« …Côme Potte, le jeune ranger dont l’équipe en avait laissé plus d’un pantois en Ligue 1, a été annoncé comme le prochain challenger du Plateau Indigo… »

Cela fait maintenant deux jours que l’annonce tourne en boucle à la télévision mais aussi à la radio et dans la presse écrite. Sans oublier les articles sur internet. Cependant, le battage médiatique a commencé bien avant. Les déboires du Polygone et ses hauts dirigeants entachés par des histoires de fraude et corruption ont fait de moi un joli pantin brillant qu’ils agitent pour tenter de redorer leur image. Je ne crois pas que le public soit dupe, la plupart des gens étant capables de faire la différence entre un individu et l’institution qui l’emploie. Je me penche rarement sur le passé, trop douloureux ou inconnu pour y être à l’aise. Je préfère l’instant présent, et l’avenir. Et pendant plusieurs mois, j’ai vécu des moments fabuleux à faire ce que j’aimais, que ce soit en tournage, en mission, dans les arènes ou au Ranger’Inn. Et j’ai pu tourner mon regard vers ce défi de Ligue 2 qui m’a peu à peu tendu les bras au fil du tournage de The Amazing Race: Indigo Edition. Je rechigne à me pencher sur le passé, et pourtant, aujourd’hui, je me surprends parfois à le faire et à souhaiter que les choses aient été différentes. Qu’on ne m’ait jamais proposé de participer à The Artist, qu’on ne m’ait jamais recommandé d’enchaîner avec #TARIE et que je n’aie pas été séduit à l’idée de continuer l’aventure aux côtés de mon acolyte de toujours, Sigrid, pour un spin-off spécial.

La pression est immense. Paralysante parfois. Et pendant le mois qui précède mon premier match de Ligue 2, elle ne fait que s’intensifier. Monsieur Safin et ses laquais du Polygone sont de plus en plus présents au jour le jour. Le simple fait d’aller m’inscrire en personne a été un enchaînement de tournages scriptés et codifiés digne des plus grands films de Pokywood. Le cirque médiatique continue et si nous en sommes déjà à ce point pour une « simple » Ligue 2, je me demande bien ce dont ils seront capables pour une Master Ligue. Cependant, je ne suis pas assez naïf — ou plutôt plus assez — pour ne pas me rendre compte que cette surmédiatisation est organisée de toute pièce. Visiblement, ce n’était pas assez de me déplacer d’une interview à une autre comme un pion sur un échiquier qu’on envoie à l’échafaud pour préserver les pièces les plus importantes.

L’échafaud. À m’écouter, tout ceci est une vie terrible, un sort digne des plus atroces tortures ! Bien sûr, j’ai également la présence d’esprit de savoir que tout ceci, au fond, est un privilège. Parvenir en Ligue 2 est déjà un privilège. Être la source d’espoir ou d’inspiration pour d’autres est un immense privilège. Mais la nature est ainsi faite que l’on aimerait toujours que les circonstances soient les meilleures. Pour m’évader autant que faire se peut de tout ce tintamarre, j’ai retrouvé de la sérénité dans les choses simples. Par exemple dans l’entretien de la carapace de Proust, mon tout premier Pokémon qui m’a suivi jusqu’ici et que je dorlote à la veille de notre premier combat. Je passe beaucoup de temps dehors, à communier avec mon équipe, à évoluer en osmose, dans notre bulle, loin du reste. Car je sais que dès que le charme se brise, on m’enfile dans une chemise qui ne m’appartient pas, ou pire, un costume où je me sentirai à l’étroit, et on m’emmène dans quelque studio d’une ville qui m’est inconnue, mais où tout le monde semble me connaître. Da capo al fine.

Le plus drôle dans cette histoire, c’est qu’à chaque fois que je tombe nez à nez avec une énième interview télévisée ou un article écrit avec une séance photo complètement hors-sol pour l’occasion, je ne me reconnais pas. Oh, oui, c’est bien ma tignasse blonde, mais coiffée par des mains expertes enduites de produit qui ne sont pas les miennes. Mon visage, évidemment, mais la peau plus lisse, plus bronzée, le regard plus grand mais plus vide. Fagoté dans des tenues qui devraient me valoir la camisole ou une condamnation pour atteinte au bon goût. Ces quatre semaines de préparation en amont de mon défi sont une longue ordalie que j’endure sans viatique, amuï, parce que je sais au fond de moi que la délivrance arrive. Après la Ligue 2, victoire ou défaite, je n’aurai plus rien à leur donner.

Il n’y a que le soir, enfin seul mais exsangue, dans une chambre d’hôtel trop luxueuse pour l’image du parfait prodige gardant les pieds sur terre qu’ils essaient de vendre, ou, par chance, chez moi au Ranger’Inn, qu’un sourire timide retrouve le chemin de mon visage, lorsque mes amis m’encouragent d’un court message, ou me bombardent d’une myriade de stratégies originales à déployer en fonction des champions que j’aurai à affronter.

