J’ai bien conscience que ce n’est pas idéal pour Swen, qu’elle aimerait pouvoir se rendre auprès de Spyros dès maintenant. Le fait qu’ils se soient beaucoup préparés ensemble ces derniers temps sur leurs techniques de soin les a possiblement rapprochés. Tout du moins c’est l’impression que j’en ai. D’ailleurs, ça m’étonnerait qu’elle n’ait pas remarqué l’état de Spyros qui se dégradait. Peut-être qu’il pouvait bloquer certaines choses avec moi, mais il ne pouvait pas déjouer les capacités de la Nanméouie. Et si elle ne m’en a pas averti, c’est qu’il y a une raison. Le Lucario sait être convainquant, d’autant plus auprès de mes autres pokémons. Il a cette autorité, cette position de leader qui est rarement discutée par les autres – à l’exception d’Arnost – qui me fait penser qu’il a dû persuader Swen de ne rien me dire. Encore un motif supplémentaire pour lui remonter les bretelles à celui-là, il ne perd rien pour attendre !

Je me demande si je dois rappeler mes deux pokémons au sein de leurs pokéballs. Disons que c’est un peu meh de les avoir sortis pour les informer sur l’état de leur camarade, et puis hop, retour là-dedans. Peut-être que de pouvoir m’avoir à côté, c’est rassurant pour eux. Enfin, pour Swen tout du moins. Pour Ethiops, c’est plus que je suis toujours concerné par son absence de réelle réaction, de sa distance. Il n’est pas du genre à faire ça, il n’est même pas du genre à s’éloigner de moi plus que ça. Là, il est pas en mode pot-de-colle et je trouve ça très bizarre. Donc ouais, je me dis que c’est sans doute une bonne idée de garder un œil sur lui. Puis bon, ce sont clairement pas ces deux-là qui vont mettre le bazar ! Ça ne posera pas de problème qu’ils restent là pendant que je suis sur mon téléphone à répondre aux messages. Enfin, à priori. J’avoue que je vais prendre cette liberté sans n’avoir rien demandé à aucun membre du personnel… Tant pis, au pire, on me dira de les faire rentrer dans leurs pokéballs et je m’exécuterai.

Puisque c’est décidé, je reprends mon téléphone et hésite presque aussitôt. Est-ce que je ferais pas mieux d’appeler mon père, plutôt que de lui répondre par message ? Je suppose que c’est le mieux à faire, au moins pour ma famille. J’ai vu l’appel manqué de Todd et qu’il m’avait laissé un message, mon grand-père aussi a appelé, et j’ai un SMS de Lexie et de Tanguy. Ça fait du monde, sauf que je peux laisser personne sur le banc de touche, y’a pas moyen. Il faut juste que je détermine un ordre. J’ai pas les neurones pour ça, pour planifier. Alors je vais juste prendre un moyen arbitraire pour les appeler : dans l’ordre chronologique. Ce sera nettement plus simple comme ça ! Et ça veut dire que je commence par Lexie. Son message, vu l’heure d’envoi, je crois qu’il est parti à la seconde où le dernier pokémon d’Edel est tombé. Vraiment ça a été direct, avec plein de majuscules, d’émojis et de points d’exclamations. Allez, c’est parti, j’appuie sur le petit bouton marqué d’un téléphone.

« Hey ! Nessa ! C’était trop bien ton combat ! Je savais même pas que t’avais un Lamantine… T’as trop de pokémons, j’arrive pas à tous les retenir ! » Ok, je commence à voir la ressemblance entre Lexie et moi. Je ne crois pas l’avoir vue – ou entendue, pour le coup – vraiment enthousiasmée par quelque chose, et ça me surprend un peu que ce soit ma victoire à l’Elite qui ait cet effet-là. En tout cas, on a clairement le même flot de parole, en plus de cette tendance d’aller du point A au point F pour revenir au point B en passant par le point S, quand on est sous le coup de l’excitation. « Ouais, c’était assez fou à vivre, j’aime vraiment trop être dans ce stade… et Ondine n’est pas vraiment mon pokémon, enfin, pas totalement. Bref, je t’expliquerai ça un de ces quatre. » Si on se met tous les deux à dériver, ça risque de tourner au chaos très vite. Genre vraiment très vite. Donc focus, un peu. Surtout que je vais pas avoir le temps de rester dix ans au téléphone avec ma sœur ; dans l’idéal, j’aimerais avoir appelé tout le monde avant que Mathieu finisse sa journée. Au moins ça. Au pire, tant pis pour les messages de mes amis et collègues d’un peu partout.

