(ou comment Santiago crush un peu trop sur Darren Taylor...)
Cela fait trois heures, désormais, qu’ils sont dans l’immense bâtiment où les prestations et les préparations pour l’émission The Artist vont se dérouler. Comme il pouvait l’imaginer, ça fourmille de vie, de techniciens, d’assistants et de personnes dont il n’a pas encore parfaitement cerné les rôles. Il y a du monde, en tout cas. Ça oui. Au milieu de tout cela, même s’il est toujours dans l’euphorie de ce premier jour, de la découverte, il commence à se sentir quand même… un peu petit. Ce n’est qu’une passade, bien sûr. Un peu comme lorsqu’avec les Oz ils font des concerts à l’occasion de « tremplins », des trucs où ils ne sont qu’un groupe parmi les autres qui cherchent à sortir du lot. Oui, voilà, c’est une sensation un peu semblable, mais décuplée. Largement décuplée.
Tout est plus grand, ici. Ce n’est pas un petit public de bar, ou de Fête de la Musique. Non. Ce sera un public devant la scène, de plusieurs centaines de personnes, mais surtout, ce sera un nombre incalculable de gens devant leurs écrans, sur leurs smartphones et leurs télévisions. Des curieux, des envieux, des personnes qui zapperont et regarderont peut-être en mode « c’est quoi ça ? », autant de gens qu’il faudra peut être convaincre, ou dont il faudra retenir l’attention, tout du moins. En est-il capable ? … Il le croit.
La modestie n’a jamais été son fort. S’il se sent bien, en maîtrise, et qu’il croit en ses chances, pourquoi se cacher ? Il aime croire qu’il n’est pas là par hasard. Les entretiens, l’audition, il les a réussis de lui-même. L’influence de Safia ou de Lady Hemlock n’ont rien à faire dans l’histoire. Ce qu’elles ont réussi à lui donner, toutefois… c’est une confiance en lui renforcée. Une assurance plus aiguisée encore, et des tenues (« des », ça a été vu avec la prod’) dans lesquelles il se sent – et se sentira, il en est certain – bien.
Ce soutien là… ce n’est pas rien. Il sait que c’est donnant-donnant, autant que possible, et que les recommandations qui lui ont été faites devront être mises en application, mais c’est quand même une façon aussi de reconnaître son talent. Enfin… il le voit comme ça. Ce « talent » qu’il n’a pas vraiment exploité depuis un certain temps, d’ailleurs. Uniquement lors de l’audition avec les gens de la production. La coordination. C’est l’occasion ou jamais de (re)faire ses preuves. À la télé. Devant des milliers de personnes, si ce n’est plus.
Darren Taylor, c’est le coup de cœur, au hasard d’une vidéo sur les réseaux sociaux. Puis des extraits de journaux qu’il présentait anciennement sur une petite chaîne locale d’Unys. Habitant Alola, c’est forcément par Internet que Santiago a découvert l’existence du présentateur. Il faut dire que le blond a une fanbase qui n’a pas fini de grandir. Sans doute comme n’importe quel habitué de la télé qui a la chance d’avoir une belle gueule. Car oui, dites pas le contraire ! Bien sûr qu’il a une belle gueule, avec ses cheveux blonds à l’ondulation naturelle, ses yeux vert-bleu, sa stature qui présente bien… Vus les memes qui existent sur le bonhomme, ce sera difficile à contredire.
Donc oui, Santiago l’a découvert comme ça. Il avait regardé quelques trucs et il était passé à autre chose. C’est Astrid qui l’a rattrapée à ce sujet, lorsque Darren a gagné du galon et a participé à une émission en soutien à je-ne-sais-plus-quelle-cause. Charismatique et engagé, forcément, ça fait gagner des points dans le cœur des ménagères qui l’imaginent en gendre idéal, celui des jeunes filles qui fantasment dur dessus et pourquoi pas de bien d’autres, aimantés par ce regard qui donne la sensation d’être le sujet le plus intéressant au monde. Parce qu’il sait en jouer, de sa belle gueule, le Darren Taylor. Le sourire en coin, les regards appuyés droit devant lui comme s’il entrait dans le salon de tous ses téléspectateurs… il sait y faire.
Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il ait récemment intégré TS1 et en soit devenu l’un des présentateurs vedettes. Rien d’étonnant non plus à ce que les fans – ou appréciateurs – soient de plus en plus nombreux. Ne vous attendez pas cependant à ce que Santiago se dise « fan », il ne l’est pas. Factuellement, il ne l’est pas. Il ne va pas regarder chaque show, chaque émission, ou la rediffusion des anciens JT présentés par Darren (il y a réellement des gens qui font ça ? … oui, ça doit exister). Lui, ce qu’il aime, chez celui qui va faire office de grand chef d’orchestre de l’émission, c’est sa plastique (hé, pourquoi mentir ?!) et l’idée qu’il s’en fait, à travers les petits sourires, les phrases en sous-entendu qui peuvent sortir parfois et ces yeux… comment ne pas aimer ces yeux ?
Les mêmes yeux dans lesquels il se perd, à l’instant.
