol, qui deviendra alors la pierre angulaire de la fin du programme. Pour Pandespiègle, il s'agirait déjà de lui faire faire suivre un régime diététique axé sur la prise de nutriments en profondeur, privilégier la matière grasse pour des modifications morphologiques plus rapides et conséquentes, tout en lui concoctant des exercices de force mais aussi de mobilité, histoire de ne pas le rendre juste plus lourd et plus puissant ; il faut également qu'il soit à l'aise avec sa future prise de poids, et qu'il puisse envisager plus de fluidité dans l'amorçage de ses nouvelles techniques.

La question reste la suivante : quels sont les paramètres les plus judicieux et les plus adaptés pour pouvoir mener de front ces trois programmes, certes différents sur le papier, mais complémentaires ? Si je prends en compte le cas de Sonistrelle, le paysage extérieur est tout désigné, pour déployer ses ailes et tenter d'apprivoiser les cieux au plus tôt. Mais, il se pourrait que cela soit trop traumatisant d'un coup d'un seul, alors dans ce cas là, un environnement plus fermé et plus contrôlé dans l'espace sera à envisager. Si je focalise mon attention sur Lofn, évidemment que le plein air ne sera pas le meilleur des atouts, renfermé et méfiant comme il est, il n'hésitera pas à se recroqueviller sur sa coquille crânienne, et ne fera plus rien qui sera attendu de lui du point de vue de l'entrainement et de la routine d'évolution psychologique. Et enfin, si j'écoute mes instincts de coach sportif pour le commun des mortels, le simple fait d'avoir un Pandespiègle à gérer rend l'attrait de l'extérieur plus vif encore : utiliser l'environnement pour créer des situations d'entrainements divers et variés, ressentir les éléments de la nature pour tenter une approche plus en profondeur et plus viscérale des modules d'activités physiques, ou tout simplement répliquer une situation de confrontation qui pourrait avoir lieue dans la plus grande des libertés, et motiver une amélioration plus naturelle et moins contraignante pour les équipements du centre.

- Déjà en panne d'inspiration cher collègue ? venant de nulle part.
- Bwohaaaa ! Tu m'as fait peur Abel. sursauté-je.

Laissez-moi vous représenter Abel Caldwell. Un homme d'une quarantaine d'années, mais dans la force de l'âge au niveau physique et mental. Cet ancien entraineur pour sportif sur Johto est un exemple de déontologie professionnelle : assidu, intègre, toujours au fait des dernières informations et autres trouvailles en matière de programmes d'entrainement et de documentations sur la diététique et le développement personnel, très instinctif dans sa création d'ateliers et d'achats de matériel pouvant bénéficier pour son propre compte. Je n'ai définitivement pas fait le mauvais choix en le débauchant de sa ville natale d'Irisia, où il officiait en tant que coach personnel de Chuck, le champion d'arène local. Ce qui me plait chez cet homme, c'est son charisme naturel et sa bonhommie communicative. Il n'est jamais dans l'excès, apte à la réception d'une critique constructive et formatrice, à la recherche de toujours plus de qualité dans ses performances, et toujours prêt à rendre service. Son utilité lors de l'inauguration du centre a été l'argument final de ma bonne transaction d'emploi : un relationnel défiant toute concurrence avec les convives, serviabilité ponctuelle et toujours de bon aloi auprès du personnel de restauration dépêché pour l'occasion, discret mais présent en tout instant. Il m'a fait forte impression ce soir-là, et je sais qu'il continuera à m'impressionner, tout en m'apportant sa sagesse et son expérience d'entraineur personnel.