« Par contre, j’ai été surprise de ne pas voir ton Lucario, je croyais qu’il faisait partie de ton équipe pour le combat ? » Ah. J’aurais dû m’en douter du fait qu’elle soit si enthousiaste et qu’elle ne pose pas de question directement, qu’elle n’est pas au courant de la situation. Honnêtement, tout s’est passé beaucoup trop vite entre hier et aujourd’hui, tout s’est fait dans l’urgence, j’ai pas pensé à la prévenir. Mais comme Seth et Todd étaient au courant, j’aurais cru qu’ils lui en auraient parlé, surtout que l’un d’eux en a parlé à Papa. C’est donc parti pour expliquer tout ça. Haut les cœurs !

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Entraînement : Motisma niv.59 (3/4) ; Vrombotor S niv.51 (1/4)
Reproduction : Mélodelfe

Je prends une longue inspiration avant de me lancer là-dedans. Il va falloir que je lui raconte ce qu’il s’est passé sans pour autant l’inquiéter outre mesure avant d’avoir à la rassurer. Pas évident, comme ça. Je devrais peut-être l’avertir d’entrée de jeu, en fait. « Spyros devait faire partie de l’équipe mais, avant que je t’explique en détail, sache que la situation est sous contrôle. » Je pense que c’est le mieux que je puisse faire, à ce niveau-là… « D'accord... Ça sent les mauvaises nouvelles ça. Il s’est passé quoi ? » Je perçois l’inquiétude mais pas de panique, je suppose que ça veut dire que j’ai réussi. Maintenant, je dois me concentrer pour raconter toute l’histoire correctement. « Hier, après les résultats de la prestation, Spyros s’est effondré dans les couloirs de l’Elite. Il a immédiatement été pris en charge sur place. Ce matin, il a été transféré à la clinique vétérinaire où il est suivi. J’y suis en ce moment. Ce n’est que de l’épuisement. Alors il se repose, et il va avoir besoin de beaucoup de repos pendant un moment. » Ce n’est pas ma compétence principale, mais j’ai essayé de faire simple et efficace. Je crois m’en être pas mal tiré, d’ailleurs. « Oh. Ok. J’espère que ça s’arrangera rapidement. » « J’espère aussi. » Enfin, dans l’absolu, oui. Mais j’ai quand même une part de moi qui voudrait que sa convalescence dure un petit bout de temps, pour qu’il retienne bien la leçon. A refuser de se reposer un peu régulièrement, il se retrouve coincé dans l’impossibilité de faire quoi que ce soit. Un bon exercice pour sa patience, au passage.

« Tu me donneras des nouvelles. Je ne te retiens pas longtemps, je suppose que je ne suis pas la seule que tu dois appeler. » Un rire m’échappe. Clairement, j’ai toute une liste, et il est amusant de constater que Lexie s’en doute. « Trop d’appels et de messages, t’imagines même pas. » C’est à son tour de rire, de l’autre côté de la ligne. « Alors je file. Bisous. » Je n’ai pas le temps de lui répondre qu’elle raccroche. Je pince mes lèvres mais ne me formalise pas pour autant. J’aurais très bien pu faire la même, pour éviter que l’échange ne s’éternise alors qu’on disait qu’on allait raccrocher. Je soupire un bon coup. Il ne s’agit là que du premier appel, j’en ai encore au moins quatre autres dans le même genre à passer. Ça a beau être ma famille, ça va quand même me demander un certain courage. Je ne tiens pas tant à avoir à expliquer ce qui s’est passé trente-six fois. Je n’ai pas non plus envie d’être dorloté, qu’on soit désolé pour moi ou quoi. Je sais très bien où je campe dans cette histoire, et je suis toujours plus remonté qu’autre chose contre Spyros. Alors non, pas besoin d’être désolé pour moi. Ce n’est pas à ma famille de l’être, en tout cas.