Une dizaine de minutes plus tôt, on est venu frapper à la porte de sa loge, comme celles des autres participants. « Suivez-moi, on va faire un brief de bienvenue, et en profiter pour vous indiquer l’organisation des jours à venir jusqu’au Prime de samedi. » C’est Heidi qui est venu toquer et qui les a guidés jusqu’à la salle de réunion.
C’est là qu’ils sont donc tous, autour d’une table ronde, avec des boissons au centre de la table et chacun son ecocup estampillée « The Artist - TS1 », à écouter les différents acteurs de la production, de la technique, puis Darren… Forcément, c’est là qu'il scotche, Santiago. S’il a écouté les précédents passages, cette fois son esprit dérive. Sans qu'il ne détourne pour autant le regard du visage de l'animateur, le brun joue distraitement avec le gobelet devant lui, en des gestes inconscients.
Darren, lui, finit par le remarquer. Naturellement, habitué à l’exercice de la prise de paroles face à toutes sortes de public, il n’est ni intimidé ni déstabilisé. Il sait ce qu’il doit dire : souhaiter la bienvenue aux candidats, les rassurer quant aux déroulements de ces trois semaines à venir et leurs rappeler quelques bonnes pratiques en prévision du Prime-time, autant que vis-à-vis de la présence quasi constante des caméras autour qui filment les coulisses du show.
« … bien entendu, nous allons vous préparer tranquillement pour le premier show. L’essentiel c’est de rester vous-mêmes, c’est pour ce que vous êtes que vous avez été sélectionnés. » Tandis qu’il parle, ses yeux glissent naturellement sur ses différents interlocuteurs. Les quatre participants, bien entendu, mais aussi les autres présents, plus ou moins collègues ou gens de l’ombre avec qui il aura à travailler. Pour lui aussi c’est une première, après tout, de chapeauter une émission de cette ampleur, et en prime-time le samedi soir, qui plus est !
Seulement, dans le lot il y a ce type qui semble un peu trop « figé » (?) à le regarder sans même le voir. C’est en tout cas l’impression que ça lui fait, tandis qu’il parle. Alors il s’arrête brusquement. « … Santiago ? C’est bien ça ? »
Le Lucci ne s’attendait pas à ce que son prénom résonne ainsi de la bouche du présentateur et se redresse d’un coup, sorti de sa torpeur.
« Oui ? - Tout va bien ? - Oh, oui oui. Crystal clear.(sourire charmeur) - Bien, j’ai cru que l’on vous avez perdu en route. - Ah, non. J’écoute attentivement. - C’est bien, continuez comme ça. »
Heureusement, Santiago n’est pas du genre à bafouiller dans ce genre de situation. (« Crystal clear », sérieusement ?) L’attention des autres ne le perturbe pas tant que ça. Il se redresse un peu, un léger hochement de tête en direction du blond et la réunion reprend son cours.
Se faire remarquer dès le premier jour… Santiago en est presque satisfait, finalement. N’est-ce pas aussi pour ça qu’il y a des caméras tout autour d’eux ? Pour se faire à l’idée de qui ils sont – ou de ce qu’ils veulent montrer, dirons-nous. Instinctivement, Santiago voudrait dire qu’il s’en moque, des caméras. Seulement… ce n’est pas tout à fait vrai. Il doit présenter. Mieux, il doit « représenter ». Sans crier son appartenance Flare, le groupuscule ayant une réputation contrastée, son nom doit quand même résonner. Ce n’est pas sous l’écusson orange que Safia l’a introduit dans le « beau monde », après tout. Car ce n’est pas ainsi que ça marche. Elle a dit qu’il était un de ses amis. Une personne plein de talents et de potentiel. C’est ça que Santiago doit prouver.
Cela n’empêche qu’une fois dans sa chambre d’hôtel affrété par la production, il se sent bien et repense aux prunelles bleues posées sur lui. Elles lui feraient presque oublier tout le reste : l’enjeu et les attentes qui reposent sur ses épaules et celles de tous les autres participants.
Les jours à venir vont être costauds, autant bien dormir.
(…)
Le temps passe vite, quand il est bien occupé. La sélection du thème de la première prestation a fait l’objet de tout un cérémonial filmé. C’est Darren qui s’est présenté à eux, cartons en main. L’ordre des pioches a été décidé en amont et un à un les candidats sont allés tirer un carton, jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Bien entendu, vous pouvez compter sur le plus grand sourire du Lucci lorsqu’il s’est retrouvé face au présentateur.
« Alors, Santiago, pas trop stressé ? - Stressé ? Nooon. Ça va l’faire. »
Décontracté, il a sélectionné l’un des cartons. Ils avaient pour consigne de le retourner qu’à la fin, au même moment. Terre. Ce n’était peut être pas l’élément qu’il aurait envisagé mais… « ça va l’faire. »
La suite ? Réfléchir à des idées, dans sa loge ou en flânant entre l’atelier des costumes et en faisant le point avec Luis, le régisseur et son équipe. Une certitude, pour Santiago, l’importance de la musique dans tout ce qu’il allait présenter. Sur le coup, ça en a surpris quelques uns.
