Dès l’entrée du challenger et dès notre toute première interaction, une chose devient très claire pour moi : le plus difficile dans ce match sera de garder une expression sérieuse et pacifique. Et pourtant, j’ai de l’entraînement avec mon parcours politique, mais l’envie de rouler les yeux vers le ciel et de soupirer est on ne peut plus forte face à un tel individu. Qu’à cela ne tienne, je me montrerai l’adversaire le plus aimable qui soit. Espérons qu’en me forçant à sourire ainsi je ne reste pas coincé une fois ce match terminé. Je sens bien ma paupière qui tressaute lorsque mon interlocuteur se permet de me tutoyer, comme si nous avions élevé les Gourmelet ensemble. Pas de panique, respirons. Ce n’est qu’un sale moment à passer mais avec un peu de chance, cela sera rapide et ensuite je pourrai refourguer le bébé à mes collègues. Car oui, s’il y a bien une chose que Jin n’a pas cessé de me répéter, c’est que cet énergumène au melon surdimensionné — plus je le dis, plus j’aime l’image — a une équipe plus que solide dont certains éléments sont surentrainés. Autant dire qu’avec les paliers de puissance qui nous sont autorisés, ce match risque d’être rapide si j’en crois mon agent.

J’avais bon espoir que ma connaissance personnelle des Starmobile et l’entrée remarquée de la sienne puissent nous permettre d’entamer la discussion, mais il semblerait que mon adversaire soit déjà dans son monde, casque sur les oreilles, et visiblement peu disponible pour faire la conversation. Je lui adresse cependant un signe de tête reconnaissant lorsqu’il mentionne les brides qui nous séparent et ne nous permettront pas de nous affronter au sommet de notre art avant la Master Ligue. Ayant l’expérience d’avoir été à la fois challenger et maintenant d’être passé derrière le rideau, je ne sais que trop bien combien ces restrictions peuvent être à la fois rassurantes et frustrantes. « Pari tenu. Mais tâchez de ne pas vraiment mettre le feu à mon jardin, voulez-vous ? Le personnel de la Ligue a travaillé dur pour mettre ce fabuleux jardin en place. » Je tourne ensuite de façon exagérée mon visage vers les écrans géants, avant de parler avec force dans le micro, pour que tout le stade entende. « Le terrain vous plaît ? » Et bien sûr, les spectateurs ne loupent pas l’occasion de donner encore plus de voix, si bien que la clameur devient assourdissante. Ah, que cette ambiance est galvanisante ! Lorsque je me retourne pour marcher vers mon côté du terrain, Bishop m’emboîte à nouveau le pas, tandis que Dusan s’envole pour aller se poser je ne sais où, sans doute quelque part sur l’un des toits des tribunes.

Une fois sur la plateforme m’emmenant de mon côté du terrain, je profite d’être momentanément à l’abri des caméras pour fermer les yeux, souffler un bon coup, et essayer d’enlever la tension dans mes épaules. Poussin. Ce type n’a vraiment aucune gêne ni aucune éducation visiblement. J’aurais pu passer outre le tutoiement ou le manque général de compréhension des codes sociaux, car c’est vraiment un univers à part et il n’est pas donné à tout le monde de l’appréhender facilement. Si je ne me trompe pas, nous avons à peu près le même âge, donc je ne sais pas bien d’où vient ce « poussin ». « Tu sais pas ce que je donnerais pour être au pupitre face à quatre-vingt-dix-neuf autre sénateurs plutôt que de faire face à ce pitre. » Bishop me regarde, impassible, avant de poser une de ses mains mécaniques sur mon épaule, ce qui me fait sourire, véritablement cette fois.

« J’imagine que vous vous souvenez du fonctionnement des outils de communication ? Un bouton pour le canal ouvert, afin que tout le stade entende, et un canal privé, rien que pour nous. Vous pouvez aussi évidemment vous mettre en silencieux si le besoin est. » De mon côté, j’ai d’autres canaux de communication, notamment un avec Jin qui n’est pas loin derrière moi, mais se trouve à l’abri des caméras. Je laisse le temps à l’annonceur de hyper la foule et de se montrer dithyrambique envers moi mais aussi envers Rurha. Après tout, c’est aussi l’un des plaisirs coupables de la Ligue : entendre son nom scandé par la foule en délire, voir autant de gens réunis en un seul lieu pour apprécier le spectacle que nos équipes Pokémon vont leur livrer. Et une fois le discours terminé, je ne perds pas une seconde à choisir deux de mes Pokémon à envoyer sur le terrain.

