Elle se marre. Bien sûr qu'elle se marre. Je me marrerais aussi si j'étais pas concernée. Ca me donne encore plus envie de m'enterrer dans mon sweat. Pourquoi j'ai pas un capuchon digne des mecs dans Assassin's Creed ? Avec un truc pareil, plus rien à voir. J'aurais aussi l'air plus ridicule. Ouais, finalement, non. J'ai pas envie de mordre pour autant. Elle se fout pas de ma gueule, j'comprends bien. Un peu quand même peut-être mais c'est pas un rire mauvais. Puis j'aime encore bien qu'elle rigole. Je préférerais juste que ce soit pas à mes dépends. Pro-promis. Au moins elle dira rien à personne. Pas que je pensais le contraire. Déjà je vois pas chez qui elle aurait pu aller poucave. Et c'pas son genre. J'me sens comme une gosse à penser ça mais je lui fais confiance. Elle respecte ses promesses, Seiloh. Là c'est facile d'y croire parce que ça tient de la connerie. J'crois que je lui ferais confiance pour un truc sérieux aussi.

Je ne suis pas naïve. Changement brutal après mon petit laïus. Je suis tellement choquée que j'en oublie d'être gênée. Mon mouvement de tête écarte mon capuchon et je la regarde de nouveau. Y a comme un truc qui me fait froid dans le dos. Son sourire est vide malgré un truc acéré dans ses yeux. Mon impression première peut partir à la poubelle. J'crois que miss parfaite est capable de détester quelque chose. J'ai foutu mon gros doigt maladroit là où il fallait pas avec un seul mot. Que tu insistes pour ne pas être considérée comme quelqu'un de bien te rend meilleure que toutes ces personnes jouant les citoyens modèles alors qu'ils sont tout le contraire dès que les rideaux sont tirés. J'vais pas jouer les surprises. Tout ce qu'elle dit pas je m'en doutais déjà. Y a des signes qui trompent pas et pour peu qu'on y fasse gaffe cette meuf affiche tous les red flags d'une victime d'abus. Quand on voit son père, on s'étonne pas. Le mec dégage un sale truc. Il trompe son monde comme tous les gars de son genre. Mais j'ai croisé assez d'ordures en costume dans ma vie pour savoir.

Mais ne parlons plus de ça. Qu'est-ce que tu voulais faire cette après-midi ? J'ai pas le temps de moufter. J'aurais pas su quoi dire sur le coup. Si y a un truc à répondre à ça. Je vais pas mentir, des envies j'en ai. Pas sûre qu'elle puisse apprécier le geste. Je suis pas idiote. La situation est plus compliquée que je peux l'imaginer. On reste deux ados. Et elle a rien dit clairement. Puis oublions pas que je suis une merde dès qu'il s'agit t'interagir avec les autres de façon clean. Je me retrouve à suivre son lead. Parce qu'elle a pas l'air bien. Qu'on dirait qu'elle regrette. Je veux pas la faire chialer en insistant. Je veux pas être égoïste. Même si on va pas se mentir c'est aussi égoïste de vouloir qu'on change de sujet parce que je suis pas foutue de savoir comment lui parler. On va bouffer un truc. Sucré, le truc. Je vois que ça pour lui faire du bien. Moi ça m'aide quand j'ai le moral dans les chaussettes.

Je chasse complètement mon capuchon. Inutile de continuer à me planquer. Puis je la vois moins bien avec les bords si je marche à côté d'elle. Après une hésitation, j'attrape le bord de sa manche à défaut de lui prendre la main. Avec ses poings serrés, elle doit pas être ouverte à l'idée. Je me sens naze. Pure softie. Même avec mon mec je me baladais pas comme ça. Mais y a un truc qui me dérange dans la poitrine et qui veut que je fasse des efforts pour la réconforter. Alors je camoufle. Pour pas te perdre dans la foule, minus. Que je grommelle comme si on faisait pas la même taille. Je rougirais pas cette fois mais ce que le ciel est intéressant d'un coup.