« Mais… vous allez jouer sur scène ? - Oui. »
C’est non négociable, dans son esprit. Cela fait parti de qui il est, de sa conception de l’art et de la coordination… il est musicien, cela a tout à fait sa place sur les planches, pour servir la scène que joueront ses pokémons. Il a l’habitude, d’ailleurs, de jouer pour son équipe. Ils évoluent dans un univers de musique où leur dresseur en est le chef d’orchestre principal. Pourquoi changer cela parce qu’ils passent à la télévision ?
Il a ressenti que ça n’arrangeait pas forcément les gars de la technique, pour la captation sonore. Ce n’était pas prévu, apparemment. Absurde. Ils font une émission sur la coordination, ils doivent bien s’attendre à ce que l’imagination des participants soit sans limite, non ? Heureusement, les choses se sont arrangées, ensuite.
Et les entraînements sur la scène, où chaque participant avant un créneau de deux heures par jour qui lui était dédié, ont pu démarrer.
À l’approche du premier prime, il a le cerveau qui bouillonne, des idées à ne plus savoir quoi en faire. Tout lui paraît génial, puis absolument nul. Il est dans un yoyo d’inspiration et d’émotions et… c’est épuisant, il faut le reconnaître. D’autant que dans l’histoire, il espère toujours ne pas passer pour le chieur de service auprès des techniciens. Il a besoin de jouer de la musique. Il en ressent le besoin. Comme une signature et une façon d’avoir une petite empreinte dans cette première prestation qu’il envisage. Il sait que dans le grand jeu médiatique dans lequel lui et les autres participants se sont lancés, le rôle de l’image reste important. Pour toutes ces raisons à la fois, et bien d’autres, il veut jouer sur scène, en ce premier soir. C’est pourquoi, en ce jour de première grande répétition, il marche sur des œufs.
Il a son avis arrêté sur la chose et c’est désormais trop tard pour revenir en arrière, mais pour autant, il se fait courtois et à l’écoute de la moindre remarque de l’ingénieur son. D’une certaine manière, il veut se le mettre dans la poche. Ce métier le fascine et surtout, il sait que pour le bien de son passage en direct, autant ne pas contrarier l’homme derrière la console de son.
Les premiers moments sur la scène, la véritable scène sur laquelle ses pokémons et lui vont passer en live, ce samedi, sont un peu hésitants. L’endroit lui paraît si grand… et les tribunes en face sont nombreuses. S’il n’est pas sujet au trac, d’habitude, il faut reconnaître que même vide, ça a quelque chose d’intimidant. Il ne doit pas se laisser happer par ce sentiment, et une fois à la manœuvre, guider ses pokémons (Monza sa Mimantis et Maxi la Bourrinos) avec douceur et pédagogie. Cela fait longtemps qu’il ne s’est pas remis sérieusement à la coordination et, pour beaucoup, un concours télévisé ne serait certainement pas le meilleur endroit pour s’y replonger… Mais Santiago est homme à relever les défis, c’est bien connu, et il bosse souvent mieux dans la précipitation. Alors pourquoi pas ? Il ne serait pas là s'il n'avait pas su être crédible et passionné, au moment du casting.
Les idées mettent du temps à venir, mais une fois là, c’est un déluge. Il faut qu’il se cadre, qu’il trouve un début et une fin, qu’il arrive à bien penser à ce à quoi ressemblera le passage sur la scène, ce que le public et les téléspectateurs en penseront. Heidi et les techniciens sont d’une aide précieuse. En lui indiquant ce qu’il est possible ou non de faire, ils l’aident tout autant à se poser des limites. Les jours se suivent, les heures à réfléchir puis à répéter sur scène également.
Jusqu’à ce qu’on soit déjà la veille. Le Lucci sent l’excitation et une forme de tension poindre en lui, alors qu’il répète, dans son esprit, les gestes que devront faire ses pokémons, le travail des voix OFF à qui il a transmis les textes et les notes de musique qu’il aura à jouer. Dans l’histoire, la réception du costume conçu par Lady Hemlock et Ji’Ho n’est qu’une formalité. Une tenue semblable à un uniforme militaire volontairement débraillé et une casquette militaire trouvée dans l’atelier de Chen Wang, la costumière.
C’est ainsi vêtu, en cette fin d’après-midi, ce vendredi, qu’il exécute la colonelle. L’avant-dernière répétition avant la générale, qui débutera demain matin. Ses pokémons ont joué à la perfection, la terre a tremblé en rythme, les fleurs ont fleuri le monticule et c’est à lui d’intervenir, maintenant. Voilà trois jours qu’il répète dans l’intimité de sa loge cette partition qu’il connaît depuis longtemps. Une musique jazz qu’il n’a pas joué depuis des années mais dont il a facilement retrouvé les notes, tandis qu’il fredonnait, au début, l’air en question pour expliquer son idée. Maintenant, c’est une question de posture. Il commence à jouer depuis les coulisses, puis il entre et se dévoile. Il faut qu’il prenne le temps…
« Plus lentement, Santiago. … Regard public. Bien, c’est ça. » Si chaque candidat a ses propres idées sur le déroulé de sa prestation, il est évident que l’émission ne veut pas que les choses se fassent dans le plus grand des amateurismes. C’est pourquoi chacun répète, prépare et s’imprègne autant de la scène que des moyens présents. Les participants ont des ateliers avec un coach vocal, une spécialiste de ,la coordination et une scénographe, ici présente. C’est elle qui fait entendre sa voix. Elle a accompagné chacun des participants et c’est à lui qu’elle distille ses dernières remarques, lors de son passage.
