D’un geste rapide de l’index, elle glisse son doigt sur la goutte de sang qui commence à perler et le lèche du bout de ses lèvres. Ce n’est rien. Rien qui l’empêchera d’avancer pour mieux voir qui sont les intrus qui osent pénétrer ainsi dans une terre qui n’est pas la leur.

Cette planète a toujours bénéficié d’une « paix » fragile.
(Est-ce véritablement une paix ?)
(Non, sans doute pas.)

D’un équilibre, dirons-nous, qui fait que chaque clan reste la plupart du temps renfermé dans son coin, à croire que son dieu est « LE » Dieu. A croire que leurs croyances valent mieux que celles des autres, à croire qu’ils sont dans le Vrai quand les autres ne sont que des charlatans, des dissidents perdus dans une foi absurde, illusoire et stérile.

C’est ce que moi – narratrice – je saurais en dire.

India ne le voit pas ainsi. Elle est la Protectrice. Elle est de ceux qui se savent dans le vrai, ceux qui n’ont aucune hésitation en la matière et qui donneraient leur vie sans hésiter à la protection du culte et l’élévation vers Giratina. Car lui seul compte. Eux ne sont pas que des pions, des soldats voués à ce que le plan du Père puisse s’exercer. Eux seuls seront les colons d’une nouvelle terre, d’une nouvelle ère, d’une nouvelle chance, celle qu’il leur accordera s’ils prouvent qu’ils sont à la hauteur.

Et pour être à la hauteur, ils ne doivent pas faillir. Ils ne doivent pas faire demi-tour et encore moins admettre que des étrangers pénètrent dans leurs terres en toute impunité. Une venue qui devrait la laisser songeuse, d’ailleurs… pour arriver jusqu’ici, ces intrus ont frôlé le territoire du Lac. Comment se fait-il qu’ils aient pu venir jusqu’ici ? Comment n’ont-ils pas pu être vus ? Ils ne sont que trois, c’est vrai…

Mais c’est trois de trop. Les éclaireurs du lac, les protecteurs n’ont rien vu ? N’ont-ils pas agi ? Autant de questions qu’elle devra poser en un autre temps. Car le moment n’est pas le bon, elle doit déceler leurs intentions. Elle doit agir, d’une façon ou d’une autre, pour leur rappeler qu’un tel acte ne sera pas impuni.

Sur cette planète l’équilibre est fragile, et ne doit pas être bouleversé, car d’aucuns ne le pardonneront pas.

Quand on est entraînée – conditionnée – pour défendre, on sait que la meilleure défense, c’est l’attaque. N’est-ce pas ?

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(408 mots)

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Il faut qu’elle s’approche encore un peu et, enfin, elle les distingue mieux. Deux hommes, une femme. Des tresses complexes sur leur tête, des tenues aux couleurs de ceux qui prônent un autre dieu : Palkia. Ceux qui n’ont pas peur d’attendre, en général et sont convaincus que ce n’est pas ni le « si » ni le « comment » leur Dieu viendra à eux. Il viendra et ils le pensent sans faillir. La question reste de savoir quand, car tout leur culte et son héritage se base justement sur la perception du passé et de l’avenir. Que tout est un éternel recommencement… sans l’être tout à fait. Tout est une question du « bon moment ». Une question de timing.

De ses yeux perçants, elle scrute les silhouettes, incapables de détecter leurs intentions. Ils avancent de front, observant autour d’eux et manquant clairement de vigilance, si elle pouvait le dire ainsi. Néanmoins, ils ne sont pas seuls. Elle remarque, sur l’épaule de la femme, qui avance au milieu, la présence d’un volatile au plumage sombre ; un Cornèbre. Ont-ils d’autres pokémons avec eux ?

Dans l’immédiat, elle n’en voit rien mais plisse tout de même les yeux en regardant de gauche à droite, autour d’eux. Peut-être ne sont-ils pas si inconscients que cela ? Le Cornèbre va leur venir en aide, nécessairement… ne devrait-elle pas le viser lui, en premier ? Ou celle qui semble être sa « maîtresse », si le mot s’applique. Tout comme jamais il ne lui viendrait l’idée d’être la « maîtresse » du Gueriaigle qui l’accompagne, elle se demande ce qu’il en est.

