(2020 - flashback)

Aucune envie d'être à Galar mais avec les examens proches, le moment est pas idéal pour sécher. Puis y a pire qu'un voyage scolaire. C'est juste que je me sens pas à ma place autour de tous les autres gamins. Ouais, je sais, on a le même âge. J'prétends pas être plus mature qu'eux non plus. Juste différente. Nos vies n'ont rien à voir. Je me sens perdre du temps ici. Remarquez, j'aime bien la région. Mais pas dans ces conditions. Le planning est trop strict et la voix du prof est chiante. Seul point positif : temps libre cette aprèm. J'ai beau pas avoir de plan je suis contente de pouvoir faire ce que je veux.

L'ébauche d'un truc se dessine quand je croise une frimousse familière entourée par deux autres élèves. Le voyage est commun à trois années. Du coup, Seiloh est de la partie. J'écoute pas les consignes des accompagnants, j'attends juste le go. Le prof se traîne jusqu'à enfin nous relâcher sur une note pleine de prévention. On va pas se mentir, y en a au moins un qui va faire une connerie dans le tas. J'suis sûre qu'ils seront étonnés quand ce sera pas moi. Le regard de la Sœur Iris est super lourd dans mon dos. Elle peut pas me blairer. C'est mutuel. Pour sûr, elle risque d'être soulagée en me voyant approcher l'intello en chef des sophomores. J'ai un peu l'ego qui saigne mais faut reconnaître que vu de l'extérieur elle a une bonne influence sur moi. Je merde moins, mes notes remontent. Sienna en est satisfaite. Le pire c'est que la concernée fait pas exprès. J'crois. Elle me fait pas la morale ou des conneries du genre. Elle me retient pas. Je m'adapte à elle et c'est ultra dérangeant comme constat. Parfois, j'ai l'impression d'être un ponchiot needy qui la suit et qu'elle me tolère juste. Puis elle fait un truc qui me fait comprendre qu'elle a vraiment réfléchi à comment je fonctionne. Sérieux, la meuf est pas toujours facile à capter. Encore heureux que ça se voit pas. Les autres peuvent que c'est dire que je call the shot quand ils nous voient. Que c'est le contraire et que c'est moi qui daigne lui accorder mon attention.

Nerd, viens, on s'casse. Je lui attrape son sac au passage pour qu'elle me suive. On dirait pas mais je fais gaffe à mettre quasi pas de force pour pas qu'elle se plante. Le machin a la fragilité d'un chacripan. J'suis sûre que je pourrais la knock out avec une gifle. Vraiment, ça m'aide pas. J'ai un truc pour les losers et toutes les raisons de douter de sa capacité à rester entière en solo. La meuf sait juste pas poser ses limites. Et ça c'est un putain de problème. Parce que j'aime pas l'idée qu'elle se fasse emmerder sans avoir l'occasion de faire sauter les dents de ceux qui l'approchent mais aucune envie de l'accepter ou de le manifester. C'était pas putain de prévu. Je suis pas venue dans cette école pour me faire des potes. On appartient pas au même monde. Mais j'suis trop lâche pour le lui faire remarquer. Elle pourrait capter toute seule aussi. Les signes sont là. Ce qu'elle est dense pour un petit génie.

◇ goût orangeamèr

Tes mains restent soigneusement enfoncées dans les larges poches de la veste que tu as sur le dos. D'apparence, l'attitude n'a rien d'anormale, mais cache pourtant les signes d'une nervosité dont tu ne sais plus que faire. Tes poings se sont tant serrés ces derniers jours que tes ongles ont laissés des marques sur tes paumes. A plusieurs reprises, tu avais dû prendre la peine de frotter un peu fort ta peau sous l'eau chaude pour effacer quelques traces de sang séché. Ce voyage ne te réussit pas. Tu es trop loin de tes habitudes et forcée de côtoyer en permanence des gens que tu ne faisais que croiser en temps normal entre les cours. Même la tombée du jour ne t'avait offert aucun répit au vu des deux autres filles partageant ta chambre d'hôtel. Tout ça est normal, tu es le problème. Tu ne peux rien leur reprocher, elles se montrent plutôt sympas et t'ont introduite dans leur petit duo pour toutes les activités. Cela a beau être gênant d'être l'étrangère dans une amitié déjà formée, l'intention reste bonne. Tu aimerais être capable de l'accepter de bonne foi plutôt que par lâcheté. Comme à ton habitude, tu es restée plutôt passive et elles semblent le prendre pour des signes de timidité. C'est sans doute mieux, bien que cela signifie aussi qu'elles redoublent d'efforts sous prétexte de te faire sortir de ta coquille.