Au milieu de la scène, il s’interrompt et prend la parole. Il sait ce qu’il a à dire. C’est la « chute » de sa prestation, il faut qu’elle soit clairement entendue de tous, alors il fait au mieux pour porter sa voix et articuler comme il se doit. Tandis qu’il termine, il a un rapide coup d’œil pour la scénographe. Elle n’a rien dit, c’est signe que ça doit être bon.
Puis, il reprend son saxophone et se remet à jouer. C’est nettement plus simple ainsi, l’instrument parle plus fort et plus énergiquement encore. Quelques pas de danse et… le voilà de l’autre côté. La prestation se termine et déjà, on entend : « Changement de plateau pour le passage de Kate. Vous avez cinq minutes. » Santiago a rejoint les coulisses et à part un signe de la tête d’une technicienne qui récupère son instrument, il ne faut pas s’attendre à grand-chose. Il retrouve ses pokémons, qu'il prend le temps de féliciter, avant de s'esquiver pour ne pas déranger la suite. La fourmilière s’active déjà à toute vitesse pour retirer les éléments de décor et placer ceux de la candidate suivante.
Santiago zigzague entre les hommes et les objets, jusqu’à rejoindre l’escalier lui permettant de rejoindre sa loge. Il adorerait pouvoir voir la prestation de Kate, seulement, il n’en a pas le droit. Seules quelques bribes sont déjà parvenues à lui, comme des éléments sonores, par exemple, entendus par hasard, mais rien de plus. Il faut que chacun soit dans sa bulle sans se laisser influencer par quoi que ce soit. Il va pour s’engouffrer dans l’escalier quand une voix l’interpelle.
« Santiago ? »
Il se retourne. C’est Darren. Chemise bleue parfaitement boutonnée, il est dans le couloir attenant, celui menant vers les tribunes et la salle de spectacle. Le brun l’interroge du regard, surpris de le voir là, quand l’autre enchaîne : « Je viens de voir votre passage. C’est très bien, le message passe parfaitement et j’aime beaucoup le fait que l’on vous voit jouer, à la fin. Vous êtes un bon musicien. »
C’est formel et sans doute qu’il profite de ce moment pour regarder chaque prestation et encourager chaque participant ensuite, mais Santiago ne peut s’empêcher de songer qu’il ne fait ça que pour lui. Il apprécie et s’empresse de remercier, en secouant la tête.
« Merci, j’espère que ça se passera aussi bien demain. - Il n’y a pas de raison. - Portez-moi chance et tout ira bien, alors. »
Il a un clin d’œil pour l’animateur qui paraît un instant déboussolé avant de sourire finement.
« Ma chance sera pour vous et pour tous les participants, n’en doutez pas. »
Il y aurait matière à renchérir mais Santiago préfère s’arrêter là.
« Je n’en doute pas, Darren. Merci pour ça. Demain va vite arriver. - Oui, ce sera une belle soirée j’en suis certain. »
Une personne du staff s’engouffre alors entre eux d’un pas pressé, « Pardon, excusez-moi... », et Darren annonce alors : « Bon, je retourne regarder la suite, reposez-vous bien. » Ultime acquiescement de la tête et Santiago descend une bonne fois pour toute les escaliers menant à sa loge. Il a mérité de se poser, en effet.
Le jour du premier prime, tout va beaucoup trop vite. La répétition générale se passe bien et Santiago voit le début de soirée approcher d’un air confiant. C’est un compétiteur alors, évidemment, il se dit que marquer les esprits avec une victoire dès ce soir, ce serait la meilleure entrée en matière. Pour autant, est-il hautain au point de se dire que ça se fera en un claquement de doigt ? Certainement pas. Il sait que les autres participants ne sont pas là par hasard. À force de les côtoyer, au fil des jours, il commence à se faire une idée de ses adversaires.
En Aarii’, il voit une forme d’originalité et d’extravagance qui peuvent plaire. Un grain de folie pétillant qu’elle doit très certainement utiliser lors de ses prestations. Chez Kate, il ressent une application et un sérieux à toute épreuve. Sans doute n’a-t-elle pas pleinement confiance en elle, mais la jeune femme peut certainement se révéler sur la scène. Quant à Côme, il est tout à la fois un grand mystère et un grand « danger ». Disons que son expertise du côté de la Ligue Pokémon lui sera forcément utile. Il semble avoir de grandes qualités d’observation et des connaissances poussées en matière de pokémon. Tout ça peut lui être très utile dans l’art de la coordination, même s’il part en « novice » en la matière.
