Action:

J’avais pris ma semaine complète et, pour une fois, avais décidé de l’occuper autrement que pour ma famille. Les gars de la reconstitution se sont engagés à participer au festival des Dragons de Célestia cette année-ci, et je m’étais organisé pour pouvoir partir avec eux. Un voyage avec les gars, ça promettait une bonne ambiance, surtout à l’idée d’un festival médiéval. Je savais exactement dans quoi je m’engageais et j’avais hâte. Il n’empêche que la culpabilité demeurait, celle de prendre des vacances uniquement pour moi, d’être égoïste avec ce temps que je parvenais à débloquer. J’avais nécessité d’un peu de temps après avoir dit au revoir à Timothée, au départ, pour me laisser aller à l’état d’esprit ambiant. Le voyage de groupe, en train, puis en avion, puis en bus, avait été un véritable plaisir. J’ai beaucoup ri, j’ai potentiellement beaucoup amusé la galerie aussi. Nous étions un groupe de bons vivants, de joyeux drilles, mais surtout de passionnés. Si l’amusement était au rendez-vous, nous discutions également de nos costumes, des matériaux utilisés, de la manière de les entretenir, de l’accuratesse de la reconstitution avec la réalité historique.

Nous arrivâmes de nuit à l’hôtel, à Célestia et nous nous sommes réparti les chambres. Le lendemain, nous nous sommes tous rendus sur le lieu du festival, avant le lancement. Nous avions tous des rôles qui allaient nous être attribués, et ce fut à ce moment-là que j’appris que je devrai naviguer, ce qui n’était pas le cas de la plupart de mes collègues. Je m’étais positionné, à l’origine, sur le stand de lancer de hache. C’est une discipline dans laquelle je me débrouillais plus que bien, même s’il s’agissait davantage d’une activité accompagnant la bière que d’une dynamique réellement sportive. Alors je comptais me faire une joie de passer une partie de mes journées à encadrer ceux souhaitant s’essayer à la discipline, tout en gardant du temps pour profiter du festival par moi-même, avec les copains. Mais voilà, on m’expliqua qu’il manquait des personnes pour tenir certains stands et qu’il faudrait en alléger d’autres, dont celui du lancer de hache. Parmi les choix qui m’étaient laissés, je dus faire un choix, et ce dernier se porta sur l’atelier qui allait me donner la possibilité de me mettre en valeur. Cette semaine de vacances entre amis n’excluait pas de pouvoir s’amuser avec des personnes hors du groupe.

*****

Comme pour chaque festivalier, les animateurs et responsables s’étaient tous vus attribuer une équipe, un clan, celle d’une des trois divinités à l’honneur. J’avais hérité d’un badge à l’effigie de Dialga, et ma tenue avait donc été personnalisée, retravaillée aux couleurs du dieu du temps. Je me retrouvais contraint de troquer ma tunique rouge contre une bleue, mais pouvais conserver les éléments argentés, notamment la maille fine que je portais. J’accrochai tant bien que mal le badge à l’une des mailles et noua un ruban assorti à ma ceinture. Ce fut ma tenue pour le festival, et je n’en avais pas dérogé de la semaine.

