Le reste de l’après-midi se passe normalement. Enfermée dans ma chambre après le travail comme à mon habitude, j’en profite pour m’étendre un peu dans mon lit afin de me reposer. Je ne me sens pas vraiment fatiguer, mais c’est quand même épuisant d’avoir à faire rouler ce fauteuil partout où je veux aller. Les muscles de mes bras se sont bien renforci au cours des précédentes années, mais je ne peux éviter la fatigue de me frapper en fin de journée. Si j’étais capable de marcher, cela m’éviterait beaucoup de fatigue inutile, mais la vie étant ce qu’elle est... je dois dire adieu à cette vie idyllique. Sans surprise, Freyja ne tarde pas à venir me rejoindre sur le lit et son corps froid vient se blottir conter ma hanche gauche, ce qui m’arrache un frisson de bien être. Je sens qu’à moitié son corps contre le mien, mais je suis quand même capable de percevoir la froideur qui s’en dégage. C’est plutôt agréable au final.

Je suis tellement habituée à cette petite routine que j’en oublie Couafarel qui se trouve aussi dans la chambre. C’est lorsque le silence envahi la pièce et que j’entends ses bruits de pas ainsi que ses griffes racler le sol que je comprends qu’elle est toujours là et que je l’ai légèrement oubliée. En me redressant sur mes coudes, je la vois alors en train de faire les cents pas autour du lit, comme si elle était perdue.

- Bah alors ma belle, ça ne va pas ?

La chienne redresse la tête vers moi, mais je n’arrive pas à percevoir ce qu’elle ressent à travers ses yeux. Elle me semble un peu perturbée, dérangée dans sa routine et elle n’arrive pas à retrouver ses repères. Je ne peux pas lui en vouloir pour ça, elle a vécue la majorité de sa vie avec un homme qui avait sans doute un comportement et des habitudes différentes des miennes. Elle devrait pouvoir s’adapter à sa nouvelle famille, mais cela risque de prendre un certain temps. Je lui laisserais tout le temps qu’il lui faudra, même si cela s’éternise. C’est un pokémon gentil qui a du potentiel, je me sentirais trop coupable de l’abandonner, surtout que je me suis battue pour la garder. Je vais en assumer les conséquences, quelles soient positives ou négatives, même si cela me paraisse improbable que cela soit négatif.

Voyant que la chienne ne me porte pas trop d’intérêt même si j’essaie de mon mieux de la réconforter, je finis par laisser tomber et je me retourne sur mon lit afin de me mettre dos à elle. Elle a surement besoin de se retrouver seule, surtout qu’elle fait les cent pas, alors il y a visiblement quelque chose qui l’a dérange. Tranquillement, je commence à m’assoupir et au bout de quelques minutes, je perds toute notion de la réalité. C’est à ce moment-là que la chienne perçoit mon changement de respiration et sans réfléchir, elle bondit sur le lit pour essayer de comprendre ce qui se passe. Son geste fait légèrement sursauter Givrali, mais la Couafarel décide rapidement de prendre place à ses côtés et je me retrouve donc entourée par deux pokémons. Je pense que je pourrais facilement m’y plaire dans ce nouveau ménage à trois qui ne fait que commencer.

Sans surprise, mon père est rentré du travail plus tôt ce soir. Je me doutais bien qu’il y avait quelque chose qui se tramait en voyant ma mère sortir les légumes du frigo, car elle ne cuisine presque jamais. Même si le curry n’est pas un plat très compliqué à faire, je ne la croyais pas capable d’en faire autant. Avant d’être en couple avec mon père, elle ne préparait que des trucs simples, comme des omelettes ou du riz et elle ne s’est jamais entrainer à en faire davantage depuis qu’ils sont en couple. Elle sait faire des recettes de base que nous mangions en étant enfant, mon frère et moi, mais c’est tout. De savoir que mon père est revenu me rassure, je ne voulais pas passer ce repas sans lui pour célébrer l’adoption de Couafarel. En soit, je crois qu’il s’en fou un peu d’avoir un nouveau pokémon à la maison, mais c’est plutôt ce que ce geste signifie qui est important.