« …dans une heure, et ensuite on enchaîne avec… »

J’écoute, mais je n’entends pas. Je les regarde s’affairer autour de moi, mais je ne vois qu’un gouffre béant de solitude. Je ferme les yeux et pense à mes proches, humains et Pokémon. C’est le jour J. D’ici quelques heures, je serai sur le terrain de la Ligue Pokémon pour faire face à mon premier adversaire. Et encore quelques heures plus tard, je saurai si l’aventure continue ou non. Si la délivrance sera plus prompte que prévue, synonyme de défaite, ou encore légèrement hors d’atteinte. Mon esprit se porte sur les champions, des dresseurs au sommet de leur art à qui je porte un profond respect et devant qui je m’avancerai avec beaucoup d’humilité. J’ai mécaniquement enfilé la tenue qu’ils m’ont préparée, et je les laisse m’assaillir de retouches à coups d’épingles, avant de devoir passer par l’inévitable case coiffure et maquillage. Après quoi, une sempiternelle interview, une exclusivité négociée par le Polygone que plusieurs grands médias se sont arrachés afin de recueillir mes toutes dernières impressions avant de rentrer dans l’arène.

Mais juste avant. Derrières les portes closes du stade, quelques minutes de tranquillité dans l’anti-chambre avec mes Pokémon. Un dernier instant de félicité.

« À nous de briller maintenant. »

Duras grogne d’approbation, front contre front. Toutes ces dernières semaines, ils se les sont arrogées. Mais lorsque je foulerai une nouvelle fois le sol de ce stade, lorsque mes Pokémon et moi nous tiendrons, fiers, face aux champions, ce moment, ce sera le mien. Ce sera le notre. Et aussi éphémère qu’il sera, il nous appartiendra. Pour toujours. (1092 mots)

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ME VOILA COMME PROMIS LE PREMIER SEPTEMBRE.

équipe:

objets:

« Chers amis, je suis venu ici vous présenter les lunettes d'Arthur 7.8, avec une nouvelle mise à jour intégrant un nouveau système d'ombres et de lumière ! »

« Je plaisantais, merci pour tout, tu es un chef ! »

« C'est pas pour tout de suite, sinon tu vas perdre ta concentration. Je te laisse à Leon, je te les filerai une heure ou deux avant le combat, moi, j'vous laisse ! »

« L'équipe de Côme est redoutable, mais tu la connais mieux cette fois-ci. La dernière fois, il avait commencé le combat avec sa Drascore qui avait failli avoir Eagle en un seul coup, il va falloir penser à ses mouvements et trouver un compagnon qui pourra anticiper ses mouvements et la désorienter. »

« Côme, c'est un véritable plaisir de vous accueillir à nouveau ici. »

L'équipe:

Devant le miroir de la loge coiffure et maquillage, je suis tout de même soulagé de constater qu’ils n’ont pas opté pour quelque chose d’extravagant du tout, bien au contraire. J’imagine qu’ils ont choisi de cultiver mon image d’homme simple, malgré la célébrité qui m’entoure désormais. Un ranger qui fait son métier et se contente de ce qu’il a, qui apprécie sa simple contribution au pokémonde. Ma tenue consiste donc en un jean ajusté sombre et une chemise blanche ornée de délicates fleurs brodées aux couleurs pastel ici et là, le tissu sur les flancs étant légèrement transparent. Des tennis blanches, une ceinture noire simple, et pour seuls bijoux une chaîne en argent autour du coup et une gourmette au poignet, parfont la tenue. Le maquillage est moins pire que ce à quoi je m’attendais après tous les plateaux de télé où le résultat tire plus du Salamèche que du Crémy. Il s’agit simplement d’un peu de poudre pour me donner de la couleur et « de l’éclat » me souffle le maquilleur. Soit. Je doute d’être le véritable centre d’attention lors de ce défi, avec un champion de Ligue en face et des Pokémon on ne peut plus rares et puissants sur le terrain. Enfin, l’étape coiffure me laisse avec un aspect légèrement décoiffé, bien loin des cheveux tirés en arrière et qui bougent d’un seul homme sous la tonne de produit que j’ai malheureusement pu connaître auparavant. Peut-être est-ce parce que le personnel de la Ligue sait mieux y faire qu’ailleurs.

L’ultime interview avant le défi est anxiogène pour moi. Trop de questions tournent aux pronostics, et cela ne me plait guère. Le point positif cependant, est qu’on ne me pose aucune question concernant le Polygone. Très certainement car l’exclusivité ayant été négociée par l’institution ranger, cette dernière a mis son véto sur certains sujets. Il faut parfois se contenter de ces rares victoires.

« Lorsque l’on aime le dressage Pokémon, pouvoir se présenter à la Ligue est un immense honneur. Et avoir ce privilège une seconde fois, c’est indescriptible. Je suis surtout fier de mon équipe et de ce qu’ils accompliront ces prochains jours, victoire ou défaite. »
Répondre aux questions me crispe, encore une fois. Néanmoins, je me force à me concentrer sur mes compagnons, et sur l’expérience incroyable qui nous attend. Et tout le cirque médiatique devient modérément plus gérable.

