A l'intérieur de cette charmante petite bâtisse qui faisait chambres et table d'hôte, nous pûmes faire une rétrospective de ce que nous venions de tester aujourd'hui en combat. Certains mouvements m'avait inspiré des potentielles mises en scène futures pour des concours de coordination s'il devait y en avoir dans un temps non très lointain de celui-ci. Certaines attaques manquaient de travail, et je mettais en lumière avec Draco ce qu'on devait imaginer comme synchronisation pour espérer en tirer le meilleur des résultats. On revoyait également notre agencement des codes verbaux que nous avions en place : comment savoir indiquer la bonne position au bon moment, comment faire comprendre subtilement à Draco qu'il fallait passer en mode défensif et insister sur l'esquive et la riposte, ou alors, de repasser en mode offensif et de jouer sur les feintes et les approches via des angles morts des adversaires.

Le dialogue était infiniment plus nourrissant que n'importe quelle théorisation des combats pokémons. Je me rendais compte qu'il fallait constamment jongler entre anticipation, instinct et coups de génie. Il fallait faire preuve d'un sang froid à toute épreuve, et garder la pleine possession de ses moyens, tant physiquement que psychologiquement, afin de pouvoir tirer la meilleure partie de chaque situation critique qui devait se dessiner au fil d'une confrontation. Un peu comme ce qu'on en attendait d'un coordinateur : anticiper le mouvement, afin de le modeler d'une façon qui décrivait parfaitement une situation donner, pour ensuite faire preuve de créativité et y mettre de l'émotion. L'endurance physique avait également énormément d'importance sur la qualité d'exécution d'une capacité, et le secret ne serait pas que d'espérer que des jurys se prennent d'affection pour le pokémon, mais aussi et surtout pour ce qu'il serait prêt à délivrer en termes de visuel et de charisme.

Au bout de quelques heures de débriefing, la charmante hôte de l'auberge vint frapper à notre porte pour nous annoncer que le dîner serait presque prêt. Nous n'avions alors plus qu'à nous changer les idées. Une bonne douche chaude. Du linge de soir propre et confortable. Une tablée exceptionnelle et gouteuse, qui n'avait pas manqué de nous surprendre les papilles. C'était divin, presque indécent de saveurs. Cette dame à la gentillesse exquise, Péroline de son prénom, nous tint la conversation pendant toute la soirée. Nous discutâmes de tout et de rien, de mon histoire, de la sienne. Nous n'étions évidemment pas les seuls présents ce soir-là, mais les conversations allaient de bon train, et nous appréciâmes ce moment de calme et d'allégresse au milieu du tumulte de cette première aventure à deux.

Nous regagnâmes notre chambre Draco et moi, abordâmes de nouveau quelques pistes de stratégies en combat et hors combat. Nous n'avions plus la même ardeur dans l'analyse ni dans la conception des mouvements et des enchainements, si bien que le dragoneau et moi-même baillâmes au même moment. Signe que l'heure de fermer la boutique était proche, et que nous ne devrions pas manquer une seule graine de sommeil, sans quoi, le reste de la marche s'annoncerait pénible et éreintante.

Après une soirée mémorable, ce fut un lendemain matin tout en douceur et en détente. On n'avait peine à croire avec Draco que nous nous étions réellement lancer à l'assaut d'une aventure aussi folle que celle de la Coordination Pokémon. Cela nous paraissait presque comme un lointain désir, comme si nous étions en la compagnie l'un de l'autre depuis déjà des années. Alors que non, un peu moins d'une quinzaine de jours s'était déroulée depuis la fameuse démonstration de coordination à Parmanie, mais déjà, nous nous sentions comme larrons en foire. Nous prîmes notre petit-déjeuner de type continental, savourâmes les quelques victuailles salées du jour, tout en contrebalançant avec du sucré doux et suave en termes de pâtisserie et autres jus à boire. Nous avions repris des forces, et nous allions nous lancer vers la fin de ce parcours qu'était la Piste Cyclable.

