« Ça devait être un mercredi après-midi, parce que j’étais à la maison et pas au lycée. Tu as décidé d’y aller par toi-même, tout seul. Et quand je t’ai appelé pour le goûter et que t’as pas répondu, j’ai trouvé ça bizarre. A tous les coups tu étais en train de faire une connerie. Quand on t’entendait pas, c’était que tu faisais quelque chose que t’étais pas censé faire. Alors je suis allé voir dans ta chambre, et t’étais pas là. J’ai fait toute la maison sans te trouver. J’ai paniqué. J’ai appelé Tanguy, parce que c’était hors de question que j’appelle Maman pour lui dire que je t’avais perdu. Il est venu direct à la maison, on a refouillé la maison de fond en combles, et toujours rien. Il a appelé Maman, qui a quitté le boulot et a aussi appelé Papa, puis la police. C’était un bazar monstre, tout le monde était en flippe, les voisins nous aidaient à chercher dans le quartier et tout. Puis tu t’es repointé comme une fleur, le soir, pour nous annoncer que tu étais allé voir ce Lixy. » Ok. J’imagine assez bien l’angoisse, même si je me souviens absolument pas de ça. Je suppose que ça aurait dû me marquer, et pourtant… Rien. « Là où je veux en venir, c’est que tu nous as fait une sacrée frayeur, qu’on s’est tous imaginé le pire. S’il t’était arrivé quelque chose, j’aurais jamais pu me le pardonner. Tu étais sous ma responsabilité à ce moment-là, j’aurais dû avoir un œil sur toi. Et j’aurais aussi pensé que tu m’aurais fait confiance, que tu m’en aurais parlé avant de décider d’y aller par toi-même. Parce que je t’aurais probablement emmené. Après tout, ça n’aurait pas été le premier petit secret entre nous deux à ne pas dire aux parents. Sauf que non. »

« Ok, je vois très bien où tu veux en venir. Désolé pour ça, d’ailleurs, même si je m’en rappelle absolument pas. Mais Spyros n’est pas un gamin de huit ans. » Je reste campé sur mes positions, et je me rends bien compte que je suis inflexible – chose que j’apprécie peu en général – mais c’est un fait. Je ne vois pas d’excuse qui puisse tenir la route pour justifier la conduite irresponsable du Lucario. « Ce n’était pas là que je voulais en venir. Tu en as pris d’autres, des décisions pour de bonnes raisons qui auraient pu avoir des conséquences désastreuses. Et tu avais bien plus de huit ans. » Attends, je rêve où Seth est actuellement en train de me faire la morale ? Je pense quand même être dans mon bon droit, dans toute cette histoire ! Il ne doit pas avoir vraiment idée de ce que c’est d’être à ma place. Et puis, de quoi il parle ? Ok, ça me surprendrait pas de moi d’avoir pu prendre de telles décisions, mais j’ai pas souvenir de quoi que ce soit du genre. « Et tu aurais des exemples ? » Je l’entends rire brièvement de l’autre côté de la ligne. « La fois où tu es allé rejoindre ces militants sur un bateau pour vous en prendre à un navire marchand. Le fait d’avoir repris une pension sans la moindre expérience autre que ta formation. Les deux fois où tu es allé au secours des Baudrives aux Éoliennes. Tout simplement le fait de tout plaquer pour bosser pour le Polygone. » Je reste bouche bée. Je ne regrette aucun de ces choix, car j’estime avoir fait ce que j’avais à faire. Surtout que tout a bien tourné, jusque-là. « Je ne dis pas qu’il s’agissait de mauvaises décisions, simplement de décisions comportant un véritable risque, et que tu les as prises unilatéralement. » Ok, et donc ? Je ne vois pas où mon frère veut en venir avec tout ça. Si c’est pour me remettre en question, moi et mes actes, ce n’est définitivement pas le bon moment. « Ce que je veux vraiment dire, c’est que ça arrive à tout le monde d’emprunter la mauvaise route. Que ça aurait pu t’arriver et que ça t’arrivera probablement un jour ou l’autre. Je te souhaite simplement d’être entouré de personnes capables de te pardonner quand ça arrivera. » Sérieusement ? C’est moi le monstre dans l’histoire d’oser en vouloir à mon pokémon de m’avoir menti, d’avoir nui à l’équipe, mis en péril mon Elite et surtout de s’être à ce point mis en danger ? C’est une blague j’espère.