Une fois la porte refermée derrière lui, l’homme se dirige d’abord vers la cuisine et les deux adultes s’échangent rapidement quelques mots avant qu’il ne se mette au travail sans s’être changé au préalable. Fidèle à ses habitudes, ma mère s’éclipse discrètement pour aller s’installer dans le salon afin de prendre une petite pause bien méritée et aussi d’appeler son fils, le temps que son conjoint prépare le repas.

Au bout de quelques heures d’attente, c’est enfin le temps de passer à table. Excitée, je m’empresse de finir de me préparer car je suis un peu en retard. Cela m’apprendra à faire une sieste quand je sais qu’un repas important m’attend... Je sors ensuite de ma chambre avec mes deux pokémons derrière mon fauteuil. En sortant de ma chambre, je constate que tout le monde est déjà à la table et que mon frère est en train de me servir un verre de vin bien frais. Décidément, ils sont chauds pour bien fêter et je ne m’attendais pas à ce qu’ils aient préparés autant de truc. Après tout, ce n’est qu’une adoption de pokémon, pas l’acquisition d’un nouveau diplôme ou d’un nouveau travail. Ils y vont peut-être un peu fort.

Sans rien dire, je m’installe à la table et l’odeur de la nourriture réveille aussitôt mon appétit. Il n’y a rien de plus réconfortant qu’un curry préparé par mon père. Il a toujours eu le don de faire des repas très savoureux et ce n’est pas pour rien qu’il est devenu cuisinier. Le toast est ainsi porté, tout le monde autour de la table lève son verre pour l’entrechoquer avec les autres et je sens que le regard de mon père se fait plutôt insistant sur ma personne lorsque les autres commencent à attaquer leurs assiettes. Je ne sais pas trop ce qu’il a, mais j’ose imaginer qu’il a quelque chose d’important à me dire.

- Alors Emily, as-tu déjà songer à un nom pour Couafarel ?

Je suis tellement surprise par sa question que je me fige pendant quelques secondes, bouche bée. J’y ai déjà un peu réfléchi depuis que nous sommes rentrés de la clinique, mais je ne pensais pas que mon père puisse s’intéresser à ce genre de détail.

Un groupe de Rozbouton s'enfuit en vous voyant, mais l'un d'eux tombe et se fait distancer. (niveau 8)

Plus je mets du temps à répondre et plus les regards se font insistants sur ma personne. Malgré que nous ayons préparé ce repas pour célébrer l’adoption de Couafarel, je ne m’attendais pas à ce qu’on se lance tout de suite sur le sujet. En général, mes parents aiment bien discuter des dernières actualités ou bien ils racontent simplement leur journée, mon frère parle de temps en temps de politique et moi je me contente d’écouter, à moins d’avoir une question à poser. Mes parents ont toujours apprécié les pokémons mais pas au point d’en devenir une passion. Ma mère travaille avec eux, sans plus et ce n’est pas pour rien s’il n’y a pas de créature à la maison. Ils n’ont jamais voulu perdre du temps et de l’argent sur des compagnons de vie, mais cela ne les a pas empêché d’en acquérir deux pour leurs enfants car ils savaient que c’était important pour leur développement.

Néanmoins, je vais devoir me résoudre à répondre à la question de mon père pour éviter de causer du drama inutile. Si je reste silencieuse trop longtemps, ma mère croira que je boude ou que je lui en veux pour quelque chose, alors que ce n’est pas du tout le cas. Tout de même hésitante, je me détourne légèrement afin de pouvoir observer la chienne qui fait tranquillement connaissance avec le Phyllali de mon frère. Un peu plus loin, les trois pokémons sont installés autour de leurs gamelles respectives et bien qu’elle n’est pas l’air très rassurée, elle arrive quand même à manger.

- Hmmm... je n’ai pas encore de nom, mais je vais garder le même concept qu’avec Freyja. Elle aura un nom de déesse, suffit juste de trouver laquelle.

Si mes parents approuvent mes paroles d’un simple hochement de tête, William, lui, se permet de pouffer légèrement. Un peu vexée de l’entendre se marrer, je me tourne vivement vers lui alors que le jeune homme se redresse déjà pour se mettre en position défensive, les deux mains levées devant son torse.