Il est temps de passer au prochain appel : mes grands-parents. Je ne tiens pas forcément à leur expliquer la situation avec Spyros, ça ne me semble pas nécessaire. Déjà, je ne suis pas certain qu’ils s’en soucient outre mesure. Ils n’ont pas vraiment eu l’occasion de me voir régulièrement ces dernières années, et donc saisir la place du Lucario dans ma vie. C’est dommage, d’une certaine manière. Et en même temps, depuis la fin du lycée, je me suis totalement émancipé de ma famille. Je me suis totalement dissocié d’EmersonCorp, ou tout du moins j’ai fait de mon mieux pour. A partir de là, mes interactions avec mes grands-parents – en particulier avec ma grand-mère – sont devenues vraiment rares. La différence est d’autant plus marquée avec mes frères depuis qu’ils ont repris l’entreprise sous leur mentorat. Je pourrais être jaloux de la situation, ou avoir un quelconque ressentiment, mais ce n’est pas tant le cas. Je devrais au moins l’être un peu, je crois, ça serait compréhensible, sauf que vraiment je vais pas plus loin que me dire tant pis. J’ai ma vie, s’ils sont satisfaits de la place qu’ils y ont, et que ça ne me pèse pas, je ne vois pas pourquoi j'aurais besoin de faire des efforts. Et je ne vois pas non plus pourquoi ils auraient à en faire ; puisqu’on est tous à l’aise avec l’état des choses. Surtout qu’ils ont essayé de m’appeler tout à l’heure, donc vraiment je serais mal placé pour me plaindre ! Je vais plutôt arrêter d’y réfléchir et effectivement les appeler. Ce que j’étais censé faire à la base quoi… Ahem.

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Entraînement : Vrombotor S niv.51 (3/4)
Reproduction : Forgelina

Je rappelle donc. Et ça met un peu de temps avant de décrocher, ce qui n’a rien de très surprenant. Mon grand-père, qui me dit qu’il va rejoindre ma grand-mère dans la cuisine pour me mettre sur haut-parleur. Ça a le mérite de me faire sourire et, bien vite, les félicitations sont de rigueur. C’est toujours assez étrange de se faire mousser comme ça sans être embarrassé, sans se dire que ce n’est pas si exceptionnel que ça alors que ça l’est objectivement. Est-ce que ce serait pas juste prétentieux d’embrasser pleinement le truc ? J’ai dû mal à savoir. J’ai conscience que ce n’est pas donné à n’importe qui de remporter une deuxième victoire à l’Elite, que ce club est vraiment restreint et qu’il est gage d’un certain talent dans le domaine de la coordination. J’en ai conscience, et il y a eu du boulot derrière, donc ça fait plaisir de voir que ça porte ses fruits, mais je ne suis pas non plus un coordinateur à cent pourcents, j’ai d’autres occupations, d’autres activités, qui prennent de la place. Alors il m’est difficile de ne m’afficher que sous l’étiquette de coordinateur, même si les autres sont relativement floues pour l’instant. Bref… retour à mes grands-parents.

Dans un premier temps, nous parlons du combat, et surtout de Viggo qui a su se faire remarquer. Je me fais féliciter pour son dressage et pour le fait que ce soit un choix audacieux que de s’appuyer sur un pokémon tel qu’un Pikachu, qui n’a pas encore évolué. C’est vrai que c’était risqué comme option de remplacement, que j’aurais pu choisir un autre pokémon, une option plus sure, notamment parmi les participants à ma première Elite. Ça aurait pu se comprendre, d’ailleurs, dans un contexte tel qu’un changement de dernière minute. J’aurais pu jouer la sécurité, sauf que… bah c’est pas vraiment mon genre. Ça ne l’a jamais été. Puis j’avais confiance en Viggo, du fait qu’il se soit montré particulièrement investi dans l’entraînement de ses petits camarades. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai pu constater son potentiel offensif assez impressionnant. Il n’a peut-être pas le panel d’attaques le plus large, mais sa force de frappe et sa vitesse d’exécution sont tout bonnement dingues. Après, c’est sûr que sur le plan défensif, ça devient très vite plus compliqué, il peut taper vite et fort, mais le moindre contre peut suffire à le sortir. C’est un peu dommage de ne pas pouvoir profiter de ses capacités plus utilitaires, mais je ne suis pas à plaindre : le Pikachu a clairement fait le taf.