« Je t’ai pas appelé pour que tu me fasses la leçon. » Je sens la colère remonter en flèche sans la moindre difficulté. Ce n’est pas le moment de me chier dans les pompes. Absolument pas. Et Seth va s’en rendre compte s’il continue comme ça.

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Entraînement : Vrombotor S niv.60 (0/5) ; Scalpion niv.25 (0/2) ; Granivol S niv.15 (0/1)
Reproduction : Fantominus S

« Oh. Pardon Nessa. Je… Crois-moi, je ne voulais pas. » Ce n’était pas la réaction à laquelle je m’attendait de sa part, j’étais parti pour embrayer et monter dans les tours. A la place, il calme le jeu et s’excuse, ce qui me coupe dans mon élan. « Euh… je… » Je suis clairement déstabilisé, parce que c’est vraiment pas le genre de Seth de se contenter de s’excuser platement comme ça. Il lui arrive d’être blessant ou d’aller trop loin, mais il est plus du genre à faire passer ça avec légèreté. Enfin, d’habitude. Pas là, visiblement. « C’est… C’est pas grave. » Je ne sais pas vraiment ce que je dis, je ne sais pas si je le pense. Juste que les mots sortent de ma bouche. Je veux pas qu’il culpabilise d’avoir voulu m’aider, je l’ai mal pris parce que je ne suis pas d’humeur, il n’a peut-être pas poussé le bouchon si loin que ça. Tout me semble flou en ce moment, et pourtant certaines choses n’ont jamais été aussi claires, en particulier ce que je ressens à l’égard de Spyros. C’est assez étrange que tout soit aussi noir ou blanc, moi qui déteste ça, les opinions arrêtées, les extrêmes. Et pourtant je suis en plein dedans.

« Je vais te laisser, je suppose que tu as encore pas mal à faire. » Je sens dans sa voix qu’il est genre penaud. Et ça m’emmerde, parce que je voulais pas ça, je ne voulais pas le faire se sentir mal alors que j’appelais juste pour lui donner des nouvelles et qu’il avait été là pour moi depuis le plus début de tout ce bazar. J’ai eu l’ingratitude au max et je le regrette maintenant. Ça me fait soupirer. « Merci Seth. Passe une bonne soirée. » Je suis désolé, mais ces mots-là n’arrivent pas à sortir de ma bouche. Je voudrais, mais ça ne vient pas, et j’entends mon frère raccrocher. Je ne peux me retenir de soupirer. Je me sens encore plus mal et ça ne va pas s’arranger comme ça. Je vais devoir rappeler Seth à un moment où à un autre pour m’excuser, pas là tout de suite, peut-être demain. En tout cas, ça va me travailler jusqu’à ce que je lui reparle. Ce sera pas forcément au premier plan en permanence, je vais avoir fort à faire avec Spyros, mais ça restera bien là. Je le sais.

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Entraînement : Vrombotor S niv.60 (4/5) ; Scalpion niv.27 (0/2) ; Granivol S niv.19 (0/1)
Reproduction : Fantominus S

Je n’attends pas avant d’appeler la dernière personne de ma liste, à savoir Tanguy. Je ne tiens pas à me laisser le temps de la moindre réflexion. Je dois finir mes appels, de toute manière, avant que Mathieu n’ait fini sa garde ; je ne tiens pas à le déranger après sa journée de boulot avec tout mon bazar. Autant enchaîner. De toute manière, je ne suis pas certain que j’aie l’énergie pour ça plus tard, donc c’est vite vu. « Vous êtes bien sur la messagerie de Tanguy Emerson. A vous de me laisser un message, je vous rappellerai dès que possible. » Erh. Tellement professionnel, tellement… Tanguy. Mais surtout, j’arrive pas à l’avoir, donc pas d’autre choix que de lui laisser un message comme demandé. Je soupire puis entends le fameux bip sonore. C’est parti. « Salut Tanguy, c’est Nessa. Spyros va mieux, il aura besoin d’un long temps de convalescence. De mon côté, ça va ; tu me connais, je me débrouille. » J’essaie de faire le plus concis possible, qu’il ait les infos suffisantes pour qu’il ne soit pas nécessaire de me rappeler. Je raccroche donc. Il ne me reste maintenant plus qu’à attendre le retour de Mathieu, avec plus grand-chose à faire.