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Lorsque les portes s’ouvrent enfin sur le stade, mon cœur bat la chamade. J’ignore si c’est fait exprès ou non, mais l’antichambre semble toujours beaucoup plus sombre que les autres pièces, comme s’il était nécessaire d’être ébloui un maximum quelques secondes avant de fouler l’arène du pied. C’est donc une aveuglante lumière blanche qui m’accueille et je reste quelques secondes sur place alors que la clameur du public résonne et ferait presque vibrer le stade. En tout cas, c’est mon corps qui tremble presque d’anticipation.

Duras est retournée dans sa pokéball, car j’entre seul sur le terrain. Dès les premiers pas, la clameur semble redoubler et je ne peux empêcher un sourire de s’emparer de mon visage. Quelle atmosphère ! Tous ces gens qui se sont déplacés pour pouvoir assister à mon second défi, le plus proche possible du terrain. Le stade de la Ligue est toujours plein, bien sûr, mais lorsqu’on est la personne qui s’avance, seule, jusqu’au centre du terrain, l’immensité du moment est saisissant, et c’est comme si la foule se décuplait sous nos yeux. J’adresse un geste de la main autour de moi, pour saluer les spectateurs, sachant que quelque part, peut-être même juste au-dessus de moi lorsque j’aurai rejoint mon côté du terrain, se trouvent quelques uns de mes proches dans la tribune réservée pour le challenger, s’il le souhaite.

C’est fou ce que les acclamations d’un public ont comme pouvoir. Quelques secondes à baigner dans cette énergie positive, galvanisante et portée par un amour pur de l’art du combat Pokémon, et tout ce qui a précédé ce défi s’efface. Les sempiternelles interviews, les plateaux de télévision, les journalistes qui cherchent le mot de trop, la pression du Polygone et l’omniprésence de Monsieur Safin, toute cette pression sur les épaules… Envolés. Balayés par la fièvre d’un stade en ébullition uniquement guidé par sa passion du dressage Pokémon. Et lorsque mes yeux se posent sur l’un des écrans géants, et que je croise mon propre regard, je me retrouve, l’espace d’un instant. Heureux, parfois insouciant, naïf autrefois, mais aussi et surtout, infiniment reconnaissant. Conscient de la vie incroyable que je mène, si loin de tout ce que j’aurais pu imaginer.

C’est au centre du terrain que j’attends mon adversaire du jour, et quel privilège encore, de voir s’avancer nul autre qu’Arthur, qui a déjà été mon premier adversaire lors de mon précédent défi. Il y a quelque chose de très satisfaisant de mesurer à nouveau mon équipe à la sienne. Notre match est resté gravé dans ma mémoire—et dans bien d’autres, à n’en pas douter—et j’espère que nous serons capables d’en livrer un à hauteur du précédent et, si possible, encore meilleur.

« C’est un honneur de pouvoir vous affronter à nouveau. Mon équipe a beaucoup progressé, et j’espère que mes compagnons pourront pousser les vôtres à utiliser un maximum de leur potentiel. »
Je sais bien que quelques marches nous séparent encore de la véritable puissance des champions de la Ligue. Néanmoins, les Pokémon d’Arthur n’auront sans doute pas à se brider autant que lors des affrontements de Ligue 1, ce qui promet certainement un beau spectacle.

Avant que le coup d’envoi du match soit véritablement lancé, il nous faut maintenant rejoindre nos plateformes respectives, de chaque côté du terrain. Le dispositif semble être toujours le même que la dernière fois, afin de pouvoir communiquer directement avec Arthur au cours du match. D’ici quelques instants, il me faudra choisir qui de mes compagnons lancera les hostilités, et j’hésite encore, mon cœur s’emballant dans ma poitrine alors que je m’installe enfin de mon côté. Le présentateur harangue la foule le temps que tout soit prêt pour le lancement officiel, de notre côté, comme de celui des équipes techniques et de ceux qui s’occupent de la retransmission.

« J’avais oublié à quel point le stade ici semble trois fois plus grand que n’importe quel autre. »
C’est un véritable monde qui se dresse devant moi. Ou plutôt devrais-je dire, un théâtre. Car nos Pokémon s’apprêtent à y faire leur plus beau récital.

« L’engouement du public est vraiment communicatif. À nous de ne pas les décevoir. »
Et là-dessus, je n’ai aucun doute sur la capacité du champion à faire le spectacle, la virtuosité de son équipe n’était plus à prouver. Charge à moi désormais de m’élever au plus près de son niveau.

Lorsque vient le moment d’envoyer nos premiers Pokémon sur le terrain, je ferme les yeux et respire profondément pour calmer mon cœur erratique. Et je sens comme une présence chaleureuse à mes côtés, une main éthérée qui se pose sur chacune de mes épaules. Par-delà l’infini qui nous sépare, ils sont ma force, sans faille. (1181 mots)

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Hiiiii bastoooooon. Je lance le dé et j'envoie mes Pokémon dans la journée ! (: