- WOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOUHAH ! C'était moins une mon garçon ! souffla le vieux pêcheur.
- Je peux tout à fait comprendre hé hé ! Félicitations ! lui répondis-je.
- C'est le tal-
- Le quoi ?! l'interrompis-je en lui lançant un regard noir.
- Le talon me lance. C'est rien, ça va passer... hé hé... se corrigea le vieux.
- Vous devriez vous asseoir et récupérer vos forces. lui conseillai-je. On n'est encore pas à l'abri d'une future prise supplémentaire, et qui sait, peut-être un autre Krabboss ?
- AH NON HEIN !? Tout mais pas ça mon garçon ! s'indigna le pêcheur éreinté.
- Ha ha ha ! Je vous taquine. révélai-je. En tous cas, vous m'avez impressionné. Bravo pour cette superbe prise ! Vous avez bien méritez qu'on savoure ça autour d'une bonne citronnade. lui proposai-je.
- Si en plus tu m'prends par les sentiments gamins, j'peux pas refuser ! taquina-t-il.


C'est ainsi que l'épisode du Krabboss se concluait. Le vieillard fou de pêche était parvenu à ferrer sa plus grosse proie de la journée, et qui plus est, le fameux crabe de la légende locale. Il n'avait plus rien à prouver, et pouvait se la couler douce pendant quelques heures au moins, avant de reprendre son activité favorite, à la recherche d'un plus menu fretin. Une bonne boisson fraiche et légèrement sucrée pour la quiétude de l'esprit, histoire de se ressaisir, de refaire le plein de bonnes énergies, et d'y retourner de plus belle. Personnellement, je ne comptais pas m'arrêter en si bon chemin : le Léviator était beau, l'Hypotrempe avait été un farouche compétiteur, mais il m'en faut un petit peu plus pour me rassasier. Mais alors que je commençai à me diriger vers la glacière que j'avais apportée pour l'occasion, je repensai à un détail qui m'avait totalement échappé à cause de l'arrivée de ce crabe géant.

- Mais au fait ! lui adressai-je. Vous avez vu où est passé le Psykokwak ?
- Alors là, mon garçon, auuuu~cune idée. insista-t-il.
- Squee ?
- Ah oui tiens ! Draco, toi qui l'a vu valdinguer de la pince du Krabboss. Tu sais où il est ? lui demandai-je.
- Squeee Squé. Squee squee squee ! *montrant mon sac à dos* Squééé Squee ? Squé.
- Il a volé jusque vers le sac, et ensuite tu l'as perdu de vue ?
- Vous comprenez réellement ce que votre Draco vous dit ? On dirait qu'il baragouine sans vraiment y réfléchir de là où je me trou-
- Vos insinuez que mon pokémon est bête peut-être ? lui lançai-je avec un nouveau regard noir.
- Pas du touuu~ut ! Paaaa~as du tout ! Il est très bien votre dragon... oui très bien. Hé hé hé... hé hé. se ravisa-t-il.