C’est l’idée qu’il se fait des autres participants. Chacun a ses qualités et Santiago est curieux d’avoir l’occasion de voir les prestations de chacun. Il sait que ce ne sera pas non plus pour ce soir, mais rien ne l’empêchera de regarder le replay de l’émission, par la suite. Il sait qu’il le fera. Non pas par curiosité mal placée, mais pour voir les univers des uns et des autres, les bonnes idées et ce qui fera la différence auprès des jurés. L’idée d’être évalué, directement après leur passage, c’est « violent », en quelque sorte, mais ça fait parti du jeu. On peut être le plus satisfait qui soit d’un passage sur scène, si derrière le jury émet un vote « sanction », on ne peut que subir. D’autant plus sous les regards des caméras. Il espère qu’il saura être impassible, s’il termine la journée en bas du classement. Pour le moment, il ne doit pas y penser.
Comme on leur avait annoncé, ils sont présentés aux spectateurs, l’un après l’autre, et des magnétos sont diffusés afin de dresser leurs portraits. Ainsi, il ne apprend plus sur les trois autres concurrents et maintient un fin sourire quand on le présente enfin. Il a eu une seule exigence vis-à-vis de cette histoire de « portrait » : interroger ses amis, les Oz’Billy (ça donne de la visibilité) et les gens du Flamingo, mais pas ses parents. Ses relations avec eux sont compliquées et le « poids » du coma de Joaquim plane toujours au sein de la famille. Il ne voulait pas leur imposer ça. Alors la vidéo n’indique que le fait qu’il est « fils d’un couple d’épiciers d’Ekaeka ». Ou presque. Il y a bien des rushs de répétitions et concerts des Oz (Astrid l’avait prévenu qu’elle en avait envoyé), des interviews d’Esme et Mario, au Flamingo mais… on ne l’avait pas prévenu qu’il serait mention, sous un air de piano mélancolique, de « … son frère aîné, Joaquim, plongé depuis deux ans dans le coma. » Heureusement, tandis que la vidéo est diffusée on ne voit pas son visage qui se crispe, passant de la surprise à l’agacement. Ce n’est pas quelque chose qu’il voulait voir évoqué. Personne n’a cru bon de le prévenir, visiblement.
Est-il réellement surpris ? … Il lui faut digérer mais dans les faits, non. Ainsi va la vie de la médiatisation, hein.
Ironiquement, le reste de la soirée se passe bien, et quand c’est à son tour de passer, il est sur un petit nuage. La contrariété est oubliée, et il fait simplement quelque chose qu’il aime, faisant presque abstraction des regards des spectateurs dans la salle. La musique est parfaitement calée, Maxi et Monza sont magnifiques. Tout se passe comme il l’avait imaginé, et lorsque la prestation se termine, derrière le rideau, il serre son saxo contre lui tout en récupérant son souffle. Il profite à fond des applaudissements du public, comme pour s’en abreuver.
[…]
Après les prestations, tandis qu’il est sur scène avec les autres participants, à écouter les commentaires des jurés, Santiago est ravi. Ravi que tout se soit bien passé pour tout le monde et ravi, forcément, des remarques positives que suscite sa prestation. Mieux encore, Haeshle a apprécié son passage au saxophone. Une victoire personnelle pour notre Lucci, déjà. Nessa Finnegan s’exprime à son tour et les commentaires un peu trop directs de Rurha De Vil sont passés rapidement.
À l’annonce des résultats pour cette première soirée, Santiago reste sur le petit nuage qui l’a porté au fil des heures. Il a remporté le plus de points, c’était souhaité, certes, mais le concrétiser, voilà qui est inattendu. Un sourire franc et bienheureux ne le quitte pas jusqu’à tard après que les caméras soient éteintes.
Tandis que chacun est désormais libre de retourner à l’hôtel ou prendre un peu de temps pour soi dans sa loge, Santiago passe non loin de Darren, en pleine discussion avec Jane Ogane, la productrice. Spontanément, le voilà qui ralentit, jetant des coups d’œil au duo et faisant mine de pianoter sur son téléphone. Quelques minutes plus tard, la discussion semble se terminer puisque Darren s’éloigne et Santiago relève les yeux et ose un : « Darren. » ; le concerné tourne la tête et lui sourit.
« Tiens, notre gagnant de la soirée. - Qui l’aurait cru ? - Je vous l’avais dit, c’était une belle prestation et elle a plu. - Oui. Je suis content que tout se soit passé comme je l’espérais. Je voulais vous remercier d’ailleurs. - Ah ? Pourquoi ? - Comme ça. Je suis convaincu que vous avez bel et bien été un porte-bonheur. - C’est me donner trop de pouvoir. - Laissez-moi y croire ! »
Il dit cela avec un rire clair et Darren ne semble pas vouloir le contredire. Ils échangent quelques banalités, ensuite, sur la réussite de ce premier prime, avant que la soirée ne se termine pour de bon.
S’il n’a pas la prétention de se croire déjà vainqueur, il faut admettre que le résultat de cette première prestation conforte Santiago dans sa décision de participer. Il n’est pas venu pour rien et s’il en croit les nombreux messages qu’il a reçus sur son téléphone, il a ses soutiens.
Dans l’euphorie de ce premier prime, Santiago a presque oublié un élément important : le second thème qui a été dévoilé, pour le samedi suivant. Un thème qui semble assez simple, voire léger, et qui ne l’est peut-être pas tant que ça, à bien y réfléchir… « Histoires d’amour » Trop pris dans la joie et la fierté de sa victoire à la première soirée, le Lucci n’y a pas songé de suite.