Bien évidemment, il y avait des choix à faire, notamment, sur la constitution d'une future équipe de Pokémon pour venir à bout des concours de coordination futurs. L'évidence était décidée entre Draco et moi, le tout premier concours ne se ferait qu'avec lui et moi. Nous n'utiliserions aucun autre compagnon si tant est que nous en aurions eu un autre à disposition. En revanche, nous allions également devoir affronter des dresseurs de toute la région du Kantô, dont potentiellement des maitres d'arènes. Le choix était alors à faire avec minutie, ou alors au moins, avec du feeling. Nous ne savions pas réellement quoi faire des futures acquisitions. Irions-nous vers un monotype ? Mmh, pas vraiment possible, étant donné que mon compagnon était le seul représentant Dragon de sa génération, mis à part peut-être sa lignée d'évolution. Rien ne nous empêchait de tenter de s'amouracher d'autres pokémons dragons, mais la dame du centre de recherche de Parmanie avait été claire : tant que notre Pokédex n'était pas actualisé avec l'aptitude certifiée de pouvoir nous rendre dans une autre région, nous n'y pourrions pas capturer quelque pokémon qui soit.

Le Pokédex ? Oh tiens, j'avais oublié de vous en parler. Cet outil est d'une complexité mais d'une convenance horriblement efficace. C'était cette fameuse collaboratrice de maman, une des responsable du secteur de recherche du Parc Safari, qui nous avait accomodé tout notre matériel de départ, essentiel aux dresseurs : pokédex, mappemonde, quelques balles de captures ... des pokéballs qu'elles d'appelaient, quelques remèdes curatifs pour Draco et tout un assortiment de petites friandises pour s'alimenter sur le pouce en cas d'hypoglycémie. Le pokédex était probablement l'objet le plus intriguant et plus salvateur : un appareil presque entièrement digital - à l'exception des quelques boutons latéraux et frontaux pour accéder à des menus précis - qui permettait d'afficher des descriptions, certes sommaires, des pokémons rencontrés et/ou cpaturés ; d'afficher le statut actuel du dresseur propriétaire de l'outil numérique, à savoir son compte en banque - exprimé en Pokédollars, voyez-vous - le nombre d'item curatifs encore à disposition ; un listing des capacités techniques et "secrètes" en la possession du dresseur ; et encore beaucoup d'informations pour diversifier son niveau de connaissances.

Un vulgaire appareil pour Draco qui s'en détournait comme s'il était en la compagnie d'une maladie incurable matérialisée sous la forme d'un portefeuille. Un véritable jouet et une source de savoir incommensurable pour moi, le professeur qui ne vivait que pour apprendre encore et toujours plus de choses.

Notre chemin parvint à une fin presque à l'heure près. Nous avions envisagé un peu de retard du fait d'une mise en route tardive de l'auberge. Le brunch avait été copieux, et nous en redemandâmes bien plus que de raison. Heureusement, la propriétaire de l'auberge avait été excellente et possédait un coeur aussi généreux que la qualité de son couvert. On n'avait pas pu trouver meilleure adresse en ces lieux, surtout quand on sait que la plupart des clients potentiels passent à côté à une vitesse de course endiablée. Il était vrai que les cyclistes et autres adeptes d'un type de deux roues, même les motorisées, filaient à une allure folle. Le trafic parfois était tel que parfois des bouchons se créaient au niveau de certaines intersections pour passer d'une ligne cyclable à l'autre. La Cycling Road Company devait bien se frotter les mains devant autant d'usagers empruntant cette jonction entre Parmanie et Céladopole. Une véritable institution de Kantô.

Mais notre retard n'était pas dû qu'à cela. Il y avait eu aussi un petit imprévu, un heureux contretemps. Je n'épiloguerai pas maintenant sur le sujet, mais il fallait savoir que nous avions fait la rencontre d'une horde de pokémons oiseaux, et que l'un d'entre eux, ou plutôt, l'une d'entre les oiselles présentes, devint une de nos premières coéquipières au sein de la team Amicitia ! Nekhbet était son petit nom, en référence à une divinité d'un autre temps et d'une autre région oubliée, dont la spécificité était de posséder un masque d'oiseau, ressemblant à un moineau. Et c'était le cas, la petite moineau avait du divin que l'impulsivité et le tempérament de feu qu'elle avait en elle. C'était d'ailleurs ça qui m'avait charmé sur le moment. Mais sa rencontre ne fut pas qu'un élémént de surprise, puisqu'un double évènement lié à sa présence fit son apparition, et nous cloua le bec aussi tôt.