Je commence à naviguer sur les réseaux sociaux, voir ce qui peut se dire sur ma victoire. Les gens parlent, j’ai des notifications dans tous les sens et j’ai envie d’aller voir ces mails que j’ai déjà commencé à recevoir. Il ne s’agirait là que d’effleurer la surface, prendre la température. Ok, si je trouvais ça abusé d’être pris d’assaut de la sorte à peine la victoire annoncée, la curiosité a fini par prendre le dessus. Que peut-on bien me proposer ? Je n’ai pas trente-six mille cordes à mon arc, et mon planning n’est toujours pas prêt de se vider. J’ai des projets, des objectifs à réaliser alors, aussi attrayant que ça puisse être, je ne peux pas me laisser tenter. Je vais devoir garder les idées claires, même si je vois déjà de très loin les paillettes qu’on veut me mettre dans les yeux. Je ne connais peut-être pas le monde de la célébrité et tout ce qu’il implique, mais je connais celui des affaires, au moins par proximité. On cherche à plaire, à séduire, tout n’est qu’une question d’image. Pas mon délire, pas ce dans quoi j’ai envie de mettre le nez. Donc ouais, regarder mais ne pas toucher, ça sera le mot d’ordre.

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Entraînement : Vrombotor S niv.62 (0/5) ; Scalpion niv.30 (0/2) ; Granivol S niv.22 (1/2)
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J’ouvre l’un des mails dont l’objet attire ma curiosité plus que les autres. The Artist : émission de coordination. On essaie de me prendre par les sentiments, je le vois arriver à des kilomètres. Et pourtant ça marche, je clique. Et… je vois flou en lisant ce qu’on me propose. Présenter une émission de télé ? Moi ? Je suis assez surpris d’être envisagé pour ça étant donné que j’ai juste aucune expérience dans le domaine. Je veux bien qu’on veuille surfer sur mon succès récent, mais au-delà de ça, je reste très dubitatif. Ça me semble peu pertinent de me laisser les rennes d’un show de la plus grande chaîne de la région, et ce alors que je n’ai jamais approché ce milieu d’aucune manière. Je suppose qu’ils savent ce qu’ils font, en faisant appel à moi. Surtout que le concept de l’émission, c’est tout ce que j’aime, tout ce qui pourrait me donner envie de signer là tout de suite. Mais pas de précipitation, pas de décision impulsive. Il va falloir y réfléchir, et en parler aussi. Je risque d’avoir besoin de conseils, parce que je reste méfiant. Au même titre que la finance et autres, c’est un environnement de Sharpedos. Je ne tiens pas à me faire avoir ni à me faire exploiter. Il n’empêche que j’y réfléchis, que je l’envisage plus sérieusement que je le voudrais. Le concept est juste génial : prendre des personnes de milieux complètement différents et leur faire réaliser des prestations de coordination avec le budget qu’une telle émission peut offrir. Et avec ça, des juges connus, pas forcément du monde de la coordination non plus. J’aime l’idée de rendre la coordination accessible, vraiment ça me parle. Alors ouais, une occasion comme celle-ci ne se présentera pas de sitôt et on m’offre la possibilité d’en être le visage. Je m’en voudrais de laisser passer cette chance, c’est sûr, et c’est sans doute le pire dans l’histoire : je suis extrêmement tenté.

« Hé Nessa, j’ai fini. Je me change et j’arrive. » Sans vraiment répondre, j’adresse au vétérinaire un vague hochement de tête. J’ai ce The Artist ancré dans la caboche et me demande si j’ai la carrure pour ça, si c’est dans ce que je peux faire. J’ai envie d’essayer. Surtout que je suis à un moment de ma vie où je peux retarder les choses : je suis libéré des Éoliennes et d’EmersonCorp, j’ai encore rien lancé pour mon affiliation au Polygone ; c’est le timing idéal. Je ne vais pas pouvoir dire non, je ne vois pas comment je pourrais. Mais pas de précipitation. J’ai déjà dit que je ne devais pas partir bille en tête comme ça, sauf que ça marche pas trop. Je me hype. Beaucoup trop. Je n’aurais pas dû regarder mes mails, parce que j’arrive plus à penser à autre chose alors que clairement c’est pas à ça que je devrais être en train de penser… Et en même temps, j’ai pas envie de me culpabiliser pour ça en plus du reste. Ce que j’ai sous les yeux, ce sont les lauriers de mes résultats à l’Elite, ni plus ni moins. Je devrais avoir droit d’en profiter, de me faire plaisir, de rêver. D’autant plus maintenant que je n’ai plus de raison de m’inquiéter pour Spyros, qu’il a été tiré d’affaire et qu’il n’est plus question de repos pour lui. Il faut simplement que je m’y autorise.

