Décidément, il n’y aura pas une Elite où je pourrais simplement me réjouir en sortant du stade. Sauf que, cette fois-ci, ç’aurait pu être évité. C’est pour ça que je suis remonté envers Spyros. Je ne me suis pas attardé pour répondre aux questions des journalistes comme j’aurais voulu le faire, pour la bonne raison que j’ai dû organiser le transfert de mon Lucario à la clinique vétérinaire de Vestigion. Ce n’est pas que je ne fais pas confiance à l’équipe de soins de l’Elite – au contraire, je n’ai pas hésité à leur confier Spyros hier après les résultats de la prestation – mais que mon pokémon est déjà suivi par un vétérinaire pour ce qu’il a. Mathieu s’est renseigné sur le sérum, sur sa composition, sur les différentes recherches et expérimentations faites en laboratoire. Il a pleinement investi le dossier de Spyros et le connait mieux que quiconque. Il n’y a personne en qui j’ai plus confiance pour s’occuper de lui. Je l’ai directement appelé dès l’incident, pour le prévenir, pour qu’il puisse échanger avec ses équivalents à l’Elite. Je n’avais pas les détails sur les antécédents de Spyros, hormis le global : je n’ai définitivement pas le bagage scientifique pour comprendre et en plus réexpliquer avec les termes exacts. Bref, je suis là à attendre un transport pour me conduire au plus vite à Vestigion. Je suis pétri d’anxiété au plus haut point, d’angoisse même. J’ai déjà vécu ça, je ne pensais plus jamais le vivre. L’angoisse de perdre quelqu’un de proche, tout du moins de le savoir sur cette pente, avec cette issue où tout est terminé, pour toujours. Je ne peux pas. Ça fait trop mal de voir cette blessure se raviver. Jusque-là, j’avais la pression de ce que j’étais en train de vivre à l’Elite, j’ai gardé mon sang-froid parce qu’il le fallait. Comme la fois d’avant, en fait. Tout bottle up jusqu’à ce que je puisse m’écrouler. C’est d’ailleurs pour ça que je ne prends pas mon envol sur le dos d’Auriol : je vais m’effondrer d’une seconde à l’autre, et ça ne peut pas être en plein vol.

« Monsieur Finnegan ? » Je relève la tête, essayant de dégager la brume autour de mon esprit. « Monsieur Finnegan, c’est bien vous ? L’urgence pour Rivamar ? » « Oui, c’est bien moi, c’est ça. » Je me hâte de monter à bord de la navette pour me rallier à Rivamar. C’est de là que je prendrai un jet en direction de Vestigion. Je sais, c’est absolument contraire à mes principes, sur l’écologie et tout, mais là, j’ai pas cherché. Je regretterai cette décision plus tard. Peut-être. J’en sais rien. Je sais même pas pourquoi j’ai besoin d’être là-bas aussi vite. Est-ce que je dois annuler le jet ? Je crois que oui. C’est pas raisonnable, et surtout que ça servirait à rien. C’est pas ça qui va changer la donne, de toute manière. Ce n’est pas ma présence qui va changer l’état de mon Lucario. Arriver plus tôt à Vestigion ne relève que d’une question de confort pour moi ; et encore, ça ne dissipera pas les interrogations sur l’état de Spyros. Quitte à passer du temps à me ronger les sangs, ce n’est pas être dans la salle d’attente de la clinique vétérinaire ou dans le compartiment d’un train qui fera la différence. Alors… ouais, je vais faire ça. Je vais appeler pour annuler le jet que j’ai fait affréter dans la panique. Je me rends compte en le pensant que c’est totalement un privilège de riche et j’avoue que ça me fait grimacer. Sans doute que je devrais m’en foutre, dans un tel contexte, que personne n’irait m’en vouloir d’avoir utilisé ce que j’avais à disposition. Je sais pas. Je crois pas qu’on puisse tout justifier du simplement fait d’être sous le coup de l’émotion ou de l’urgence. Enfin, là, c’était surtout l’émotion. La peur, pour être plus précis. C’est la peur qui me tenaille le ventre. Je suis en colère aussi, c’est sûr, mais c’est pour l’instant totalement effacé par le vertige à l’idée de perdre le Lucario. Je pourrai lui en vouloir et le lui faire savoir quand il sera tiré d’affaire. Pour l’instant, je vais me contenter d’être terrifié.