Mais pour l'heure, nous voyions se profiler la fin de la Piste Cyclable. Avec ce bâtiment qui annonçait la douane en approche. Nous allions de nouveau devoir passer par un contrôle très strict des effets personnels, des pokéballs et de leur contenant. Pour ma part, j'avais choisi de laisser mes deux compagnons en liberté à l'air libre. Est-ce que les forces de l'ordre allaient me laisser passer avec un moineau et un petit dr- ... oui d'accord, un dragon ? Rien n'était moins sûr. Mais nouveau coup du destin, il s'agissait d'un ami de mon père, Cor, qui avait pris son poste ce jour-là, et m'avait reeconnu au détour d'une file d'attente au sein du poste de douane. Son nom était Gladiolius. Il en avait profité pour me demander des nouvelles du paternel, ainsi que de savoir pourquoi j'étais aussi loin de Parmanie et de l'académie. Après avoir écouter ma petite histoire, qui l'avait ébahi par plusieurs fois pendant la conversation, il m'intima de passer le contrôle avec lui, via une file "annexe" - pour rester légal dans les termes - et me donna l'autorisation de circuler en direction de Céladopole sans être inquiété pour mes pokémons ainsi que mon matériel de dresseur.

Quelle journée encore ! Mais pour l'heure, direction la belle ville florale de Céladopole, l'antre d'Erika, la championne locale.

Cette aventure s'annonçait palpitante et pleine de rebondissements. Si on m'avait raconté il y a quelques mois que j'allais m'interposer lors d'une prestation de Coordination Pokémon, que j'allais faire comprendre à une foule en délir la gravité de la situation, que j'allais devenir le sauveur d'un pokémon en détresse, un pokémon qui plus est de type dragon ; si on m'avait également dit que j'allais malgré-moi m'imposer comme dresseur-coordinateur et que les gens allaient nourrir des espoirs me concernant sur ce thème ; et si on m'avait dit que je vivrais une première partie d'aventure aussi dingue que celle de la Piste Cyclable, grâce à Draco, Nekhbet et le passage dans l'auberge. Je pense très honnêtement que j'aurai ri au nez et à la figure de n'importe qui prophétisant tout cela. Même mes parents auraient eu à se sentir gêné d'une telle réaction de ma part, tellement cela aurait traduit un doute plus que perceptible concernant leur santé mentale.

En tous les cas, ce départ n'était pas sur les chapeaux de roues, mais presque. Un premier Pokémon, Draco, qui se révèle être un amour de dragon, prêt à se lover en six pour me faciliter la vie et faire de mon quotidien une aventure légère et formatrice. Une seconde partenaire, Nekhbet, qui - pour des raisons personnelles, ne sera pas entièrement décrite ici - avait se souci du détail et de la répartie bien à elle, tout en s'imposant comme la grande soeur de Draco. Une première partie de parcours dans un univers plutôt hostile pour les piétons, si on en croit les légendes urbaines à propos des bikers et autres énèrgumènes jonchant la route cyclable joignant les deux grandes villes du coin. Une pause dans l'étape dans un établissement qui avait eu des airs de mirage pour nous au premier abord, ne pensant pas que cela fut possible de trouver un tel endroit à ce stade-là de la localité géographique. Les informations partagées avec les quelques dresseurs de passage nous avaient confortés dans le sentiment de vouloir devenir encore plus curieux du monde qui nous entourait, et surtout, d'en découvrir les rouages et les systèmes. Pourquoi est-ce que le monde des Pokémons fascinait autant ? Pourquoi est-ce qu'on pouvait aller jusqu'à vouer des cultes de certaines créatures dites légendaires ? Pourquoi organiser toujours plus d'évènements retransmis à la télévision pour vanter les mérités de personnalités qui, en temps normal, n'aurait pas plus d'importance qu'un cadre de la société classique ? Tout un tas de questionnements qui rendait ce nouveau départ alléchant et stimulant intellectuellement.

