Hors Série #3 : L'apprenti-éthologue, le conquérant et les trois dragons

Enfin un peu de divertissement au milieu de toutes ces tentatives de recherches sur les pokémons amphibiens. Ce n'est pas chose aisé que de tenter de se fondre dans la masse de l'environnement naturel de ces pokémons, surtout lorsqu'il s'agit de marécages dont les températures peuvent être dans les extrêmes et les intervalles : tantôt une chaleur humide et faisant transpirer à grosses gouttes ; tantôt une brise très fraiche qui vient tout juste piquer les yeux pour les faire pleurer et forcer une réaction machinale du corps pour se l'essuyer ; puis de nouveau une nouvelle vague de chaleur, mais cette fois suffocante et tout juste supportable pour le commun des mortels ; pour parfois finir sur des nuits glaciales avec une humidité mordante et inconfortable. Non, il n'y a pas à dire, tenter de devenir une éthologue, c'est tout un savoir-faire qu'il me faut encore développer, et il y a fort à parier que cela ne se fera pas du jour au lendemain.

Mais revenons à nos mots et tons. Je me suis accordé un petit temps de pause au beau milieu de mes virées johtoises, et j'en ai profité pour me procurer un billet pour rallier la région de Sinnoh. Ce n'est pas la première fois que j'y fais un tour, mais la dernière fois avait été pour un évènement tout particulier, celui de la visite post-natale pour raccompagner ma grand-mère, Anita, dans son chez elle à Célestia. C'est d'ailleurs dans cette ville que je me trouve actuellement, non pas parce qu'elle est la ville de cœur de mon père, Alessio, la ville qui l'a vu naitre en tant qu'enfant du pays mais aussi en tant que très grand orfèvre horloger de sa génération ; mais c'était aussi et surtout l'occasion de pouvoir payer une visite à ma grand-mère, tout en mettant à profit mon temps nouvelle libre pour assister à ce superbe évènement annuel des trois dragons.

Un évènement comme on en fait rarement dans ce coin-ci de la région, mais ô combien important pour ses habitants et pour la population du monde entier. Quoi de mieux que de pouvoir festoyer et se divertir tout en rendant ses hommages aux trois dragons de la providence : le maitre du Temps, Dialga ; le maitre de l'Espace, Palkia ; et l'ancien ange déchu, celui que l'on a appelé le Renégat pendant des générations et des générations, mais aussi et surtout celui qui avait accepté de devenir le nouveau protecteur de l'humanité, avec son don de contrôle de l'anti-matière universelle, Giratina. C'est la première que j'y assiste, même si ce n'est pas la première fois que j'en entends parler. J'ai hâte de pouvoir en apprendre plus à leur propos, histoire d'alimenter mon carnet de bord.

Oui je sais. Encore du travail me direz-vous. Mais voyez-vous, cette fois-ci, je marche dans les rues de Célestia avec légèreté. Je flâne le long des maisonnettes qui se sont parées de leurs plus belles jardinières de fleurs violettes, bleues et parfois même d'un gris platine saisissant, comme pour représenter au plus fidèlement les trois dragons de la légende. Donc ce n'est pas réellement du travail, même si je devrais prendre soin de ne pas me disperser pendant mes temps d'écriture marchés, histoire de ne pas -

...AOUTCH ! *me retournant aussi sec* Pardon. Toutes mes excuses. Je ne vous avais pas vu. J'espère que vous n'avez rien de- ouille! *me rendant compte d'une douleur à l'épaule en la remuant* Haha, faut croire que je n'y suis pas allée de main morte. ris-je avec un embarras mélangé avec une douleur lancinante.

- Z'allez bien mademoiselle ? Votre épaule ?

Voilà la seule réaction à laquelle j'ai eu droit de façon imminente et un tant soit peu spontanée. Non pas que je m'attends à de fausses et plates excuses pour avoir partager la collision dont je suis la responsable, mais je me dis que tout de même, pour un aussi grand gaillard que ce golgothe brun à la chevelure soyeuse mais paradoxalement ténébreuse et au look de punk hard-rockeur, possiblement qu'un petit mot peut être le bienvenu.

- Désolé, j'vous avais pas vue.