C'est en me dirigeant vers mon sac que le scénario s'épaissit un peu plus. Il n'y avait plus aucun signe du Psykokwak gêneur qui se trouvait parmi nous très récemment, et même sa vrille aérienne jusque dans le fond du campement de par une bourrasque de pinces bien sentie de la part du Krabboss n'avait finalement eu aucun réel impact sur la dynamique de la confrontation. Le Pokémon canard avait disparu du champ de vision d'à peu près tout le monde, y compris de mon Draco qui, d'ordinaire, avait l’œil et la mémoire pour ce genre de chose, comme une sorte de troisième œil justement, me rendant service dans les moments critiques. Je détournai mon chemin du sac à dos pour me concentrer sur les environs directs de notre emplacement : je fis le tour de la tente que nous avions planté un peu plus tôt, mais pas de signe du Pokémon cancaneur qui aurait pu percuter la tenture de l'édifice ou mieux, s'y loger sans pouvoir s'en dépêtrer avec que la situation ne fut revenue à la normale ; puis je fis le tour des points stratégiques comme l'emplacement du barbecue qui servait de point de ralliement pour le passe-temps favori de Draco, manger, comme si je m'attendais à y entendre quelques cancans affamés ou bouffies de nourriture, mais là encore, aucune présence de ce volatile aquatique ; je fis le tour des utilitaires un peu plus loin, comme les salles d'eau, mais là non plus, pas la moindre esquisse d'un éventuel passage du Psykokwak. Quand bien même il avait été agaçant pour ce moment crucial que fut la trouvaille et la pêche du Krabboss, je ne pus m'empêcher de ressentir une pointe de stress et d'appréhension quant à son sort : et s'il lui était arrivé quelque chose de plus grave, du genre, chasser par un autre Pokémon, au point d'être dans un état critique, seul, quelque part autour de nous, et incapable de demander de l'aide ?

- Hééééé-oh ! criait une voix féminine au loin, avec de grands signes de main. Il me semble que c'est un Psykokwak que vous cherchez ?
- Ouiiiii, pardon, je ne vous avais vu ! me rendis-je compte, tout en prenant la direction de la personne instigatrice de l'apostrophe.
- Avant de vous révéler sa position, j’aimerais tout de même savoir si c'est le bel et bien le vôtre... douta la femme qui devait approchée le milieu de la quarantaine d'années.
- Oh ! Heu... eh bien... en fait ce n'est pas le mien. avouai-je.
- C'est bien ce que je me disais. Je vous regarde faire avec l'autre vieux croulant depuis tout à l'heure, vous n'avez pas été tendre avec ce Pskykokwak. fit-elle remarquer.
- Il est vrai qu'on a peut-être été un poil trop dur avec lui. admis-je. Mais vous comprenez, cet homme tentait de-
- Peu importe. Je n'ai que faire de cette vieille carne prête à vendre du rêve aux autres pour assouvir ses besoins de pêche. interrompit la dame avec un ton plutôt méprisant pour le vieil homme.
- Vous le connaissez ? réagis-je.
- Et comment !? C'est mon beau-père. Bernard, aussi connu sous le nom de Bébère la galère. avoua-t-elle.
- HAHAHA ! Ahem... pardon... eh ben ça alors, je ne m'en serai jamais douté. tentai-je de dire sans pouffer de rire.
- Votre réaction me plait. confia-t-elle. Il a beau être le paternel de l'homme que j'aime, dit-elle en regardant derrière elle pour faire signe à son mari que tout allait bien, il n'en reste pas moins un escroc quand il s'agit de pêcher.
- Un escroc vous dites ? Je ne comprends pas. Il a l'air pourtant passionnée votre beau-père, non ?
- Il vous a fait le coup du crabe légendaire qui n'apparait qu'une fois tous les nouvelles lunes je parie ?
- Alors, il n'a pas exactement dit ça dans ces termes, mais oui, le fameux Krabboss. acquiesçai-je.
- PFEUH ! Foutaises ! pesta-t-elle. Il vous a mené en barque, et vous êtes tombés la canne la première. BÉBÈRE ! NON MAIS VOUS Z'AVEZ PAS HONTE ! commença-t-elle alors à rouspéter tout en allant rejoindre sa localisation.

Le vieux pêcheur ne semble pas comprendre ce qui vient de lui tomber dessus. Sa belle-fille par alliance est en train de lui rouspéter dessus, clamant haut et fort que tout ce qu'il venait de se passer n'était qu'une entourloupe de sa part. J'ai du mal à y croire, Draco aussi, et sur le coup, nous arrêtons notre recherche du Psykokwak pour assister à cette altercation entre beau-père et bru.