« On se demandait... »

Sara hésite un peu.

Tous les élèves sont rassemblés dans un parc de Kickenham et une certaine excitation règne à l'idée d'une après-midi de liberté. Avant cela, les professeurs ont de nombreux messages à faire passer. Tu as beau essayer de faire un effort pour écouter, tu n'entends pas la moitié de ce qui est dit. Tu rêves de solitude sans savoir comment la réclamer. Même si tu préfèrerais explorer la ville seule, tu vas sûrement finir par suivre les deux filles. Tu t'attends à vrai dire à ce qu'elles te fassent une proposition à ce sujet. A moins que ce ne soit tout le contraire et qu'elles cherchent à te faire comprendre que tu n'es pas la bienvenue à leur côté pendant le temps libre.

« Tu traînes souvent avec cette Junior, n'est-ce pas ? La blonde. »

Le sujet te fait faire un pas de plus hors de ta zone de confort. Pourquoi te parle-t-elle de Reyna soudainement ? Tu n'as fait que lui répondre lorsqu'elle t'avait adressé la parole en passant depuis le début du voyage. A l'occasion, cette dernière te fait aussi un signe lorsque vos regards se croisent. Rien de particulier en somme.

« Je l'aide en algèbre. »

Malgré tous les cours particuliers et les occasions que vous avez eu de vous voir à côté, tu ne sais toujours pas comment tu es censée considérer Reyna. Elle n'a pas grand chose à voir avec sa réputation lorsque l'on passe un peu de temps avec elle. Tu la trouves brusque et tu pourrais faire sans la vulgarité, mais sa présence ne te dérange plus. Tu as compris à force que tes insécurités avaient pris trop de place face à une personnalité aussi forte. Tu as eu beau attendre le moment où la donne changerait, où elle en aurait assez de faire des efforts avec toi, elle n'avait fait que te donner des raisons de lui accorder toujours plus de confiance. Tu voudrais dire que tu es son amie sans être sûre d'avoir le droit de t'attribuer cette place. A part l'aider pour l'école, tu ne vois pas exactement ce que tu pourrais bien lui apporter.

« Elle est un peu... Comment dire... On voulait être sûre qu'elle te forçait pas à faire des trucs pour elle. Elle vient de cette famille après tout. »

Elle dit tout ça sans jamais prononcer le prénom de Reyna. Sara te donne l'impression de prendre uniquement en compte sa réputation plutôt que la personne qu'elle est. Une sensation inconfortable se loge dans ta poitrine. Tu veux répliquer que ce n'est pas comme ça, mais tu n'as pas le temps de rassembler ton courage. Reyna en personne vient de t'accoster et elle te laisse peu de choix quand à la possibilité de la suivre. Entrainée par ton sac, tu marches à sa suite.

« Ah, att- »

Il y a un court instant durant lequel tu essayes de mettre les choses au clair avec Sara et Chloé, mais vos regards se croisent et tu te dégonfles en constatant qu'il est trop tard. Leur idée est vraiment faite. Tu détournes les yeux.

« T'exagère. Tu devrais arrêter de faire ça. »

Il y a un fond de reproche dans ta voix. Tu ne devrais pas lui parler de la sorte, mais les mots sortent sans que tu ne prennes le temps d'y réfléchir. Elle n'arrange pas son cas, tu estimes. L'idée te donne l'étrange envie de bouder un peu. Tu fixes obstinément le sol, une moue trop évidente déformant tes lèvres. Tu vas sans doute le regretter plus tard, mais, pour l'heure, ton filtre semble refuser de fonctionner correctement. Tes nerfs ont été mis à trop rude épreuve. Pour la première fois en présence d'une forme de familiarité, ton corps se permet de détendre un peu la bande qui entoure ta poitrine. Si cela te permet de mieux respirer, en contrepartie, tu es moins contenue.