◇ pts 10

Malgré l'envie de prendre physiquement de la distance avec cette conversation, de fuir, tu restes coincée là, les deux pieds ancrés dans le sol comme si une chape de béton avait été coulée dessus à ton insu. Tu regrettes et la dureté de tes mots appellent à des vrilles d'angoisse qui se répètent encore et encore. Les mêmes questions passent aussi en boucle. Qu'est-ce qui t'a pris ? Pourquoi tu as dit ça ? Est-ce que tu le penses vraiment ? Une part de toi se persuade violemment que tu as exagéré. Reyna va sans doute se faire des idées en plus de vouloir t'abandonner là. Ce serait sans doute le mieux. Tu en viens presque à regretter ses efforts. Pas les tiens, malgré tout. Il n'empêche que avant de détourner l'attention, tu aurais dû rétablir la vérité. Seulement, la vérité sur quoi ? Tu n'as rien dit de précis, tu n'as visé personne. Tu es la seule à savoir réellement en quoi tu as fauté. L'idée te dévore.

Il en faut assez peu pour t'arracher à ces émotions qui grondent à l'intérieur de toi. Un peu de naturel qui te rappelle la raison de votre présence dans ce square. Cela fonctionne mieux quand elle joue le jeu sans un mot de trop. Elle prouve encore à quel point elle peut se montrer gentille malgré tous ses efforts pour coller à son rôle de grand méchant Grahyèna. Elle t'ancre avec toute sa maladresse et te fait presque oublier ton dérapage.

« Okay. »

Ta voix manque d'énergie, mais tu articules sans mal. Lorsqu'elle se place à tes côtés, tu ne comprends pas immédiatement, il faut une légère traction sur ta manche pour te faire baisser les yeux. Le geste est discret, mais si doux qu'il te fait pétiller de petites bulles de chaleur dans la poitrine. Reyna regarde ailleurs, de toute évidence gênée, elle ne voit donc pas ton hochement de tête suite à cette explication bancale. Tu acceptes sans mal l'excuse, peu désireuse même d'y réfléchir. Tu ne veux pas savoir.

« Merci. »

Tu glisses, tes doigts se desserrant graduellement. Tu ne lui prendras pas la main naturellement, mais ton corps se détends, c'est indéniable. Tu n'en diras pas plus non plus. Tu as trop peur qu'elle s'éloigne, qu'elle reprenne ce fantôme de contact qui te manque tellement. Alors tu continues fermement vers ce sujet facile dont vous ne devriez vraiment plus vous éloigner.

« Tu es déjà venue à Galar ? »

Voilà un terrain neutre, il te semble. Tu as eu l'occasion de remarquer à plusieurs reprises que la blonde avait beaucoup voyagé. En plus d'avoir des connaissances étonnantes, elle maîtrise plusieurs langues étrangères. Si tu ne l'avais jamais imaginé idiote, apprendre tout ça et constater qu'elle réussissait dans d'autres matières t'avait permis de cerner une partie de ses problèmes en algèbre. Tu restes sidérée qu'elle continue à se considérer peu cérébrale quant tu en connais pourtant si peu à son sujet. Malgré toute sa bravado, son manque de confiance en elle est fulgurant. Pour toutes ses prétentions, elle manque rarement une occasion de se juger bien trop durement. Venant de toi, c'est l'hôpital qui se moque de la charité et cela veut tout dire.

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Points : 14.

Okay. Bon, au moins ça lui va si je prends le lead avec fermeté. Je suis pas sûre que j'aurais accepté un refus si facilement. Ce dont je suis certaine c'est qu'elle a besoin d'un remontant et de s'asseoir quelque part pour récupérer après qu'on ait été un peu trop emo toutes les deux. Bordel même moi je dirais pas non. Je rêve d'un chocolat chaud et d'un truc fat à manger. Heureusement je connais l'endroit idéal pour ça.