Et nous n'allions pas aller sur une déception. Nous avions encore quelques kilomètres à marcher avant d'arriver sur Céladopole, mais déjà, le paysage laissait songeur. Des arbres ornant les bords de routes et de chemins. Des parterres de fleurs aux couleurs multiples et aux fragrances prononcées. L'air avait une saveur urbaine, avec quelques notes de campagne. On pouvait presque oublier que l'on s'approchait d'une très grande infrastructure d'urbanisme qu'était Céladopole, tellement l'effort de végétalisation des environs était présent. Quelques voitures qui s'en allait du côté du poste de contrôle des douanes nous rappelèrent que la vie de citadin c'était aussi la présence de véhicules. Nous n'étions pas si pressés que ça de retomber sur un style de vie chargé, pressurisé, rythmé par les moyens de transports et les bâtisses s'élevant dans le ciel. Mais quelque part, j'avais cette appréhension de vouloir à nouveau m'émerveiller d'une découverte qui pourrait avoir lieu dans cette ville.

La ville qui sentait bon les fleurs. La ville qui respirait l'oxygène naturel. La ville qui se parait de tant de couleurs qu'il pouvait y avoir de bosquets, de jardins, d'allées florales, de jardinières, de parterres de pétales, d'arbres bourgeonnants. Il n'y avait rien à enlever à cette cité qui avait tout d'une métropole urbaine, mais qui pouvait se targuer d'être à la pointe de l’urbanisme vert. Les localités devaient avoir dépenser des fortunes pour tout revitaliser, refleurir, replanter et arranger selon des critères visuels, de type de végétaux, de symbiose avec la faune environnante. Je n'osais même pas imaginer ce que cela devait représenter en termes d'investissements et de retombées financières. J'en avais une vague idée, de par les notions de finance et de fiducie en faisant quelques stages d'écolier au sein de la Cycling Road Company dans le bureau de mon père. J'avais appris à manipuler les nombres, à les faire interagir avec des nomenclatures, des pourcentages, des inflations, des déflations, des arrondissements de valeurs pour sous-estimer ou surestimer un produit, une prestation ou encore un engagement réciproque selon des termes contractuels.

Je n'avais pas que le jargon professoral dans mon arsenal. Je suis un touche à tout. J'avais déjà cette furieuse envie d'en apprendre la maximum pour faire de ce monde mon terrain de jeu, mon laboratoire d'expérience, mon sujet numéro un d'expérimentation verbales, physiques, financières, géopolitiques, et encore bien d'autres thématiques de société. J'étais à l'aise avec les mots. J'étais en confiance avec les chiffres et les nombres. Je n'étais pas en de mauvais termes avec les concepts scientifiques et psycho-socioculturels. Ma hantise restait bel et bien le monde des Pokémons. Je ne savais pas réellement à quoi m'attendre : comment est identifiée leur anatomie ? Comment quantifier le degré de rareté d'une espèce par rapport à une autre ? Comment comprendre le code génétique d'une espèce presque mutante et extraterrestre, qui n'était régit par aucune des lois du monde des humains, si ce n'est ce point commun conceptuel de vie ou de mort ? Il y avait beaucoup trop de questions dans ma tête, et il allait falloir que je m'actualise et vite. Le Pokédex ne pouvait pas tout faire à ma place. La preuve, je n'arrivais toujours pas à expliquer le changement d'apparence de Nekhbet, alors qu'il n'y avait eu qu'un cycle nycthémère de différence entre sa forme initiale et actuelle. Comment un Pokémon pouvait-il évoluer aussi rapidement comparé à l'humain ? Comment nourrir un Pokémon efficacement sans affecter son métabolisme ni ses besoins énergétiques.

« HAAAA ÇA SUFFIT, ON Y VA ! »

M'énervai-je subitement sans que ni Draco ni Nekhbet, mon tout nouveau Rapasdepic, ne sachent de quoi il en retournait. Mon objectif était alors simple et néanmoins incroyablement amateur : je me dirigeai en direction du gigantisme absolu : le centre commercial de la ville de Céladopole. Un vrai temple à la connaissance pokémon, disait-on. Amateur, pourquoi ? Parce que c'était évidemment un des stops presque obligatoires pour tout dresseur qui se respectait : un service d'information pour compléter et mettre à jour les bases de données des Pokédex ; des vendeurs de petites dragées comestibles connues sous le noms de Capsules Techniques, qui permettaient aux pokémons de pouvoir développer de nouvelles capacités de combat, ou de démonstration pour les coordinateurs ; des échoppes d'objets de soin curatifs ou d'altérations d'état passager comme le sommeil, la paralysie, les brûlures. Ah oui ... avais-je omis de parler de l'état d'empoisonnement ? Oui ? Et bien figurez-vous que les pokémons peuvent se faire empoisonner, par n'importe quel moyen, mais peuvent également guérir de cet état grâce à de simples baies ou autres médicaments. Comme les humains ! Fascinant.