- Mes excuses patron. ironise-t-il.
- Abel, je vous ai déjà dit de ne pas m'appeler « patron ». insisté-je. Je pourrai être votre petit frère...
- Alors dans ce cas précis, Leonis, je demande une bonne fois pour toute la cessation immédiate de ce vouvoiement qui me fait prendre dix ans de plus à chaque fois que ce mot s'invite dans nos conversations ! s'offusque-t-il.
- C'est une marque de respect, Abel. Je vous... *sent le regard inquisiteur de l'interlocuteur* ...tu es plus expérimenté que moi et plus réfléchi sur la gérance du centre. Ça tombe sous le sens non ?
- Eh bien je ne suis pas d'accord. proteste-t-il.
- Comment ça ?
- Je pense que tu es tout aussi apte que moi à prendre les bonnes décisions. Tes expériences et ton passif en tant que fils de la famille Amicitia t'ont mené à élaborer cet institut, à en assumer les charges administratives et juridiques qu'il inclut, tout comme la présence d'esprit de vouloir faire appel aux plus expérimentés de nous dans le milieu.
- Oh... ha ha... gloussé-je timidement en me grattant la tête. Je ne suis pas sûr de mériter ces compliments. Ma famille y est pour...
- Peu importe que la famille y ait été pour quelque chose. m'interrompt-il. Le résultat final, c'est que c'est toi qui est à l'origine de ce projet, et que désormais, c'est par toi et avec toi qu'il faut composer. Je suis personnellement satisfait de mon changement de contrat. Donc... prononce-t-il en longueur.
- Donc ?
- Donc on arrête le vouvoiement, aussi simple que ça.
- Très bien Abel. A partir d'aujourd'hui, je te tutoie, et v- ... rrhô tu n'utilises plus le mon patron avec moi. On est collègue, et je compte sur toi pour m'apprendre encore ce qu'il me manque du métier.
- Adjugé vendu... boss. répond-il avec un sourire moqueur, tout en tournant les talons.
- Abel ! Reviens ici ! Abel Caldwell ! Abè ... tch ! Il a le don pour se sortir des mauvais pas celui-là décidément.


Un petit trait d'humour qui lui vient très certainement de son passé à lui également. Du peu qu'on a pu en discuter, il est originaire d'une famille tout à fait modeste, des parents aimants et proches de la communauté des pokémons. Il a également une petite sœur, qu'il porte en très haute estime, dont il en espère des projets et une carrière aussi grandiose que la sienne, ou la mienne encore. Cette personne lui tient beaucoup à cœur, mais il ne m'en a pas dit plus sur les raisons de cette expectative si haute et si exigeante envers elle. Peut-être m'en dira-t-il plus une autre fois. Toujours est-il que son aide m'est très précieuse, et il participe déjà à la confection de programmes d'entrainements et de diététique novateurs et incroyablement efficace auprès de la clientèle avertie.

Bon, cela ne me dit toujours pas ce que je devrais privilégier comme environnement pour ce tout premier entrainement, afin de débloquer les deux situations Lofn et Sonistrelle, tout en permettant à cet aimable Pandespiègle d'exprimer tout son potentiel et sa véritable nature d'ursidé bagarreur. Je suis toujours aussi sceptique du fait qu'ils ne soient pas encore prêts à affronter ce type de configuration, mais je reste persuadé que de rester sur un plan purement « en extérieur » saura faire la différence pour provoquer un déclic chez chacun des pensionnaires. Il est évident que mon Osselait a besoin d'un renforcement musculaire mais aussi d'apprendre à apprivoiser l'atmosphère ambiante, afin de gagner en confiance et en stabilité psychique. Sonistrelle pourra également bénéficier d'évoluer dans son milieu aérien naturel, afin de déployer toutes ses capacités, avec un régime alimentaire adapté, pour à la fin approfondir les techniques de vol. Quant au Pandespiègle, peu importe la physionomie du terrain, il devrait pouvoir être le plus rapide à évoluer dans ses compétences et ses aptitudes physiques, combinées à un régime alimentaire plus ciblé et plus carnivore.