---

---

Entraînement : Motisma niv.50 (0/4) ; Marisson niv.05 (0/1)
Reproduction : Forgelina

Si le trajet en bateau pour retourner à Rivamar n’a été qu’une longue angoisse continue, les choses se sont légèrement apaisées durant le voyage en train. J’avais Seth et Todd au téléphone, de Rivamar jusqu’à Vestigion. Ils se sont relayés, en quelque sorte, pour ne pas me laisser seul. J’ai apprécié, fortement. J’avais besoin d’un espace pour lâcher du lest, j’avais surtout besoin de ne pas rester dans mes pensées, de ne pas m’imaginer des scénarios avec la même issue tragique. Je faisais déjà face au vide, je ne pouvais pas en plus faire face au silence. Enfin, pas exactement le silence, plutôt l’absence. Depuis plusieurs années maintenant, je perçois Spyros, ses émotions, un peu comme si elles faisaient partie des miennes. Et vice-versa. Alors, ne plus ressentir ça, c’est déstabilisant, c’est terrifiant. Si seulement c’était la première fois que j’étais dans une telle situation… Donc oui, par expérience, je savais que j’avais besoin de présence. Pas seulement, d’être rassuré aussi, mais surtout de présence. Je ne voulais pas raccrocher le téléphone, et je pense que mes frères l’ont bien senti. Et tant mieux. Ç’aurait été un total cauchemar sinon.

Sauf que j’ai dû raccrocher, au bout d’un moment, avant d’entrer dans la clinique. J’ai dû raccrocher et je dois faire face à tout ça seul maintenant. Pas envie, mais pas le choix. C’est juste horrible comme sensation. Et là, je parle de sensations physiques. Le cœur qui tambourine, comme s’il allait rompre, le souffle court, les tremblements. Tout. Je suis pas bien, je… Je ne veux pas céder à la panique mais j’ai la sensation que mon corps a déjà capitulé, sans mon consentement. J’ai l’impression de petit à petit perdre le contrôle sur moi-même, comme si ce n’était pas suffisant de n’avoir aucun contrôle sur la situation. Il faut pourtant que j’avance, que j’arrive à mettre un pied devant l’autre jusqu’à l’accueil. Je sens que mes jambes me portent à peine, comme si je pouvais m’effondrer à chaque seconde. Je prends une profonde respiration, forçant ma cage thoracique comprimée à s’ouvrir. C’est douloureux, mais je dois passer outre. Je dois puiser dans une autre émotion que la peur pour éviter de la laisser m’envahir complètement. Je dois m’accrocher à autre chose. Et cette seule autre chose que j’ai en stock, c’est la colère. Et je sais pas si c’est un si bon plan que ça de lui laisser les rennes…

« Monsieur, je peux vous aider ? » Je lève les yeux vers la femme qui s’adresse à moi, mon regard s’embue aussitôt. Les larmes montent de manière irrépressible et commencent à couler sur mes joues. Je n’arrive pas à articuler le moindre mot. « Ok. On va s’asseoir un instant, vous allez m’expliquer. » Je… Ça veut pas sortir, ma bouche est entrouverte mais mes lèvres ne bougent pas. Enfin, pas au-delà de mes tremblements. Ma voix est comme éteinte. Je fixe l’assistante vétérinaire, et j’imagine sans mal la détresse que doit véhiculer mon regard à l’air inquiet sur son visage. Nous nous asseyons sur les sièges de la salle d’attente. Et là, je sais pas pourquoi, les barrages cèdent, tout lâche, subitement. Le fameux effondrement. Je prends ma tête entre mes mains et pleure. C’est incontrôlable, inarrêtable. J’avais réussi à tenir le coup jusqu’ici. Je savais qu’il arriverait un moment où je craquerai, je ne savais seulement pas quand. Bah voilà, j’y suis. Mon cœur bat à tout rompre, le sang pulse dans mes tempes. Les sanglots m’empêchent de respirer et ma tête vient s’enfouir entre mes mains. Je n’ai plus la force de tout maintenir à l’intérieur. Je n’ai plus la force.

---

---

Entraînement : Motisma niv.51 (0/4) ; Marisson niv.09 (0/1)
Reproduction : Forgelina

« Monsieur Finnegan ? » Je me redresse quelque peu et relève surtout la tête vers cette voix féminine qui se fait entendre. Les larmes me brouillent la vision et m’empêchent de l’identifier. « Je vais chercher le docteur Sharpe, je reviens. » La phrase aurait dû changer quelque chose. Mathieu va arriver, ce qui signifie que je vais avoir des nouvelles de Spyros, donc ça devrait faire monter un peu la pression mais avoir le mérite de me recentrer. Sauf que non. Ça marche pas. Je sens toujours ce poids bien trop lourd sur ma poitrine et, si les larmes ont arrêté de couler, les sanglots sont encore bien présents. A mes côtés, l’assistante vétérinaire passe sa main dans mon dos, sans doute dans l’espoir d’aider à me calmer et… je crois bien que ça fait son effet. J’arrive à reprendre mon souffle, entre deux spasmes. L’angoisse ne veut pas descendre, en fait ; impossible de me sortir de la tête que Spyros est peut-être en train de mourir et que j’ai rien vu. Parce que oui, c’est ce qui tourne en boucle, que j’aurais dû me rendre compte de quelque chose, que j’aurais dû voir que c’était plus grave que ce qu’il me laissait croire. Je ne me suis pas inquiété, tout du moins pas plus que ça, et voilà où on en est. Pourtant je devrais remarquer ces choses-là, je suis éleveur, je suis en train de me former pour devenir soigneur-urgentiste. J’ai toutes les compétences pour voir que ça n’allait vraiment pas ; ou plutôt je suis censé les avoir. La réalité, c’est que je suis passé à côté, alors que ça concernait mon tout premier pokémon. Ça remet en question beaucoup de choses, surtout mes capacités d’analyse. Si je n’ai rien su voir pour Spyros, qu’en est-il de mes autres pokémons ? Est-ce que je suis aveugle à leur souffrance, à eux aussi ? Jusque-là, je les crois heureux, mais c’est difficile de me fier à mes impressions maintenant que j’ai constaté à quel point je peux être à côté de la plaque…