Pour ça il faut encore qu'on y arrive. C'pas prêt de se produire si j'arrête pas de baliser sur le fait que je lui tiens la manche façon gamine de dix piges. Come on, Reyna. One step after the other. It's not even that obvious. Je la tire à ma suite grâce à cette prise. On se refait la même scène en plus délicat que tout à l'heure j'suppose. Merci. Pas envie de dire de rien ou une autre connerie. Je hausse les épaules. J'agis de la sorte parce que j'en ai envie. Rien d'extraordinaire. Je reste pas mécontente qu'elle accepte de suivre le mouvement et que ça paraisse pas la déranger que je la tienne comme ça. Que ce soit pour me faire plaisir ou non. Tu es déjà venue à Galar ? Premier réflexe : hocher la tête. Pas l'idée du siècle quand on est pas face à face. Je tourne un peu la tête pour croiser son regard. Ouais. On est resté trois, quatre mois dans le coin ? Je peux pas m'empêcher d'observer les rues qui m'entourent. Première fois que j'y pense depuis qu'un train nous a largué à Winscor. J'ai vu les différences sans y faire trop gaffe. Maintenant je vois plus que ça. Ca a trop changé depuis la Champion's Cup. Le stade le plus récent doit être visible de partout. Il surplombe toute la ville. Ils ont pas lésiné sur les travaux pour frimer face aux autres régions. J'ai pas jugé autant dans le cas d'Unys. Ouais, j'ai bien râlé parce que franchement Volucité ne cessait jamais son expansion et personne avait besoin de ça en plus. On pouvait aller nulle part sans les barrières, les stupides connes que les gosses piquaient et le concert des véhicules de chantier. Mais fierté régionale oblige j'en avais pas été mécontente. Puis les affaires de Sienna avaient été juteuses grâce à ça. Faute de la voir plus, je l'avais vu satisfaite de ses investissements. Vu comme des gens de la famille pouvaient pas s'empêcher de lui cracher à la gueule, j'avais été ravie que ça les force à fermer leur gueule. J'espère que le café où je veux qu'on se pose existe encore. Ca me ferait chier qu'il ait dû fermer. Il était cute et vraiment leur chocolat chaud tenait de la tuerie.

◇ pts 15
◇ lots 3 lots surprise pour 12 pts et 1 kit capture pour 3 pts

Tu te laisses guider avec une pointe de ce qui ressemble beaucoup à du soulagement. Après les difficultés de ces derniers jours, et même après ce moment qui n'a rien eu de facile, tu restes plus à l'aise au côté de Reyna et il y a une part de ton esprit qui commence à se faire moins bruyante maintenant qu'elle a les rennes de votre après-midi en main. Une petite voix cherche bien à te suggérer que tu ne devrais pas accepter de la laisser faire tout ça, mais tu parviens à la faire taire. Au final, la blonde a tendance à faire ce qu'elle veut, tu ne penses donc pas qu'il soit possible qu'elle se force réellement pour toi. Aussi gentille soit-elle, elle n'a rien d'une bonne poire si tu peux le dire de la sorte. Cela aide qu'elle accepte de parler si volontiers. Dès l'instant où tu as cessé d'être bloquée par l'appréhension, tu n'as pu que la trouver intéressante. Vos vies sont si radicalement différentes et, bien qu'elle s'étende rarement sur des sujets plus sérieux, son point de vue est attrayant. Tu te trouves à prendre plaisir à découvrir ou à redécouvrir des choses banales simplement parce que tu les vois sous une autre lumière. Tes questions restent prudentes, tu ne veux pas refaire certaines erreurs, mais tu ne manques pas de curiosité pour toutes les choses qu'elle ne dit pas. Par exemple, la raison de ses voyages si fréquents lorsqu'elle était plus jeune. De ce que tu as compris, tu n'as pas l'impression qu'il s'agissait là de simples vacances. Mais lui demander la raison de sa présence à Galar des années plus tôt serait pousser trop loin. Tu n'es pas sûre de qui a tracé cette ligne dans le sable, si c'est par Reyna ou si tu la créée toi-même après la débâcle toute relative de la soirée à Volucité. Ce n'est pas comme si elle te l'avait reproché, tu avais simplement eu cette sensation d'avoir mis les pieds dans le plat car un tel sujet était généralement sensible.

« Mais ils ont mieux réussi que nous. »

Esthétiquement parlant, il te semble que ce stade que tu vois au loin est beaucoup plus travaillé que tout ceux que tu as vu ailleurs. Tu ne comprends pas exactement sa forme, mais il paraît particulièrement détaillé et coloré. Dire si il se fond ou non dans l'environnement urbain est un autre débat.

Repenser à la Champion's Cup te fait tout bizarre. Si tu n'es pas si familière que ça avec les compétitions de dresseurs, il aurait été difficile d'ignorer un évènement d'une telle ampleur. Tu te souviens avec une pointe de nostalgie de ce jour où Lionel vous avait emmenées Gia et toi à un match lorsqu'Unys s'était retrouvé organisatrice. Bien qu'une telle ambiance aurait dû rassembler tout ce que tu détestais et craignais, tu avais passé l'un des meilleurs moments de ta vie dans ces gradins chargés d'une énergie juste inimaginable avec deux personnes que tu adorais à tes côtés. Cela avait aussi été l'un de vos derniers instants passés ensemble, le divorce arrivant trop vite après et, avec lui, le départ de ta meilleure amie et de sa mère pour Kalos.