Ah. C'est tout juste sifflé entre les dents, mais ça a la peine d'être audible. L'intention n'est peut-être pas totalement présente, mais la sollicitude d'un début de politesse suffit déjà à me rasséréner, histoire de ne pas avoir à subir et maintenir un échange houleux dès le départ. Ce qui me laisse tout le loisir et le temps d'observer un peu l'homme - ou plutôt le groupe d'hommes - sur lequel je viens de tomber.

Au nombre de cinq, chacun de ces énergumènes possèdent un charisme tout à fait singulier et palpable. Comme si ce groupe était doté d'une aura toute particulière, comme un groupe de rock star, si on en juge leurs tenues vestimentaires, ou tout du moins, leur apparence première. Celui qui s'est inquiété de ma condition était très grand lui aussi, chevelure verte légèrement lumineuse par endroit, donnant une impression parfois de dreads sauvages végétales et aériennement libre ; un corps fin pour une allure très élancée qui souligne son imposante taille. Par la suite, il y a celui qui a sifflé quelques excuses entre ses dents, encore plus punk dans le rendu visuel vestimentaire et physique, le détail original étant son kilt descendant jusqu'à mi-cuisses. Et puis il y a celui qui vient de pousser une chaise apparemment haute et pliante, dont le look est incroyablement fin mais soigné, doté d'une chevelure à en faire pâlir les femmes les plus soucieuse d'entretenir une longueur indécente, dans un dégradé de châtain clair et de brun plutôt marronné. Les deux autres bonhommes - dont un aux allures plutôt d'ours brun, et l'autre visiblement dans la lune - ont l'air plutôt passif dans leur attitude, mais rivant tout les deux leur regard vers le golgothe brun au kilt à carreaux, peut-être dans l'attente d'une instruction de sa part, trahissant donc son statut de chef de la bande.

Tout cet attirail de matériel et cette combinaison de look m'intriguent, à tel point qu'il déclenche en moins un questionnement machinal, comme si mon cerveau et les muscles de ma bouche ne peuvent se retenir de s'articuler pour inciter mes cordes vocales à produire cette série de son tant attendue.

- Il n'y a pas de mal. C'est ma faute. *se retouche l'épaule* Aoutch ! Je sens que ça ne va pas être de la tarte aujourd'hui. me plains-je tout en redirigeant mon regard vers le quintette de punks. Vous transportez beaucoup de matériel dites donc. Ce n'est pas commun un tel déploiement de moyens pour un festival. Vous êtes les responsables de la programmation médiatique ou musical par le plus grand des hasards ?

- Ouais pour le coup, on est là pour faire la couverture médiatique du festival, comme on viens d'Hoenn c'est pas tellement le genre de truc qu'on a l'habitude de voir de part chez nous. On va faire un tour des festivités, interroger des locaux et certains des organisateurs histoire de faire un peu de pub en échange de la gratuité globale des attractions et de l'accès au backstage de certaines des représentations qui vont avoir lieu.

L'homme aux dreads vertes comme la nature me répond aussi nettement que lorsqu'il m'a adressée son inquiétude après avoir percuté l'un de leurs camarades. Il avait tout à fait charmant, ou tout du moins, poli et convenant des politesses envers la gente féminine. Il n'est pas mon type d'homme, loin de là, trop fin, un peu trop punk pour moi qui suit plus commune, une madame tout le monde avec des goûts bien basiques et des conceptions de la mode au ras des paquerettes. Mais il faut reconnaitre que ce genre de petite attention reçoivent toujous bonne publicité auprès des femmes.

Bon, le problème, c'est que je n'ai absolument aucune idée de ce que je peux bien leur raconter de mon côté, donc à la place, je vais m'engouffrer dans la conversation à propos de cette couverture médiatique dont il parle. Ça ressemble à un travail de reporter, mais c'est pour s'intéresser au folklore du coin, alors peut-être sont-ils également spécialisés dans des faits historiques, et plus précisément ceux s'axant sur les espèces de pokémons. Peut-être même que nous avons des lectures et des aspirations communes, mais ça, je ne peux pas encore le savoir si je ne trouve pas vite quelque chose pour enrichir le dialogue.