- Tant que tu ne l’appelles pas Aphrodite, ça devrait le faire.
- Qu’est-ce que tu insinues par-là ? Tu ne l’as trouve pas belle ?

Il est vrai que les Couafarel ne sont pas reconnus pour leur élégance et leur agilité, mais ils sont dociles et ils ont une fourrure parfaite pour leur faire faire des coupes. Il est facile d’avoir un pokémon personnalisé après être passé dans un salon de beauté, même si je ne vois pas l’intérêt d’aller en ce sens avec elle. Je n’ai pas adopté la chienne pour son apparence, mais bien pour son grand cœur et surtout après la souffrance dont elle a été témoin, elle mérite d’avoir une bonne famille. Je sais que je pourrais la rendre heureuse, ou du moins, je vais tout faire pour y arriver. Tout devrait bien se passer, sauf si elle n’accepte pas l’idée d’avoir a aidé une personne handicapée au quotidien. Je verrais alors pour trouver une solution, mais c’est inutile d’y songer maintenant puisque tout va bien pour l’instant.

Au final, le repas se passe très bien et les sujets de discussion sont divers et variés. Certes le début aura été très axé sur Couafarel, mais ils auront bien vite passé à autre chose afin de profiter à fond de l’occasion. Tout en mangeant, je songe à un surnom que je pourrais donner à la femelle qui soit stylé tout en étant original. Je n’ai pas envie de l’appeler par un nom commun qui soit trop répandu, j’aimerais être différente, comme je l’ai été avec Freyja en lui donnant le nom d’une déesse. Je pense que je vais me pencher là-dessus ce soir en faisant quelques petites recherches sur le net ou dans les quelques ouvrages sur la mythologie qui trainent dans ma chambre. Je trouverais forcément quelque chose qui me plaira.

Pendant ce temps, les trois pokémons font lentement connaissance, mais la chienne se détourne finalement d’eux pour se concentrer sur sa gamelle. En réalité, elle a un peu de mal avec le Phyllali envers qui elle ressent une certaine jalousie car il est évident qu’il est proche de la Givrali. En tant que frère et sœur, ils se comportent d’une façon qui ne laisse pas de place aux doutes et le fait de voir son amie si proche d’un mâle l’a perturbe un peu. Les humains croyaient bien faire en les présentant et en leur offrant la chance de passer un repas ensemble, surtout que les deux ont une personnalité assez similaire, mais cela ne se passera pas comme prévu. Ils ne le savent peut-être pas, mais Couafarel a toujours été très pointilleuse en ce qui concerne ses amitiés. Elle choisi minutieusement avec qui se tenir afin de pouvoir en tirer le plus davantage possible et elle sent que ce Phyllali ne se laissera pas berner aussi facilement qu’elle le voudrait. Il est donc inutile de perdre son temps avec lui.

Personne ne semble remarquer le froid qui s’est installé dans le groupe des pokémons et après un certain temps passé à table, tout le monde finit par se lever afin de pouvoir débarrasser. Comme d’habitude, j’offre mon aide pour aider pour que cela aille plus vite et mon frère ne tarde pas à rentrer chez lui. La soirée est déjà à moitié entamée quand le calme revient finalement dans la maison et j’en profite pour retourner m’enfermer dans ma chambre avec mes pokémons, tandis que mes parents s’installent dans le salon pour regarder la télévision ensemble. Une fois à l’abri des regards, je n’hésite pas une seconde à me mettre en pyjama et je me glisse ensuite sous les couvertures avec mon téléphone pour tenter de trouver un surnom convenable. Mes compagnes ne tardent pas à venir me rejoindre et au bout de quelques minutes, je sens la fatigue m’envahir de nouveau. La sieste que j’aurais fait avant le repas ne m’aura pas été très utile, finalement.

La nuit tombe et cette journée pourra définitivement être inscrite dans les annales. Moi qui pensais ne jamais capturer d’autres pokémons que ma Freyja, voilà que le destin me joue des tours. Il me tarde d’affiner ce lien et de peut-être en créer d’autres par la suite, qui sait.