« Floof, Vera, en piste. » Pourtant, je ne lance qu’une seule pokéball dans les airs, celle de mon Farfaduvet qui apparaît dans ce faisceau rouge caractéristique, et se met déjà à se dandiner dès que ses pattes foulent le gazon, prêt à en découdre. « Il n’a plus toute sa tête, pour être honnête, mais les combats Pokémon semblent lui redonner une seconde jeunesse. » Quant à Vera, ses entrées sont toujours plus… singulières. Au sol, un nuage de fumée s’élève peu à peu et se répand jusqu’à l’endroit où Floof se trouve. Et lorsque la fumée se dissipe, la silhouette de Vera se dessine, et derrière elle, quelques flacons en verre ainsi qu’un mortier et diverses plantes. Cette fois-ci, je ne peux m’empêcher de laisser basculer ma tête en arrière et de fermer les yeux. « Veraaaaa. C’est pas l’moment. » Pour toute réponse, la Roigada de Galar tourne légèrement la tête pour me regarder du coin de l’œil. Suis-je vraiment seulement son dresseur ? En face, les entrées sont elles aussi remarquées grâce aux capsules balls utilisées par le challenger. Pour débuter le match, nous ferons donc face à un Corayôme et un Monaflémit. J’ai entendu parler du second en long, en large et en travers. Et je ne suis pas particulièrement ravi d’y être confronté d’entrée de jeu. Arf, je ne peux rien y faire de toute façon. Je jette un coup d’œil dans les tribunes, pour voir si certains de mes collègues regardent et ont déjà la même impression que moi ou non. Il n’y aura pas de match à la loyale aujourd’hui. Je m’efforcerai donc simplement de ne pas faire démériter mes Pokémon, à défaut d’avoir une chance de l’emporter en les limitant à un niveau de Ligue 2.

« Lançons les hostilités. » De mon côté du terrain, Floof commence à exploiter le pouvoir du vent pour accroître la rapidité de l’équipe, tandis que Vera se retourne pour commencer à concocter une sombre potion. Et de l’autre côté, les assauts ne se font pas attendre. « Son Monaflémit a une force dévastatrice. Pas sûr que l’équipe tienne longtemps. Le terrain non plus. » Je grimace aux mots de Jin, qui n’a pas tout à fait tort. Le travail des jardiniers risque d’être bien vite ruiné. C’est mon Farfaduvet qui fait le gros du travail en ce début de match pour essayer d’éviter les attaques des adversaires et les distraire alors que Vera se lance dans je ne sais quel rituel, à ajouter des herbes dans son mortier avant de les moudre et enflammer en même temps d’une attaque poing de feu. « Vera, attention au Corayôme ! » Si ce Pokémon n’est pas rapide, loin de là, son aspect pour le moins étrange et radioactif ne m’inspire absolument pas confiance. Tant que Floof est aux prises avec le Monaflémit, Vera est dans la ligne de mire du corail mort qui n’hésite pas une seconde à utiliser la supériorité de son type spectre pour déjà infliger des dégâts à la Roigada qui, dès qu’elle en a l’occasion, rétorque en balançant une de ses potions empoisonnées à la tête du corail. Si l’attaque en elle-même est loin d’être destructrice, il semblerait qu’elle ait cependant l’effet escompté : empoisonner l’adversaire pour lui saper sa force petit à petit.

Le style de combat de Vera est très particulier, car il repose sur ses potions et sortilèges, et elle a un côté très théâtral qu’elle cultive avec soin. À chaque combat, nous avons donc droit à ses flacons de potions, à ses chants marmonnés qui ressemblent surtout à des grommellements, et à toute une panoplie d’effets visuels, qu’il s’agisse de fumée, d’étincelles ou autres artifices. Le combat se poursuit et je devrais sans doute rappeler Floof car il a déjà emmagasiné de sacrés dégâts pour une Ligue 2. Cependant, c’est Vera qui tombe la première, lorsque le Monaflémit et le Corayôme lancent un assaut de concert, profitant que Farfaduvet soit trop éloigné pour s’interposer. Je n’ai pas le temps de donner des ordres à Vera qu’elle communique déjà avec moi par télépathie. Comme à son habitude, une couleur, le gris clair cette fois-ci, et une émotion, l’ennui. Visiblement, elle n’a pas envie d’être là et de combattre aujourd’hui. Elle continue donc son rituel, bâillant de manière exagérée en direction des adversaires avant de lancer à nouveau une attaque poing feu dans son mortier et de se saisir des herbes enflammées qu’elle tend haut vers le ciel alors que les attaques fusent vers elle. Et alors qu’elle est frappée de plein fouet, je crois l’apercevoir sortir une boule fumée de je ne sais où pour la craquer au sol, et rentrer d’elle-même dans sa pokéball. Le public semble un peu hésitant, habitué aux excentricités de Vera, mais pas non plus à ce point. De mon côté, je ne peux retenir un soupire et commence à me masser les tempes d’une main, les yeux fermés. « Pardon pour Vera, elle est… dans son monde. » Dans mon oreillette, j’entends Jin ravaler un rire. Je sais déjà ce qu’il pense : qu’elle me donne l’image d’un dresseur n’ayant aucune autorité sur ses Pokémon. Pourtant, je trouve qu’elle a un véritable sens artistique et je suis convaincu que cela plaît, aux gens dans les gradins, comme à ceux derrière leur écran. C’est la marque de fabrique de la Roigada que de cultiver le mystère qui l’entoure.