Cependant, la discussion prend une tout autre direction quand mon grand-père revient sur ma prestation. Les félicitations sont de rigueur mais la première remarque de ma grand-mère tombe. Je savais qu’à un moment ou à un autre, j’aurai droit à une critique, j’attendais de voir si ça allait être constructif ou pas. Là, elle me demande si c’était bien nécessaire d’avoir recours à des propos aussi violents, ce qui ne me surprend pas. Il est encore une fois question d’image, je le sais bien ; faire des vagues ne correspond pas à la représentation que ma grand-mère se fait d’une personne de ma stature sociale. Je ne suis pas d’accord avec tout ce concept d’étiquette, mais passons outre ça. Ça fait des années que je suis tout sauf en adéquation avec les attentes de ma grand-mère quant à la manière dont je dois me comporter : je le sais, elle le sait, elle me fait une remarque dessus de temps à autres, je l’ignore et continue à faire comme j’en ai l’habitude. Pour autant, cette fois-ci, sans chercher à argumenter pour le plaisir d’avoir raison, je pense qu’il est de bon ton de leur expliquer pourquoi je n’ai pas hésité à faire entendre des propos clairement choquants dans ma prestation. Je commence donc par dire que c’était un de mes objectifs que de dénoncer ce genre de messages, et qu’il était nécessaire de prendre de vrais messages, qui m’ont vraiment été envoyés. Un long silence se fait alors entendre. Sont-ils surpris ? Non parce qu’ils savent ce que c’est que d’être exposé à l’opinion publique, et ils savent que je le suis, donc ça ne devrait pas les surprendre… Ou alors ils ne se doutaient pas que j’avais cette visibilité ? C’est pas clair.

« En tout cas, c’était une prestation très réussie. » Huh. Je ne sais pas pourquoi je suis surpris, parce que ça ne devrait pas me surprendre. Ça a toujours été comme ça chez les Emerson – enfin peut-être moins chez Tanguy – dès qu’une conversation devient inconfortable, on change de sujet, ni vu ni connu. Je ne comprends pas comment ça fonctionne, mais j’avoue que je n’ai pas la foi d’insister, de toute manière. Il ne faut d’ailleurs pas attendre bien longtemps avant qu’on se dise au revoir. Deuxième appel terminé !

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Entraînement : Vrombotor S niv.53 (0/4)
Reproduction : Forgelina

Je souffle un coup et file me servir un café ; j’en ressens nettement le besoin après ce dernier appel. Puis je sens surtout le coup de barre arriver… Entre une Elite et la situation de Spyros, ça fait beaucoup pour un même week-end. Vraiment beaucoup. Alors remettre un peu de carburant dans la machine, c’est pas de refus ! Bien évidemment, je fous la dose de sucre dedans, sinon c’est juste infect. Allez. On se concentre sur la tâche en cours : le prochain coup de fil, c’est pour Papa. S’il était de surveillance au phare cette nuit – et donc que je n’ai pas pu le voir hier soir – il était bien à la maison ce matin. Donc on a eu le temps de discuter un peu avant que je ne me rende de nouveau au quartier général de l’Elite. Il s’agit là simplement d’une update de la situation. Puis, connaissant mon père, ça ne devrait pas durer bien longtemps. C’est encore moins un bavard que Todd, alors je ne risque pas de rester pris en otage de l’autre côté de la ligne. Si ça doit se passer, ce sera clairement dans l’autre sens. Il ne faut pas se leurrer. Allez, un peu de courage, ça sera vite fait.

« Allô ? » Il parle comme s’il ne savait pas qui c’était. A tous les coups, il n’a pas regardé le nom qui s’affichait sur l’écran avant de décrocher. « Oui, Pa, c’est Nessa. » C’est quand même terrible que je me sente obligé de préciser… Mais bon, c’est pas comme si c’était quelque chose de dramatique, ça me fait même un peu rire tant c’est cliché. « Ah, ça fait plaisir de t’avoir. J’ai pu suivre ton match, bien joué. » Toujours pondéré, pas un mot plus haut que l’autre, jamais. Qu’il soit en colère ou heureux, ça ne change rien à ce qu’il se passe dans sa voix. J’aimerais être capable d’être comme ça, des fois. « Merci. » Difficile pour moi d’épiloguer là-dessus, et ce n’est pas plus mal. « Comment va Spyros ? » Forcément, la question devait arriver, et je commence à savoir ce que j’ai à dire. « Mieux. Il est hors de danger, même s’il a encore besoin de se reposer. » Simple et efficace. Mon père n’a pas besoin de tout le blabla médical ; pas que je doute qu’il comprenne le médical, juste qu’il doit s’en ficher des détails. Tant que Spyros va bien, il n’est pas regardant. C’est ce qui est cool avec mon père, c’est que les choses restent simples, qu’il sait les garder simples. Et pas besoin d’attendre plus longtemps avant qu’on ne se quitte. En cinq minutes, c’est réglé. Tellement trop bien. C’est vraiment le meilleur.

