J'essaye de chasser le goût d'amertume qu'il me reste en bouche, rangeant mon téléphone dans mon sac. Et je reprends la route. Chaque coup de pédale est un peu plus lourd, un peu plus difficile, comme si toute mon énergie avait disparu, mais en même temps, j'ai une rage. Je ne peux rien faire. C'est insupportable et je n'arrive pas à l'accepter totalement.

Au fur et à mesure, je prends de la vitesse. J'accélère et le vent me gifle en retour. Mais je n'ai pas froid. Mon corps s'échauffe de l'effort. Mon sang bouillonne. Et puis tout retombe. C'est fini. Enfin, non, ce n'est pas fini, pas totalement. Juste ma part du travail, en quelque sorte. Je n'y peux plus rien, c'est vrai. Je vais le placer dans un coin de mon esprit et continuer ma vie sans y penser davantage. M'en préoccuper ne servira à rien, alors tant pis. Ce ne sera pas évident. Mais ma vie, ici, à Guthbord… Elle ne fait que commencer. Alors si j'oublie le monde extérieur, à faire abstraction de Motorby et de Greenbury… Au moins pour une, deux semaines peut-être… Alors je devrais m'en sortir. Quant à Billy, je vais essayer de lui faire confiance et de ne pas m'inquiéter pour lui non plus. Comme il me l'a demandé.

Non, j'ai de la chance. Ça se passe bien, dans l'ensemble. Comme je l'ai dit à Mr. Cassidy, je peux prendre le temps de m'occuper de mes patients, de leur parler de ce qui les inquiète, sans être dans l'urgence. Et c'est génial. J'ai des pokémons adorables, quoiqu'un peu nombreux, une maison rien qu'à moi que je peux décorer à ma guise sans me conformer aux demandes d'un propriétaire, et même un jardin où j'ai pu planter quelques petites choses. J'ai de la chance. Et puis aucune préoccupation financière. C'est une libération quand on a eu mon enfance, où la pension venait avant moi. Alors ce serait une véritable injure de me focaliser sur le négatif, même s'il me tient très fort à coeur. Le reste est trop important pour que j'ai le droit de me laisser tomber dans la noirceur. Et si je n'arrive pas à être positive pour les autres, qui le sera pour moi ?

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Entraînement : Trousselin niv. 54 (1), Minisange niv. 30 (1), Camille niv. 43 (1)
Reproduction : Verpom

Jour 20

Quelle tenue attend-on du public d'une réunion communale ? Je suppose qu'il vaut mieux prévoir trop chic que pas assez. Je n'ai pas envie d'avoir l'air débraillé et c'est le genre de vêtements dans lequel je me sens le mieux. Et je n'ai pas tant l'opportunité d'en porter en semaine, même si mon travail est moins contraignant de ce point de vu là que lorsque j'étais infirmière au centre de Motorby. Il y a moins de risque qu'un pokémon me salisse. Il semblerait que quelque soit l'endroit, le choix vestimentaire est vite limité par l'usage. Donc autant profiter de mon temps libre pour porter quelque chose qui me plaît, en espérant que ce ne soit pas vu comme une exubérance d'une citadine. Je ne sais pas dans quelle mesure Alban m'avait complimentée sur mon look par politesse ou non. Mais je ne pense pas que ça pose un réel problème. On verra bien, de toute manière.

Je ne sais pas vraiment où ça se passe, mais je ne peux pas manquer l'hôtel de ville. Il n'est pas bien grand, mais il reste le bâtiment le plus imposant de la place principale. J'ignore si je peux entrer directement, mais je tombe sur l'une des professeurs d'anglais de mon établissement. Les prénoms sont désormais un peu mieux marqués, il faut dire que je passe toujours quelques minutes le matin sur le trombinoscope du collège pour bien intégrer les visages, confié sous le manteau par Mr. Dawson, le proviseur adjoint. Si à l'origine, c'est surtout pour les élèves, la section des professeurs et autres personnels m'est bien utile pour éviter de vexer les gens. Et je crois bien que certains sont même assez flattés que je leur consacre cette petite attention, donc c'est d'autant plus satisfaisant pour moi.

- Phoebe ! Quelle surprise de vous voir ici !
- Oh, hello again Kate. A vrai dire, ce n'est pas si surprenant étant donné que je suis membre du conseil, vous savez.
- Je l'ignorais. C'est admirable de s'impliquer ainsi dans la vie de sa ville.