D’ailleurs, avant d’agir, elle lève les yeux au ciel, devinant entre deux branches épaisses la présence de son allié, continuant ses cercles en hauteur. Le Cornèbre l’a-t-il remarqué, lui ? Difficile à dire tant il se tient droit, pour le moment.

Il faut qu’elle agisse. Profiter de l’instant de surprise, d’avoir la possibilité d’attaquer la première. Pas glorieux ? Mais qu’est-ce qu’on s’en fiche, de la gloire, dans un moment pareil ! Ils sont trois, elle est seule. Bien sûr qu’elle doit profiter de ne pas avoir repéré pour attaquer la première ! Il n’y a pas à hésiter. L’hésitation mène à la mort. C’est pourquoi, elle bloque sa respiration et récupère d’un geste habile l’arc dans son dos, puis une flèche qu’elle commence à positionner.

Un tir, dans le cœur de la femme, pour commencer. Avec un peu de chance, ils ne verront pas le coup venir.

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(416 mots)

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En silence, d’une main experte, elle bande son arc. La corde entre ses doigts, l’œil fermé pour mieux viser de l’autre. Elle maîtrise sa respiration quand… tout va trop vite. L’espace d’une micro seconde, une ombre noire sur sa gauche et elle est projetée en arrière, une énorme masse poilue la surplombe. C’est un Grahyèna, tout de crocs et de colère, qui dont elle essaie de se défendre. Elle positionne son arc de travers, afin de s’en servir comme bouclier, pour éviter que l’animal parvienne à la mordre au visage, comme il semble bien décider à le faire.

Le dos touchant le sol, elle se débat, n’ayant pas le temps de comprendre que derrière, les inconnus ont bien saisi qu’ils n’étaient pas seuls. Eux aussi, s’arment et s’avancent à grandes enjambées vers le pokémon et sa proie. Tout en se débattant, India siffle entre ses dents, comme elle a appris à le faire. Si elle doit avoir affaire à un pokémon, autant que le combat soit équitable !

Maintenant, c’est une autre ombre, plus élancée et aux ailes déployées qui fond droit entre les branches des hauts arbres. Ni une ni deux, l’oiseau protecteur agrippe le Grahyéna de ses puissantes serres pour le surélever quelque peu. Le Grahyéna couine de douleur et India en profite pour rouler sur le côté, de quoi se défaire de l’emprise de l’animal qui remue comme un forcené. Déjà, India a récupéré sa dague et fait des mouvements pour tenir à portée quiconque s’approcherait.

Quiconque devient clairement concret lorsqu’un premier homme fait son apparition à son niveau. Derrière le Cornèbre s’élance pour s’en prendre au Gueriaigle et le forcer à lâcher sa proie. On s’agite dans tous les sens et, concentrée sur ce qui se passe devant elle, India ne réalise pas la plaie sanglante qui orne désormais son visage. Un mauvais coup de griffe du pokémon Ténèbres qui laissera probablement une trace indélébile.

Enfin, comme si cela comptait en cet instant… C’est sa survie qui l’intéresse. Sa survie et celle de son allié, tout de plumes et de serres, lui aussi. Elle lui fait confiance pour se débarrasser sur Cornèbre, mais cela ne se fera probablement pas sans lâcher le Grahyéna… et déjà, une flèche manque de peu le Gueriaigle et le regard de la protectrice s’assombrit. Derrière, le deuxième homme a lui aussi sorti un arc.

Elle est seule contre trois humains et deux pokémons.

« Qui êtes-vous ?! »

Et elle doit répondre à des questions absurdes.

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(414 mots)

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Elle fixe l’homme au Grahyéna, très probablement, sans un mot, le visage fermé. Pourquoi devrait-elle dépenser de sa salive à leur répondre ? Ils vont mourir. Ou elle va mourir. A quoi bon ? Ce n’est qu’une question de temps, comme ils doivent si bien le savoir, alors elle se contente de souffler d’un air mauvais. « Je n’ai pas à te répondre, chien de Palkia. » Un chien qui entraîne un autre chien, l’ironie.

