Devant ma stupéfaction, le grand sec à dreads vertes s'approche de l'espèce de véhicule sorti précédemment de la pokéball du grand brun à kilt, puis donne une sorte de petite tape affectueuse sur le capot de ce dernier. Comble de l'incroyable, la machine réagit, et émet un petit son de moteur vrombissant, comme si elle avait apprécié ce geste d'affection. L'homme m'explique par la suite que ce véhicule est en réalité un pokémon, une Starmobile, soit un stade évolutif finale d'un Vrombotor, précisant par la suite que comme pour les Métalosse, il s'agit en réalité d'une sorte d'évolution composite, qui allie un savant agencement et une mécanique ingénieuse de quatre Vrombi alliés à un Vrombotor central agissant comme catalyseur faisant fonctionner le tout. Le plus dingue dans cette histoire est le fait que - en plus d'être un pokémon plutôt rare- elle est chromatique !

Je m'empresse alors de sortir mon carnet d'exploration et d'y apposer le texte suivant :

Carnet d'Exploration

Célestia, Jour 4.

Je fais la rencontre inattendue d'une Starmobile chromatique auprès d'une équipe de tournage itinérante composée de membres tous plus hauts en couleurs les uns que les autres. Je suis surprise, et je ne comprends pas comment ce véhicule peut en réalité être un pokémon. Grâce à des explications de l'un des membres du groupe, il s'agit en réalité d'une évolution composite alliant la présence de quatre Vrombi, agencés et montés autour d'un seul et même Vrombotor. Cela leur confère une ingénierie modifiée, adaptable, pouvant se moduler selon les besoins du dresseur. Signes distinctifs : la Starmobile peut être dotée d'une boule à facette et de jeux de phares colorés pour participer aux ambiances festives en extérieur ; mais le plus étonnant c'est qu'elle possède une langue en matière souple et isolante. Incroyable !

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Et effectivement, aussi tôt que je fais par de mon intérêt pour le pokémon véhicule, ce dernier fait briller sa boule disco de mille couleurs et mille reflets, tout en klaxonnant allègrement dans ma direction. La Starmobile fait également étalage de sa plateforme motorisée. Alors que je m'extasie devant une telle prouesse de la génétique mécanique chez les pokémons de type Acier, un autre des compagnons du grand brun chevelu - maintenant dans un obi d'une qualité époustouflante - m'interpelle à propos de ma demande d'information complémentaire à propos du Polygone.

- Chuis là pour surveiller que l'autre timbré en peignoir fais pas n'importe quoi pendant ses tournages, et en échange on lui permet d'accéder à des lieux interdits au commun des dresseurs pour étoffer les données de la Tour du Savoir, c'est gagnant-gagnant.
- Oh je vois ! Une sorte de garde rapprochée pour des explorations périlleuses. deviné-je. Oh mais attendez... réalisé-je soudainement ...vous êtes donc explorateurs. Seriez-vous par hasard des explorateurs pokémons spécialisés dans l'éthologie pokémon ?

Ma soudaine interrogation laisse place à une décharge d'adrénaline dans tout mon corps et surtout dans mon cortex cérébrale. C'est l'occasion presque trop rêvée d'enfin pouvoir côtoyer de véritables professionnels de la branche exploratrice des scientifiques pokémons. Si les scientifiques archéologues eux se chargent de fouiller des sites protégés et mandatés par les différentes administrations régionales, les éthologues, eux, partent à l'aventure dans les coins les plus reculés du globe, afin d'y observer la faune et la flore standard, en interaction permanente avec l'Humain mais aussi le Pokémon. Grâce à eux, on peut faire la lecture de rapport et autres articles périodiques sur des découvertes géographiques, anthropologiques et environnementales d'une ampleur folle.

Tout ce que j'espère maintenant, c'est d'avoir vu juste via le sous-entendu involontaire de cet homme un peu enveloppé, presque une sorte d'ours humain, à la voix rauque et teintée d'un accent que je ne reconnais pas vraiment. Mais quelque chose me dit que le grand brun à la chevelure de rockeur punk et prêt à se rendre visible du public dans son obi magnifique, aurait probablement quelque chose à dire.