C’est le lendemain que ça l’a rattrapé. Une semaine pour préparer une prestation sur le thème des histoires d’amour. Une semaine pour remuer la chose dans tous les sens et essayer de sortir quelque chose. Quelque chose dont il puisse être fier, quelque chose qu’il arrivera à transmettre à ses pokémons autant qu’au public. Quelque chose qui lui ressemble, aussi, dans l’idéal. Hum. Plus facile à dire qu’à faire.
Les premiers jours, il cogite dur. Il a à peine l’ombre d’une piste. Rien de bien concret. Rien de bien satisfaisant. Allongé sur le canapé dans sa loge, il regarde son plafond avec le plus profond des désarrois. « Quel thème de merde. » Qui aurait cru que réussir à construire quelque chose qui parle d’amour le bloquerait à ce point ? Lui, séducteur à ses heures perdues, le voilà face à une page blanche. Pas d’idée qui lui plaise.
Une demi-heure plus tard, on toque à sa porte.
« Santiago ? C’est Heidi, la chargée des candidats. - Hmm ? »
La porte s’entrouvre et une tête passe dans l’entrebâillement.
«Tout va bien ? - Mouais. - N’oubliez pas l’atelier dans une heure. Vous n'êtes pas sorti de là de toute la matinée. - Oui, pas de souci. Je réfléchis. »
Elle a un air qui sous-entend qu’elle n’est pas complètement convaincue, mais se contente d’un léger mouvement de tête.
« Très bien, si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites signe. »
Elle dit cela en toute bienveillance et Santiago se redresse finalement, histoire de ne pas lui parler la tête quasiment à l’envers.
« Vous savez quoi ? Je vais aller me promener. »
Heidi ne s’y attendait pas, mais ne l’en empêche pas.
« D’accord, restez dans le coin quand même, et n’oubliez pas l’atelier. - Ouep. »
Pendant une grosse demi-heure, le Lucci se balade donc, dans les alentours du studio de TS1. C’est pas mal urbain, dans le coin, mais il y a un parc en contrebas qu’il a eu l’occasion de découvrir ces derniers jours. Sans trop de surprise, il a amené avec lui les pokéballs de ses pokémons les plus fidèles et arpente les chemins bordés d’herbe un peu trop bien coupée, la tête dans ses pensées. C’est un gros cliché, oui, mais voir des couples assis tantôt sur les bancs, tantôt sur l’herbe à discuter l’a probablement aidé, pour ce thème.
Rien de fou – la prestation le prouvera – mais de quoi avoir un semblant d’idée, déjà. De quoi ne pas perdre plus de temps devant le néant de la feuille blanche à essayer de trouver de quoi construire une scène.
Quand il termine son tour et qu’il reprend la direction du studio, il opte pour la porte dérobée par laquelle il leur a été demandé de passer. De quoi ne pas retenir trop l’attention des possibles groupies qui attendraient là. Alors, il passe par-ladite porte et arrive sous un couloir menant soit vers les étages, soit vers un patio intérieur. Une zone faisant office de lieu de pause, généralement.
Et là, bien évidemment… Darren. Est-ce le destin qui s’amuse ou est-il devenu malgré lui un radar à retrouver le présentateur ? Aucune des réponses ne lui conviendrait alors il préfère se réjouir silencieusement de ces rencontres fortuites. Maintenant qu’il a l’occasion de croiser l’homme, à sa toute petite échelle, il doit admettre qu’il le trouve plus charmant encore que ce qu’il imaginait. Vraiment pro, bienveillant et à l’écoute. Le genre à réfléchir avant de parler et à ne jamais se laisser déstabiliser. Déformation professionnelle, sans doute.
En attendant, les pas de Santiago le mènent sans une once d’hésitation vers le patio. Tout en s’approchant, il constate à travers la baie vitrée que l’animateur s’y trouve seul, occupé à pianoter sur son téléphone. Un sourire naît sur les lèvres du brun sans qu’il le réalise réellement et il pousse la porte, nonchalamment. Darren a pu le voir arriver et le salue.
« Oh, Santiago, bonjour. - Bonjour Darren. - Comment ça va ? - Bien bien, je reviens du parc, j’avais besoin de m’aérer la tête. - Ah ? Pour la prochaine prestation ? - Ouais… Le thème… pff. Je le sens pas. - « Les histoires d’amour », c’est poétique pourtant. Il y a pas mal à dire. - Oui oui, c’est sûr. Mais ça me parle pas tant que ça. »
Il y a un flottement et Darren range finalement son téléphone avant de se tourner vers Santiago qui s’est assis sur le rebord en pierre du patio. Il lève les yeux, presque surpris de voir le blond le fixer avec attention. Jusque-là, c’était surtout lui qui « tournait autour » de l’animateur, comme un fan qui fait de son mieux pour ne pas se montrer trop envahissant et Darren qui paraissait le capter sans plus. Là, c’est déstabilisant pour notre barman.
« L’amour, c’est ce qui fait tourner une bonne partie du monde, non ? Dans toutes les œuvres on ne parle que de ça. » Il dit cela comme on réfléchirait à voix haute.