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Croquembouche choisi : Rosebaie.

Ah, att- Ouais, nan, ça va pas se passer. Faut qu'on se casse vite d'ici avant qu'un prof décide de me prendre mon temps pour une mise en garde ou un autre truc du genre totalement pas justifié. Ok, un peu justifié. Même si ça dégoûte, ça fait trois mois que je suis sur mon best behavior. Le monde est peut-être pas prêt à l'accepter malgré tout ça change la donne. Jamais ils récompensent les efforts ces rageux. Ils préfèrent se méfier encore plus. Je prépare pas de sale plan pourtant.

Je lâche le sac à Seiloh, la main toute proche un instant. Juste au cas où elle perd l'équilibre à cause du changement. Not gonna think about it. T'exagère. Tu devrais arrêter de faire ça. J'ai loupé un putain d'épisode ? J'ai rien fait. J'aurais pu ne pas la choper au vol mais y a pas mort d'homme. J'suis à deux doigts de faire mon outrée quand je remarque. Y a un truc bizarre avec son visage. Attends, elle fait la gueule là ? Première fois que je vois ça. P't'être que j'aurais du m'en rendre compte plus tôt. Je parle d'expérience, faire la gueule est important. Elle a l'audace d'être cute en le faisant en plus. Grosse envie de lui poker la joue pour l'emmerder un peu là. Je me retiens. Espace vital et tout. Ca compte pour elle. Seiloh est pas tactile. Je me demande si c'est le genre de nana qui mord si tu la pousses ou si elle finirait par en rigoler. Pourquoi tu tires la tronche d'un coup ? Je suis plus amusée qu'autre chose au départ. Puis c'est plus trop ça. Parce qu'elle voulait rester avec ces filles. Ma tête réponds toute seule à la question. Je me sens un peu con. And I'm not fucking sad about it. Je me passe la main dans les cheveux. J'ai merdé. Egoiste que je suis, j'ai pas trop envie de le dire mais je finis par cracher ce qu'une pote est censée dire dans un cas pareil. J'crois. Je suis pas une pro en la matière. Je fais ma dramaqueen comme si j'avais hésité pendant des heures mais tout ce bordel doit avoir duré deux secondes top. Si tu voulais traîner avec ces meufs t'as qu'à le dire. On a large le temps de faire demi-tour. Le ton est pas le bon mais putain qu'on me lâche la grappe, j'ai l'impression d'être en train de me faire jeter pour deux pimbêches. Je resterais pas dans tes pattes. Too fucking needy. Je fourre les mains dans les poches de mon jeans et j'avance un peu plus vite. Voyage de merde.

◇ pts 1

Te déplacer devient nettement plus facile lorsque tu n'es plus tirée par ton sac comme on le fait avec un enfant pour l'orienter dans la bonne direction. Ce n'est pas une mauvaise chose. Les foulées de Reyna sont plus grandes que les tiennes. Ta posture n'arrange rien. Malgré tout, tu ne peux t'empêcher de rester dans cette attitude boudeuse qui te fait peut-être traîner un peu les pieds. L'adolescence se manifeste aux moments les plus étranges. L'impression que la blonde se fout de ta gueule n'arrange pas les choses. Cette histoire est très sérieuse. Tu la prends au sérieux en tout cas malgré une certaine inhabilité à le communiquer. Tu cherches tes mots, pas pour ne pas qu'elle se vexe cette fois, mais parce que tu veux être sûre que le message passe bien. Avant cela, tu as eu toutes les peines du monde à ne pas lui répondre avec toute ta pétulance actuelle que tu ne tirais pas la tête. Tu le fais, tu es forcée de l'avouer et ce n'est pas si désagréable que ça. La pensée est vite tuée dans l'œuf lorsque les premiers signes de rejet te frappent. Tu te tends, les ongles creusant à nouveau des croissants dans tes paumes. Quelle erreur stupide. Pourquoi as-tu imaginé que tu pouvais te le permettre ? Bien sûr que Reyna n'a aucune raison d'accepter que tu sortes des sentiers battus de ton comportement normal. La spirale dans ta tête est presque en train de t'entraîner, mais lorsqu'elle parle tu parviens à l'écouter, à t'accrocher à ses mots plutôt qu'à cette impression que tu viens d'avoir. Traîner avec ces meufs ? Faire demi-tour ? Ton incompréhension a le mérite de casser ce début de quelque chose qui a essayé de t'attirer vers le fond. D'où provient cette réflexion que tu ne t'es toi-même pas faite ? Le quiproquo est total et une part de toi ne demande qu'à fuir cette situation difficile à naviguer. A place, tu continues d'avancer, tu accélères même, jusqu'à pouvoir attraper le bras de la blonde pour l'arrêter.