N'écoutant que ce besoin presque obsessionnel d'en connaitre toujours plus, je marchais à pas rythmés et rapides en direction de l'énorme bâtisse que l'on pouvait apercevoir de depuis la sortie du poste de la douane de la Piste Cyclable. Les deux compagnons se hâtèrent à leur façon derrière moi et ne manquèrent pas de m'arracher quelques gloussements tellement la situation devait avoir l'air absurde du point de vue d'un passant.

Draco se tortillait comme s'il serpentait sur une route en feu, comme si chacune de ses oscillations horizontales étaient un supplice pour son endurance. Il tirait même parfois la langue comme pour prendre encore plus d'oxygène et quelques particules d'eau en suspens pour faire l'appoint en énergie, et suivre la cadence presque diabolique que je lui imposais. Il était tellement drôle que mon sourire ne s'arrêtait plus de grandir sur mon visage, à en faire se soulever les zygomatiques jusqu'aux muscles commandant l'élévation de mes oreilles. L'idée d'un membre de la famille des dragons qui grimaçait presque à la manière d'un clown de cirque derrière son dresseur pour se maintenir à sa hauteur, tout en tentant de rester impassible et maitre de ses instincts, ça n'avait pas de prix. Je crois que je ne me suis jamais autant amuser mentalement que cette journée-ci.
Nekhbet, elle, s'était la roublarde du duo. Elle avait noté assez rapidement le changement d'allure. Feignant de rester digne et en complètement maitrise du rythme, elle avait commencé d'abord par augmenter sa cadence de piétinement du sol, avec ses serres incroyablement longues et toniques. Puis, son long cou commençait à donner quelques torsions pour garder l'équilibre tout en maintenant les apparences d'un oiseau majestueux, racé, évoluant en toute facilité dans ce milieu urbain. Mais alors que la vitesse atteignait son rythme définitif ... trop c'en était trop ... elle ne pouvait se résoudre à tortiller du postérieur comme une oie sauvage, en caquetant d'inconfort comme elle le fit pendant quelques courtes secondes. Elle décida de prendre la voie des airs, pour voler tout naturellement à un rythme bien plus mesuré, pour se loger à ma hauteur, arborant un air de suffisance qui ne manqua pas de me faire pouffer de rire, me rendant compte de tous les efforts déployés pour maintenir l'illusion de contrôle.

- Vous n'avez pas idée à quel point je vous adore ! Vous refaites ma journée vous deux ... HAHAHA ! annonçai-je en trottinant pour voir leur réaction.
- Squeee ?
- Rrrwwéé ?

Les deux compagnons comprirent trop tard que je venais de les taquiner et que ma décision de trottiner en direction du centre commercial était un test pour voir comment ils allaient gérer la pression d'être distancer par un humain. Moi ? Je riais aux éclats pendant ma course, et je déclenchais quelques sourires sur le visage des passants qui assistaient médusés à la scène qui se déroulait à leur contact. Un dresseur qui jouait avec ses pokémons à la course ? On ne voyait pas ça tous les jours. Esprit puéril ou entrainement sérieux ? Personne ne le saurait jamais, seuls le trio de joyeux lurons sauraient de quoi il en était. Et force était de constater que le rapace et le dragonet mettait du cœur à l'ouvrage pour me rattraper le plus vite possible sans paraitre trop ridicule. Je ne leur avais pas dit comme tel, mais je les aimais déjà comme ma famille. Ils me rendaient heureux. Et j'avais hâte de poursuivre ce projet de coordinateur avec eux. Et peut-être même avec d'autres compagnons, qui sait ? D'ailleurs ...