- Astride, qu'eeeeee~est-ce qu'il vous prend mon enfaaaaaa~ant ? s'inquiète-t-il.
- Vous savez très bien de quoi je parle ! rouspète-t-elle. Ça vous en fait combien maintenant, hein ?!
- Je ne vois pas de quoi vous parlez Astride. Et ce n'est parce que vous êtes la femme de mon fils que cela vous donne le droit de me parler sur ce ton ! se défend-il.
- Laissez votre fils en dehors de vos magouilles et de votre esprit vicieux de pêcheur revanchard. lance-t-elle avec véhémence. Où sont-elles ? cherche-t-elle du regard.
- Qu'est-ce que... AH NON HEIN ! PAS ÇA ! rugit le vieillard.
- Vous allez voir ce que vous allez voir. Jeune homme, dit-elle à mon égard, vous allez faire la découverte de la plus grande supercherie de cette décennie. annonce-t-elle en se rapprochant du campement du vieux pêcheur. Admirez donc !


D'un coup d'un seul, celle qui se trouve être de la même famille que ce pêcheur que je venais d'aider, nous montrer une pléthore de pokéballs dans une espèce de toile de jute. Puis elle en prend trois, et leur ordonne de s'ouvrir pour en libérer leur contenu. Et en un flash luminescent, ce n'est pas moins de deux Krabboss et un Psykokwak qui font leur apparition. Je n'en crois pas mes yeux. Non seulement le Krabboss que vous venions de capturer n'était en réalité pas le seul de son espèce dans les environs, mais en plus de ça, je me rends compte que le Psykokwak trouble-fête de tout à l'heure n'est pas qu'un simple pokémon sauvage, mais également une propriété de ce vieux roublard de pêcheur. Je fulmine intérieurement.

- Vous êtes sérieux le vieux ? m'indigné-je. Tout ça pour mettre la main sur un énième pokémon crabe ? Quel est le but de votre manœuvre ?
- Eh beeee~en, c'est à dire queeeeee~e... commence à bégayer l'entourloupeur.
- On sait plus quoi dire Bébère hein ? en remet une couche sa belle-fille. Eh bien moi je vais vous expliquer. Il se trouve que ce vieux monsieur vindicatif et uniquement intéressé par l'argent, cherche à capturer le plus de Krabboss possible pour les revendre dans les pensions et autres refuges pour pokémons abandonnés. introduit-elle.

- Vous lui dites comment vous procédez ou je m'en charge ? l'alpague-t-elle.
- J'vous assure mon garçon, ce n'est pas ce que vous croy-
- Très bien, je continue donc. coupe Astride. Donc, ce charmant vieux croulant que vous voyez met à contribution des dresseurs venus eux aussi pêcher des pokémons puissants, dont les Krabbos tant recherchés. Tout d'abord, il va créer un phénomène d'attache, en vous faisant la discussion, en vous contant la légende du Krabboss du large, pour vous attendrir un minimum. Puis il va faire intervenir un pokémon tout à fait anodin, venu des eaux mais en réalité venu d'un peu plus loin en amont du rivage. Le fameux Psykokwak que vous cherchez, ça vous dit quelque chose ?
- Jusque là j'arrive à suivre... réponds-je en plissant les yeux pour ne pas laisser déborder mon début d'agacement.
- Bien, eh bien ce petit canard est une sorte d'appât pour détourner votre attention. Puis Bébère fait appel à son Krabbi, son compagnon de toujours il est vrai, pour vous faire croire que le Psykokwak est un obstacle à sa pêche à succès du Krabboss. Attendri, vous lui prêter main forte et vous commencer à mettre toute votre attention sur un début de combat sauvage.
- Astride, je vous en supplie... gémit le vieux pêcheur.
- Votre supplication est vaine Bébère, il y a un moment où vous vous devez de faire face aux conséquences de vos actes. Estimez-vous chanceux que je ne fasse pas appel à l'agent Jenny de Jadielle parce que votre fils en serait dévasté ! lui fait-elle réaliser. Bref, tout ça pour dire. reprend-elle. Une fois le combat à peu près sous contrôle, il parviendra à entrer dans une phase de ferrage plus ardue que prévue. Il vous demandera de l'aide, et vous l'épaulerez parce que vous ne voulez pas qu'il lui arrive quoi que ce soit de dangereux. C'est là que le fameux Krabboss pêché, qui n'est en réalité que l'un de ses pokémons déjà capturé au préalable, va envoyer valser le Psykokwak vers vos affaires, afin que ce dernier vous dérobe de quelques pokédollars ou de quelques objets précieux. finit-elle par révéler.