Je pense déjà que faire se rencontrer chaque protagoniste pourra peut-être m'être bénéfique dans ma prise de décision. Pour se faire, je fais sortir de sa pokéball Lofn, mon petit Osselait craintif, qui se réfugie immédiatement derrière mon mollet droit afin de ne pas être exposé de trop face aux deux autres pokémons qui lui font face. Bien évidemment, j'ai déjà pensé à ce type de scénario. D'abord, je demande à Lofn de grimper de depuis mon mollet jusque sur mon épaule droite, tout en faisant signe au Sonistrelle et au Pandespiègle de patienter un moment d'un léger et doux geste de la main. Trop d'autorité pour une action aussi simplette et dénuée d'objectif que d'attendre, ça ne valait pas le coup. Après une brève hésitation, et voyant que je ne compte pas répéter mon souhait dans un avenir proche, le pokémon au crâne protecteur se décide enfin à grimper jusqu'à la cime de mon corps. Il n'en mène pas large, je le sens tout tremblotant alors qu'il parvient à se positionner en assise proche de mon oreille. Puis je me focalise de nouveau sur mes deux pensionnaires du moment.

- Sonistrelle. Pandespiègle. Je vous présente Lofn, mon partenaire.
- N-n... Noiii. Cha Cham ! répondent-ils avec entrain.
- Lofn, je te présente mes deux nouveaux pensionnaires.
- Kiu ? K-k-k-k-iiu ? tente Lofn le regard légèrement larmoyant.
- Ne t'inquiète pas Lofn, tu n'es pas obligé de leur adresser la parole tout de suite. le rassuré-je. Fais leur un signe de loin avec ton os, ça sera déjà pas mal.

Mon compagnon n'est définitivement pas à l'aise avec les autres pokémons, mais il a au moins eu le mérite de tenter de se présenter, mais sans succès, et ne pouvant se rabattre que sur l'option de la salutation par un geste du bras accompagné de son os favori. Les deux partenaires de Lime Aunade ne lui en ont pas tenu rigueur et se contentèrent de lui rendre un léger grognement de leur propre composition. Au moins, le contact est établi, même s'il n'est que timide pour le moment. Mais ça me parait déjà être une très bonne avancée pour Lofn qui n'a plus eu cette habitude de pouvoir se confronter à de la foule pendant très longtemps... trop longtemps même. Sans trop m'éterniser sur cette première confrontation en visu, je décide de me diriger vers la partie arrière du bâtiment central de la pension, là où se trouve ma salle d'analyse.

Grâce au financement généreux de mon père et aux quelques économies que j'ai utilisé pour l'occasion, cette salle peut se vanter d'être à la pointe de la technologie en terme de puissance de travail et en maximisation de l'effort de recueil de données et de productions d'analyses fines. Quelques ordinateurs reliés par un réseau sans fil, des imprimantes standards et pour la trois dimension, quelques machines de salle de musculation pour mes différents tests physiques à disposition, ainsi qu'un générateur de pokébloc alimentaire dernière génération, permettant des dosages beaucoup plus précis, répondant à des besoins précis conditionnés en amont et garantissant un rendement nutritionnel optimal.

La manipulation et le protocole que j'ai créé pour pouvoir rapidement analyser les pokémons de la pension n'est pas aussi saugrenue que vous ne le pensez. En réalité, il s'agit d'une méthode que beaucoup de nutritionnistes et de diététiciens utilisent dans leur propre pratique professionnelle. Il y a tout d'abord la prise d'informations relatives au pokémon analysé. Grâce aux capacités de stockages des serveurs informatiques du centre d'entrainement, je n'ai pas trop à m'inquiéter du volume d'informations à traiter ni à implémenter dans les logiciels et autres applications. Une fois tous les paramètres enregistrés, il s'agit de les faire se croiser par rapport aux différents rapports scientifiques et médicaux du monde entier, que ce soit via des dex ou des plateformes de partage en libre service. Une fois les quelques hypothèses et autres angles de travaux définis, il s'agit de confronter mes programmations et mes séquences d'activités physiques et sportives, afin de déterminer la probabilité de succès d'un agrès ou d'un exercice par rapport au schéma de développement du pokémon souhaité. Après quoi, il en va de même sur la détermination du régime alimentaire ainsi que de l'inclination gastronomique naturelle du pensionnaire. Une fois tout cela effectué, il y a encore tout le processus de création de macros résultant des diverses analyses physiques et nutritives des nouveaux arrivants, et il ne faut surtout pas bâcler le travail, où ce serait tout le bénéfice de l'entrainement qui pourrait se voir réduire à néant en termes de bénéfices et de résultats directs.