« Nessa ? Ça va ? » Cette voix-là, je la reconnais, c’est celle de Mathieu. « Merci Yoko, je prends le relais. » « Bon courage. » Je sens la main de l’assistante vétérinaire se retirer de mon dos, puis distingue un mouvement en périphérie ; je suppose qu’elle se lève. Un « Merci. » à demi-mot se glisse entre mes lèvres. Je continue de fixer le sol, je n’ai pas le courage d’affronter le regard de Mathieu. Il y avait des signes précurseurs que je n’ai pas su voir, que j’aurais dû voir. Ou j’aurais dû être plus ferme avec Spyros, prendre sa condition avec plus de sérieux. Dans tous les cas, j’ai déconné. La honte me bouffe presque autant que la culpabilité. Je vois alors deux chaussures se positionner juste devant moi, puis j’entends un froissement, et des articulations qui craquent. Sans doute les genoux de Mathieu. « Hey, Nessa, regarde-moi. » Mes yeux restent rivés sur le carrelage de la clinique. « Spyros va s’en remettre. » Qu… Quoi ? Je redresse la tête aussitôt et plante mon regard dans celui du vétérinaire. Ses yeux gris et ses sourcils froncés laissent entrevoir sa préoccupation. « Vrai… Vraiment ? » Les sanglots – bien plus espacés mais toujours présents – m’entravent encore un peu pour parler. « Oui, vraiment. Il va avoir besoin de beaucoup de repos, vu son état de fatigue extrême, mais il est tiré d’affaire. » C’est la délivrance ! Le poids écrasant de la peur s’envole alors, j’ai l’impression de pouvoir de nouveau véritablement respirer. Si la culpabilité est encore bien là, je suis en mesure de la mettre de côté un instant sous l’effet du soulagement. « Merci Mathieu. Merci. »

---

---

Entraînement : Motisma niv.52 (2/4) ; Marisson niv.15 (0/1)
Reproduction : Baggiguane S

La tempête émotionnelle semble se calmer. Enfin. Peu à peu, j’ai l’impression de retrouver mon souffle et mes esprits. « Est-ce que tu veux le voir ? » Hmm. Bonne question. Instinctivement, j’ai envie de répondre que oui, mais ça me laisse une sensation que je le fais parce que c’est la réaction attendue. Un dresseur se doit d’être au chevet de son pokémon malade, en gros. Le truc, c’est que je suis pas certain d’être une bonne présence auprès de Spyros, une présence saine. Je ne pourrai pas lui mentir, déjà parce que je suis probablement le pire menteur qui puisse exister, mais surtout parce que même si j’étais un bon menteur le Lucario me capterait en deux secondes. Donc à part être rempli de colère et de culpabilité, au risque de l’affecter à cause de ces émotions, je ne vois pas l’intérêt à ce que je sois là, auprès de lui. Oui parce que maintenant que l’émotion est redescendue et que la peur finit de se dissiper, c’est bien la colère qui vient prendre le relai. Et pas qu’un peu. Oui la culpabilité que je ressens fait que je m’en veux, mais c’est avant tout à Spyros que j’en veux. J’aurais dû voir au travers de son petit jeu, mais son petit jeu n’aurait jamais dû avoir lieu d’être en premier lieu. Clairement, il ne va pas comprendre ce qui va lui tomber sur le coin du museau, et c’est peut-être aussi pour ça que je ne me précipite pas pour aller le voir. Il a besoin de repos pour se remettre de ce qu’il s’est passé, il n’a pas besoin de moi qui débarque pour lui dire ses quatre vérités. Pas pour l’instant tout du moins.