Du coup, je suis pas mal satisfait de l’interaction, ce qui me met dans de parfaites conditions pour continuer sur ma lancée. C’est parti pour appeler Todd ! C’est la même vibe que Papa, alors ça sera fait en deux temps trois mouvements, je lui donne l’info, et hop ce sera réglé. Si j’appelle Seth ou Tanguy, ça mettra plus de temps, pour des raisons différentes. Je sais que mon oncle va revenir sur mon combat de tout à l’heure, possiblement parce que c’était une petite dinguerie et qu’il va vouloir que je savoure quand même un peu, malgré tout ce merdier. Seth, je pense qu’il sera plutôt à s’assurer que je vais bien en dépit des circonstances. Quoique Todd aussi peut être comme ça quand il est inquiet. De toute façon, je ne saurai qu’en appelant donc, ni une ni deux, c’est bien Todd que je cherche à joindre, comme prévu. On y retourne, j’ai de nouveau le portable à l’oreille.

A ce moment-là, je vois la porte de la salle de pause s’ouvrir sous mes yeux, et l’assistante vétérinaire qui m’a accueilli à mon arrivée qui me remarque et capte que je suis au téléphone. Elle est surprise et amorce un pas de recul. Mince ! « Oh non, allez-y, ne vous gênez pas ! » Elle hésite. « Vous êtes sûr ? » J’affiche un grand sourire. « Bien sûr ! Après tout, c’est moi qui envahis votre espace. Puis mon frère pourra supporter un peu de bruit en arrière-plan, ne vous inquiétez pas. » Je me suis positionné sur le mode décontracté. J’ai suffisamment de Spyros pour avoir à me prendre la tête, je ne tiens pas à m’encombrer de faux problèmes en plus de ça. Puis cette assistance véto, elle a surtout le droit à sa pause, en fait. C’est moi l’envahisseur, dans l’histoire, alors il serait hyper malvenu de ma part de la faire sortir parce que je passe des coups de fil. Manquerait plus que ça !

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Entraînement : Vrombotor S niv.54 (1/4) ; Scalpion niv.15 (0/1)
Reproduction : Sablaireau-A S

Tandis que l’assistante vétérinaire se fait chauffer un café – il faut que je pense à lui demander son prénom, parce que ça fait bizarre de l’identifier comme ça alors que je connais (ou crois connaître) le prénom des autres personnes travaillant ici – j’entends enfin Todd décrocher, et puis ces bips qui s’enchaînaient un peu trop à mon goût. « Ah Nessa, tu tombes bien. J’hésitais à t’appeler. » Pourquoi je ne suis pas surpris ? Là où on ne s’en étonnerait pas de Seth ou de moi, Todd n’est pas du genre à hésiter dès qu’il est question d’être présent pour sa famille. Bon, pour Seth et moi, c’est surtout qu’on a un peu de mal avec les limites personnelles. On a tendance à oublier la notion d’intimité, d’intériorité et compagnie. On ne réfléchit juste pas à tout ça, pour être honnête. Todd est plus modéré, nettement plus modéré. Il n’ira pas agir sur un coup de tête, par impulsivité. Il aura pris le temps de considérer les choses, et aura pris une décision. Juste qu’il se décide plutôt vite. « Oui, j’appelle un peu tout le monde pour vous tenir au jus. Du coup, Spyros va mieux, il est hors de danger, mais pas tiré d’affaire pour autant. » J’ai l’impression de sortir le même discours, ou plutôt de répéter les mêmes tournures de phrase. Sans doute que je le fais, mais c’est plus facile comme ça. « Ok, ça fait du bien de l’entendre. Tu as des détails sur ce qui lui est arrivé ? » Ah. Ça, j’ai pas encore eu à l’expliquer, alors à voir si j’arrive à être clair… Pas forcément gagné d’avance.