Je ne mets pas plus d'une seconde pour me rendre compte que le pire est à craindre. Je n'écoute pas la fin de l'explication d'Astride, la belle-fille du pêcheur, et je me rue vers mon sac, grand ouvert, comme un signe évident de quelqu'un étant passé par là pour l'ouvrir complètement. Mais aucun signe du pokémon canard, ni proche de la tente, ni proche du sac, et encore moins aux alentours du campement du roublard halieutique. Mais très vite, Draco se rend compte que quelque chose cloche au niveau de mon sac, que ce dernier semble bouger. Comme si quelque chose se trouvait dedans, mais invisible à l’œil nu. En fait, pas si invisible que ça, mais il s'agit effectivement d'un objet qui se meut dans le sac avec une vigueur toute particulière. Une hyperball. Je la prends dans les mains, et je la sens encore toute vibrante, signe qu'un pokémon se débattait à l'intérieur pour tenter de s'enfuir.

- Tout va bien jeune homme ? lance Astride de loin.
- Eh bien, vous n'allez pas me croire, mais je crois que je sais où se trouve le Psykokwak de monsieur. réponds-je en levant l'hyperball au bouton de capture rougeoyant.
- Comment ?! Comment est-ce possible ?! hallucine le vieux.
- Alors ça c'est la meilleure... se rend compte sa belle-fille en se posant la main contre le visage.

Effectivement, la situation rocambolesque se termine sur une prise de conscience qu'au final, le pokémon canard qui avait fait son apparition plus tôt n'était au final pas l'un des congénères aviaires du vieil escroc. Il devait s'agir d'un Psykokwak tout ce qu'il y a de plus naturellement sauvage, et très certainement que l'activité halieutique des environs devait l'avoir intéressé, au point de vouloir se mêler à l'action, et obtenir son chapitre d'aventurier aquatique. Alors que la pokéball au taux de réussite largement plus élevé que prévu s'arrête de vibrer, je fais immédiatement apparaitre le volatile jaune prisonnier, qui se matérialise près de Draco, et qui regarde de partout l'air étonné.



- Bah alors l'ami, on s'est emmêlé les pinceaux dans le sac ? Hé hé ! commencé-je à rire.
- Garçon ! Mon garçon ! accourt Bébère. Dites-moi ce qu'il se passe ? Comment est-ce que...
- Eh bien figurez-vous que pour une fois vous avez dit la vérité. ironisé-je. Ce Psykokwak que vous pensiez être le vôtre n'est en fait qu'un spécimen sauvage de son espèce, et il se trouve que votre Krabbos l'a effectivement envoyé valser dans mon sac, mais ce dernier a percuté l'une de mes hyperballs, et s'est retrouvé capturé malgré lui.
- Oh ben ça alors ! Quelle chan- ... quel hasard ! se corrige-t-il. Vous voyez Astride, je dis la vérité ! fait-il remarquer à sa belle fille.
- Pour cette partie du plan oui, mais attendez que je raconte le reste... vous savez... la fameuse revente.
- J'ai compris ! J'ai compris ! Je vais arrêter... tente de promettre le vieux.
- Vous n'aurez pas le choix. annoncé-je. Soit vous pliez vos affaires et vous vous contentez de vos superbes prises, proposé-je, soit je prends mon téléphone et je vous dénonce aux forces de l'ordre pour braconnage et recel d'objets volés. A vous de choisir.