L’autre se crispe. « Attaque-la. » Pas plus de mots, la question était très probablement rhétorique, car déjà le chien des ténèbres se jette sur elle, à nouveau. Elle est mieux préparée pour l’accueillir, cette fois, car elle se courbe pour subir le choc, sa main gauche à l’horizontale, devant elle. De l’autre main, elle maîtrise sa dague. La fourrure du Grahyéna saigne par endroits, c’est là qu’elle devra viser. Ce qui ne rend pas plus agréable l’attaque de l’animal, les crocs qui traversent le tissu…

India serre les dents, elle a été entraînée, elle saura subir. La femme, derrière, s’avance à son tour, visiblement moins déterminé que son compère. Son regard va de son Cornèbre à celle qui se défend contre un Grahyéna quand, brusquement, un son de voix qu’India reconnaît bien.

« Arrêtez ça. »

Mohan. Toujours à jouer les héros, celui-là. Si elle n’était pas dans une situation fort peu confortable, je suis certaine qu’India trouverait à lever les yeux au ciel. … Sauf que cette fois, on peut dire qu’il tombe à pic. Il faut un moment pour que chacun se retourne, que le maître rappelle son Gahyéna et qu’India puisse se redresser, tout en reprenant son souffle.

Mohan, donc. Une dague sous le cou du deuxième homme, celui resté en retrait et qui visait le Gueriaigle de son arc. D’un coup d’œil, India constate d’ailleurs que son ami ailé va bien, si on met de côté l’une des flèches plantées dans son flanc. De quoi faire renaître la rage qui habite la jeune femme.

« Que venez-vous faire ici, étrangers ? »

Sa voix claque avec une froideur qui contraste avec le ton qu’il prenait avec elle, quelques minutes plus tôt. « On se promène. C’est interdit ? » C’est celui qui a une dague qui glisse sur son cou. Est-il donc inconscient ? Il dit cela avec provocation, comme s’il n’avait pas peur de mourir.

Parce que c’est sans doute ça. Il n’a pas peur de mourir.
C’est pour ça qu’ils sont ici.

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Mohan n’ajoute rien et détourne ses yeux vers la femme, plus proche de lui. Il lève sa dague plus haut encore, de façon à ce qu’elle touche la pomme d’Adam de sa victime. L’homme qu’il surplombe, dans son dos, ne semble toujours pas prendre la mesure de la situation et garde un léger sourire en coin. Un sourire qui aurait de coin agacé le premier venu… mais, même si cela fait mal de le reconnaître, Mohan n’est pas le premier venu. Il n’est pas fils de la Pierre pour rien, il sait rester impassible quand il le doit. Comme en cet instant.

Alors son regard se porte lourdement vers la femme au Cornèbre. Elle, elle a un regard allant tantôt de celui menacé d’une dague, tantôt à l’autre homme, celui au Grahyéna. Elle a l’air de chercher des réponses sur le visage de l’un ou de l’autre, comme si elle n’avait pas elle-même les mots. Quand elle parle, c’est d’une voix aiguë, qui trahit mal son doute.

« Nous, nous sommes venus…
- Chercher à manger. »

C’est l’homme le plus proche d’India qui la coupe. Il a une voix grave, qui claque et semble sans appel. Chercher à manger ? « Comment ça ? » La voix d’India se joint à l’échange. Elle est sceptique et étonnée. Les suiveurs de Palkia habitent plus loin à l’Ouest. Dans une zone avec de grands champs qui s’étendent à perte de vue.

« Le vent chaud brûle nos récoltes. Des incendies ont mis à mal nos réserves... »

Est-ce vrai ? Comment pourrait-elle le savoir ? Comment Mohan lui-même pourrait le savoir ? Ils vivent en autarcie sur leur territoire, chacun se renfermant sur les terres qui sont les siennes. Ils n’ont pas d’oeil sur ce qui se passe autour. Pas la volonté d’aller au-delà de leurs frontières. Les clans qui s’opposent le savent. C’est sur ça que repose « l’équilibre ». Cet équilibre précaire qu’il ne fait pas malmener. Chaque clan son espace. Chaque culte son territoire.