« C'est pas du tout ça ! »

La vigueur dans ta voix te surprends.

« T'es mal tombée. Sara parlait de toi. Elle pense que tu me rackettes ou quelque chose comme ça. Je me suis emportée parce que tu donnais l'impression de lui donner raison avec cette attitude. Ce que je voulais dire c'est que tu aurais pu me demander de t'accompagner plutôt que de me traîner derrière toi. »

Ta main est toujours serrée autour de sa veste et elle tremble un peu, mais tu luttes contre l'envie de lâcher prise et de reculer tout du long. Pas tant que tu ne seras pas sûre qu'elle a bien compris ce que tu veux lui dire.

J'étais contente que tu veuilles qu'on passe l'après-midi ensemble, tu veux ajouter sans y parvenir. Une telle déclaration te laissera trop fragile, tu en es certaine. C'est idiot, de tels mots mettraient sans doute fin au mal entendu avec beaucoup plus de simplicité et d'efficacité.

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Points : 4.

J'suis vraiment une gosse. Qu'est-ce que j'ai à faire ma précieuse pour rien ? Je peux pas m'empêcher de me dire que c'est un peu de sa faute. Je suis pas comme ça avec d'autres gens. Ca parait logique. Elle doit avoir sa part de responsabilité dans le truc. Je lui en veux pas non plus. Elle a rien demandé et je la saoule. Elle est coincée avec moi parce que son daron et Sienna ont fait un deal. Rien de plus.

Je suis à deux doigts de me dégager brutalement quand on me chope le bras. Le geste va pas loin. Il ressemble plus à un sursaut qui fait pitié. Y a pas d'agression dans la prise. Je pourrais me barrer sans mal. A la place, j'bouge plus. C'est pas du tout ça ! J'crois que je l'ai jamais entendu parler si fort. Ca me laisse sur le cul. J'arrive qu'à tourner la tête. Et sérieux ça se voit à ma tronche que je suis surprise. Puis apparemment j'me suis trompée ? T'es mal tombée. Sara parlait de toi. Elle pense que tu me rackettes ou quelque chose comme ça. Je me suis emportée parce que tu donnais l'impression de lui donner raison avec cette attitude. Ce que je voulais dire c'est que tu aurais pu me demander de t'accompagner plutôt que de me traîner derrière toi. J'ai rien capté tout à l'heure. Elle était quoi ? Sur la défensive pour mon bien ? J'peux rien foutre d'autre que rigoler. Fort. Je me fous pas de sa gueule. Les nerfs lâchent. Nan mais la réputation de merde. Elles sont débiles ou quoi ? Un bully de ce calibre ça rentre pas dans une école pareille. Ouais, je réagis pas pour le bon truc. Et je devrais pas être vexée qu'on pense que je rackette Seiloh pour cette raison. Mais bordel on est pas dans un lycée publique et je suis pas une petite frappe qui se fait kiffer pendant trois ans avant de se construire une vie de merde. L'irrespect pour mon nom là. Elles ont maté trop de séries ces meufs.

Faut pas que tu te sentes obligée de me défendre. Elles ont de bonnes raisons d'avoir un apriori. Je le dis plus doucement. 100% sérieuse. Faut pas qu'elle perde son temps sur mon cas quand la plupart des trucs qu'on dit sur moi sont vrais. Probablement moins graves que la réalité vu ce que j'ai entendu. Ils savent vraiment pas à qui ils ont réellement à faire. Elle non plus. Mais j'ferais plus gaffe si ça te fait plaisir. Sappy. En même temps je dois réagir comment après ça ? Elle a fait un putain d'effort pour clarifier. Elle est sortie de sa comfort zone pour moi. J'crois que tu déteins sur moi. J'suis un peu trop partie dans ma tête là. Le rire est plus amusé cette fois. C'est qu'une petite vanne. Malgré tout je suis gênée. Je sais pas trop où me mettre d'avoir ruiné l'ambiance. J'ai le tic de me passer la main dans les cheveux qui remonte. Ca me rassure de passer les doigts sur ma tresse. Comment ça se sent que je suis pas habituée à traîner avec des gens.