Le vieillard ne sait plus trop quoi dire. C'est peut-être la première fois que son plan échoue, et que l'une de ses victimes parvient à reprendre l'ascendant sur sa machination. Mon dilemme n'en est pas un en réalité, je ne compte pas appeler l'agent de police le plus proche, mais je veux que cet escroc réalise que la fin ne justifie pas toujours les moyens ; et que ses vraies prises de pokémons crabes et canards sont tout bonnement incroyables pour quelqu'un de son âge. Mais ça, je ne peux pas lui dire, cela le conforterait dans sa bêtise sénile, et je pense que sa belle-fille ainsi que son fils préféreraient ne pas se farcir une procédure pénale incluant les méfaits de leur aïeul.

A vrai dire, même si ma réplique semblait ne pas donner le choix au vieux pêcheur, il y avait tout de même une part de moi qui voulait en savoir plus sur les raisons de ces larcins malhonnêtes de sa part, alors qu'il a l'air en tout point normal. Était-ce la sénilité qui le guettait et qui l'obligeait à prendre des risques inconsidérés pour se sentir encore jeune et encore vivant ? Était-ce le frisson de l'interdit qui le maintenait plus ou moins stable dans son fort mental, alerte et en pleine possession de ses capacités cognitives ? Ou n'était-ce alors qu'un vieux crouton adeptes des plus vils plans absurdes pour s'assurer une qualité de fin de vie plus tranquille et plus agréable ? Je ne pouvais décemment pas croire qu'un tel stratagème pût être ne serait-ce que mûri et réfléchi par ce pêcheur qui avait l'air de prendre cette passion et ce passe-temps très au sérieux. Je n'arrivais pas non plus à croire qu'il avait besoin de cette urgence dans la manœuvre pour se sentir exister aux yeux du monde entier, ni même qu'il eût ce besoin maladif et criminel de devoir influer négativement sur les possessions d'autrui pour en tirer une quelconque satisfaction personnelle. Il devait y avoir autre chose, et quelque chose me disait que dans le ton indigné de regrets de sa belle-fille se cachait un double sens équivoque, et que cela méritait de creuser un peu plus, et tourner la page une bonne fois pour toute.

- Écoutez. Je n'ai pas plus envie que ça de vouloir appeler les forces de l'ordre pour vous faire arrêter. révélai-je. Ce passe-temps est fait pour se divertir, apprécier une belle et bonne tranche de vie extérieure, et je ne me refuse à faire de cet épisode de ma jeune existence une source de remords d'avoir soudainement priver une vie de pouvoir s'évader comme elle le peut. soupirai-je alors. Dites-moi, Bébère la galère... dis-je en levant les doigts pour mimer des guillemets ...quelle est la raison de votre entourloupe ? N'avez-vous pas un fils et une belle-fille sur qui compter pour vous encadrer ou vous empêcher de partir à la dérive, justement ?
- VOUS POUVEZ PAS COMPRENDRE ! rouspéta-t-il.
- Je ne demande que ça vous savez...
- VOUS SAVEZ PAS À QUEL POINT C'EST DUR DE VOIR VOS PROCHES VOUS COLLER AUX BASQUES À LONGUEUR DE JOURNÉE !
- Pourquoi s'éloigneraient-ils de vous ? Regardez, votre fils et sa compagne sont là avec vous non ?
- C'EST PAS PAREIL ! ILS SONT LÀ PARCE QU'ILS SE SENTENT OBLIGÉS D'ÊTRE LÀ !
- Norbert, ce n'est pas ce que vous croyez. interrompit la belle-fille. Votre fils...
- MON FILS ME PENSE FOU À LIER ! JE LE SAIS, IL TE L'A DIT AVANT DE VENIR ICI ! vociféra-t-il, le regard larmoyant.
- Vous confirmez... ? Heu... votre prénom déjà ?
- Astride. déclare-t-elle. En fait, ce que votre fils a dit ce soir-là, ce n'était pas rapport à...
- SI C'ÉTAIT PAS PAR RAPPORT À MON ÂGE, ALORS À QUOI ? continua-t-il de s'emporter, une larme ruisselant sur l'une de ses joues rougie par la colère.
- ...il ne voulait pas parler de votre âge, Norbert. Il s'inquiétait de vous laisser partir tout seul prêt du rivage, imaginant qu'il puisse vous arriver quoi que ce soit de dangereux. révéla Astride, légèrement gênée de devoir vendre la mèche.
- PFFEUH ! JE VOUS CROIS PAS ! VOUS DÎTES ÇA POUR ME FAIRE CULPABILISER ! VOUS LE FAITES TOUS !