Durant les premiers jours, je pris mes marques, mes repères. Le festival s’avérait bien plus grand que ce que je m’étais imaginé, avec une organisation assez précise. Les rotations me demandaient d’être vigilant sur les horaires, plus que ce que j’aurais souhaité, mais je m’étais engagé. De toute manière le plaisir que je prenais à animer les activités compensait pleinement ce léger inconvénient. J’avais là l’occasion de faire découvrir les us et coutumes d’un autre temps dans la joie et la bonne humeur. Puis j’avais la côte auprès des enfants, on peut se le dire. J’ai toujours eu la fibre avec les marmots et ce d’autant plus depuis Timothée, même si la véritable star avec eux – Tim compris – demeurait Augustin. Le Symbios, en plus d’être une crème, s’avérait être un excellent garant de la sécurité, avec ses pouvoirs psychiques. Mais, lors des reconstitutions et événements médiévaux, je comptais davantage sur la présence d’Athéna, et cette semaine n’échappait pas à la règle. « Eddie ! On a besoin de toi au lancer de hache. » Le devoir m’appelait. Suivi par mes deux pokémons, je me dirigeais vers le stand où j’étais attendu. Je pensais devoir me rendre sur place à une heure plus tardive, mais je m’adaptais sans problème. J’étais levé aux aurores – la force de l’habitude – et était curieux de ce public matinal qui se présentait dès l’ouverture, à neuf heures. Je découvris avec un certain étonnement qu’il s’agissait de familles. Ils n’étaient pas forcément le cœur de cible du stand auquel je me trouvais, mais certains parents se laissaient tout de même tenter. L’heure avançant, le public se diversifiait, j’avais davantage l’occasion d’échanger, de papoter, de montrer l’exemple aussi. Cela faisait partie du jeu, des moyens à ma disposition pour attirer le chaland. Après avoir remonté les manches de ma tunique jusqu’aux biceps, je me saisis d’une des petites haches et me plaçai face à l’une des cibles. « Damoiselles et damoiseaux, approchez ! Venez voir l’ancêtre médiéval des fléchettes : le lancer de hache. Arme de jet sur les champs de bataille qui revient à la mode, la hache est la parfaite occasion d’impressionner. Alors pourquoi ne pas vous y essayer ? » Faire porter sa voix, avoir le regard porté sur soi, ce n’était pas un problème pour moi, bien au contraire. Je lançais alors la hache que je tenais jusque-là, elle attegnit bien la cible, peut-être pas exactement en son centre, mais non loin. J’étais satisfait, et cela se traduisait par un sourire confiant.

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Insertion œufs/fossiles:

Action:

J’étais assez fier de mon coup ; hausser la voix pour attirer les festivaliers s’avérait être une fois de plus une stratégie efficace. J’appréciai les quelques applaudissements, autant que la file qui se forma aux abords du stand. Face à l’afflux – certes que j’avais moi-même créé – je n’ai pas eu d’autre choix que de demander qu’un autre animateur vienne m’aider. Je n’étais pas en mesure de gérer seul sans créer un véritable blocage au niveau du stand de lancer de haches, et sans négliger la manière donc je m’occupais des festivaliers. Il n’était pas envisageable pour moi de presser les gens, de ne pas leur accorder l’attention qu’ils méritaient, de bâcler, somme toute. Je n’avais pas de problème à déléguer une partie de mon travail si ça s’avérait nécessaire. J’étais la victime de mon succès : de quoi pouvais-je me plaindre ?

Il fallait donc parfois conseiller, parfois simplement aller récupérer les haches et préparer le couloir de lancer pour une autre personne, ou pour un autre groupe. Soyons honnêtes, les questions sur l’aspect historique de l’activité se faisaient rares, mais ça m’allait très bien comme tel. Les gens venaient pour s’amuser, pour s’essayer à quelque chose qu’ils n’avaient probablement jamais fait avant. Le nombre de stands axés sur la dispense de savoir historique était suffisamment élevé pour n’être présent ici pour le jeu uniquement. Je préférais cette légèreté, d’ailleurs, car les festivaliers venant poser des questions spécifiques étaient ceux à fuir ; la plupart donnaient l’impression d’estimer en savoir plus que nous et de chercher à nous piéger. Pas l’état d’esprit que je recherchais en me portant volontaire pour animer à ce festival. Je souhaitais m’amuser et faire des rencontres, ni plus ni moins. Voir et entendre les festivaliers rire, râler, se concentrer, et pouvoir échanger avec eux dans ce contexte remplissait parfaitement cet objectif.

Enfin, le rush induit par l’affluence effaçait un peu tout cela, mais ce fut momentané. Le rythme revint plus proche de la normale, certains s’étaient découragés face à la foule et être à deux au stand me permettait réellement de prendre le temps avec les gens. L’ambiance était suffisamment cordiale pour que les festivaliers soient autonomes dans le relais qui s’opérait aux couloirs de lancer, sitôt que nous remettions les haches en place. Je demeurais cependant vigilant à ceux qui prenaient place, restant suffisamment proche pour apparaître accessible. Le dernier arrivé était à ce moment-là un homme qui m’intrigua au premier coup d’œil. Il y avait un certain contraste, un décalage même, entre sa taille, sa corpulence, et ce qu’il portait et dégageait. J’étais définitivement intrigué. Et à cela s’ajoutait le fait qu’il soit apparemment seul. J’étais d’un naturel curieux, je l’avais toujours été, mais j’avais aussi très vite appris à m’occuper de mes affaires, ou tout du moins à être suffisamment subtil quand je mettais mon nez dans celles des autres pour ne pas me faire attraper. Je restai donc à proximité, sans pour autant vouloir m’imposer d’entrée de jeu. Je n’eus cependant pas à aller jusque-là.