◇ pts 3

Malgré tous les efforts que tu fais, il n'y a pas de miracle. Ta tête reste basse, tes yeux accrochées à ta main qui saccade un peu. Tu serais bien incapable de la regarder en face après tout ça. Tes joues chauffent sous tes mèches sombres alors que tu peines à envisager avoir eu le cran d'en faire tant. Elever la voix et faire une telle réclamation ne te ressemble pas. Tu te sens quelque peu capricieuse pour le second point malgré le fait que c'est pour elle que tu fais une telle demande. En tout cas, c'est ton intention. Tu n'es pas certaine d'être parvenue à t'exprimer correctement. Qu'elle rigole ne fait rien pour te rassurer. Heureusement, elle est rapide pour expliquer son hilarité. Ce qui ne t'aide pas réellement au début. Reyna a vraiment une autre façon de penser. La différence se marque autant avec les autres qu'avec toi. Ses priorités sont discutables. C'est sans doute pour ça que tu ne sais jamais trop comment réagir avec elle et que tu finis souvent par afficher une attitude qui ne te ressemble pas. En théorie. Depuis qu'elle occupe une portion de ton temps, quelques fois par semaine, tu ne sais plus sur quel pied danser ce qui te pousse à te rapprocher un peu de tes émotions. Un état de fait avec lequel tu n'es pas des plus au clair. Tu te sens souvent perdue et, si les moments comme celui-ci sont un peu trop anxiogènes à ton goût, il y en a d'autres que tu vis avec une étonnante facilité. Reyna vient déranger cet amas de mécanismes bien rôdés et le fait avec une telle forme de candeur que tu ne peux que la laisser faire. Parce que ne pas tout maîtriser est agréable à l'occasion, quoi qu'une part de toi puisse en dire. Tu goûtes à une touche de rébellion discrète avec une ennemie mise dans les murs par celui même qui attends de toi de ne pas t'écarter du chemin qu'il a tracé. Une émotion grisante, voilà ce que tu ressens sans en avoir conscience.

Tu veux réagir, réfuter. Ta tête se redresse enfin et tu croises son regard. Elle paraît tellement convaincue par ce qu'elle avance. Tu ne peux nier qu'il y a un danger autour de la blonde. Ou plutôt qu'elle en est une bonne représentation. Tu ne la connais pas non plus assez pour t'estimer être une experte. Tu n'es dans sa vie que depuis quelques mois et tu n'as vu que certaines de ses facettes. Il en va de même pour toi. Vous restez des étrangères sur tellement de points. Pourtant, il y a des choses que tu sais. Tu as été la cible de sa gentillesse un peu brusque à de nombreuses reprises. Tu as vu ses efforts pour s'améliorer. Tu l'as entendue manifester un nombre incalculable de fois un amour inconditionnel pour sa sœur. Tu sais qu'elle est incapable de rester en place et qu'il lui arrive de s'illuminer pour les raisons les plus enfantines avant de prétendre que le moment n'a jamais existé. Reyna est forte et fière, mais parfois elle montre des signes de doutes. Tu comprends sans mal qu'elle puisse faire peur à certains malgré tout elle est capable d'être attentive et de protéger.

Tu n'arrives pas à lâcher l'affaire. Tu ne peux tout simplement pas prendre cette porte de sortie si évidente vers laquelle elle vous dirige pour dire adieu à cette gêne qui flotte entre vous. Pas quand tu vois des signes si familiers dans son regard.

« Je ne pense pas que tu ais besoin d'être quelqu'un de mauvais pour faire des choses mauvaises. »

Le vocabulaire est très enfantin pour un principe que tu veux si peu manichéen. C'est un sujet sensible dans lequel tu t'engages avec assez peu d'assurance, mais un besoin de manifester ton point de vue vis à vis d'elle. Ta main se resserre instinctivement autour de son bras.