« Voilà, on peut y aller ! » Je me lève donc, pour faire suite à Mathieu, et nous marchons, sans un mot. « Encore préoccupé par Spyros ?[/color] »[/b] Il n’est pas surprenant de le voir entamer la conversation, et je suppose qu’il veut voir comment je vais et si j’ai besoin d’être rassuré sur l’état de mon Lucario. « Non. Enfin, si, forcément, mais c’est pas ce que j’ai en tête pour l’instant. » Je n’arrive à penser qu’à cette foutue émission de télé, au fait que je ne puisse peut-être pas tarder tant que ça à leur donner une réponse, qu’ils doivent avoir des délais. « Je peux te demander ce que c’est, du coup ? » Je dois admettre que ça ne serait pas ouf de juste rester là en silence. Je me fais gracieusement inviter, alors c’est un peu la moindre des choses que d’accepter de faire la conversation. Puis ça part d’un bon sentiment du vétérinaire, aussi, sans compter que ça me ferait peut-être pas de mal de parler de ça à quelqu’un. Genre pour exorciser le truc de mon esprit. « On vient de me proposer de présenter une émission à la télé. » C’est dans le disant que je me rends compte que c’est loin d’être rien. Ça rend le truc vertigineux. Être présentateur d’une émission en prime-time, sur une chaîne comme TS1, c’est dire adieu une bonne fois pour toute à l’anonymat. Il n’y aurait plus de retour en arrière possible. Est-ce que c’est ce que je veux… Difficile à déterminer pour l’instant.

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Entraînement : Vrombotor S niv.62 (3/5) ; Scalpion niv.31 (0/3) ; Granivol S niv.24 (0/2)
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« Ah. Rien que ça. Et c’est une bonne nouvelle ou pas ? » Ouais. Voilà. Elle est simple la question, jusqu’à preuve du contraire, et pourtant je ne suis pas certain de la réponse. Je grommelle plus que je réponds d’ailleurs. « Ok. On va dire que c’est un début. » J’entends Mathieu rire, ce qui me fait rouler des yeux. En vrai, ça me fait du bien qu’il s’amuse de la situation, ça apporte de la légèreté à des pensées bien trop lourdes. « Et ils n’ont pas pensé à moi, c’est honteux ! » Je vois très bien ce qu’il veut faire, et je sais aussi qu’il a raison : je devrais me réjouir, ou au minimum ne pas m’en embarrasser. Si ça ne me convient pas, j’ai juste à ignorer le mail, ça ne va pas chercher plus loin. Sauf que je suis intéressé, c’est justement ça qui me pose problème. « Allez, j’arrête de me moquer. T’as envie de le faire ou pas ? » La réponse à cette question me paraît bien plus évidente. « Oui. » Je ne peux m’empêcher de le dire dans un soupir. « Et je vois que ça te réjouit. Oui, mais quoi ? » Le vétérinaire m’oblige à partir dans cette direction, alors que je m’efforce de tourner autour sans jamais vraiment y aller depuis tout à l’heure. « Mais je sais pas, j’ai jamais fait ça de ma vie, et j’ai d’autres trucs importants à qui je devais donner la priorité après mon Elite. » Des trucs qui ont du sens, qui ont une portée : bosser avec mes pokémons pour la qualification de dresseur et ensuite pour le concours d’entrée du Polygone. Ça fait beaucoup trop de temps que je repousse, que je me trouve des excuses, que je me trouve d’autres objectifs. Je ne regrette pas d’avoir investi du temps et de l’énergie dans d’autres directions, dans cette deuxième Elite, dans la pension, dans la fondation au nom de ma mère, dans l’entreprise familiale – et encore, j’ai vite délégué – beaucoup d’autres directions. La télévision, ce serait encore m’ajouter quelque chose, et ça m’éloignerait encore un peu plus du Polygone, de devenir un véritable acteur de la préservation des pokémons sauvages. La télé, il est juste question de mon plaisir personnel.