Il existe des zones « partagées », bien sûr… seulement on évite de trop s’y aventurer. On presse le pas de peur de ne pas voir venir ici la flèche, là le piège qui signerait son arrêt de morts. Nombreux sont ceux qui s’y sont essayés et n’en sont jamais revenus.

Et il est facile de se dire qu’ils se sont « égarés », plutôt que de chercher à savoir le sort véritable qui les a attendus.

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Silencieusement, le regard d’India se fixe sur celui de Mohan, plus loin. Elle essaie de faire passer à travers ses pupilles toutes ses interrogations. Comment savoir s’ils disent vrai ? Et quand bien même… pourquoi chercher à le savoir ?

«  Vous savez que vous n’avez pas à venir ici. Ce sont nos terres. Vous n’êtes pas les bienvenus. » Douce manière de les prévenir du danger de mort qui leur serait réservé, si les choses n’avaient pas pris une telle tournure. S’ils n’étaient pas trois contre une. Une et demi, songe-t-elle en détaillant Mohan. Il a le chic pour surgir de nulle part… elle ne peut nier qu’il a eu un bon timing, cependant. Elle ne serait peut-être pas en état d’écouter cette conversation, sans ça.

La mort ne l’effraie pas, mais si elle devait choisir elle préfère une mort glorieuse. Une mort dont on pourra se souvenir. Une mort avec un sens. …Se battre contre des intrus du clan Palkia a du sens, à bien y regarder de plus près, seulement, elle aimerait vivre encore. Vivre pour comprendre pourquoi ils osent s’aventurer jusqu’ici. Vivre pour vivre le jour où le grand Giratina viendra les voir, les remerciera et les élèvera. India est convaincue que cela ne saurait tarder. Le clan fait ce qu’il fait pour. Le clan se prépare.

Bientôt, ils partiront.

En attendant, ils doivent quand même faire avec ce genre d’intrusion et ces explications dont elle voudrait n’avoir que faire. Elle remarque bien que Mohan, lui, est moins déterminé, car lorsqu’il reprend la parole…

«  Vous n’avez pas à venir ici pour vous servir. Vous n’en avez pas le droit. Mais… je peux consulter les anciens. Si vos sages viennent jusqu’à nous, nous pouvons...
- Non.
- Nous n’avons pas le temps. »

Les deux phrases claquent au même moment. Deux voix qui se chevauchent. L’une en un seul mot, c’est India. La simple idée que ces hérétiques puissent venir se servir dans les réserves durement préservées par les tribus la révolte. Ils ont sué sang et eau, comme à chaque saison, pour réussir à rassembler suffisamment de vivres pour chacun. Comment ne serait-ce qu'envisager une telle générosité ? Et l’autre, celle de l’homme aux cheveux de cendres, qui semble faire office de leader. Lui, un partisan de Palkia, parle de manquer de temps ! N’est-ce pas un comble ? Cela fait naître sur les lèvres de la protectrice un sourire sombre, malgré le sang qui coule de ses plaies.

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(414 mots)

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« Ironique, pour serviteur du Maître du Temps ! »

Elle a beau être dans une mauvaise position, elle articule ça avec tout le dédain que ça lui inspire. D’un geste, l’homme au Grahyéna, le plus proche d’elle, se retourne et la fusille d’un air crispé, le regard sombre. Elle le soutient d’une droiture qu’elle a toujours eue. Il ne gagnera pas sur ce terrain, elle a supporté bien des remarques dans sa vie et ce n’est certainement pas un hérétique qui la déstabilisera.

Ils viennent jusqu’à chez eux, piétinent leurs terres, les attaques et viennent se plaindre d’un manque de temps. Et puis…

« Pourquoi venir jusqu’ici ? »

Mohan a été plus rapide qu’elle, mais ils suivent le même train de pensées. Dans un autre contexte, cela la vexerait très certainement, mais là, c’est la réponse qui l’intéresse.