Qui aurait pu penser qu'un troisième compagnon ferait son apparition dans mon équipe, aussi tôt dans l'aventure ? Qui me direz-vous ? Eh bien, tout le monde sauf moi visiblement. Qui est venu se rajouter à la folle famille de Coordination Pokémon en devenir ? Laissez-moi vous la présenter. Oui, encore une pokémon femelle.

Je vous présente Mûshika, ma Rattatac. "Quoi ? Une évolution en plus !" ... oui oui, je vous entends de loin vous scandaliser d'une chance insolente. Eh bien pas du tout ! Le rongeur femelle - qui venait tout juste de poindre le nez dans ma direction au moment de faire mon monologue interne - n'est apparue au départ que sous sa forme originelle de Rattata. Elle ne payait pas de mine d'ailleurs, je l'ai croisée aux détours d'une ruelle sur le chemin du centre commercial de la ville de Céladopole. La pauvre avait l'air mal en point, semblait avoir été mise à l'écart de sa famille qui ne se trouvait pourtant pas si loin d'elle. Quelque chose n'allait pas, et ses petits couinements plaintifs ne m'avaient pas laissé indifférent. Je suis un grand sensible comme vous l'aurez compris, et laisser un être vivant dans la douleur et la panique, c'est impossible. Je préférerais encore mettre fin à ma carrière encore inexistante plutôt que de laisser un Pokémon connaitre un sort aussi funeste voire pire que n'importe quel humain défavorisé.

Toujours était-il que je l'ai rencontrée dans ce contexte précis. Je l'ai prise avec moi, ai continué ma course vers l'établissement de commerces en tout genre, afin de pouvoir me procurer un spray curatif appelé "Potion" dans le jargon du monde du dressage. Trouver l'objet en question ne fut pas difficile, assurer le paiement non plus n'avait pas été la partie la plus délicate de la manœuvre. Mais ce fut le temps de trouver le Centre Pokémon de la ville et de solliciter une infirmière disponible qui fut le plus pénible. Le temps passait à toute allure et l'état de la ratte n'augurait rien de bon. Heureusement, du personnel parvint à se libérer pour venir à ma rencontre, m'expliquer la procédure de prise en charge des pokémons. Il ne fallait plus que je reste assis, dans la salle d'attente, accompagné de Draco et Nekhbet, qui s'inquiétait de m'avoir vu passer du rire aux larmes.

J'en ai pleuré, de l'état de Mûshika. Je pensais au pire. Je m'en voulais d'avance de ne pas avoir couru encore plus rapidement. Je regrettais déjà de ne pas avoir été doté d'un sixième sens me permettant de repérer et de secourir des pokémons en détresse immédiatement. Alors que je me tenais la tête dans les mains, le dragon et le volatile de grande envergure se retournèrent vers la porte du bloc. Une infirmière vint à pas mesurés et calmes vers nous trois. Elle m'intima de relever la tête, pour pouvoir écouter son diagnostic. Le calvaire était enfin terminé. Mûshika allait bien, elle n'avait été que partiellement intoxiquée par de la nourriture sur laquelle on y avait appliqué un liquide anti-gel pour les pare-brises de véhicules motorisés, et que la potion que je lui avais administrée avait participer au ralentissement de la dégradation de la santé du rongeur femelle.

Le soulagement était tel que lorsque je ressortis du Centre Pokémon avec ma Rattata dans les bras, je lui fit un câlin presque étouffant. Si bien qu'elle me mordit le bras à plusieurs reprises pour que je puisse me rendre compte d'un phénomène qui se déroulait. Elle brillait de mille feux. Elle commençait à s'alourdir à vue d’œil dans mon étreinte. Elle grandit également en gabarit, sa queue devint moins touffue mais plus longue, son pelage encore plus soyeux qu'à l'origine prit une teinte de feuille d'automne marron, et ses deux quenottes de devant s'allongèrent. Elle était devenue une magnifique Rattatac, et malheureusement pour elle, cette évolution ne m'avait pas fait renoncer à l'embrassade que je lui avais réservée jusque lors. Elle semblait vouloir se débattre, mais elle se rendit vite compte que c'était peine perdue, et déclencha quelques rires chez ses deux nouveaux amis, Draco le Minidraco et Nekhbet la Rapasdepic.

Elle faisait partie de la famille maintenant. Et quelque chose me dit qu'elle allait faire sensation dans le futur.