« Mais justement… c’est trop facile de tomber dans les clichés ! - Les clichés ont du bon, parfois. - Je sais pas… ça me passe loin au-dessus de la tête. - Vous avez déjà été amoureux, Santiago ? »
La question est soufflée avec un grand naturel mais le Lucci en reste un instant bouchée bée. Darren Taylor qui lui demande s’il est déjà tombé amoureux. Il a peut-être poussé la porte d’une nouvelle dimension sans s’en rendre compte, finalement. Mais l’interrogation a le mérite de lui faire réfléchir. Amoureux, lui ? … Il ne saurait le dire. Il y a Astrid, mais c’est une forme de fascination reconnaissante. L’attrait d’une beauté innocente. Difficile à expliquer. Il y a Lucille, aussi, bien entendu. Une espèce d’âme sœur qui le complète à merveille. Le meilleur dans ce que peut être l’amitié. Une amitié qui a dérivé en un cocon de confort… De l’amour ? Ils se sont toujours dit que tout cela était sans conséquence, que leur amitié prévaudrait à jamais. De l’amour ? Sans doute pas au sens premier du terme.
Son silence inquiète presque Darren qui ajoute :
« Je ne veux pas être indiscret… - Non non pas de souci, tu ne l’es pas. »
Il ne réalise pas de suite qu’il s’est permis de tutoyer l’autre homme. C’est en croisant à nouveau son regard que ça fait tilt.
« Vous. Vous ne l’êtes pas. Darren hoche la tête avec un léger sourire, comme pour dire Ça ne fait rien. Santiago poursuit. En vérité, je ne sais pas. Je ne crois pas ? Ou alors je ne m’en suis pas rendu compte. - La plupart du temps, on le sait, je pense. Mais l’amour peut prendre bien des formes. »
Cette phrase a le mérite de le faire cogiter plus encore et s’ils échangent encore quelques mots, c’est sans trop d’importance. À un moment, Darren sort une cigarette électronique et demande simplement :
« Je peux ? - Oui, vas-y, pas de souci. »
Santiago ne réalisera pas qu’il l’a tutoyé à nouveau.
Et si Darren s’interroge par la suite sur la raison qui a poussé Santiago à venir dans le patio, coin bien connu des fumeurs en tout genre, s’il ne fume pas lui-même, il n’en dira rien.
(1279 mots) (Grille 3)
C2 : un bandeau de ninja (inutile)
B3 : un sérum S
Je creuse en A4.
(attention, la Grille 3 dans le post-it de section n'est pas bonne, y'a des erreurs sur mes cases)
« J’te jure, Lu, cette presta je la sens pas ! - Tu dis ça à chaque fois, j’parie. - Non non, là c’est différent… j’arrive pas à trouver un angle d’approche qui me plaise. - Mais t’en as plein, des idées ! - C’est que des trucs convenus, j’sais pas ! - Il te suffit de te décider, choisis en une, assume-la et fonce ! »
Quand sa meilleure amie lui balance des trucs comme ça, il hésite toujours entre rétorquer par une méga-grimace ou bien baisser la tête et aller dans son sens. Là, il opte pour la grimace. « C’est pas si simple ! » A travers l’écran de son téléphone, il voit la rousse qui lève les yeux au ciel (ou plutôt au plafond de sa chambre) et récupère sa tasse de tisane, dont elle prend une gorgée. Il a un sourire à cette vue et c’est comme s’il sentait parfaitement les effluves de cette tisane à l’hibiscus qu’elle affectionne tant et qu’elle se fait souvent, le soir. Une vraie p’tite vieille !
« Puis faut que ça plaise aux gens, sur le plateau, à la télé… faut que ça leur parle ! Pfff. - Une jolie petite histoire d’amour bien mignonne, ça passe toujours ! - Mais c’est culcul ! - Bah… Rien t’empêche d’aller au bout du cliché, sinon. Ça fait pas de mal parfois ! - Mouais. Ou sinon prendre carrément le truc à contrecoup, en mode gros lourdaud pour rallier les machos à ma cause ! Il dit cela sur le ton de la plaisanterie et s’imagine déjà. Un truc bien gras, à base de « L’amour c’est que dans les films, c’est pas le genre de trucs dont faut s’embarrasser... » - J’vois le genre, « Une gonzesse de perdue, c’est dix copains qui reviennent », bro code et compagnie ! »
Les deux se marrent à imaginer, pendant les minutes qui suivent, la presta la plus sexiste et lourdingue qui soit. « Pas certain que ça passe, mais c’est sûr que ça marquerait les esprits, hein ! » C’est une idée comme une autre !
Pouvoir discuter comme ça avec Lucile, ça le rassure, quand même. Elle n’a pas particulièrement apprécié d’apprendre sur le tard la nouvelle de sa participation à l’émission, et encore moins qu’il « complotait ça » (pour reprendre ses mots) avec Astrid, sans rien lui dire. S’il a maladroitement essayé de lui expliquer que ça lui était tombé dessus complètement par hasard, et qu’il avait préféré attendre que sa participation soit officielle pour lui dire, cela ne change rien au fait que la rousse s’est sentie mise à l’écart. C’est pour ça qu’il la tient informée au fur et à mesure. Elle est généralement de bons conseils, avec de bonnes idées.