« Ouais, je vois. Toujours ton projet chez les rangers, c’est ça ? » Est-ce que je dois considérer Mathieu comme un de mes amis ? Non parce qu’il connait pas mal de trucs de ma vie, mine de rien. Et il se montre un super soutien. C’est un bon pote, une personne de confiance. Il sait tout ce qu’il y a à savoir sur Spyros et connait mes projets avec le Polygone du fait qu’on soit tous les deux bénévoles pour l’organisation ranger. Le reste, bah je suis un peu une personnalité publique, d’une famille connue de Sinnoh ; donc sans avoir à chercher pour ça, il a forcément dû avoir des infos sur moi ci et là. « C’est ça. Ça fait trop longtemps que je repousse pour juste mes petits plaisirs persos. Il serait peut-être temps que je me rende utile. » Je sais pas si ce sont les bons mots pour exprimer ma pensée, mais c’est comme ça que ça sort, alors je lutte pas, je m’embête pas à réfléchir à mes phrases. « Alors, je vais t’arrêter tout de suite, parce que tu pars dans la mauvaise direction. » Je tourne la tête vers Mathieu, surpris par sa réaction. Je ne m’attendais pas à ça, pas à me faire stopper net comme ça. Je sais pas ce que j’ai dit de mal, mais je sens bien que je vais pas tarder à le savoir ! « Si je suis véto, si je fais du bénévolat, c’est pas pour me rendre utile. C’est certes une motivation supplémentaire non négligeable, mais je fais surtout ça parce que j’aime ça, parce que je me sens bien en le faisant, que ça m’apporte du plaisir. Si j’avais pas ça, même pour me rendre utile ce serait pas le job que je ferai. On s’en fout d’être utile ; ce qui compte, c’est toi, que tu t’amuses, que tu sois quelque part où tu es bien. Le reste, tu aviseras. » Ok monsieur, joli discours. Rien à dire. Un peu de mal à avoir de quoi répondre après ça, pas dans l’objectif d’argumenter à l’opposé, il a raison. Juste répondre quelque chose. Je baisse légèrement la tête, regarde mes pieds en continuant de marcher. « Ouais, je vois bien ce que tu veux dire. J’ai jamais aimé qu’on me force la main. » Il y a une différence quand même entre le fait de vouloir se rendre utile par ses actions, de contribuer pour le monde et le fait d’être obligé d’assister gamin à des réceptions de familles riches avec tout ce que ça implique.

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Entraînement : Vrombotor S niv.63 (2/5) ; Scalpion niv.32 (1/3) ; Granivol S niv.26 (0/2)
Reproduction : Fantominus S

Je n’ai jamais été contraint à faire des choses par nécessité, j’ai été préservé de ça toute ma vie. J’ai toujours vécu confortablement, et ça continue comme ça. Alors ça drague pas mal de culpabilité, cette situation privilégiée. Je n’en avais pas confiance, plus jeune, mais j’ai bien vite constaté la bulle dans laquelle je vivais. Sans doute aurais-je dû m’orienter vers le social, si je souhaitais vraiment réinvestir la chance que j’ai eu par ma naissance pour d’autres n’ayant pas eu cette chance. Là où ça coince, c’est que vraiment les humains c’est pas mon domaine. Oui, je suis à l’aise avec les gens, mais ça veut pas dire pour autant que je sais y faire avec eux. Ce serait même plutôt l’inverse, en réalité. Par contre, les pokémons, ça a toujours accroché direct. Donc autant utiliser mes privilèges pour eux, ils le méritent aussi. Je considère que j’ai une responsabilité, là-dedans, un véritable rôle à jouer. Alors c’est pas si simple d’accepter que je peux avoir envie d’autre chose. « On va attaquer ça sous un autre angle. Le Polygone t’a donné une deadline ? » Et bien, le concours d’entrée est toujours ouvert et la technicalité administrative est toujours là, alors il n’y aurait pas de raison que ça ne puisse plus être possible plus tard. Cela étant, ça a quand même l’air délicat, j’ai plusieurs étapes préalables avant d’arriver à la finalité du terrain. Puis l’institution semble bien réfractaire à l’idée de voir un coordinateur intégrer leurs rangs, dans son ensemble. « Nessa, c’est une question simple, fermée. Juste oui ou non. » « Non. » « Et l’émission ? » Bah, je sais pas, en fait. J’ai pas tout lu en détail, j’ai pas eu l’occasion, n’ayant pas pensé que je pouvais envisager la chose sérieusement. C’était juste de la curiosité générale, à la base, juste voir de quoi ça parlait dans les grandes lignes. J’étais pas censé être intéressé. Même s’il est évident qu’ils n’attendront pas cent sept ans que je leur réponde. « J’ai pas regardé, mais je suppose que oui. »