D'ordinaire, le monde politique me repousse, mais à cette échelle, c'est peut-être différent. Moins de corruption, des valeurs plus proches des habitants… Il y a peut-être moyen de vraiment faire changer les choses.

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Entraînement : Trousselin niv. 55 (1), Minisange niv. 31 (2), Camille niv. 44 (1)
Reproduction : Piétacé

Je ne sais pas. Je reste sceptique, mais je serai vite fixée. Mais si Phoebe a l'impression d'être utile ainsi, grand bien lui fasse. Et puis personnellement, ça ne m'engage à rien. Je n'ai pas de mandat, je ne suis là que pour regarder. C'est plutôt bon signe, une administration transparente, comme ça. Est-ce possible qu'elle n'ait rien à cacher ? Non. Non, définitivement non. Mais c'est peut-être mieux qu'ailleurs, dans l'ensemble.

- Je ne sais pas si c'est admirable, mais c'est sans aucun doute la meilleure manière de faire concrétiser ses idées.
- Hum… Ce n'est probablement pas la manière d'agir que je choisirais, mais c'est infiniment mieux que de rester passif, je suis bien d'accord. » Elle hoche la tête. « Quels seront les sujets abordés ?
- Je l'ignore, nous verrons ça en début de séance. Mais j'ai bon espoir que nous abordions le sujet des nouveaux quartiers. Sans vouloir vous contrarier, évidemment.
- Il n'y a pas de mal.

L'expansion semble un sujet sensible, globalement. Quelques uns préfèrent l'impact économique, mais ils sont rares, et probablement assez influents, étant donné les projets de constructions alors que celui où je me suis installée est tout juste terminé. Pour un petit village comme Guthbord, c'était beaucoup, et je suis surprise que ça se poursuive quand on voit l'échauffement de certains comme Phoebe. Alors transparence, oui, mais écoute… Pas vraiment. C'est bon à savoir. Dans tous les cas, je ne serais pas du genre à placer une confiance aveugle en quiconque.

Tandis que nous échangeons quelques phrases pour nous mettre dans l'ambiance du conseil, je suis Phoebe dans les quelques couloirs de l'hôtel de ville. On arrive vite à faire le tour, puisqu'il n'y a que la salle du conseil et une salle des fêtes. Au moins, je ne risque pas de me perdre si je suis à nouveau invitée, une prochaine fois. Une grande rangée de pupitre, chacun disposant d'un micro, sont disposés en arc de cercle, face à quelques rangées de chaises pour le public. Déjà quelques-unes sont prises. Je reconnais immédiatement le doyen, que je vais saluer, ainsi que la proviseure. Les chaises des membres se remplissent également, petit à petit. Je suis arrivée tôt, mais il semblerait que ce ne soit pas un événement délaissé par les habitants.

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Entraînement : Trousselin niv. 56 (2), Minisange niv. 33 (1), Camille niv. 45 (2)
Reproduction : Pohm

Peut-être même est-ce un rituel assez apprécié. Le lieu impersonnel, aseptisé, jurait avec les conversations chaleureuses les premiers venus s'échangent avec entrain. Ici, ou dans le restaurant d'Alban, la seule différence semble être l'absence de nourriture, bien que dans un coin, un table dressée annonçait apparemment un petit apéro en fin de réunion. Je fais moi aussi exception. En dehors des membres du conseil, je suis la seule à être habillée assez élégamment. Mais à mon grand soulagement, personne ne semble mal le prendre.

Peu à peu, la salle se fait de plus en plus remplie. Il manque même de siège et je cède le mien à un enfant. Si j'avais eu à décrire quel serait le public d'une telle assemblée, je n'aurais pas misé sur un mélange de toutes ses personnes, de tout âge, que seul Guthbord rassemblait. Je ne suis pas certaine que les plus jeunes aient réellement envie de se trouver ici, sans doute contraints par leurs parents. Peut-être celà les éveillera à la vie politique, mais ils peuvent tout autant y devenir hermétiques, affectés négativement par cette corvée. Après, Mr. Dawson à l'air de bien savoir parler. S'il adapte son langage, peut-être saura-t-il susciter l'intérêt de tous.