« Il est réveillé ? » Je ne sais même pas pourquoi je pose la question, sachant que ça ne changera rien à ma décision. S’il est réveillé, je vais lui rentrer dans le lard ; on veut pas ça. S’il dort, je vais ruminer tout un tas de pensées négatives, et même inconscient il le percevra ; on veut pas ça non plus. Dans tous les cas, ma présence n’est pas ce qu’il faut pour sa convalescence. Peut-être que c’est pour ça que j’ai demandé, pour avoir une excuse à fournir au-delà de simplement refuser de le voir. Enfin, disons plutôt une raison valable autre que le fait que je sois clairement pas un bon dresseur pour mon pokémon. « Non, il se repose encore, et il en a besoin. » Ok. C’est pas surprenant, vu ce qu’il vient de vivre. Et je ne comptais pas le réveiller de toute manière. « Dans ce cas, je vais pas le déranger. Les émotions sont encore un peu trop hautes pour que ça ne vienne pas interférer avec son sommeil. » Regardez-moi, le pro de l’enfumage ! Enfin, c’est aussi pour ça que je n’y vais pas, mais il y a quand même du fait que je ne serais absolument pas capable de gérer lesdites émotions sans exploser. Garder les choses pour moi ? Me taire et laisser couler ? Définitivement pas mon style. Si quelque chose me déplaît, ça va être compliqué – très compliqué – pour moi de ne pas l’ouvrir, de ne pas faire savoir que ce n’est absolument pas ok à mes yeux. Et ça s’applique totalement à la situation actuelle : Spyros a fait de la merde et il doit être tenu responsable de ses actions. Point barre.

« Tu fais bien. Même si, pour être honnête, entre sa sensibilité et votre lien, je pense qu’il perçoit déjà ta présence et tes émotions. » Alors, en effet. La perception de l’aura de Spyros couvre une distance bien plus grande que celle qui nous sépare actuellement, ça, c’est sûr. Mais je suis convaincu que, plus proche je serais, pire ce serait. Donc mon argument ne fait pas totalement flop ; juste un demi flop, disons. « Crois-moi, il ne voudrait pas se trouver à l’épicentre. Personne ne voudrait. » Oh non, personne ne voudrait se prendre en pleine tronche le torrent de flammes que j’ai à déverser. Je vais le pourrir, pour la frayeur qu’il m’a faite, pour le fait qu’il m’ait sciemment caché sa souffrance, mais surtout pour le danger dans lequel il s’est mis. Je suis furieux. Et j’ai l’impression que ça monte en flèche. Je vais le détruire, il va pas comprendre ce qui va lui arriver. Il a intérêt à ce que ça rentre dans son crâne une bonne fois pour toute. « Sinon, concrètement, comment il va ? » Oui parce que ça fera pas de mal de savoir où il en est, exactement. Je sais qu’il n’est plus en danger – ce qui reste le plus important – mais ça ne m’en dit pas plus sur son état. Je renifle encore, seuls restes de mon état d’angoisse précédent. Ou pas. A tous les coups, je dois avoir les yeux rouges et gonflés. Sexy. Enfin bref, j’ai besoin de plus d’infos.

---

---

Entraînement : Motisma niv.53 (2/4) ; Marisson niv.19 (0/1) ; Vrombotor S niv.45 (0/4)
Reproduction : Baggiguane S

« Spyros est épuisé. Physiquement, son corps a été poussé jusqu’à ses limites, probablement au-delà. Il est difficile, à l’heure actuelle de savoir s’il aura des séquelles. » Donc, même s’il est tiré d’affaire, le pronostic de Mathieu n’a rien de rassurant… Je soupire. Pourquoi a-t-il fallu que Spyros en arrive là ? Vraiment, qu’est-ce qui a pu lui passer par la tête pour se dire qu’il pouvait continuer comme ça ? « Son métabolisme a plus de mal à assimiler le sérum que ce qu’on pensait. Après, les analyses ne montrent pas de rejet ou de réaction qui laisserait penser qu’il ne supporte pas la molécule dans son organisme, simplement que ça lui demande trop d’énergie. Plus d’énergie que ce que son corps peut lui fournir. » Je sens que je fronce les sourcils au fur et à mesure que Mathieu parle. Parce que je comprends l’ampleur de ce qu’il m’explique. Ce n’est pas juste du surmenage. Et j’avoue que j’ai des sentiments partagés là-dessus. Spyros ne s’est peut-être pas rendu compte de la gravité de sa fatigue, que l’épuisement l’a peut-être pris au dépourvu alors qu’il se sentait capable. Sauf que ça, je ne peux pas en être sûr. Ça n’a pas pu arriver du jour au lendemain non plus, il a dû s’en rendre compte à un moment, qu’il se sentait moins en forme que d’habitude. Et il aurait dû m’en parler aussitôt. Il savait pertinemment que sa santé était fragile et que rien ne devait être pris à la légère. Il le savait, on en avait discuté, avec Mathieu ici présent. « Ok. Qu’est-ce qu’on peut faire pour l’aider ? » J’essaie de me concentrer sur la suite, sur l’avenir, sur ce qu’on peut arranger. Changer le passé, on peut pas ; agir pour le futur, c’est le truc à faire. « Rien. » J’écarquille les yeux. C’était vraiment pas la réponse que j’attendais… « Qu…Quoi ? » L’expression de Mathieu vire à l’incompréhension puis à la réalisation. « Oh non, pas rien dans le sens qu’on peut rien n’y faire ! Pas du tout. Je voulais dire qu’il ne doit absolument rien faire, le temps de sa convalescence. » Ouf. Je respire un si grand coup. Ça ressemble bien plus à la réponse que je voulais entendre ! « Tu peux pas faire des frayeurs aux gens comme ça, Mathieu… » Je vois bien qu’il est désolé et je me sens un peu mal pour lui. J’aimerais pas être à sa place, même si j’avoue que ma place ne vent clairement pas du rêve non plus. A choisir, j’opterais pour le petit embarras ; j’ai l’habitude de ça, un peu. « Ça… ça m’arrive pas, ce genre de trucs. » Je n’arrive pas à me retenir de rire. « C’est ce qu’on dit… »