Et contre toute attente, nous sommes deux à envoyer un nouveau Pokémon car Rurha décide de rappeler son Corayôme avant que le poison n’ait raison de lui. Malgré tout, le score reste en sa faveur car son Pokémon n’est pas KO, contrairement à Vera qui était au bord de l’effondrement après les assauts combinés, ce qui est largement suffisant en Ligue 2. Je suis extrêmement surpris de voir débarquer un Métamorph de l’autre côté du terrain, alors que Nero prend place du mien. « C’est inhabituel de voir un tel Pokémon chez un challenger. Je dois dire que je suis agréablement surpris. J’ai hâte de voir ce que votre Métamorph a dans le ventre. » Et je ne suis pas déçu d’être venu. À la surprise générale, le blob violet se transforme en une parfaite réplique de Lucanon qui fuse vers Floof et l’emmène haut dans les airs, si bien que je dois me protéger les yeux pour les suivre du regard, tandis qu’au sol, le gorille taper du poing au sol pour lancer une attaque séisme en direction de Nero. Heureusement que les infrastructures sont solides et prévues pour, car la puissance est tout à fait remarquable. Je suis encore un peu sous le choc de la transformation du Métamorph, si rapide, si précise, sans aucun point de référence sur le terrain, et je mets un peu du temps à réagir. Heureusement pour moi, Nero est extrêmement résistant, et encaisse l’assaut adverse. « Ébouillante-le Nero ! »

S’il y a bien une chose que Nero adore par-dessus tout, c’est le feu. À son grand dam, il n’est cependant pas capable d’utiliser des capacités de ce type. Il se console donc avec la capacité ébullition qu’il a élevée au rang d’art. Je suis donc particulièrement satisfait et ne peux m’empêcher un sourire en coin en voyant que le gorille a été brûlé. « Ne lui en voulez pas, mon Pokémon est un peu pyromane sur les bords, c’est son attaque préférée. » Et quelques secondes plus tard, le Lucanon fait s’écraser Floof sur le sol qui n’est plus en état de combattre et que je rappelle rapidement pour transférer sa pokéball vers les soigneurs. J’évite de réfléchir plus longtemps et fait appel à ma Starmobile. « Je vous présente Nicola. Elle était très connue dans le milieu du tuning à Unys à l’époque. Mais c’est bien en combat Pokémon qu’elle exprime son plein potentiel. »

Ce combat est perdu d’avance. Je crois que je l’ai su avant même d’entrer sur l’arène. Néanmoins, je trouve que mes Pokémon ont déjà montré de belles choses, et c’est le principal. Nous partirons la tête haute, en espérant avoir le temps de placer encore quelques capacités intéressantes. Mais en face, le duo adverse est tout simplement effrayant. D’autant plus lorsque le Lucanon se transforme en Miasmax et que je me retrouve bouche bée sur écran géant, les yeux écarquillés, avec Jin qui me hurle dans l’oreillette. Il me faut quelques secondes pour retrouver mes esprits et me retourner vers mon agent, que je distingue à travers les vitres derrière moi. Je pointe un pouce derrière moi pour désigner mon adversaire, comme pour dire à Jin « Can you believe this guy? » Ce Métamorph vient de produire coup sur coup des copies parfaites de deux Pokémon qui ne sont absolument pas présents sur le terrain, et il vient d’utiliser une attaque que… mes Pokémon ne connaissent pas, et que je doute que le gorille en face connaisse. Il s’agit soit du meilleur Métamorph de tous les temps, soit… Non, je ne peux pas y croire. Mais je me doute que dans les tribunes, certains de mes collègues pourront peut-être confirmer ou bien me ramener à la raison. Jin me fait entendre son opinion haut et fort dans l'oreillette, en tout cas. (2302 mots)

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	Cambria utilise ball'ombre (spectre, 80/100, AS 356, 20% de chances de baisser la DS d'un cran) sur Mew.
	Nero utilise garde large.