« Hello ! Impressionnant votre lancer de tout à l’heure. Vous m’apprendriez à tirer comme vous ? » Le sourire qui m’était adressé me fit aussitôt sourire en retour, sans compter l’efficacité que la flatterie avait sur ma personne. Je redressai légèrement mon torse – certains diraient que je le bombais, même si je pense que ma réaction n’était pas à ce point saillante – et m’avançai pour prendre place aux côtés de cet homme. « Je peux essayer, mais ça demande de l’entraînement pour arriver à un résultat comme tout à l’heure. » Je tenais à être transparent, une initiation comme celle-ci était loin d’être suffisante. Pour autant, débuter avec de bons conseils pouvait permettre de s’éviter des heures et des heures de casse-tête à ne pas comprendre pourquoi on n’y arrive pas. C’était d’ailleurs la raison de ma présence, de dispenser ces conseils. « Je n’ai jamais essayé le lancer de haches mais je suis bon aux fléchettes, si ça aide en quoi que ce soit ! » La remarque m’amusa, me fit rire même. « Et bien, les fléchettes descendent du lancer de hache, donc ça aidera au moins pour la coordination œil-main, mais avec le poids et la rotation de la hache, les techniques sont différentes. » Savoir viser, c’est un apprentissage qui ne nécessite que d’être recalibré lorsqu’on modifie certains paramètres. Ce gars partait avec un avantage qui allait certainement l’aider une fois les bases maîtrisées, mais jusque-là, pas vraiment. « Je ne vais pas vous mentir, les premiers lancers sont rarement gratifiants, mais ça peut valoir le coup de s’entêter. » Enfin, l’entêtement seul ne suffisait pas, c’était surtout l’entretien rigoureux de mon physique qui me permettait cette aisance pour manier la hache.

« A vous de me montrer d’où on part maintenant ! » Je me saisis d’une hache et en tendis le manche, pour ajouter le geste à la parole. A partir de la carrure de ce gars, je n’avais pas de mal à déterminer que lancer la hache à deux mains – contrairement à ce que je faisais – serait plus adapté. « Je vous conseille d’utiliser vos deux mains. Pour lancer la hache, j’entends. Ça sera plus simple pour gérer le poids et donner de l’élan. » Je portais une grande attention à la manière dont je m’exprimais, aux mots que j’employais. Il pouvait m’arriver d’oublier que je m’adressais à des non-initiés, dans l’excitation de partager sur un sujet me passionnant ; ce qui peut se produire encore aujourd’hui. « Je m’éloigne, mesure de précaution. » Je ne pouvais me retenir de plaisanter, c’était dans ma nature, dans ma manière de mettre à l’aise. Après tout, ne blesser personne lors d’un premier lancer s’avérait une réussite en soi.

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« Je suis justement têtu et j’ai du temps devant moi. » Ce début de réponse et ce qui suivit me fit sourire. J’appréciais l’énergie qu’il dégageait. « C’est le bon état d’esprit. » La ténacité, la persévérance annoncée sur une activité sur le point d’être découverte, ça m’amusait, ça me rendait curieux de le voir à l’œuvre. Je ne comptais donc pas le lâcher et c’était pour cette raison que je lui avais aussitôt proposé de se lancer – ou plutôt de lancer la hache – avec quelque conseil initial. Je ne souhaitais pas donner toutes les astuces dès le départ, ça pouvait faire beaucoup trop à assimiler d’un coup et c’était moins sympas à observer. Après une plaisanterie, je reculai de quelques pas. A cet instant, mon attention était complètement portée sur lui, sur ses gestes, sur son positionnement. Quand on me connait, et d’autant plus quand on me connaissait à cette époque, on sait que j’étais incapable de ne pas profiter de la vue. Quitte à avoir les yeux posés là, autant en tirer tous les bénéfices.