Clés en main, Mathieu déverrouille sa voiture. Je vois les clignotants s’allumer, ce qui me permet de savoir de quelle voiture il s’agit. Une petite citadine toute simple, gris métallisé. Je m’installe sur le siège passager tandis que le vétérinaire se place derrière le volant. Il démarre et nous quittons le parking du personnel de la clinique vétérinaire. « Et est-ce que t’as envie de la faire, cette émission ? » Je ne peux pas répondre négativement, je suis parfaitement conscience des étoiles que ça me met dans les yeux. C’est juste pas une décision responsable que d’accepter. J’ai jamais fait ça, c’est un monde de projecteurs et de paillettes alors que je suis à la recherche de concret, à l’exact opposé. « Sur le papier, ça a l’air génial. Depuis ado, je suis fan de coordination, et là on me propose un show de coordination avec des candidats d’horizons différents. Ça peut montrer que c’est accessible à tous et pas un milieu fermé ! » Le petit rire de Mathieu m’interrompt. C’est pas un rire moqueur – encore heureux – mais ça m’intrigue comme réaction. « Je crois pas que tu t’entendes parler, mais clairement ça sent la passion. Enfin, je veux dire, c’est quand même un peu ton truc la coordination, non ? Tu viens de remporter une deuxième Elite et j’ai pas l’impression que tu comptes t’arrêter là. Puis voilà comme t’en parles ! » Hmm. Alors non, je ne me rends pas compte de la manière dont j’en parle, mais ouais je suppose que ça relève de la passion à ce stade. Je sais pas, j’aime juste ça et je ne me vois pas vivre sans. Enfin, c’est exactement ce qui me force à prendre ces chemins de traverse pour le Polygone, le fait que je veuille conserver mon statut de coordinateur, que je ne veuille pas troquer ma carrière contre une carte de dresseur. Ok j’aime les combats pokémon, et je touche un peu ma bille dans le domaine – disons que ça aide pas mal quand on doit entraîner des pokémons pour ça – mais ça ne provoque pas la même chose que de créer une prestation et la faire se réaliser sur scène. Et de très loin. « Ouais, la coordination, quoi que je fasse, j’y reviens toujours. » « Alors fonce. Arrête de te prendre la tête et fonce, va voir ce que ça donne. » Ça m’éviterait d’avoir des regrets plus tard, de me dire que j’aurais dû. C’est pour ça que je pars dans tous les sens, aussi. Par crainte des regrets. Mais j’ai peur que ça tourne à l’opposé au fil du temps, que ça se transforme en regrets de ne pas m’être investi pleinement dans l’une de ces activités, de complètement m’y dédier. Je pourrais faire bien plus, aller bien plus loin si je me mettais à cent pourcents sur un truc. Sauf que j’en suis incapable. Je peux pas rester sans courir après plusieurs Sapereaux à la fois.