- Ça m'a l'air passionnant comme travail ! feins-je de m'exciter pour rentrer dans l'humeur de la conversation. Et si en plus vous bénéficiez de quelques privilèges, c'est gagnant gagnant pour votre troupe j'imagine. Vous êtes des journalistes de formations ? Ou simplement des documentalistes de passages venus pour agrémenter quelques essais sur les trois dragons de la légende ? questionné-je.

Je pense qu'avec cette demande un peu anodine au demeurant, je devrais pouvoir en apprendre plus sur le pourquoi du comment de leur présence. Après tout, dépêcher une équipe-caméra pour couvrir un tel évènement, sans même que je ne l'ai eu lu mentionné quelque part ; ça éveille naturellement mes soupçons de chercheuse exploratrice. Et quelque chose me dit aussi que le regard noir de celui que j'ai bousculé un peu plus tôt envers son comparse à dreads en dit long sur l'envie de ne pas se montrer au grand public.

La question posée n'est pas forcément mauvaise si j'en crois la bonne volonté de la grande perche à dreads vertes à vouloir continuer la conversation pendant que l'on fait un petit peu de marche en direction de… en direction de… bah de rien en fait. Où allons-nous au juste ? L'endroit paraissait trop spacieux pour être réellement accessible de tous, peut-être sans doute un passe-droit réserver au grand brun aux cheveux longs, au kilt et à la mine renfrognée encore et toujours. Les interactions sociales ne doivent pas l'enchanter plus que ça, pourtant, il est l'élément central de ce groupuscule masculin. Ah bah d'ailleurs, je le vois du coin de l'œil en train de chercher un objet au niveau de sa ceinture de pokéball. Il a l'air d'avoir l'envie de faire appel à un Pokémon et - WOUAAAHTE ?!

Mon cri de surprise n'a pas pu être empêché et je donne l'impression d'une groupie qui n'en croit pas ses yeux de ce qu'elle est en train de voir se manifester devant elle. On peut stocker des véhicules dans des pokéballs maintenant ? Je n'en savais rien, et du coup, je n'ai écouté qu'à moitié les paroles du grand dreadeux.

- Pardon de vous couper, mais vous pouvez m'expliquer comment se fait-il que votre ami ait réussi à faire apparaitre un véhicule de cette envergure de depuis une balle de capture ? C'est ahurissant non ?! m'étonné-je.


Le temps de le laisser répondre, je continue d'observer les agissements du grand brun à kilt. Il semble pouvoir monter dans le véhicule, suivi par deux de ses acolytes. Vraiment étrange ce qu'il se passe devant moi, mais il va falloir que je raccroche le wagon de la conversation avec celui qui est juste à côté de moi, sinon, je vais paraitre monstrueusement irrespectueuse des conventions.

- Mais non, à la base, on était pas du tout dans ce domaine, pour ma part j'étais co-gérant d'une pension avant de rencontrer l'autre grand trou du cul. prononce-t-il d'un air cru et ironique, me faisant sourciller quelque peu quant au registre très familier de ce petit nom affectueux entre hommes. Quant aux autres membres de la troupe, y'a Tempérance qui faisais partie du Polygone avant qu'on le recrute comme roadie, et concernant les deux autres, c'était petit boulot sur petit boulot.
- Le Polygone vous dites ? questionné-je. J'ai l'impression d'avoir déjà entendu ce nom quelque part… poursuis-je en me grattant une tempe. C'est en lien avec la société des Rangers n'est-ce pas ? Comment se fait-il que vous ayez réussi à débaucher un Ranger au profit d'une vie de route ? continué-je de mitrailler.


Je laisse le soin à mon interlocuteur de répondre, tout en me rendant compte que le brun initialement en tenue punk est ressorti de ce fameux véhicule transportable, dans un obi somptueux, donnant une impression de grâce et de solennité dans l'allure. Bon, bien évidemment, ce dernier a gardé ces piercings, son espèces de gros collier épais autour du coup, et dans un dernier coup d'œil, son vernis aux ongles. Pour le coup, il était aussi féminin que moi, mais dans un tout autre registre. Je ne peux alors détourner mon regard de son imposante stature dissimulé dans un écrin de tissu noble et étrangement représentatif de l'évènement en cours. Oh, mince ! Je crois qu'il vient de se rendre compte que je le dévisage d'un peu trop. Pourvu qu'il ne me prenne pas en grippe.