Le premier lancer fut effectué. Sans surprise, la hache ne se planta pas dans la cible ; elle ne se planta pas du tout. Pour autant, c’était loin d’être mauvais pour un premier essai. Je n’eus cependant pas le temps de commenter qu’il commença à analyser son lancer, à formuler ses propres hypothèses sur la raison de cet échec. Celles-ci semblaient d’ailleurs partir dans une bonne direction. Mais avant de pouvoir répondre, je fus de nouveau pris de court au moment d’ouvrir la bouche. Je ne m’attendais pas à ce qu’il parte récupérer sa hache, au sol un peu plus loin dans le couloir. Un doute me prit et je vérifiai le seau au point de lancer, qui contenait bien quatre haches supplémentaires. Je mis cela sur le compte d’un comportement machinal, ce qui provoqua un nouveau sourire amusé.

Vint alors un commentaire qui me mit des étincelles dans les yeux. Il y avait peu de sujets pour lesquels je pouvais m’emballer, j’étais davantage du genre à m’emballer pour les conneries, bien que je me sois calmé depuis la naissance de Timothée. « En vérité, le but premier des haches de jet, ce n’était pas forcément de blesser, de tailler dans la chair. L’objectif était de désarçonner l’adversaire, de le faire tomber de sa monture. S’il y avait des dégâts additionnels, ce n’était que du bonus. » Je continuai mes explications en précisant qu’une hache aurait peu de chance de blesser face au métal d’une armure, mais que l’impact suffisait pour se passer de la précision parfaite. J’ajoutai qu’en plus d’être une arme de jet de courte portée, la hache avait cet avantage de pouvoir servir au corps-à-corps. Lorsque mon interlocuteur revint à ma hauteur, je m’interrompis, constatant mon emportement. Je n’étais absolument pas embarrassé par le fait de dispenser du savoir, d’autant plus que je n’avais pas été celui abordant le sujet. Puis je n’étais pas du genre à avoir honte de mon enthousiasme.

« Comment c’était pour un premier essai ? » Dans un premier temps, je voulais rester synthétique. « La visée et la tenue de la hache, c’est plutôt pas mal. Le reste, c’est à ajuster, mais c’est normal, c’est pour ça que je suis là. » Étais-je en pleine confiance ? Oui, sans l’ombre d’un doute. C’est pourquoi j’ai réduit la distance entre lui et moi. « Est-ce que c’est ok si je pose mes mains sur toi, pour t’aider à prendre les bons gestes et les bonnes postures ? » Je demandais de manière systématique car certains ne voulaient pas, et j’ai toujours respecté ça. Mais ce n’était pas la seule question que j’avais en tête. « Et, tu es droitier ou gaucher ? » Niveau informations, je devais être bon avec ça. Pour le reste, la leçon allait démarrer. « Pour tes mains sur le manche, c’est ta main dominante qui vient tout au bout, l’autre main se place juste au-dessus, comme tu l’as fait tout à l’heure. » Prononcer cette phrase sans y mettre le moindre sous-entendu relevait de l'exploit, mais j’avais vu la mère de famille et ses deux enfants dans le couloir voisin et ne souhaitais pas créer d’incident. J’aurais pu, cependant, et j’avais considéré l’option. Je me penche légèrement pour me saisir d’une hache à mon tour, j’en aurai besoin pour servir de modèle. « Pour le lancer, on tient la hache devant soi, manche perpendiculaire au sol. D’abord on actionne l’épaule jusqu’à ce que le bras soit perpendiculaire au corps, puis on actionne le coude pour que l’avant-bras soit perpendiculaire au bras. Ça fait beaucoup d’angles droits. » Je m’activai pour associer le geste à la parole. « Ensuite, on envoie, et le bras dominant doit finir tendu, parallèle au sol. En fait, une fois la hache au-dessus de la tête, l’épaule est verrouillée, le poignet est verrouillé, tout est dans le coude. Tu essaies ? » J’attendais désormais de voir ce que ça allait donner avec ce premier point de méthode.