« Que tu sois sympa avec moi... Je dis pas que ça efface ce que tu as fait ou ces choses que les gens pensent savoir que tu as faites. Mais ça leur donne pas le droit de te juger sans chercher à te connaître. Tu leur as rien fait à ce que je sache. Tu es une élève comme les autres. Je dis pas, moi aussi je t'ai jugé au tout début, mais tu m'as donné tort sur tous les points. Leur avis ne changera pas le mien. Jusqu'à preuve du contraire, avec moi, tu es quelqu'un de bien. »

Tu ne sauras probablement pas de si tôt si tes standards sont trop bas à cause de ces gens qui gravitent autour de toi. Si l'attitude de tes parents vis à vis de toi n'impacte pas directement ta vision. Si ce n'est pas un peu de désespoir qui te pousse à t'accrocher à la première personne manifestant de la gentillesse à ton égard sans aucune forme d'attente. Si toutes ces raisons ne te rendent pas un peu aveugle à la réalité. Tu veux croire que ce n'est pas vraiment le cas, qu'importe ce que cela dit sur toi ou ce que tu cautionnes sans en avoir réellement conscience.

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Points : 8.

Je ne pense pas que tu ais besoin d'être quelqu'un de mauvais pour faire des choses mauvaises. Là, je suis prise de court. Qu'est-ce qu'elle nous fout ? On se lance dans un débat type philosophique ? Elle paraît sérieuse en plus. Pas sérieuse comme quand elle essaye de me faire capter un théorème en math. Moins concentrée, plus dans dans la conviction. J'ai rien à redire à ça. Je suis trop paumée. Puis je peux pas prétendre le contraire. Au fond de moi j'arrive pas à penser que Sienna est vraiment mauvaise malgré tout ce qu'elle a fait. Pareil pour Frank. Je dis pas que ce sont des enfants de cœur non plus. Des trucs sales ont été faits. Malgré tout ils appartiennent pas totalement aux bad guys dans ma tête.

Je baisse les yeux sur sa main. Elle tient toujours mon bras en otage. La prise est plus ferme. On va pas se mentir je pourrais toujours me dégager en deux-deux. Le message est clair : elle veut pas que j'essaye de me barrer. De fuir la discussion. J'crois pas qu'on soit dans un endroit idéal pour parler. Ca pourrait être pire. Le trafic autour est pas problématique.

Que tu sois sympa avec moi... Je dis pas que ça efface ce que tu as fait ou ces choses que les gens pensent savoir que tu as faites. Mais ça leur donne pas le droit de te juger sans chercher à te connaître. Tu leur as rien fait à ce que je sache. Tu es une élève comme les autres. Je dis pas, moi aussi je t'ai jugé au tout début, mais tu m'as donné tort sur tous les points. Leur avis ne changera pas le mien. Jusqu'à preuve du contraire, avec moi, tu es quelqu'un de bien. Ma bouche s'ouvre. Se referme direct. Je veux dire un truc mais rien veut sortir. Je suis loin d'être muette en temps normal mais là que dalle. Faut dire j'suis un peu secouée. Je pensais pas entendre ça un jour. Ce qu'elle dit reflète ce que je pense. Sienna et Frank sont pas les bad guys de mon histoire parce que je les aime et qu'ils m'ont toujours protégé. Je fais pas partie des bad guys pour Seiloh parce que j'ai été vaguement sympa avec elle. Je pensais pas que son avis comptait pour moi. Faut croire que si. Le rouge me monte aux joues beaucoup trop rapidement dès que le cerveau a rattrapé la situation. La lose. Pourquoi je me retrouve à me taper l'affiche ? Qu'est-ce t'as à parler de trucs comme ça ? Je suis passé par trop d'émotions en peu de temps. Je vire sa main pour pouvoir me retourner. Pas suffisant. Je rabat le capuchon de mon hoodie. Au moins je suis planquée. Ca se fait pas de prendre les autres par surprise. J'étais juste pas prête ok ?! Si tu dis à qui que ce soit que j'suis une softie, j'te pète les genoux. Je marmonne la fin. Y a pas un once de sérieux dans ce que je dis. N'empêche je voudrais pas qu'elle y croit. Faudrait le faire, j'ai rien d'intimidant à l'instant. Je suis pas prête de réussir à la regarder en face avant un bout de temps. T'es vraiment trop naïve. Ca va t'attirer des bricoles à force. Les gens comme moi sont pas bons, capich ? On va dire qu'avec moi t'as eu de la chance mais prends pas la confiance pour faire pareil avec quelqu'un d'autre. Ouais la leçon est là pour faire plaisir à mon orgueil. Puis parce que ça m'inquiète faut pas déconner. J'voudrais pas la retrouver entre les pattes d'un connard.