« C'est pas grave si il est fermé, on en trouvera un autre. »

Ta positivité te surprends un peu. A moins que tu ne sois pas réellement positive, mais que tu cherches simplement à ce que Reyna ne se mette pas trop la pression. Une part de la réalité est pourtant que, même si vous ne faites que chercher, tu es contente de passer ce temps avec elle.

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Points : 14.
Lots : lot surprise x3 (12 points) + Flûte Noire x1 (1 point) + Super-Canne x1 (1 point) pour un total de 14 points.

Mais ils ont mieux réussi que nous. Je m'arrête net pour la regarder. Fais gaffe, ça sonne comme de la trahison à ta région. C'est marrant de jouer les offusquées quand je m'en bat les reins. Bon peut-être pas totalement. Ca m'a saoulé quand Unys s'est fait éliminer au début de la dernière Champion's Cup. Mais je vais pas faire ma chieuse pour une histoire d'architecture. Surtout que Volucité est pas la plus belle des villes. Je peux reconnaître que j'ai préféré d'autres lieux. J'ai la bonne idée de rigoler pour éviter qu'elle flippe pour rien. On sait jamais avec cette fille.

Je me remet en mouvement dès qu'un mec se racle la gorge derrière nous. Je me suis arrêtée au milieu du trottoir, pas ma meilleure idée. On s'en fout un peu dans le fond. Je tire quand même un peu plus fort sur la manche de Seiloh histoire qu'on accélère et qu'elle finisse pas par baliser. Je relance vite fait la conversation aussi. J'pensais pas que tu t'intéressais à ces trucs. J'veux dire j'sais que t'as ton grenousse mais il fait plus pokémon de compagnie. Un gâchis. Il a l'air d'avoir du potentiel ce petit gars. J'aimerais carrément avoir un amphinobi. Ils pètent la classe avec leurs shurikens. Un combat entre un amphinobi et un clamiral façon ninja contre samourai serait un délire. P't'être que je vais demander à Sienna de garder un œil sur le circuit pour moi, voir si y en a pas un de l'une des ces deux espèces qui fait parler de lui. Je veux pas d'un de ces petits précieux de pokémons pour dresseur débutant. Dans les élevages on préfère les spécimens plus dociles et on leur apprends à retenir leurs coups. Débrider un starter a tout d'une perte de temps. Je préfère éviter.

C'est pas grave si il est fermé, on en trouvera un autre. Et voilà. Elle me prends de nouveau par surprise avec son côté cute. Elle fait toute douce dans ces moments là. J'ai pas l'habitude. Vraiment je capte pas qu'elle soit encore capable d'être comme ça quand elle doit avoir vécu des trucs sales. A sa place j'en voudrais à la terre entière. C'est déjà pas loin d'être le cas. Je sais pas quoi lui dire. Vaut mieux que je ferme ma gueule.

Tu ne t'attends pas à l'arrêt, un fait logique au vu de sa soudaineté presque comique avec du recul. Il te faut faire presque deux pas de plus avant que la prise de Reyna ne te fasse revenir d'un en arrière, ton regard immédiatement tourné vers elle, alerte. Une trahison à ta région ? Qu'est-ce que tu viens de dire ? Tu n'as fait qu'émettre un avis sur le stade construit, la critique n'était en rien sérieuse et ne concernait même pas vraiment Unys. Tu n'as pas une réelle affection pour la région qui t'a vu naître, ni un quelconque esprit patriotique, tout au plus tu y as tes habitudes. Dans un monde où le choix t'appartenait, l'idée d'en partir ne serait pas inenvisageable. Malheureusement, tous tes projets vont t'y garder pour les huit prochaines années au moins. Il n'en est que plus désagréable de ne pas avoir réussi à profiter de ce voyage quand une telle occasion ne se reproduira pas de si tôt. Pas sans une certaine forme de décision parentale tout du moins.

Elle se met à rire et tu es forcée de constater qu'encore une fois il ne t'a fallu qu'une poignée de secondes pour te perdre dans ta tête. Une blague. Ce n'était qu'une blague et tu ne l'as pas envisagé. Tu cherches quelque chose à bafouiller, à pousser un filet de rire hors de tes lèvres, mais tu n'en as ni la capacité, ni l'occasion au vu du rappel poli qui vient vous signaler que vous êtes toujours en rue. Reyna est la première à réagir alors que tu lances un désolé tout empressé à l'homme avant d'être entraînée à sa suite.

« Ah, non, ça ne m'intéresse pas vraiment. Je connais comme tout le monde, c'est difficile d'ignorer un tel bombardement médiatique. »

Tu te défends, presque prise en faute. Le sujet a toujours été sensible au sein de ta famille. Tes parents, et tous les autres, n'ont jamais caché leur dédain pour le dressage compétitif. Combattre ou performer n'a aucune valeur à leurs yeux et tient même de la perte de temps pour laquelle ils ont quelques mots de choix. Ces réflexions viennent comme toujours avec une certaine forme d'hypocrisie, ton père s'étant trouvé ravi de prendre tous les contrats que les problématiques créés par la Champion's Cup avaient engendrés.

« On m'a donné Allen, ce n'était pas vraiment un choix. »

Tu tritures l'une de tes mèches, un peu mal à l'aise. Cela fait plusieurs mois que tu cohabites avec ce Grenousse et vos relations ne sont pas si aisées. Tu ne comprends toujours pas très bien le choix de Gia sans le réfuter totalement. Allen n'est pas là pour combattre, mais il ne te tient pas réellement compagnie non plus. Vous vous tolérez tout au plus, une vaste différence avec le Ponchien qui avait partagé tes jeux durant une partie de ton enfance.

La réaction de Reyna - ou plutôt son absence - te trouble un peu. Elle reste difficile à cerner. Peut-être a-t-elle simplement vraiment envie de retourner dans ce café ? Tu t'empresses de changer d'angle quitte à t'enfoncer.

« Mais j'espère qu'il est toujours là, ça a l'air de vraiment te tenir à cœur. »

Choquant comment je commence à la connaitre. Elle a tout d'un magicarpe hors de la flotte jusqu'à ce que je rigole. Après aussi en fait. En vrai, l'intervention de ce gars qu'on gêne est efficace pour dissiper la vibe actuelle.

Ah, non, ça ne m'intéresse pas vraiment. Je connais comme tout le monde, c'est difficile d'ignorer un tel bombardement médiatique. Hm-hm. Elle est fort speed en disant ça pour une meuf que le sujet intéresse pas. Sérieux, elle doit se faire souvent gauler vu son level pour cacher ses émotions. Depuis que j'y fais gaffe, je vois trop de signes qui la crament. Ou p't'être que je suis juste à l'aise là-dedans. Non, franchement elle est toujours un peu trop dans le rush quand elle ressent un truc fort. Les autres sont juste aveugles et elle s'aide bien en se faisant discrète. J'pousse pas. Tant que j'en sais pas plus je risque de la foutre mal à l'aise. On va pas s'enfermer dans cette boucle toute l'aprèm non plus. On m'a donné Allen, ce n'était pas vraiment un choix. Sérieux ? Chelou le choix. Pourquoi filer un starter de Kalos à une meuf d'Unys pas même dresseuse ? Un truc plus docile, j'aurais capté. Des pokémons plus là pour tenir compagnie il en existe un paquet et grenousse en fait pas trop partie. A nouveau y a cette attitude qui la grille. Je peux pas réfréner ma curiosité. Elle joue les indifférentes malgré un truc obvious. Pourtant tu lui as filé un surnom. Et on perd pas son temps à nommer quand ça compte pas. Y a vraiment que les pokémons que je kiffe qui ont un nom. Ace et Zag', mes chouchous. Je suis carrément sentimentale avec eux. Ace c'est genre mon best pote ever. Les autres peuvent pas se vanter d'avoir le même traitement. Ils me servent et je les remplace quand je trouve mieux.

Mais j'espère qu'il est toujours là, ça a l'air de vraiment te tenir à cœur. Ouais, ouais, ouais, le café me tient à cœur. Tout à fait. Heureusement pour mon ego que son innocence la fait tomber à côté de la plaque. Te fais pas de bile.

Reyna est décidément bien perspicace. Trop pour ton bien. Cela n'aide pas que tu sois forcée d'accepter qu'elle s'intéresse à toi à sa façon. Cela te place sous le feu d'un projecteur qui n'est pas réellement malvenu, mais auquel tu n'es pas habituée. Cela n'aide pas qu'elle paraisse apprécier d'avoir le dernier mot. Elle utilise tes propres mots contre toi et tu es coincée par sa logique implacable. Il y a bien des choses que tu pourrais protester. Après tout, même si ce surnom ne t'avait pas été imposé, Gia avait lourdement insisté pour que tu en choisisses un. A vrai dire, tu n'avais pas non plus été très difficile à convaincre. Le cadeau avait beau avoir été particulièrement surprenant, tu avais accepté le Grenousse avec beaucoup d'affection, voire une pointe d'excitation. Les doutes et difficultés étaient arrivés plus tard lorsque vos personnalités avaient commencé à s'entrechoquer. Sur le moment, tu l'avais néanmoins nommé dans une volonté de montrer ton appréciation pour cette surprise. Pourquoi Allen ? Tu n'en savais trop rien. Le nom était venu alors que tu l'observais pendant que ta meilleure amie se perdait dans des explications sur son espèce. Elle avait de toute évidence beaucoup lu à son sujet.

« Ca me semblait approprié sur le moment. »

Tu sors de tes pensées, le regard glissant brièvement vers la blonde. Tu n'es pas sûre qu'elle apprécie une explication plus longue. Tu ne veux vraiment pas l'ennuyer avec des histoires appartenant au passé. Elle a en plus abordé un sujet qui te laisse curieuse. Tu supposes que le favoritisme se glisse dans tous les milieux, mais tu avais cette impression que les dresseurs surnommaient tous leurs Pokémon ou alors pas du tout. Les êtres humains sont pourtant rarement si binaires.

« Tu n'as pas peur que cela provoque une rivalité parmi ton équipe ? »

Ou que cela blesse ceux qui n'ont pas droit à cette même touche d'affection. Tu ne verbalises pas ce dernier point néanmoins. Ton impression sur Reyna manque encore un peu trop de solidité pour que tu oses le faire. Tu en connais tellement peu sur ses valeurs. Tu ne sais même pas quel genre de Pokémon elle possède. Machinalement, tu l'imagines entourée de créatures impressionnantes aux gueules pleines de crocs et aux griffes acérées.

Ca me semblait approprié sur le moment. La réponse est toute douce. Je hoche la tête. J'essaye de pas casser le truc fragile qui est là. Ca dure pas. Je suis pas douée pour me la boucler. Puis j'ai aucune raison de vouloir en savoir plus. Y a pas toujours un grand mystère derrière un nom. Je me laisse portée la plupart du temps. Ace s'appelle Ace parce qu'il avait une tête à s'appeler Ace. Pour moi, ça a du sens. Zag' est venu d'un intérêt plus nerdy que j'assumerais pas là. Même si ça claque comme nom, j'en suis pas peu fière.

Tu n'as pas peur que cela provoque une rivalité parmi ton équipe ? Je peux pas m'empêcher de rigoler. Elle est vraiment cute à penser que j'en ai quelque chose à foutre. Tant mieux, ça leur donnera une raison de plus de se dépasser. Je m'en amuse encore malgré le sérieux des mots. Je suis pas là pour être leur baby-sitter ou leur mère. Mes pokémons sont là pour faire leur boulot. Ils sont payés en bouffe et en occasions d'être les meilleurs. Ils ont pas à se plaindre, je les maltraite pas. On me trouvera juste pas à les bichonner comme des miaouss de salon. Pas d'attache entre nous, c'est mieux comme ça. Au moins pas de regret quand il faut en remplacer un. Avec les pokémons c'est comme avec les gens. Tu peux pas être l'ami de tout le monde. Y en a que tu fais que croiser. D'autres avec qui tu parles un peu puis plus jamais. Le temps et l'affection sont pas infinis. Je me sens sage d'un coup. Bizarre. C'est qu'une belle façon de dire que je veux pas trop m'intéresser. Ceux que j'aime le savent. C'est tout ce qui compte. Je hausse les épaules. Moi aussi je sais que je compte pour eux. Ace et Zagreus ne m'ont jamais permis de douter. J'ai jamais vu des pokémons aussi fidèles. Raison pour laquelle ils sont devenus tellement plus. Ce sont plus que mes équipiers. Ils font partie de la famille maintenant.