Ce n'est pas une mince affaire que de s'improviser coach sportif personnel. On ne dirait pas comme ça, mais c'est un travail de tous les instants, tant dans l'effort physique que dans l'effort cognitif de toute la partie antérieure au véritable démarrage de l'entrainement pokémon. Tout comme pour un humain, il faut pouvoir prévoir un maximum de données, faire la liste quasi exhaustive de tout ce que l'adhérent.e a besoin, ainsi que tous les bienfaits dont iel pensent pouvoir tirer de ces sessions intenses et chronophages. Il faut également prévoir les éventuelles barrières psychologiques et les moments de flottement au sein même d'une unité d'apprentissage. Comme nous, les pokémons ont leur propre morphotype, ils ont également leur propre façon de se lancer dans des exercices, utilisant des réflexes et un instinct tout particulier. Être coach personnel, qualifié ou non dans le milieu, c'est avant tout du profilage sportif, de l'analyse mentale permanente, et une bonne dose de logique dans la confection de programmes adaptés et mettant le sujet en lumière de ses propres capacités.

- Toc toc ! Leonis, tu es là ?
- Oui Lana, entre !
- Tu bosses déjà sur tes petits protégés ? s'émerveille-t-elle.
- Eh bien justement, ça tombe bien que tu sois là, j'vais avoir grand besoin de tes lumières de nutritionniste. proposé-je.
- Je t'écoute...

Lana Hoxha. Ma spécialiste en nutrition, diététique et en sciences culinaires. Une véritable magicienne des fourneaux, une virtuose du pokébloc, une véritable force de la nature en cuisine. Jamais le monde de la gastronomie n'avait autant eu de caractère et de passion qu'en la personne de Lana. Originaire de Paldea, elle est une surdouée de son domaine. Sortie major de sa promotion il y a tout juste deux ans, à l'âge très avancé de dix-neuf ans. C'est simple, les quelques revues culinaires et scientifiques à son propos ne cessent de fournir des critiques dithyrambiques depuis qu'elle a décidé de se lancer dans le monde de l'élevage pokémon, en qualité de restauratrice et de conseillère nutritionnelle. Il fallait dire que Lana n'a pas son pareil avec l'approche des aliments, et possède un instinct frôlant le génie lorsqu'il s'agit de se lancer dans une nouvelle recette destinée à une gamme de pokémon, voire même d'humain, aussi large qu'extrêmement versatile. Un pokémon en carence de fer ? Un pokébloc mélangeant l'apport ferrugineux de l'algue nori avec l'apport en vitamine B des graines de tournesol, le tout agrémenté à côté d'une petite salade de saison fraiche, agrémenté de quelques fruits de mer tout juste snackés pour un apport en magnésium optimal.