Norbert le pêcheur commença alors à sangloter, mouillant alors sa belle moustache grisonnante qui auparavant flottait dans l'air quand nous étions en plein effort physique. Il me faisait un peu de la peine, à vouloir absolument prouver au monde entier que son âge n'avait en rien une incidence sur sa vie quotidienne. Que sa longue expérience ne justifiait en rien que l'on pût s'inquiéter de son sort, car il était justement assez mature pour se prendre en main tout seul. Il ne supportait pas l'idée qu'on l'eut pensé inapte à pouvoir prendre les bonnes décisions malgré sa longévité exceptionnelle d'un homme qui en réalité avait quatre-vingt-sept ans. Pour lui, cette soudaine envie de la part de son entourage de vouloir l'épauler, l'accompagner et le seconder dans ses tâches signifiait son arrêt de vivre en autonomie, son retrait d'une vie riche et remplie d'homme en pleine possession de ses moyens. Je pouvais voir dans ses yeux qu'il n'y avait pas d'âme de truand qui y vivait, mais bien cette flamme, certes tremblante par l'âge de consumation avancé, jaillissant du noir le plus obscur, et montrant sa volonté de se battre et de vivre son quotidien à son maximum chaque jour qui parvenait à se lever en sa compagnie. Cela dit, après quelques minutes d'embrouillamini avec sa belle-fille, toute la situation prit son sens lorsque son propre fils vint à notre rencontre, Albert.

- Papa. Il faut que je te dise quelque chose d'important. informe le fils.
- QUOI ENCORE ?! pesta le père.
- La raison pour laquelle nous tenons tant Astride et moi à te suivre et à faire attention à toi...
- OUI EH BAH ?! AVOUE ! DIS-LE ! TU ME PENSES FOU C'EST ÇA ! TU ME PENSES FAIBLE AU POINT DE NE PAS POUVOIR ME LAISSER SEUL ?!
- Ce n'est pas ça papa. regretta-t-il. Je ne peux pas te laisser seul parce que...
- CRACHE LE MORCEAU ALBERT ! MONTRE AU MONDE À QUEL POINT TU ME PENSES SÉNILE ET GÂTEUX ! HEIN !
- ...PARCE QUE JE NE VEUX PAS QUE TU PARTES COMME MAMAN ! LÀ, T'ES CONTENT ?! T'AS FINI DE TE PLAINDRE COMME UNE VIEILLE BIQUE QUI N'A PAS EU SON SEL QUOTIDIEN ? TU PEUX ACCEPTER QUE LE DÉPART DE MAMAN M'A MOI AUSSI AFFECTÉ ? rugit Albert en lâchant lui aussi sa larme, révélant ainsi un drame familial récent, source de la situation incompréhensible tant pour l'un comme pour l'autre des deux hommes de la famille.
- Qu'est-ce que tu dis mon garçon ?
- Maman est partie trop tôt, et j'ai l'horrible l'impression que j'aurais pu empêcher tout ça si j'étais allé moi-même la chercher ce jour-là...