On va pas se mentir, ça fait du bien de respirer un peu, d’avoir une bulle de légèreté, même si je sais qu’elle va éclater dans la foulée. « Hey, je vais pas me faire bully par un gamin ! » Eheh. J’avoue, je trouve ça cool. Mathieu est cool. Je pense qu’il a capté que j’avais besoin de sortir la tête de tout ça l’espace d’un instant. « Plus sérieusement… » Here we go. Il fallait bien qu’on y revienne. Ça reste sérieux, ce qui se passe là. Très sérieux. Allez Nessa, focus. Préoccupé et en colère, on se remet dans le mood. Spyros a été un petit con capricieux et inconscient du danger dans lequel il s’est mis. C’est bon, je suis prêt. « Spyros ne peut pas se permettre de se mettre de nouveau en danger comme ça. Son corps ne pourra pas le supporter. Je sais que vous avez des projets mais, tant que le sérum n’est pas complètement assimilé, pas d’entraînement, pas de concours. Rien. Uniquement du repos. » Ouais, ça rigole pas. En même temps, il faut ce qu’il faut. De mon côté, je n’ai aucun problème pour suivre les recommandations médicales ; ce n’est pas moi qu’il faut convaincre de ça. « Je te laisserai l’expliquer à monsieur Surmenage. J’arrivais déjà pas à le faire s’arrêter quand je le sentais un peu fatigué… » Oui parce que clairement, le Lucario a la tête dure. Je pense qu’il est le plus têtu de tous mes pokémons, le plus obstiné. C’est une qualité jusqu’à ce que ce soit poussé à l’extrême : là, ça devient un défaut. Vu que ça l’a conduit – entre autres – à risquer sa vie pour une futilité, je n'ai pas trop de doute quant au fait de placer sa force de caractère dans la case défaut. En plus, j’ai pas l’impression que ça aille en s’arrangeant, le concernant. Depuis son évolution, c’est nettement plus marqué. Ou alors peut-être que je le remarque davantage ; c’est aussi une possibilité. Dans tous les cas, le job sera là : faire entendre à Spyros qu’il doit se reposer.

---

---

Entraînement : Motisma niv.54 (3/4) ; Marisson niv.22 (0/2) ; Vrombotor S niv.46 (1/4)
Reproduction : Baggiguane S

« Ça fait longtemps qu’il est fatigué ? » La question mérite réflexion. Je ne suis pas très doué pour estimer les durées, il faudrait que j’arrive à faire coïncider ça avec un événement que je peux dater. Sauf que rien ne me vient en tête. On a commencé à préparer le combat combien de temps avant l’Elite ? Je sais pas, peut-être trois mois ? Donc avant ça, c’était déjà le cas avec les entraînements pour le Polygone, c’est survenu peu de temps après son évolution. Hmm. C’est peut-être une info à donner, ça ! « Ça a débuté peu après qu’il a évolué, donc un peu plus de trois mois. » Ouais, ça me semble être globalement ça. « Par contre, c’est impossible pour moi de te dire à quelle intensité, sa fatigue. Il montrait quasiment rien, ça semblait pas si grave, alors j’ai pas insisté plus que ça. J’aurais dû… » Mathieu pose sa main sur mon épaule, ce qui m’interrompt. « Hey. On sait tous les deux que Spyros peut ne pas dire quand ça ne va pas par fierté. Il m’avait fait le coup avec la douleur quand il est venu ici la première fois et que je me suis rendu compte après coup qu’il n’utilisait pas sa patte blessée. » C’est vrai qu’il a cette fâcheuse tendance depuis… bah toujours en fait. Il n’admet pas être en difficulté, il ne demande jamais d’aide pour quoi que ce soit, et il n’arrêtera pas tant qu’il n’aura pas atteint l’objectif qu’il s’est fixé. C’est frustrant, parce que c’est à se demander s’il me fait confiance, s’il est capable de faire confiance à qui que ce soit. « Et je n’ai rien remarqué de particulièrement inquiétant lors de sa dernière visite de contrôle. Il n’a rien montré, même au test d’effort, qui aurait indiqué la gravité de son état. » Une partie de moi est rassurée par le fait qu’un œil professionnel n’ait pas non plus été en mesure de discerner ce que cachait Spyros. De l’autre, ça m’inquiète d’autant plus concernant le Lucario : jusqu’où peut-il aller ? et comment pouvoir s’assurer qu’il ne cache rien ?