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Je m’interrogeais. Cela ne m’empêchait pas de continuer à expliquer et montrer l’exemple par les gestes, mais j’avais une sorte de présentiment. Je n’avais pas de mal à repérer lorsque je faisais mon petit effet sur quelqu’un, ce qui – aussi prétentieux que cela puisse sonner – s’avérait assez fréquent, d’autant plus lorsque c’était ce que je cherchais. Là, ce n’était pas le cas, où tout du moins pas de manière consciente. Je poursuivais donc, tout en constatant le trouble. En temps normal, j’aurais tenté quelque chose sans prendre le temps d’y réfléchir à deux fois. Surtout que j’avais tous les éléments pour me mettre en avant, pour rouler des mécaniques. Au passage, je récupérais les informations afin de prodiguer de meilleurs conseils et ajuster les positionnements. Je n’avais aucune gêne à venir au contact, peut-être m’en aurait-il fallu plus dans certaines situations. Là, ça allait, je ne calculais pas vraiment. Si je suis parfaitement honnête, j’étais possiblement un peu trop concentré sur les haches, pour l’être sur ses hanches. Enfin, je dis ça, mais je faisais également attention à la position de son bassin, au fait qu’il soit bien face à la cible, dans l’alignement pour lancer. Il en allait de ma responsabilité, même si cela m’arrangeait bien.

J’observais le nouveau lancer, au résultat similaire au premier, mais à la technique tout de même améliorée. C’était exactement ce que j’entendais par peu gratifiant. Mais je n’eus rien à dire que je le vis se saisir d’une deuxième hache pour retenter. Je fis le choix de rester silencieux, d’observer, de le laisser se concentrer. S’il avait eu des questions, des doutes, il m’aurait demandé ; s’il y retourne, c’est que ce n’était pas le cas. Et j’avais eu raison, ce qui n’avait rien de surprenant. Les gestes étaient repris, et la hache fut lâchée un peu plus tôt. Elle se planta, ce qui – je dois le dire – me surprit. Je ne pensais pas voir une hache s’enfoncer et rester dans la cible aussi rapidement. « Propre. » J’étais assez satisfait, car mes conseils s’étaient avérés utiles, je pouvais en voir les résultats. Cela demandait parfois plus de temps, parfois la chance accordait davantage de réussite dans les premiers essais. Je ne tenais cependant à déposséder mon lanceur en herbe de cette victoire. « Avec plaisir, je suis là pour ça. Ce qui risque d’être plus difficile maintenant, ça va être d’ajuster pour le centre de la cible, parce que mieux viser, ça voudra dire que la hache va taper avec un angle différent et pas forcément se planter. » Je n’aimais pas être rabat-joie, alors je ne tenais pas à terminer sur la difficulté à venir. Il fallait valoriser la réussite, qui méritait de l’être. « Mais c’est déjà vraiment pas mal ! »

Lorsqu’il me demanda s’il pouvait rester à son couloir de lancer, je ne pus réprimer un sourire. Je ne pouvais qu’apprécier le fait qu’une personne cherche à poursuivre une activité que je faisais pratiquer, et que je pratiquais moi-même. Je regardais autour de moi, personne ne semblait attendre, la file n’était plus, et nous avions un couloir de libre au stand. « Pas le moins du monde, maintenant que le rush est passé, tu as tout ton temps. » Cela me convenait bien, car la pression induite par l’affluence me poussait à demander à des gens de s’en aller, alors qu’ils étaient venus pour découvrir mon activité, après un temps trop court à mon goût. L’argument de permettre à tous d’essayer le lancer de hache demeurait valide, et je m’y pliais, mais je préférais pouvoir accorder davantage de temps dès que cela m’était possible. Puis la compagnie que j’avais à cet instant s’avérait fort agréable, ce qui avait une influence certaine.