Il s'avance d'ailleurs à la place qui lui est due et annonce le début de la séance. Le silence se fait assez naturellement : on aurait pu entendre un bombydou voler. Je crois même lire de l'admiration pour certains. Ma curiosité est piquée. J'attends les discours avec plus d'impatience que ce que je n'aurais cru. Il annonce les principaux sujets abordés, et je vois Phoebe se détendre lorsqu'elle entendit les projets de construction. Je ne suis pas sûre que le débat soit si calme, mais c'est toujours mieux que de ne pas l'aborder. J'espère que la décision prise sera la bonne, pour le bien commun.

Finalement, la réunion elle-même est assez conviviale. Même les spectateurs ont droit à la parole et son souvent invités à la prendre. Je ne connais pas assez Guthbord pour me permettre de donner mon avis, mais la simple consultation me met de bonne humeur. Oui, je suis assez séduite dans l'ensemble, et ça me surprend. Mais tant mieux. Je ne compte pas partir d'ici dans l'immédiat, donc permettre au village d'aller dans la direction qui me semble la meilleure est apprécié.

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Entraînement : Trousselin niv. 57 (1), Minisange niv. 34 (1), Camille niv. 46 (1)
Reproduction : Rapion

Une fois le conseil achevé, la masse se lève plus ou moins en même temps pour se diriger vers l'encas. Les discussions s'enchaînent. Les verres se vident, peut-être parce que ceux qui ont déjà beaucoup parlé ont maintenant la gorge sèche, peut-être parce que l'engouement de la foule est contagieux, ou peut-être pas du tout. Enfin… L'ambiance se fait plus décontractée. Maintenant que ce qui devait être abordé a été abordé, les sujets plus légers peuvent venir sur la table.

Une main frôle mon bras nu pour se saisir d'un verre et je sursaute. Immédiatement, Mr. Cassidy s'excuse et me demande ce que j'ai pensé de ce premier conseil. Je fais le tri dans mes pensées et je décide d'être honnête. Dans tous les cas, le bilan est plutôt positif. Je me sens à ma place, ici. Mes valeurs semblent partagées. Mais quelques événements viennent entacher le tableau, notamment ces fameuses constructions, que je mentionne également. Il esquisse un sourire. Parce que c'est la première fois qu'il obtient mon point de vue, en fin de compte. Bien sûr, puisqu'il ne vaut que la valeur qu'on souhaite lui accorder et que je ne souhaite pas l'imposer tout de suite. Mes convictions n'ont pas été assez ébranlées pour que je monte au créneau. Pas de mesure particulièrement mauvaise, comme, je ne sais pas, des projets pro combat pokémon, d'arène ou de terrain d'affrontement, de venue d'une quelconque célébrité de cette discipline ou autre chose du genre. Pas de projet contre la jeunesse, la santé, ou autre aspect non sacrifiable pour des raisons de budget ou de profit. Alors oui, certaines pourraient aller plus vite, être placées en priorité, mais il semblerait que dans l'ensemble, la barque est plutôt stable et va dans la bonne direction.

- Vous avez de nombreux partisans, j'ai l'impression.
- Que voulez-vous dire par là ?
- Et bien, vous semblez quelqu'un d'apprécier et de respecter. Combien de personnes sont venues vous remercier après cette séance ?
- Oh, ça arrive, mais je n'ai pas de fierté à en tirer. Je fais de mon mieux, c'est tout. Et pour le moment, j'ai de la chance, j'y arrive assez bien.
- Et bien, merci d'avoir autant de chance, alors. En espérant qu'elle ne tourne pas de sitôt. Pour Guthbord.

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Entraînement : Trousselin niv. 58 (2), Minisange niv. 36 (0), Camille niv. 47 (2)
Reproduction : Girafarig