« Il y a moyen de faire du monitoring ? Je ne tiens pas à me faire avoir une nouvelle fois. » Une expression pensive se dessine sur le visage de Mathieu. Je lance ça comme ça, en n’ayant aucune idée de si c’est envisageable. Je me dis qu’avoir un suivi concret, qui ne se repose pas sur les dires ou les apparences de mon Lucario est la seule option qui nous reste, vu qu’on ne peut pas lui faire confiance. Qu’on s’entende : ça me navre d’en arriver là, mais ce n’est pas comme s’il nous laissait le choix. « Pas à distance, malheureusement. Pour autant, maintenant qu’on sait quoi chercher, on peut facilement garder un œil sur son état. Le seul inconvénient, c’est qu’il devra rester ici. » Et bah voilà, la solution est toute trouvée. Plutôt que de me prendre la tête avec lui pour qu’il se repose, autant qu’il fasse un séjour à durée modérée à la clinique vétérinaire. Au moins, ici, il n’aura rien à faire et pourra être surveillé de sorte qu’il ne fasse rien. Ça ne va pas lui plaire, j’en suis convaincu, mais ça lui fera les pieds. « Ah bah si on peut faire ça, je serais un peu plus rassuré s’il pouvait faire sa convalescence avec vous. » Je ne vais pas non plus l’abandonner, même si je ne pourrai pas faire des trajets entre Unionpolis et Vestigion de manière régulière et rapprochée. En même temps, je pense que Spyros a besoin de temps pour réfléchir à ses actions. « C’est envisageable, oui. » Et bah voilà. Je me doute que ça a un coût mais ce n’est pas ce qui va me faire hésiter. D’un, je peux tout à fait me le permettre ; de deux, c’est pour la santé de mon pokémon, au-delà de ma simple quiétude.

« Je vais aller voir si Spyros est réveillé, sinon, il faudra repasser demain. » Je me rends alors compte de l’heure : il est tard, genre tard le soleil s’est déjà quasiment couché. Je n’y avais absolument pas prêté attention jusque-là. Puis Mathieu a du boulot, je ne peux pas lui tenir la jambe indéfiniment. Ça a déjà été super gentil de sa part d’être resté avec moi, de m’avoir aidé à me calmer et d’avoir fait le point avec moi sur l’état de Spyros. C’est vraiment cool de sa part. Je le vois donc se lever et partir vers l’intérieur de la clinique. Je soupire. Cette journée aura définitivement été intense. Pas toujours pour les bonnes raisons, mais c’est comme ça. J’essaierai de me recentrer sur le positif un peu plus tard. Je suis encore un peu trop dans le tourbillon pour en faire abstraction, même si ça va déjà nettement mieux que plus tôt.

---

---

Entraînement : Motisma niv.56 (0/4) ; Marisson niv.24 (1/2) ; Vrombotor S niv.47 (2/4)
Reproduction : Baggiguane S