Le bruit d’un robinet qu’on ouvre me fait tourner la tête, et il s’agit de l’assistante vétérinaire qui nettoie sa tasse. Déjà ? Elle a bu son café comme on descend un shooter ou bien ? Un café, cul sec, quel enfer ! Ou à la limite un irish coffee, même si je comprends pas comment deux choses que je trouve immondes – vraiment dégueulasses – peuvent donner un truc à peu près ok ensemble. Mais c’est pas le sujet. « Euh, oui, je vais faire de mon mieux pour te passer les infos. » Ça ne garantit pas grand-chose, ahem. « C’est en lien avec le sérum S dans son organisme. Disons que Spyros a du mal à l’assimiler, ou plutôt que ça demande à son corps plus d’énergie que ce qu’il peut en fournir. Et comme cette tête de mule n’a jamais accepté de ralentir la cadence, il s’est poussé au point de rupture. » Hey, en vrai mon résumé claque ! Genre vraiment meilleur condensé, concis sans être expéditif, qui revient sur tous les points essentiels… Je gère. En parallèle, je vois l’assistante vétérinaire quitter la salle de repos et m’adresser un signe de la main ainsi qu’un sourire, auxquels je réponds d’un hochement de tête poli. Je reste au téléphone, après tout.

« Ça veut dire que le pronostic est encourageant, c’est une bonne chose. Et les vétérinaires t’ont parlé de traitements potentiels pour faciliter la guérison de Spyros ? » Todd, de manière très pragmatique, est centré sur le médical. Il a la tête sur les épaules, et il m’aide à la garder quand c’est nécessaire. Au moins, ça me demande de me concentrer sur les faits, et ça fait du bien à mon cerveau quand je suis plutôt monsieur cent mille émotions à la fois. « En fait, le séjour du sérum S dans les glandes à venin d’Ethiops pendant aussi longtemps, ça a altéré la composition chimique du produit. Ça explique le fait qu’il soit plus difficile à assimiler pour Spyros, mais ça veut aussi dire qu’il faudrait faire des recherches et des tests pour trouver un traitement adéquat. Ce qui prendrait plus de temps qu’il n’en faut. » Je serais incapable de rentrer davantage dans les détails, ce sont des noms de molécules à coucher dehors, que ça prendrait trois pages d’un énorme dictionnaire rien que pour l’écrire. Un véritable enfer, soyons honnêtes. « La seule chose qu’on puisse faire, c’est de le laisser se reposer et d’apporter à son corps l’énergie dont il a besoin pour venir à bout de ce processus. » Je me sens hyper pro dans mon exposé, il faut dire ce qui est. Ça doit me venir de la combinaison entre mon expérience d’éleveur et le temps que j’ai passé avec des vétérinaires ces derniers mois. Je commence à maitriser l’explication à des personnes qui n'y connaissent rien. Bon, c’est sans doute parce que j’y connais pas grand-chose de plus, donc que le seul discours que je peux avoir c’est celui que j’ai entendu et compris, mais… « Je suppose que ça vaut toujours mieux que de lui faire ingérer tout un tas de molécules de synthèse qui risquent également d’altérer son métabolisme. » Je dois dire que c’est une vision des choses qui me plait pas mal. Je ne suis pas fan de l’idée de bourrer mon Lucario de médicaments. J’ai souvenir de la chimiothérapie de ma mère. Pas un bon souvenir. « Sur ce, je vais te laisser. Je dois encore appeler Seth et Tanguy. Je t’envoie un message si jamais y’a du nouveau. » « On fait comme ça. A plus. » Et pouf. Réglé. Comme je disais, Todd est pas loin du portrait craché de Papa. Avec lui aussi, c’est simple et efficace.

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Entraînement : Vrombotor S niv.55 (2/4) ; Scalpion niv.20 (0/2)
Reproduction : M. Mime

Je n’attends pas, ni ne réfléchis, avant d’immédiatement composer le numéro de Seth. Je sais que je viens de raccrocher, mais je suis lancé alors autant ne pas m’arrêter. Puis j’aimerais avoir fini d’appeler tout le monde avant que Mathieu ne finisse son service, aussi. Ça signifie que le temps m’est compté. Tic tac tic tac. « Yo Nessa ! Alors, quoi de neuf pour Spyros ? » Là aussi, difficile de faire plus typique de Seth. Après, ce serait particulièrement malvenu de ma part étant donné que je peux avoir tendance à faire pareil. Surtout que Seth, lui (y comprendre à la différence de moi), n’est pas comme ça avec tout le monde, seulement avec les amis et la famille. Sauf notre grand-mère… encore heureux ! Moi, j’ai un peu plus de mal à avoir contenir cette familiarité. Disons ça comme ça. « Hey. Il va mieux. Il s’est poussé jusqu’à l’extrême de l’épuisement, alors maintenant, il a besoin que son corps se repose et puisse récupérer. » Je dévie un peu du speech que je faisais jusque-là. Après l’essentiel reste dit, je crois. « Cool. Ça lève au moins la peur de tes épaules. » Tu m’étonnes ! Ça a levé un sacré poids quand Mathieu m’a annoncé la nouvelle. Pas tout le poids, certes, mais une bonne partie, et surtout la pire partie.