◇ pts 6

Malgré toute ta conviction, une fois que les mots sont sortis, tu ne sais pas exactement où te mettre. Faire preuve d'une telle sincérité est une épreuve en soi. Une épreuve que tu as réussi à passer, mais à laquelle tu n'es pas certaine de survivre. Tu exagères à peine. La peur parle sans doute, à moins que tu sois devenu un peu dramatique au contact de Reyna et de ses exagérations. Ce qui est sûr est que tu n'es pas la seule à patauger dans cette discussion qu'aucune de vous deux n'a eu l'occasion de voir venir. La gêne de la blonde est si évidente qu'elle renforce la tienne. Sur ce point, c'est une première. Tu ne l'as jamais vue agir de la sorte. Tu pourrais presque en oublier sa voix forte et sa brusquerie, troquée pour le mutisme et le rouge aux joues, mais le naturel revient au galop. Si elle a perdu de sa superbe, Reyna redevient Reyna dans les détails. Tu ne peux t'empêcher de rire doucement face à son cinéma, un rire que tu étouffes avec difficultés en plaquant la manche de ta veste devant ta bouche. Si cela te rend moins évidente d'un point de vue sonore, cela n'empêche pas tes épaules de trembler et tu sens quelques larmes perler aux coins de tes yeux. Tu n'es pas loin de partir dans un fou rire bruyant et la couche qu'elle remet avec son attitude forcée n'aide pas. Il t'est vraiment difficile de la prendre au sérieux après tout ça.

« Pro-promis. »

Tu parviens à articuler pour ne pas malmener plus encore son ego.

Si on t'avait dit un jour que tu vivrais un tel moment, tu ne l'aurais pas cru. Il n'y a qu'avec Gia que tu te sens en droit d'être aussi sincère, sans te soucier d'éventuelles conséquences. Aussi déroutant que cela soit, tu es en confiance avec Reyna. Assez que pour te moquer gentiment de ses réactions quand elle pourrait sans mal faire de ses menaces une réalité si elle le souhaitait. Il y a un confort dans cette certitude. Malgré tout le mal qu'elle pourrait te faire, elle ne le fait pas par choix. D'autres dans des positions bien différentes n'ont pas eu autant de scrupules.

Le sérieux qui revient en toi te fait l'effet d'une gifle après tant de légèreté.

« Je ne suis pas naïve. »

Certaine que tu es, ta voix se drape de fermeté. Peut-être fais-tu parfois preuve d'une forme d'innocence, demeure aussi au fond de toi une touche d'espoir, mais tu as été débarrassée de ta naïveté il y a bien longtemps. Tu souris mécaniquement, ta bonne humeur passée définitivement absente.

« Que tu insistes pour ne pas être considérée comme quelqu'un de bien te rend meilleure que toutes ces personnes jouant les citoyens modèles alors qu'ils sont tout le contraire dès que les rideaux sont tirés. »

Tu es en train de l'envoyer vers un territoire beaucoup trop personnel et tu t'en rends compte trop tard. La compréhension s'accompagne d'un violent sursaut. Vient ensuite une long frisson qui te remonte l'échine. Tu as vite fait de secouer la tête.

« Mais ne parlons plus de ça. Qu'est-ce que tu voulais faire cette après-midi ? »

Tu te forces pour avoir l'air naturel, mais c'est difficile après tout ça. Tes mains se remettent à trembler, tes ongles comme des poinçons dans des paumes pour lutter contre les émotions qui se bousculent. Il faut que vous changiez de sujet.

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Points : 10.