« Il dort encore. » Je prends note de l’info, je repasserai le voir demain, donc. « Tu as prévu de rester sur Vestigion ? » Hmm. Je n’y ai pas encore vraiment réfléchi au-delà du très court terme. Si Spyros fait un séjour plus long que l’hospitalisation pour simplement se remettre sur pied, je vais devoir passer par ici un peu régulièrement. J’ai certes envie de marquer le coup et de montrer à Spyros qu’il m’a blessé par son manque d’honnêteté, en étant moins présent que ce que je pourrais l’être si un de mes pokémons était malade, mais je ne veux pas non plus l’abandonner, ou lui faire croire que je l’abandonne. Donc ouais, ça va devoir se calculer… « Au moins cette nuit, j’aviserai pour la suite. » Voilà, en attendant, je ne compte pas me prendre la tête là-dessus, j’ai déjà de quoi faire à ce niveau-là. Puis je me fais confiance pour me débrouiller au jour le jour ; ça ne m’a pas effrayé par le passé, ça ne m’effraie pas plus aujourd’hui. « Dans ce cas, si besoin, tu peux passer la nuit chez moi. » Je ne m’attendais pas à une invitation, et j’ai un petit bug, un petit temps de latence, sur le coup. « J’étais parti pour me réserver un hôtel, mais pourquoi pas, si ça te dérange pas. » Je ne tiens pas à m’imposer. Enfin, pas encore plus que ce que je peux avoir tendance à faire naturellement. C’est hyper sympa de la part de Mathieu, tant qu’il ne le fait pas par obligation. « Je ne t’en voudrais pas si tu préfères le confort d’une chambre d’hôtel. Avec Megumi, on n’a qu’un canapé convertible à te proposer. Ne te sens pas obligé d’accepter. » Je souffle doucement du nez, en étouffant un rire. Trop de politesse, on ne va pas s’en sortir ! Et du coup, me voilà tiraillé : clairement, le confort et le service de la chambre d’hôtel, ça fait plaisir. Pour autant, je ne sais pas si c’est la meilleure des idées que de rester en solo. Puis ce serait l’occasion de faire plus ample connaissance avec Mathieu, en dehors du travail. « Le canapé convertible fera amplement l’affaire, merci. » Ça a été vite tranché. Le confort, c’est surcoté. Je préfère nettement les relations sociales.

D’ailleurs, j’ai noté la mention d’un prénom féminin. Mathieu ne l’a pas précisé, mais je suppose que c’est sa conjointe. J’espère que ça ne la dérangera pas non plus, que j’atterrisse chez eux comme ça, sans que ce soit prévu.

En même temps, c’est vrai qu’on n’a jamais trop eu le temps – ou sans doute qu’on ne l’a jamais pris – de parler d’autre chose que de thématiques liées à nos professions. On a pu discuter de pokémons, du métier de vétérinaire, du travail en relation avec le Polygone, mais jamais du perso. J’ai même pas souvenir d’infos s’étant glissées dans la conversation que j’aurais pu retenir, au passage. Hormis le fait qu’il soit vétérinaire ici à Vestigion et qu’il ait fait ses études à Illumis, je ne sais rien de lui. Il est plus difficile d’affirmer que la réciproque est toute aussi vraie… Bon, en portant le nom de famille de mon père, je ne suis pas directement associé à EmersonCorp, qui est quand même relativement connue. Mais j’ai ma propre carrière, en tant que coordinateur, je me suis produit de multiples fois dans les dômes du monde entier, je suis passé par l’Elite, et donc à la télévision, et je sors tout juste de ma seconde victoire là-bas. On parle de moi dans des journaux, j’ai pu faire quelques interviews, on m’a proposé des collaborations, mes comptes sur les réseaux sociaux se voient chaque jour un peu plus gonflés de followers. J’ai encore un peu de mal à me dire que je deviens une personnalité publique, surtout que ça va être accentué par cette seconde Elite, mais soit. Ce que je veux dire par-là, c’est que j’ai ma page Wikipédia, donc c’est pas trop compliqué de connaître ma vie sans même m’avoir adressé la parole. Un peu une angoisse, mais en même temps, c’est pas comme si je cachais quoi que ce soit.

« Bon, je vais appeler Megumi vite fait, pour la prévenir et après je reprends. Mon shift finit à vingt-heures, si tu veux, tu peux t’installer dans notre salle de repos, ce sera peut-être plus confortable. Puis tu connais la maison, si tu veux te faire un café ou quoi… » C’est sûr que je ne peux pas monopoliser Mathieu comme ça, même si c’est totalement ce que j’ai fait jusque-là. Et, il n’a pas tort, avec mes passages relativement réguliers pour Spyros – même s’ils s’espaçaient de plus en plus – j’avais fini par prendre mes marques à l’intérieur de la clinique vétérinaire. Une grande majorité du personnel me connait au moins de vue, surtout pour être le dresseur du Lucario chromatique, et c’est déjà arrivé qu’on me propose un café dans cette même salle de repos vers laquelle je me dirige. « On fait comme ça, je pense que je dois avoir un paquet de messages auxquels répondre… » « Ah oui, félicitations pour ça, d’ailleurs. »

---

---

Entraînement : Motisma niv.57 (1/4) ; Marisson niv.27 (0/2) ; Vrombotor S niv.48 (3/4)
Reproduction : Baggiguane S