« Vos terres regorgent de ressources, de ce que nous savons.
- De ce que vous savez ?
- Je me demande bien qui vous a donné ces informations. Nous sommes comme vous, soumis aux aléas du soleil et de la pluie et aux humeurs changeantes de notre terre. »

Si elle pouvait parler, India supplierait Mohan de ne pas trop en dire. S’il est trop honnête, s’il évoque leur difficulté à cueillir et chasser autant qu’ils le faisaient à une époque, ce serait s’avouer faibles. Ce serait présenter une face abîmée à des gens dont elle n’a aucune confiance et qu’elle veut au mieux, voir repartir d’où ils viennent, au pire, saigner comme des cochons. (ou vice-versa, à votre convenance)

Ils n’ont pas à savoir ce genre de choses. Ils n’ont pas à venir par ici, de toute façon. Alors pourquoi croient-ils qu’ils vont être écoutés, ici ? Qu’espèrent-ils obtenir ?

« Nous ne vous donnerons rien.
- Nous ne sommes pas venus pour demander. »

La poignée d’India se resserre contre sa dague, tandis qu’un piaillement agacé lui fait lever les yeux au ciel. Plusieurs mètres au-dessus d’eux, Gueriaigle s’agace de la présence trop envahissante du petit Cornèbre qui l’attaque à coups de bec. Qu’il s’en débarasse. Autant qu’il profite de l’accalmie entre les humains. Celui qui a son arc à la main s’est mis en position d’attente. S’il est malin, il a compté ses flèches et se demande qui il sera le plus intelligent de viser. C’est en tout cas ce qu’India a dans la tête, en cet instant. Son arc a été amoché mais elle pourra certainement en tirer quelque chose, s’il le faut.

(et il le faudra sans doute)

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(420 mots)

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Mohan lui jette des coups d’oeil qu’il veut certainement furtifs mais qui ne passent pas inaperçus. Si elle les voit, les autres les voient aussi. Elle comprend bien qu’il la supplie de ne rien faire qui les mette dans une situation plus compliquée encore. À quoi bon ? Ils sont en sous-nombre, dans l’immédiat. Il faudrait que tout se coordonne miraculeusement pour qu’eux deux en sortent indemnes.

Très égoïstement, elle voudrait que ce soit elle.

Ne vous y trompez pas, être la Protectrice ne veut pas dire qu’elle est prête à sacrifier sa vie pour le premier venu. Au-delà de son clan c’est sur sa tribu qu’elle veille, et c’est cette même tribu qui a besoin qu’elle vive. Qu’elle vive autant qu’elle le pourra et comme elle le pourra. C’est pourquoi elle soutient le regard du brun avec un visage fermé. Si elle le veut neutre, elle n’y parvient pas.

Car elle est en colère. En colère contre la tribu du Lac qui n’a rien vu (rien fait ?) et qui a laissé passer ces intrus. Contre ceux qui lui ont indiqué la présence de trois individus sans lui donner plus d’informations. Contre elle enfin qui s’est fait repérer comme une gamine de huit ans qui jouerait pour la première fois dans la forêt. Elle n’avait pas vu le Grahyéna. Elle ne s’attendait pas à cette présence animale qui a repéré en une fraction de seconde la perle de sang sur son doigt. Car c’est bien à cause de ça que tout a dégénéré.

Et désormais, chaque parti se scrute. Seuls les volatiles continuent de s’agiter, comme si leur affrontement était à part, qu’il n’avait rien à voir avec tout le reste. C’est faux pourtant. Cet affrontement dans les airs est une prolongation de ce qui se passe plus bas. Comme la représentation de ce qu’ils voudraient faire, tous : lancer des flèches, sortir les crocs, les dents, dépecer, arracher, attaquer…

Elle siffle entre ses lèvres et surprend tous les autres, qui pensaient être face à un statu quo. Elle siffle et dans un grand bruissement d’ailes, le Gueriaigle se dégage violemment de sa proie embêtante, le tenant à distance. Oui il est blessé, oui une partie de son plumage est rougie par cette flèche qui a su viser juste. Le Cornèbre se redresse au dernier moment, manquant de tomber au sol sous la puissance de la manœuvre. Il est tout petit et l’envergure du Gueriaigle en fait sa force.

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(410 mots)

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