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Entraînement : Vrombotor S niv.64 (1/5) ; Scalpion niv.33 (2/3) ; Granivol S niv.28 (0/2)
Reproduction : Fantominus S

« Ouais, mais ça m’embête pour le Polygone, parce que j’ai vraiment envie d’y arriver aussi. » Parce que je ne fais que repousser, en ajoutant d’autres choses, toujours plus de choses. Au point que je me demande si j’en ai véritablement envie. Je crois en avoir envie, mais si je regarde objectivement la situation, je n’en fais jamais ma priorité, comme si je faisais tout inconsciemment pour ne pas aller dans cette direction. Après, c’est peut-être pas par manque d’envie que je dévie sans cesse… Et si c’est pas ça, la seule autre possibilité qui me vient à l’esprit, c’est que ce serait la peur. Et ça, ça me plaît pas. Je saurais même pas dire la peur de quoi : de la difficulté, de l’échec, de la différence ? Rien de tout cela n’a pu me stopper par le passé, alors pourquoi cette fois-ci ça me pousserait à me mettre tout seul des bâtons dans les roues ? Comme si le parcours n’allait pas déjà être suffisamment parsemé d’embûches, il faut que je m’en crée… D’un autre côté, ça peut se comprendre. Enfin, je le comprendrais sans mal d’une autre personne dans la même position que moi. Être coordinateur et décider d’aller se faire sa place au Polygone, soit dans un haut-lieu du dressage, en profitant d’un vide juridique… Bah d’une part c’est intimidant, puis d’autre part ça veut dire ne pas se faire que des amis. Tout le monde ne m’accueillera pas les bras ouverts, je le sais pertinemment, et possiblement que cette idée-là me freine. Je veux apporter mon aide, tout en connaissant ma difficulté à m’épanouir dans un milieu hostile. Je ne tiens pas à tenter l’expérience pour en être dégoûté, pour que ça tourne mal et que je finisse blessé, en plus du reste.

« Chaque chose en son temps. Je sais que t’es speed, mais ça se fera le moment venu. Il n’y a pas d’urgence alors tu le feras quand ce sera le bon moment pour toi, et puis voilà. » C’est dingue comme tout semble si simple quand ça sort de la bouche de Mathieu. J’aimerais que ça le soit dans ma tête, que ce soit tout pareil : évident, limpide, serein. Je suis tout sauf serein ! C’est quand même assez incroyable. Je sors victorieux d’une deuxième Elite à l’instant – genre à peine quelques heures – et je suis déjà dans les préoccupations de la suite, de ce qui va m’attendre, de ce que je vais devoir faire. Je n’ai même pas pris un instant le temps de savourer, juste me poser et apprécier ce que j’ai pu accomplir ce week-end. Et le pire, c’est que même en sachant ça, je ne me vois juste pas capable d’arriver à mettre tout ça de côté pour souffler. Tout va tout le temps trop vite et dans tous les sens, c’est pas seulement mon corps, c’est mon cerveau aussi. Parfois, c’est vraiment fatiguant, parfois j’aimerais être un peu plus comme les autres. Je me déteste de penser ça, parce que je suis le premier à tenir le discours inverse, qu’on doit être fier de ses différences, de ses spécificités, de ce qui fait qu’on est nous. J’ai jamais baissé la tête, ou eu honte de qui je pouvais être, et c’est toujours pas le cas. C’est pas de la honte. Juste de la fatigue. Et aussi un peu de peur, parce que je sais que ça peut aussi être difficile pour les gens autour de moi. C’est pour ça que je suis seul, que je vis seul, que je n'ai pas d’amis autour de moi. Je m’entends bien avec tout le monde, mais dès qu’il est question de vraiment tisser des liens, profonds je veux dire, il n’y a plus personne. Je ne compte pas ma famille, parce que c’est pas pareil ; il n’empêche qu’en dehors d’eux, bah c’est compliqué. J’ai pas mal de connaissances, de potes, mais pas vraiment d’amis – sans parler de meilleurs amis, j’ai jamais eu la chance de connaitre ce concept – ce qui est horriblement triste à dire.

Enfin, il y a bien Louis. Lui, c’est un ami. Ça fait quelques années qu’on se connait, de la colocation durant notre formation à la vie aux Éoliennes ; on a appris qu’on pouvait compter l’un sur l’autre, qu’on pouvait se faire confiance. Et ouais, forcément avec la distance, ça s’étiole un peu, mais je m’inquiète pas. Et je crois que lui non plus. J’espère. On reste une bonne équipe, lui et moi. Puis, il y a Côme aussi, mais c’est pas pareil. On n’a jamais eu de moment où on s’est côtoyés sur la durée, jamais. On a pu se croiser quelques fois, on s’envoie un message de temps à autres, mais ça s’arrête là. Et pourtant, malgré ça, je le considère comme un ami. C’est assez étrange, en vrai, c’est juste… comme ça. Ça s’explique pas.