- Voilà, je viens d'établir les profils morphologiques de trois pokémons que j'aimerai entrainer dans les jours qui viennent. montré-je à Lana.
- Oh ? *observe l'un des profils* Tu comptes faire participer Lofn à ta toute première expérience de session en trio ? Je pensais que tu ne voulais pas impliquer tes compagnons de trop près. doute-t-elle.
- J'ai effectivement émis l'hypothèse que garder mes pokémons loin de mon activité professionnelle me permettrait de les préserver d'une trop grosse charge mentale, et leur éviter de se sentir enfermer dans une comparaison avec d'autres pokémons. réponds-je avec fermeté.
- Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis du coup ?
- Eh bien, en voyant ce petit Sonistrelle, je me suis rappelé que Lofn était lui aussi en manque de confiance personnelle, et pourrait également profiter de cette expérience pour murir, prendre un peu en volume et pourquoi pas trouver une nouvelle envie de partir à l'aventure avec moi.
- Ça se tient, dit comme ça. avoue Lana. Mais tu n'as pas peur qu'il le prenne pour un aveu de faiblesse de ta part ? suppute-t-elle.
- Très sincèrement, je me suis moi-même posé la question. admets-je. Il est vrai qu'il serait préférable de ne pas le mettre en contact direct avec d'éventuels partenaires qui pourraient prendre l'ascendant sur lui, mais aussi, je n'ai pas envie de le laisser s'enfermer dans cette solitude mentale qui l'empêche d'être l'Osselait qu'il est en réalité. Je vois tellement plus de choses pour lui dans l'avenir, et je suis même persuadé que ses aspirations premières seraient d'être un bel Ossatueur, vigoureux et possédant un caractère de vainqueur, pour briller aux côtés de son partenaire.
- En tant qu'amie et scientifique, je ne peux pas réfuter tes arguments. conclut-elle avec un sourire radieux. Tu es définitivement bien plus pondéré et rationnel que tu ne veux bien l'admettre, Leonis.
- Et toi tu es bien plus généreuse en compliment que d'habitude... c'est presque suspect. répliqué-je avec un léger rictus.
- Touché ! Ha ha ! C'est juste que je te trouve tellement impliqué dans la prise en considération de tes pokémons, que mon instinct de dresseuse m'empêche de ne pas t'accorder le crédit que tu mérites. C'est aussi un peu grâce à toi que je peux briller moi aussi en tant que coordinatrice et scientifique.
- Est-ce que je mérite réellement tous ces mots venant d'une dresseuse consciencieuse, affectueuse et passionnée comme toi ?
- Eh bien oui, mon cher grand monsieur ! répliqua-t-elle avec ardeur. Donc, prends ces compliments, avale-les, et arrête de me charier. On a du pain sur la planche ! pesta la nutritionniste.
- Hé hé hé ! Tu as raison, revenons à nos mots et tons, et programmons ce qu'il faut pour que ces trois loustiques s'épanouissent comme il se doit.


Il n'y a pas à dire, travailler en la compagnie de Lana est comme une évidence. Nos conversations sont aussi légères que professionnellement instructives, nos points de vues se confrontent et se complètent plutôt naturellement, et nos pistes de réflexions semblent se connecter bien plus souvent que ce qu'on veut bien l'admettre. Un peu comme les deux côtés d'une seule et même pièce : je suis l'esprit pragmatique et terre-à-terre, qui applique instinctivement ce qu'il y a de mieux et de plus bénéfique pour l'intérêt général de ma petite cohorte personnelle ; et elle est le cerveau plus réfléchi, plus méticuleux et plus protocolaire, permettant d'avancer dans l'évolution des programmes, des contenus professionnels, tout en prenant en compte l'aspect scientifique et pokéthropologique des recherches menées et des découvertes qui s'en suivent. A nous deux, nous parvenons sans trop de difficultés à esquisser des régimes d'entrainement correspondant et s'imbriquant parfaitement dans les habitudes et les penchants naturels des pensionnaires. Les mécanismes sont bien huilés, et les efforts déployés sont en tout point solides.

Cela dit, le laps de temps qu'il nous faut pour monter un programme d'élevage pokémon peut varier entre quelques heures et quelques journées entières. Surtout quand on doit gérer trois spécimens complètement différents : une chauve-souris dragon, un panda belliqueux et un genre de petit dinosaure adepte de l'habillage céphalique osseux. Rien ne garantit non plus que nous parvenions à trouver le juste équilibre entre ces trois pokémons, quand bien même les similitudes dans les besoins en évolution paraissent adaptables et applicables pour chacun d'eux. Il suffit donc de laisser le temps au temps, et de laisser faire s'opérer la magie scientifique de Lana. Quelle chance j'ai eu de l'avoir débauché alors qu'elle se destinait à une possible carrière de laborantine, délaissant ses projets de coordination à tout jamais.