Je ne m’attendais cependant pas à voir arriver d’autres questions, toujours en lien avec le lancer de haches, certes mais je ne pouvais m’empêcher d’y voir une bascule sur ma personne. Dans mon esprit, le cumul du trouble perçu un peu plus tôt et ce léger glissement de la conversation ne pouvait vouloir dire qu’une chose : j’intéressais. Il est évident que mon égo était flatté, et je profitais de me trouver deux pas en retrait pour ne pas avoir à dissimuler ce petit sourire satisfait. « Pour faire simple, je suis passionné d’histoire médiévale depuis tout petit, sans doute de la prédisposition génétique. En grandissant, je me suis mis aux reconstitutions historiques, et c’est comme ça que j’ai découvert le lancer de haches. » Après un rapide calcul, je grimaçai : cela faisait quatorze ans que j’avais commencé les reconstitutions. Ce chiffre faisait un peu trop mal. Heureusement pour moi, je fus sorti de ce début de pensées par une nouvelle question qui m’arracha un léger rire. « Non, du tout, ce n’est rien de plus qu’un hobby. Et un bon moyen de s’amuser en buvant une bière ; même si ça s’arrête rarement à une seule bière et que ça finit par jouer sur la précision. » Ma réflexion me conduisit à considérer que lanceur de haches et vétérinaire avaient plus de points communs que ce qu’on pourrait croire. Les deux activités nécessitent une grande maîtrise de soi et une précision infaillible, certaines interventions peuvent s’avérer musclées, il faut régulièrement faire preuve de force physique. Puis, bien évidemment, la concentration.

Le couloir d’à côté se libéra, je saluai poliment la petite famille qui s’éloignait. J’eus une hésitation quant au fait de prendre leur place et m’installer pour quelques lancers. Après tout, la file d’attente n’était plus, alors je n’aurais dérangé personne. Je m’y refusai cependant, car je devais conserver un œil sur les festivaliers découvrant l’activité, car la vigilance restait de mise : il s’agit de haches dans les mains d’inconnus. Je restai donc en place, attentif tout en cherchant à poursuivre l’échange en cours. Je fus cependant interrompu avant même d’avoir pu relancer par la radio accrochée à ma ceinture. « Joe pour Eddie, on a un souci avec un pokémon, on a vraiment besoin de toi au camp. On envoie quelqu’un aux haches pour te remplacer. » Je ne m’attendais pas à devoir intervenir durant le festival en tant que vétérinaire, même si cela s’avérait logique puisque j’étais déjà sur place et aisément joignable. Je n’attendis donc pas avant de porter le talkie-walkie à mes lèvres. « Eddie pour Joe, bien reçu, j’arrive. » Cependant, avant de prendre la direction du camp, je me raclai la gorge avant de m’adresser à celui que j’accompagnais les minutes précédentes. « Désolé, je dois filer, une urgence apparemment. Et, si jamais on se recroise au cours des prochains jours, je m’appelle Eddie. » Ou s’il me trouve sur une quelconque appli de « rencontre ». Un dernier sourire, et je me hâtai en direction du camp, tentant de prendre des informations sur la situation qui m’attendait. Je savais qu’il n’y avait plus une seconde à perdre.

*****

Devoir soigner la patte de cet Etouraptor, rassurer son dresseur derrière puis passer le relais aux soigneurs qui étaient arrivés m’avaient pris le reste de la matinée. J’ai donc déjeuné avec une partie de l’équipe, plus tôt que prévu, avant d’être envoyé à la forge. Il s’agissait du stand auquel j’étais rattaché les après-midis. Mon savoir s’avérait limité sur les processus de fabrication des armes médiévales, mais mon rôle là-bas n’était pas de partager mes connaissances sur le sujet, quelqu’un d’autre le faisait. J’étais là pour illustrer le propos, pour mettre en action les explications données par le forgeron. Dans la fournaise que représentait la forge, il n’était plus question de porter la maille que j’avais jusque-là. Je laissais également tomber la tunique et me limitais au tablier et aux gants, règlementaires. Pour être parfaitement honnête, je ne savais pas vraiment ce que je faisais ; ou plutôt je n’avais aucune maîtrise de l’artisanat que je réalisais. J’exécutais les actions énoncées, sans que le rendu soit forcément au rendez-vous. Cela n’empêchait pas tout cela d’être particulièrement physique. Heureusement que j’avais la condition pour !

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