Surtout en matière de musique. Et… c’est peut-être ça, la bonne porte d’entrée.
Depuis sa discussion avec Lucile, ce sont des musiques et des chansons qui lui ont permis de construire sa prestation. Cela s’est fait tout naturellement. « Il n’y a pas toujours besoin de mot. », a-t-elle dit. Santiago aurait pu rebondir... il ne l'a pas fait. Il préfère ne rien dire quand elle dit des choses comme ça. C'est rare, mais il sait que les mots ne seraient jamais les bons. À partir de là, une musique s’est imposée. Une musique poétique, envolée, qui glisse tantôt vers l’envolée lyrique, tantôt vers une forme de mélancolie ou de redondance rassurante. Une musique qu’il n’a eue de cesse d’écouter, ces derniers jours.
Sur cette base, il a fini par associer d’autres choses. Des films classiques qui parlent d’amour et des citations, lui rappelant cette époque qui semble si lointaine, de quand son père partageait avec Joaquim et lui ses films cultes, ceux qu’il lui paraissait important de faire voir à ses fils. Un autre temps. De tout ça, Santiago a bricolé un semblant de trame et une chute, cherchant à transmettre à travers sa petite histoire que même si l’amour triomphe, généralement, tout n’est pas forcément rose. Et une fois de plus, Monza, secondée cette fois de son Poulpaf, Cosi, s’est montrée parfaitement à l’écoute.
En cette matinée du deuxième prime, on retrouve donc Santiago qui s’en vient profiter du buffet de l’hôtel dans lequel il est logé, piochant tranquillement un croissant ici, un petit pot de confiture et un grand verre de jus de pamplemousse (son péché mignon, autant vous dire qu’il était ravi d’en voir, le premier matin !). L’heure est encore matinale et la grande salle est assez clairsemée. Il aurait pu dormir plus, mais, comme souvent lors d’événements d’importance, son esprit l’a réveillé bien tôt.
Se tournant pour accéder à la machine à café et faire couler un expresso, il a un regard vers le reste de la pièce. Çà et là différents visages de personnes plus ou moins affairées, des personnes de l’ombre qu’il a aperçues dans les coulisses et dans le lot… (le radar s’active) … Darren Taylor, forcément. Ce dernier et en discussion avec un homme aux tempes grisonnantes, qui passe, un plateau entre les mains, ayant visiblement fini son petit déjeuner. Faisant mine de rien, Santiago reste concentré sur son café qui coule puis va chercher tranquillement un sachet de sucre. Il a le palais sucré, ça le perdra, mais en attendant il en profite.
Méthodiquement, il en versa dans sa tasse, remue et repose le tout sur son petit plateau avant de se retourner à la recherche d’une table. Il s’avance dans la pièce, passant (volontairement ?) non loin du présentateur télé quand celui-ci le salue. « Oh, Santiago, bonjour. »
Vous vous en doutez, notre Lucci s’arrête, un large sourire sur le visage. « Bonjour Darren. » Il n’était pas certain jusque-là que l’autre homme était logé au même hôtel. Il ne s’était pas vraiment posé la question, en vérité.
Quand le blond reprend la parole, il a le mérite de le surprendre : « Vous pouvez venir à ma table, si vous voulez. » (toujours ce vouvoiement des plus charmants…)
« Si ça ne vous dérange pas. » Il dit cela sans se faire prier pour autant et s’installe en face, sur la table ronde où Darren était installé. « Faites attention quand même, les gens pourraient croire que je suis votre préféré ! » Bien sûr, Santiago étant Santiago…
Le présentateur a un fin sourire et répond, presque du tac-au-tac : « Et si c’était vrai, en quoi ça les regarde ? » Il n’en faut pas plus pour que le sourire du barman s’accentue. « Mais l’invitation vaut tout autant pour les autres participants, vous vous en doutez. Il reste de la place, d’ailleurs. »
Meh. « Ils doivent être encore en train de dormir… ou de cravacher dur sur le passage de ce soir. Kate, je me demande si elle a dormi, elle doit se repasser encore et encore sa scène ! Une acharnée de travail. » En un peu plus d’une semaine, il a eu le temps de se faire une idée, même rapide, des autres candidats.
Forcément, Darren rebondit et ils discutent un peu, si la nuit a été bonne, comment vont les autres, l’état général, etc. Et puis, forcément :
« Prêt pour ce soir ? - Je pense, oui. - Vous avez trouvé une idée, alors ? - Oui, j’ai réussi à construire quelque chose. - Je n’ai pas eu le temps de voir les passages, cette fois, mais j’ai entendu de belles musiques… dans votre participation et pas seulement. - La musique peut avoir quelque chose de profondément romantique. - Je n’en doute pas. C’est votre âme de musicien qui parle. - Bien entendu ! Mais pas seulement, ça réunit les gens, ça transmet des émotions... »
Parler musique, il sait faire, Santiago. Même si c’est abstrait, il n’a jamais eu de difficulté avec les mots et Darren l’écoute avec attention, avec sérieux, presque, tout en sirotant ce qui ressemble à du thé.
« Je prendrais plaisir à voir ça, alors. - Je l’espère. »