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Entraînement : Vrombotor S niv.65 (1/5) ; Scalpion niv.35 (1/3) ; Granivol S niv.30 (1/3)
Reproduction : Fantominus S

« T’es encore reparti, c’est ça ? » Je sors de mes pensées – qui défilaient jusque-là à toute allure – en entendant la voix de Matthieu. « Euh, tu disais ? » Il rit. Enfin, c’est pas vraiment un rire, c’est un peu entre un soupir et un rire. Ça se sent qu’il est amusé, mais il y a peut-être aussi un peu de décontenance et d’incrédulité. Enfin, j’ai l’impression. « Ça t’arrive souvent de déconnecter comme ça ? » Ah. J’ai dû phaser plus longtemps que ce que j’ai cru… Mince. J’essaie de faire gaffe pourtant, à ne pas trop partir dans mes réflexions et rêveries, surtout quand je suis avec des gens. Mais il faut croire que c’est plus fort que moi. Ça l’a toujours été. « Ouais. J’essaie d’y faire gaffe, mais j’y arrive pas toujours. » C’est assez terrible parce que ça peut m’arriver à n’importe quel moment, même là où on est que tous les deux. Il suffit d’une étincelle, extérieure comme intérieure, pour que mon cerveau parte au quart de tour. Il va y avoir un mot dans tout ça, ou je vais voir un truc à côté, ou même je vais penser à un truc qui n'a rien à voir et hop la pelote se déroule. Un peu frustrant par moments, parce que je peux m’en rendre compte et que je dois faire un effort monstrueux pour revenir à ce qu’il se passe et ne pas repartir dans mes réflexions. C’est coûteux, et même que ça m’arrive de n’être plus concentré que sur le fait que je doive me concentrer. Pas hyper efficace comme stratégie donc.

« Je ne te force à rien, ça reste ta décision et tu fais comme tu le sens. Il n’empêche que, de la manière dont tu en parles, je pense que tu regretterais amèrement de laisser passer cette occasion. L’émission de télé, je veux dire. De l’extérieur, ça a un peu l’air d’être la chance d’une vie. » Ouais. Je ne sais pas trop. Il a raison, c’est sûr, c’est pas ça que je remets en question. Juste que la proposition du Polygone me semble aussi être la chance d’une vie. Puis ça pose d’autres questions. Est-ce que j’ai envie de pousser ma popularité due à ma carrière de coordinateur jusqu’à la célébrité ? Parce que c’est ce à quoi va conduire la participation à une telle émission, que je le veuille ou non. Après, je ne sais même pas quel est mon niveau de notoriété – si on peut dire ça comme ça – au sortir de cette deuxième Elite. Et je compte aller jusqu’à la Master Elite, ce qui va forcément jouer sur mon exposition médiatique. Alors peut-être que j’y arriverai dans tous les cas, à cette célébrité, de par ma volonté de pousser mon art jusqu’au plus haut niveau. Ce serait juste un chemin différent pour une même finalité. Autant que je me fasse plaisir du coup, non ? Surtout que j’ai toujours voulu faire entendre ma voix sur les sujets qui m’importaient. Ça se sent déjà dans certaines de mes prestations, je n’ai pas peur des sujets inconfortables, de mettre le public mal à l’aise, de les confronter à la dureté des choses. Il faut montrer que tout n’est pas beau, qu’il y a des sujets graves, qui font peur, qui mettent en colère, qui font de la peine. Je ne fais pas que ça, mais j’ai la sensation d’être meilleur quand je le fais. Alors il est possible que l’accès à la célébrité me permette de mettre l’éclairage là-dessus, sur ce que peut faire l’entreprise de ma famille, son combat pour un monde plus respectueux de la nature, ou simplement mes valeurs personnelles. Surtout ça, en fait. Je n’ai pas peur de me salir, et je me dis que ce n’est pas plus mal d’être une célébrité si ça peut donner un plus grand impact à mon engagement. Ou alors je réfléchis trop loin. Pourquoi là, je ne fonce pas tête baissée comme d’habitude ?

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Entraînement : Vrombotor S niv.73 (0/5) ; Scalpion niv.35 (1/3) ; Granivol S niv.31 (2/3)
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