- Garde-fou plutôt que garde rapprochée, mais ouais on peut dire ça. plaisante un des autres collaborateurs du groupe, reconnaissable à la cigarette qu'il avait à la bouche.
- On taffe en collab' avec l'organisation de l'Île de Puwai principalement même si à la base on taffe pour TV Mérouville. Donc dans un sens, ouais on est des éthologues vu les reportages qu'on a pu faire, même si dans mon cas je suis plutôt la nourrice qui dois gérer cette bande de bras cassés dont la plupart seraient encore en train de cuver dans le caniveau ou à vendre leurs miches au plus offrant si c'était pas moi qui les avait sortis de là. s'exaspère le grand brun avant de poursuivre. Mais on va dire que je suis quand même bien content de les avoir avec moi. Parfois.

Il est vrai que les aléas de la vie font que certaines destinées se rencontrent, se percutent les unes contre les autres, et créent de nouveaux liens au fur et à mesure que le temps passe. Visiblement, en ce qui concerne ce petit groupuscule masculin, le grand brun est le point d'orgue de chacun des personnalités de chaque individu, et le moteur de la synergie qui opère entre eux ; un peu à l'image de cette Starmobile chromatique, qui semblent faire converger des consciences provenant de cinq pokémons de la même espèces, mais tous différents dans leur origine, et qui pourtant convergent tous vers une même entité, plus complète, plus à même d'exprimer les besoins en attention, en ambition et en performance.

- C'est une histoire que j'adorerais connaitre. Mais au fait, puis-je vous demander votre...



Mais je suis coupée par le grand brun qui fait signe à ses acolytes de le suivre, car ils se mettent finalement en route pour réaliser leur reportages dans la ville de Célestia. Pour ne pas faire tâche dans le paysage et ne pas m'afficher en tant que groupie de la troupe, je garde mes distances, mais je décide par curiosité naturelle, le carnet de route à la main, de suivre le tournage de la petite émission retransmise sur une télévision locale. Dans son obi, le grand punk à la chevelure ébène dégage un charisme fou, et intrigue naturellement les passants dans les rues.

Le micro à la main, il vadrouille de stands en stands, testant chaque pièce de nourritures une par une, se tentant parfois sur des visuels peu enchanteurs, comme ces Pomdramours au Sirop bien trop vraies pour être consommées sans se poser la question de si oui ou non il pouvait y avoir une véritable présence pokémon dedans. Ils vadrouillent également parmi les étales récréatives, comme celle de la pêche à l'Ecayon, où les enfants semblent s'en donner à cœur joie, et se permettent d'éclabousser une partie de l'équipe de tournage au passage, évitant soigneusement de ne pas s'en prendre au présentateur principal.



Et enfin vient le point d'orgue de la visite, l'arrêt sur la place centrale, où commencent à se monter les différents stands qui serviront à l'évènement phare de ce festival : la construction artisanale des statues à effigie des trois dragons : Palkia, Dialga et Giratina. Le discours de présentation du punk brun semble captivant, faisant étalage du folklore de la région, de la symbolique de ces statues et de leur intérêt pour un tel évènement. Au fur et à mesure que les explications sont données, certains spectateurs tentent de s'approcher de l'homme au microphone, pour essayer de leur poser tout un tas de questions sur le festival. Pas bête l'idée. Je vais tenter de me glisser dans l'audience, et tenter de poser une question orientée exploration et éthologie de la région de Sinnoh. Peut-être aurais-je la chance d'en apprendre plus sur le grand brun.