Je me suis tranquillement installé dans la salle de repos et en profite pour sortir mon portable. Déjà, il va falloir que je donne des nouvelles de Spyros à mes frères, c’est l’étape numéro un. Sauf que je découvre le nombre de messages, d’appels manqués et de notifications que j’ai… Il y en a trop, beaucoup trop. Il va falloir que je revoie mes paramètres de notification sur les applis de réseaux sociaux, parce que là, c’est pas possible. Twitter, Instagram, un enfer. Même pas je regarde pour l’instant, je vais me garder ça pour plus tard, sinon c’est pas possible. Wow, même ma boîte mail, c’est une dinguerie… Je ne peux m’empêcher de l’ouvrir juste pour scroller rapidement, jeter un coup d’œil sur les expéditeurs de ces messages, parce que c’est pas super commode comme moyen de communication quand c’est du perso. Donc je me dis que c’est du pro, et ça fait quand même très précipité selon moi. Je sais pas, attendez au moins le lendemain avant de vous jeter sur vos messageries électroniques ! Après, je ne vais pas me plaindre si ça peut me conduire à des opportunités sympas, mais je ne répondrai clairement pas du tac au tac. Je vais prendre du temps pour moi – d’autant plus avec l’état de Spyros – pour un peu célébrer le truc en famille aussi. Mais ouais, je vois des marques, je vois des noms de personnes que je ne connais absolument pas, il va clairement falloir que je m’octroie un moment spécifiquement pour ça. Juste pas aujourd’hui, ni demain, ni après-demain. Je suis loin d’être à la rue, je n’ai probablement besoin de rien dans tout ça, donc j’ai aucun scrupule à les faire patienter !

Je passe aux messages. Au moins, là, je suis assuré de savoir qui s’adresse à moi. Enfin, quand le numéro correspond à une entrée dans mon répertoire, mais ça, ça a l’air d’être visiblement le cas de tous les SMS que j’ai pu recevoir. Le premier que j’ouvre, c’est celui de mon père. Il est au courant pour Spyros, l’un de mes frères lui en a forcément parlé, c’est pas possible autrement. D’ailleurs son message le confirme : certes dans un premier temps il me félicite et tout, mais il me demande aussi des nouvelles du Lucario par la suite. Je n’ai pas besoin de plus pour revenir sur le fait que l’inconscience de Spyros nous empêche tous de pouvoir uniquement profiter du moment, de se réjouir, de fêter ça comme il se doit. A la place, on est là à s’inquiéter pour lui. Ç’aurait été un accident, il est évident que je ne le lui aurais pas reproché, ç’aurait été injuste de ma part. Mais là, ça il s’est volontairement poussé au-delà de ses limites, là où il aurait pu arrêter un certain nombre de fois, où j’ai essayé de lui faire comprendre qu’il devait ralentir la cadence, sauf que non. Il s’est mis tout seul dans cet état si grave, sans se préoccuper de ce que ça pourrait engendrer pour lui, et encore moins pour les personnes autour de lui. D’ailleurs, il faut que je fasse sortir Ethiops et Swen de leurs pokéballs pour leur dire que Spyros est hors de danger, qu’il va avoir besoin de beaucoup de repos mais que ça devrait aller. Je n’y ai absolument pas pensé jusque-là, mais il n’y a pas que des humains qu’il a fait flipper, certains pokémons – notamment Ethiops qui était à avec nous quand le Lucario s’est effondré – étaient loin d’être dans leur meilleur des états.

Mais faisons les choses dans l’ordre, ça vaudra mieux. Tant pis pour les messages, ça peut attendre cinq minutes. Je libère donc le Mygavolt et la Nanméouie de leurs sphères. « Coucou. C’est pour vous donner des nouvelles de Spyros : il a besoin de repos, il en aura besoin de beaucoup ces prochains jours, mais il ne risque plus rien. » Leur réaction n’est pas… Bah elle n’est pas, en fait. Enfin, il n’y a pas de réjouissement. Du côté de Swen, je vois bien qu’elle reste préoccupée, voire inquiète ; ça se lit sans mal sur son visage. Quant à Ethiops, je ne sais pas trop. Il est difficile d’observer des expressions faciales déchiffrables chez une telle espèce, et son langage corporel n’est pas bien différent de ce dont j’ai l’habitude. Pour autant, l’arachnide est du genre affectueux, du genre à ne pas hésiter à venir chercher un câlin quand il a besoin d’être rassuré, et là ce n’est pas le cas. C’était ce à quoi je m’attendais, du coup, j’avoue que ça me déstabilise un peu. En plus, en temps normal, je me serais tourné vers Spyros pour qu’il éclaire ma lanterne, mais là c’est même pas possible. Bon. Bah à défaut de pouvoir faire quoi que ce soit pour le Mygavolt, je vais essayer de rassurer ma Nanméouie. « On va pas pouvoir le voir aujourd’hui, il dort encore, mais on ira le voir demain matin, à la première heure. » Car je pense que c’est ça que Swen espère, de pouvoir constater par elle-même l’état du Lucario.

---

---

Entraînement : Motisma niv.58 (1/4) ; Marisson niv.29 (0/2) ; Vrombotor S niv.49 (3/4)
Reproduction : Mélodelfe