- Leonis, j'ai besoin de ton avis sur quelque chose.
- Attends... deux petites secondes... *griffonne quelque chose sur un post-it* ...là ! Je suis à toi.
- Je n'en attendais pas tant, tu sais. répondit Lana d'un ton lascif.
- Hin hin hin... très drôooole. pesté-je.
- Rrhôo, si on ne peut plus se charier un peu. *change de sujet* Bon, voilà, j'ai un petit doute quant à la future composition des pokéblocs pour le Sonistrelle, puisque je pense qu'ils seront compatibles avec ceux de Lofn.
- Tu me surprends déjà, je ne pensais pas que les deux pokémons seraient dépendant du même régime alimentaire. m'étonné-je.
- Eh bien, dans les faits, ils ne le sont pas. Mais la faible constitution de Sonistrelle et le manque de protéine chez Lofn font que les deux auront besoin d'une remise à niveau calorique.
- Ah je vois. C'est vrai que... commençé-je à dire en regardant mon compagnon du coin de l’œil ...ce petit bout de dinosaure ne s'alimente pas aussi bien que je l'espérais depuis quelques temps. Tu crois que c'est toujours dû au traumatisme de la perte de son précédent dresseur ?
- C'est tout à fait plausible. admet-elle. Je ne suis pas experte en psychologie pokémon, mais je sais en revanche que cette carence risque de lui poser de sérieux problèmes musculaires. Ce qui m'emmène sur le doute que je t'énonce depuis tout à l'heure : penses-tu que Lofn serait en la capacité de partager son repas avec un pokémon inconnu ?
- Eh bien, grande question. Il va falloir tester pour le savoir, parce qu'à part avec Vetala, mon Ectoplasma, je ne suis pas certain qu'il n'ait déjà partagé quoi que ce soit avec qui que ce soit d'autre. avoué-je.
- Bonne chance pour la tentative. En tous les cas, si tu me donnes ton feu vert, je commence la confection des pokéblocs pour les deux p'tits loups, et je finirai avec ceux de ce diablotin de panda. dit-elle en fixant le Pandespiègle du regard.

Elle n'a pas tort. Si le Sonistrelle de Lime Aunade - oui j'insiste sur son prénom en entier parce que je trouve que c'est un petit plaisir intellectuel de joueur de mots qui n'est pas négligeable - est timide et plutôt calme et effacé, le Pandespiègle est définitivement son opposé. Joueur, farceur, hyperactif. Il a tout du combattant dont le feu brûle ardemment à l'intérieur, et que, comme un chien de berger, s'il n'a pas sa dose d'activité physique ni de moment de défoulement, il risque de devenir une bombe à retardement. D'où finalement mon idée de le laisser sortir un petit moment, en compagnie de Lofn et de son comparse dragon-chauve-souris.

Je redoute un peu le moment où je vais devoir sonder mon petit partenaire au crâne recouvert d'une carcasse crânienne. Il est délicat et sensible, et je n'ai pas envie de lui imposer une situation qui pourrait le mettre en situation de détresse. Il a assez souffert avec la perte de son ancien acolyte humain, je ne vais pas lui faire l'affront de devenir un individu qu'il pourrait avoir en crainte ou en horreur. Il va donc me falloir prendre des pincettes, et l'aborder de la meilleure des façons.



- J'ai crru comprrendrre que tu aurrais peut-êtrre besoin de moi, partenairre ? annonce une voix masculine typique des îles, douce et rassurante.
- Ah c'est toi Merenui. reconnais-je. L'homme dont j'avais besoin.

Je vous l'ai déjà présenté mais Merenui est tout simplement mon magicien de la psychologie pokémon. J'ai quelques notions en accéléré via des séminaires en ligne et quelques heures de formation par correspondance de-ci et de-là de mon nouveau temps libre quand je n'officie pas sur la pension ou que je ne m'entraine pas pour le prochain concours de coordination. Cet homme originaire d'Alola, plus précisément du village d'Ho'ohale sur l'île Akala, est un individu d'une empathie et d'une intériorité comme on en fait rarement dans le domaine des dresseurs pokémons.

Ancien prétendant au trophée de la Ligue d'Alola il y a quelques années de cela, âgé de quelques années de plus que moi, il s'est reconverti dans la pratique de la psychanalyse et de la réhabilitation sociale des pokémons. Son acuité émotionnelle et sa perception des intentions font de lui un remarquable observateur, et un conseiller de choix. C'est grâce à lui que les profils types de mes pensionnaires peuvent être établis, me permettant par la suite de pouvoir anticiper les besoins et les éventuelles difficultés de mes protégés lors des sessions d'entrainement. Un esprit sain pour un corps sain, tel est son leitmotiv.