La première question mode micro-trottoir ne se fait pas attendre, et provient d'un homme d'âge mûr, la quarantaine je dirai, légèrement agacé si l'on en croit sa moue perplexe et l'un de ses sourcils relevé : « Quel est l'intérêt de rendre hommage aux pokémons surtout quand ces derniers n'ont quasiment jamais été aperçus ? »

Le grand brun semble complètement abasourdi par la prise de parole de cet homme, qui n'a visiblement pas compris comment la méthode du micro-trottoir fonctionne. On ne peut pas réellement le blâmer pour ça, après tout, il avait envie de s'exprimer et il a trouvé un moyen efficace et médiatisé de le faire. Enfin, fallait-il espérer pour lui que la caméra était en train de tourner, sinon, sa question est vouée à passer à la trappe. Non, le micro-trottoir, de ce que j'en ai lu sur plusieurs articles de revues journalistiques, c'est un moyen de partir à la rencontre du grand public, de leur poser une ou plusieurs questions d'ordre événementiel ou sur un fait d'actualité précis, et d'en récolter leurs réponses, si tant est qu'ils en avaient à apporter.

Pour tenter de garder le contrôle de la foule, le grand brun commence à tourner les talons de l'homme à la question légèrement provocatrice, mais se retrouve à écouter attentivement ce qu'un vieillard du coin avait à dire. Selon ce dernier, les Pokémons de la légende, dont le créateur, Arceus, sont en observation permanente sur nos régions ; qu'ils régulent les éléments dont ils ont le contrôle absolu ; qu'ils auraient très bien pu nous annihiler à un moment critique de l'Histoire s'ils l'avaient voulu. Des propos plutôt inquiétants et alarmants, justifiant donc le fait de devoir rendre un hommage à ces bêtes mythiques, sacrées, dans le but de s'attirer leurs bonnes faveurs et leur protection divine. Je ne suis pas personnellement convaincue de tout cela, n'ayant jamais eu à observer une intervention céleste de mon existence, bien que les faits relatés de potentielle fin du monde évitée remonteraient à il y a tout récemment.

Ne voulant pas perdre une miette de ce qu'il peut bien se tramer au fur et à mesure de cette session d'interview populaire, je reste dans le périmètre d'action du grand brun, dont je ne connais toujours pas le nom. Connaissais-je ceux de ses acolytes ? Eh bien non plus. Il faudra que j'y remédie plus tard. Je tente de suivre la cadence de marche, tout en m'assurant de ne pas incommoder les passants sur le sillage. Certains suivent également le petit cortège de curieux qui sont avides d'en savoir plus sur la venue de ce personnage en obi de qualité première. La question est pourtant la suivante : sont-ils curieux d'en apprendre plus sur le festival ? Ou sont-ils curieux du type de questions que celui qui ressemblait à un punk-rockeur jusqu'à il y a peu pourrait bien amener sur le tare.

De mon côté, je ne compte pas en perdre une miette. Je serre mon carnet d'exploration entre mes mains, prête à consigner le vocabulaire, le type de questions, et le type de phraser que cet énergumène à la chevelure brune comme l'abysse des ombres aura à la bouche à un moment donné. Je sens que je ne suis pas au bout de mes surprises, ou de mes peines, selon comment vous voyez la situation.

Très honnêtement, je ne sais pas comment fonctionnent les éthologues, n'en étant moi-même pas encore une. Pour rappel, je n'ai toujours pas reçu le papier qui a suivi l'envoi de mon travail d'exploration du Bois aux Chênes sur Johto, proche de la ville d'Écorcia. Je ne sais pas si mon mode de procédé d'exploration et de recueil de données peut correspondre au cahier des charges de ce qui est demandé pour la fonction. Et je ne sais pas non plus qu'elles sont les véritables missions provenant du quartier général de l'île de Puwaï sur Alola, l'antre sacrosainte des éthologues aspirants comme moi. Rien ne dit que mon angle de vue soit le bon. Rien ne dit que mes consignations sur mon petit carnet d'exploration soit le meilleur des formats. Il y a tant de questions qui sont encore sans réponse, et je suis là, sur Célestia, au Festival des trois dragons, pour y suivre sans le vouloir les pas de celui que je pense être un véritable éthologue envoyé par l'île alolienne.