Jour 21

Mes comptes sont de plus en plus partagés. Pour l'instant, les commentaires sont assez positifs, dans l'ensemble. Il y a toujours des gens pour parler sans réfléchir - n'est-ce pas le propre des réseaux sociaux ? - mais ils se font encore rares. J'essaye déjà de me préparer aux vagues de haine pure que je vais recevoir dans le futur. Prochain concours, que je gagne ou que je perde, tous mes choix, toutes mes paroles, tout sera décortiqué, analysé, critiqué. Les erreurs les plus insignifiantes seront pointées du doigts par je ne sais combien d'internautes. Ma simple existence sera moquée par certains, si ce n'est mon ascendance. Tous les moyens sont bons pour blesser les autres, surtout lorsqu'ils ont atteint une certaine renommée. Elle n'est pas légitime, basée principalement sur ma participation à une émission télévisuelle, et je ne suis pas la seule à le savoir. Je l'aurais probablement acquise, mais combien de temps il m'aurait fallu pour y parvenir ? Etant donné que ce n'est pas du tout mon objectif, à moi, fille de deux éleveurs, sans doute plus que quelqu'un qui la recherche. Mais puisque je ne compte pas arrêter la coordination, mes prestations successives auront finies par me faire une place parmi les célébrités de la discipline. Même si j'étais restée une coordinatrice ordinaire, j'aurais peut-être eu l'envie, un jour, de me heurter également à l'Élite et, si c'était le cas, j'aurais alors totalement quitté l'anonymat. Mais en quatre, cinq, six concours de plus, je ne pense pas que le grand public aurait continué à ignorer mon nom encore longtemps.

Au collège, j'entends encore des bruits de couloir à mon sujet. Ils se font de plus en plus sonores. Encore personne n'a osé aborder la question directement, mais la rumeur est vive. Et le corps enseignant ne tardera pas à l'entendre à leur tour. Les adolescents peuvent être très forts pour dissimuler certaines choses, mais ils savent tout autant les faire entendre lorsqu'ils le veulent. Et parfois lorsqu'ils ne le veulent pas. Il faudrait que je leur dise que les portables à moitié dissimulés ne sont peut-être pas la manière d'agir de quelqu'un qui n'a rien à cacher. Je ne sais pas ce qu'ils en font. Des photos ? Des vidéos ? Je ne peux pas les accuser sans preuve, mais ça ne me plaît pas.

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Entraînement : Trousselin niv. 59 (1), Minisange niv. 37 (0), Camille niv. 48 (1)
Reproduction : Marshie (Ponyta-G)

Pour le moment, tout va bien. Pour le moment seulement. Ça se saura chez les adultes aussi. Je ne pense pas que ce soit déjà le cas. Ce n'est pas impossible, mais je pense que mes collègues m'en auraient parlé immédiatement. Je devrais aborder le sujet dès lundi prochain, afin de prouver ma bonne foi. Ce n'est pas comme si je voulais vraiment le cacher. Je n'ai simplement pas envie d'avoir l'air de m'en vanter ou de me faire cataloguer comme une starlette. Je trouverais ça insultant. Je pense être davantage que mon image publique. Alors, si je parle avant, je pourrais faire en sorte d'éviter les confusions.

Lundi, je leur dirais. A la pause déjeuner, je leur dirai qu'ils n'ont pas à s'étonner que les enfants me connaissent et discutent de moi dans mon dos. Je leur demanderai de ne pas m'interrompre, de me laisser aller au bout. Je leur dirai que, juste avant d'arriver ici, j'ai fait les directs d'une des plus grandes chaînes de télévision. Que je suis coordinatrice depuis deux ou trois ans, que j'ai imaginé plusieurs prestations, que j'ai gagné quelques rubans, que j'ai échoué parfois. Que j'essaye d'utiliser cette médiatisation pour avoir un impact positif sur le monde. Pour passer des messages, pour éveiller les consciences, et parfois juste pour sourire. Que ça a permis de mettre en lumière les refuges pokémons, pour que le dressage ne soit pas un choix impulsif. Que ni la gloire ni l'argent ne m'intéressent, seulement le processus créatif, le moment partagé avec mes pokémons acteurs et les liens qui en découlent. Et que m'être installée à Guthbord ne m'empêcherait pas de continuer à monter sur scène par moment. Que j'y retournerai même très bientôt, probablement dès le prochain concours lorsqu'il sera annoncé, sauf si le thème ne m'inspire vraiment pas ou imprévu majeur. Et que si je n'avais pas cette expérience, ce plateau à Sinnoh, je n'aurais peut-être pas cherché à me renouveler, dans mon parcours professionnel, qui m'enfermait dans une bulle sans que je m'en aperçoive. Que j'ai pu trouver le bonheur en ouvrant les yeux et, je crois, le partager avec mon public. Et que ça ne compliquera absolument pas mon travail, que je le prend tout à fait au sérieux et que ça aidera probablement les élèves à avoir plus confiance en moi.

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Entraînement : Trousselin niv. 60 (3), Camille niv. 49 (3), Diabolo niv. 26 (0)
Reproduction : Mira (Mistigrix)