Oh, c'est là. Je m'arrête. On allait presque dépasser le café. Il est encore ouvert et j'en salive d'avance. Je zieute par la vitrine. Y a pas grand monde à l'intérieur. On entre. Je sais que je détonne un peu dans un endroit aussi mignon. Ca sent le sucre. La plupart des autres clients sont des femmes profitant de l'après-midi pour boire un thé en parlant à voix basse.

C'est devenu trop naturel en peu de temps de lui tenir la manche. Lorsque je dois la lâcher pour retirer ma veste, ça me fait bizarre. Je fous l'émotion de côté et je m'installe. On est tranquilles à une table vers le coin. J'attends qu'elle se pose pour lui passer la carte. Prends ce que tu veux, je régale. Grand sourire. J'aime trop l'idée d'avoir une excuse pour me lâcher. On va pas me voir refuser un cheat meal imprévu.

Son rire est surprenant. Il te laisse confuse un moment. Tu es sûre que tu n'as rien dit de drôle. Tu n'as fait que poser une question sensible. Il te faut néanmoins te rappeler que Reyna ne fait pas vraiment dans la sensibilité malgré ces preuves du contraire que tu as la sensation de récolter en nombre. Entre les humains et les Pokémon, il n'empêche qu'il y a une différence. Il est normal qu'elle soit prête à faire des efforts avec les un et pas avec les autres. Vu les traces d'intérêt pour les petits monstres que tu as pu remarquer, tu restes un peu étonnée. Tu l'imagines sans mal dresseuse et soucieuse de l'entrainement de ses compagnons. Tu la vois maximiser aussi leurs chances d'être les meilleurs et tu as cette impression qu'une bonne relation joue dans la balance. De toute évidence, tu t'es trompée. Pas pour tout, naturellement. Elle manifeste un sérieux instinct compétitif, mais peu d'empathie pour ses Pokémon. Et puis, tu comprends. Il y a une vérité dans ses mots. Reyna te surprends encore avec sa maturité. Derrière ses allures de dures et sa propension à foncer, elle ne manque de jugeote. Elle n'est pas non plus émotionnellement fermée. Tu ne doutes pas qu'il y ait une histoire derrière tout ça. Il y en a toujours une. Une adolescente de son âge n'en arrive pas là par un heureux hasard. Il n'y a que l'expérience pour développer une telle vision des choses. Elle a dû payer cet état d'esprit par de la souffrance.

Malgré l'impression première que pourrait avoir d'autres gens, elle fait une bien meilleure personne, ainsi qu'une meilleure dresseuse, que toi. Tu ne peux pas prétendre réussir à être sincère avec les gens que tu aimes et il y a beaucoup de lâcheté dans tes relations. Avec sa franchise, Reyna fait moins de dégâts autour d'elle. Tu ne sais que répondre à tout ça. Trop de choses se bousculent dans ton esprit et tu te sens idiote à chaque fois que quelque chose envisage de quitter tes lèvres. Heureusement, te voilà sauvée par le gong. Vous êtes arrivées dans ce café où elle voulait se rendre. Tu observes l'établissement d'un œil distrait avant qu'elle ne t'entraine à l'intérieur. Les stéréotypes ne t'ont pas préparés à ce qu'elle aime un tel lieu.

La clientèle est typique de l'heure. Les étudiants de la région sont en cours, il n'y a donc que des adultes profitant de leur liberté. Tu te laisses mener en baissant les yeux, un peu gênée par les regards qui vous sont lancés par réflexe. Tu as beau savoir que c'est normal d'observer de nouveaux venus, l'attention te met mal à l'aise, comme toujours.

Il y a une sensation bizarre qui nait au creux de ton ventre quand vous vous séparez pour prendre vos places respectives de part et d'autre de la table. Tu t'efforces de ne pas trop réfléchir à ce réconfort que son presque contact t'apportait pendant que tu ôtes ton manteau pour le poser précautionneusement sur le dossier de ta chaise. Une fois assisse, tu es aussitôt assaillie par la carte dont tu t'empares en murmurant tes remerciements. Tu n'es pas forcément d'accord avec le fait qu'elle paye, mais tu sais que tu dois accepter la défaite face à Reyna. En ne refusant pas, tu vas lui épargner les efforts qu'elle aurait à faire pour te convaincre, ce qui finira d'office par arriver.

« Tu as quelque chose à me conseiller ? »

Puisqu'elle connait bien les lieux, autant te reposer sur ses connaissances. C'est aussi une façon d'en apprendre encore un peu plus sur elle par un biais peu intrusif.