« Du coup, il devrait bientôt être sur pattes, si c’est que du repos, non ? » Un léger soupir m’échappe ; je me demande si Seth l’a entendu. Comment lui dire que pas du tout ? « Non, ça devrait prendre un certain temps. Il n’a pas juste besoin d’une sieste et hop le tour est joué. Le problème reste plus grave que ça, son corps ne lui fournit pas assez d’énergie pour assimiler le sérum et il a vidé tout son stock. Il a besoin d’aide, d’une aide médicale. » La réalité est bien moins réjouissante que l’idée que Seth semble s’en être faite. Les choses ne vont pas rentrer dans l’ordre d’un coup de baguette magique, loin de là. Il va falloir être patient, et je ne parle pas de moi mais de Spyros. « Ah mince, c’est pas juste un coup de fatigue très flippant sur le moment… » Je suppose que j’aurais dû reprendre ce que j’ai pu dire à mon père et à Todd, que c’était plus complet sur la situation, ç’aurait évité cette mécompréhension. Mais bon, rien de grave là-dedans. Puis en soi, ce n’est que du repos. Un long et strict repos, mais je préfère ça à de la chirurgie ou à une lourde médication, voire les deux. Ça représente quand même nettement moins de risques. « Tu as une idée de combien de temps ça va prendre, environ ? ou au moins dans combien de temps il pourra revenir avec toi ? » Je n’ai pas posé la question à Mathieu pour une estimation de la durée de convalescence. J’ai eu un peu trop d’autres trucs à penser pour m’attarder là-dessus, mais c’est vrai qu’avoir une indication – aussi vague soit-elle – pourrait m’aider à me projeter, à moyen et long terme. Il faudrait que je lui demande. « Non, aucune idée. Par contre, je considère très sérieusement de laisser Spyros faire toute sa convalescence à la clinique vétérinaire. J’ai pas envie que le scénario se répète. » Ça, c’est clair, on ne m’y reprendra pas à deux fois !

« Tu lui en veux, hein ? » Je… Je ne m’attendais pas à ça. Je ne m’attendais pas à ce que Seth arrive à cette conclusion. Je suppose que j’ai laissé entrevoir mon ressenti sur la question à la manière dont j’ai pu dire les choses, à mon ton, ou je-ne-sais quel autre indice. En même temps, j’aurais possiblement dû le voir venir. Avec Todd, c’est très terre-à-terre, on a parlé du médical, on a parlé des faits. Avec Seth, le focus est en général davantage sur la manière dont j’ai pu vivre les événements, sur mes émotions, sur ce que j’en pense. On est bien moins dans le concret, mais tout autant dans le réel, simplement une réalité moins objective. « C’est même peu dire. Il a de la chance qu’il soit en train de dormir, sinon t’imagines même pas comment je l’aurais pourri. » Et hop, la machine est lancée. Pas que je monte réellement en pression, mais ce serait bizarre si j’exprimais ma colère en étant totalement neutre, non ? « Je comprends juste pas comment il a pu faire ça, comment il a pu se forcer au point d’en arriver là, et comment il a pu me cacher la gravité de son état. Je veux dire : on est censé avoir une confiance aveugle l’un en l’autre. Mais j’ai dû faire fausse route là-dessus aussi. » Je suis blessé par le comportement qu’a eu mon Lucario. Il n’y a pas d’autres mots pour le dire. Et je sens le bouillonnement en moi, je pourrais continuer sans difficulté à énoncer mes reproches.

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Entraînement : Vrombotor S niv.56 (2/4) ; Scalpion niv.22 (0/2)
Reproduction : Sablaireau-A S