Je le suis très discrètement pendant sa session de micro-trottoir. Je tâche de ne pas apparaitre dans le champ des caméras, ne sachant que trop bien l'importance d'une prise de vue, matérielle ou physique, pour capter la moindre parcelle d'action pouvant mener à une histoire, une anecdote, à un élément de folklore pouvant éventuellement éclairer le téléspectateurs sur les us et coutumes de la région de Sinnoh, de comprendre ce qui peut relier les Pokémons au règne des humains, et saisir toute la symbolique autour de cet évènement. Je vois alors le grand brun déambuler parmi les stands, principalement dédiés à l'art culinaire sinohien, à l'artisanat et au savoir-faire déployé lors de cette espèce de compétition de construction à la main des statues représentants les trois dragons de la légende. Des questions sur le choix d'ingrédients spécifiques contenus dans des plats, liés directement ou indirectement à des Pokémons, tels que l'iode du Sélutin, apparemment riche en goût et tout à fait adapté pour la cuisine du quotidien ; ou encore le miel d'Apitrini, pauvre en sucre mais riche en matières grasses essentielles et qui font le ravissement des papilles enfantines. Certains artisans de la gastronomie s'accordent eux aussi à délivrer au questionneur en obi le fait que la cohésion et la coopération du règne des Pokémons, si tant est que la qualité des produits soit traçable et contrôlée, est un élément incontournable de leur commerce, et que sans eux, c'est toute une économie qui prendrait du plomb dans l'aile.

Au niveau des stands artisanaux, on remarquera l'intérêt tout particulier des questions tournées vers l'importance et la justification de se baser sur les trois dragons Giratina, Palkia et Dialga. Certains artisans du bois avoueront volontiers au grand brun que leur respect du dragon divin de l'Espace, Palkia, équivaut à une croyance à part égale avec leur autre dieu humanoïde, et que c'est dans la qualité du bois, de ses cernes, et du potentiel de friche des racines de l'arbre ayant concédé l'offrande bûcheronne, qui fait toute la particularité des armatures boisées disséminées ici et là du festival. Les forgerons et autres armuriers, ainsi que quelques gemmologues, eux, confieront au groupe de tournage que si la pierre taillée et exploitée lors de cet évènement est d'une si grande qualité, c'est parce que le dragon divin du Temps, Dialga, lui avait permis de se polir naturellement par l'action du temps, préservée de toute fioriture oxydée provenant d'un environnement dépourvu d'influences pokémons.

C'est en ces quelques échanges constructifs et instructifs que l'on se rend compte que le métier d'éthologue est aussi divers qu'extrêmement important : sans une consignation historique et culturelle des différents évènements qui se déroulent sur notre terre, alors il n'y aurait absolument aucun sens dans le fonctionnement d'une civilisation, surtout quand celle-ci est mixte, mêlant les humains aux animaux, les fleurs et les pierres, les Pokémons et les éléments. Et en une heure de temps, je n'ai pas eu l'occasion de gribouiller grand chose sur mon carnet, étant plus occupée à regarder, écouter et ressentir le fruit du travail du grand brun. Ce dernier d'ailleurs décide de rejoindre une des brasseries visitées pendant le tournage de sa session de micro-trottoir, mais sans pouvoir y déguster les différents breuvages, ne récoltant que de maigres témoignages de l'importance des Pokémons plantes et poison dans le processus de fermentation de certaines décoction, ou le développement de quelques levures propices au potentiel en alcool de certaines boissons. Timorée mais résolue à en savoir plus à son sujet, ne serait-ce que son prénom, et celui de son travail d'éthologue, je m'introduis dans la brasserie et vient à leur rencontre.

- Excusez-moi de vous déranger à nouveaux messieurs. introduis-je. Serait-il possible de me joindre à vous pour échanger un peu plus sur votre métier ? La prochaine tournée est pour moi. proposé-je alors, espérant que l'approche serait bienvenue.