« Et donc le laisser à la clinique plutôt que le reprendre avec toi, c’est pour le punir ? » Je… Erh. Bien évidemment que je me suis dit que ce serait bien fait pour lui, quand j’ai envisagé cette option sérieusement. Il mérite de la distance et de la froideur de ma part et c’est sans doute le meilleur moyen de le lui montrer qu’il n’y a rien d’acceptable dans ce qu’il s’est passé mais… C’est pas la raison principale. Enfin je crois. Oui, je suis remonté, mais je ne tiens pas à prendre des décisions sur la santé de mon pokémon pour les mauvaises raisons. « Il en a besoin, ce sera beaucoup plus simple pour lui de rester loin de l’activité s’il ne doit pas y prendre part. Et oui, je l’avoue, ce sera aussi beaucoup plus facile pour moi de ne pas avoir à être celui qui lui dit non tous les jours. Je veux qu’il soit encadré jusqu’à ce qu’il aille bien, dans un environnement contrôlé. » Ok. C’était pas là où je pensais arriver, mais c’est vrai qu’il y a ça aussi. Je n’ai pas envie d’être le méchant de l’histoire, même si je vais probablement l’être quand Spyros apprendra qu’il restera ici. Au moins au début, j’espère. « Après, bien sûr qu’il mérite cette mise à distance. Ses actions ont des conséquences, et il va s’en rendre compte. J’ai besoin de cette distance, parce que je ne crois pas que je supporterai d’être en colère contre lui comme ça au quotidien. Et je sais que je le serai rien qu’en percevant sa présence. Il m’a fait peur, horriblement peur, mais surtout il m’a caché son mal-être, il m’a menti quand je lui demandais si ça allait. Je lui faisais confiance et ce n’est plus le cas maintenant. Alors il va aussi falloir du temps pour cette convalescence-là. » Je me connais, je peux pardonner, mais pas si facilement que ça. Si Spyros veut espérer regagner ma confiance, il devra faire ses preuves et se montrer patient. Je ne vais pas être tendre avec lui, je le sais. Chaglam échaudé craint l’eau froide. Je lui ai tout laissé voir de mes émotions, je ne lui ai jamais rien caché. En échange, j’avais des bribes de ses émotions les plus intenses, mais ça m’allait. J’avais conscience de faire face à un mur, face à un pokémon qui pouvait exprimer sans mal ses opinions mais bien plus difficilement ce qu’il pouvait ressentir. Mais là, ça, c’est encore autre chose. C’est grave. Ça a de graves conséquences. Pour les humains et pokémons autour de lui, mais surtout pour lui. Ça me dépasse autant que ça me met en rogne.

« Bon. C’est une bonne chose que ce soit davantage pour toi que contre lui. J’avais peur que ce soit pas le cas. » Je suppose que c’est une manière de voir les choses, en effet. A aucun moment je ne veux faire les choses contre Spyros. Je ne dis pas que je ne pourrais pas en avoir envie à un moment ou à un autre, mais que je n’irai pas agir sur cette base. Et oui, il est évident que je me prends en compte dans l’équation. Mon Lucario a merdé, et pas qu’un peu ; j’ai cru que j’allais le perdre, mais ce n’est pas une raison pour lui pardonner aussitôt. C’est sûr que ça ne va pas être des mois faciles pour lui mais, soyons francs deux secondes, il l’a cherché. Il récolte ce qu’il a semé, ni plus ni moins. Il s’est puni lui-même pour ce qu’il s’est causé, pas pour ce qu’il a causé aux autres. « Après, on ne voit pas toujours les conséquences de nos actes. Tu te rappelles la fois où tu as fait le mur pour aller voir ce Lixy au refuge ? » Je reste sans réponse. Aucune idée de quoi il me parle. Je suppose que j’ai dû me faire disputer – et probablement être privé de dessert et de télé – pour ça, mais j’ai fait le mur un peu trop souvent pour me rappeler d’une fois bien spécifique. Et je me suis surtout fait chopper un bon paquet de fois parce que j’étais le niveau zéro de la discrétion. « Ça me dit rien du tout… » J’entends Seth rire légèrement de l’autre côté de l’appareil. « T’étais gamin, tu devais avoir huit piges max. Tanguy avait parlé d’un Lixy arrivé au refuge de la SPP et tu voulais absolument aller le voir. Maman t’avait dit non, mais tu avais décidé que oui. » Mes mini-fugues ont commencé plus tôt que ce dont j’en ai le souvenir… Et, sans surprise, cette histoire est partie d’un désaccord entre ma mère et moi. J’ai l’impression qu’à chaque fois – ou presque – que je me suis mis dans des situations comme ça, c’était le même point de départ. Je faisais un peu mon possible pour aller à l’encontre de tout ce qu’elle pouvait me dire, par principe. Alors ouais, totalement crédible que j’aie pu faire ça, d’autant plus pour aller voir un pokémon.

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Entraînement : Vrombotor S niv.57 (0/4) ; Scalpion niv.23 (0/2)
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