Il parait que c’est la fin du monde.
Je dis bien il parait, parce qu’à Johto, rien à changer. Pourtant, il suffit de se balader dans les rues pour comprendre que l’heure est grave. Les murmures, les faciès grave et ces mots que tous ont à la bouche ; Kalos, brèche, chaos. En ce qui me concerne, j’en aurais bien rien à foutre – sauf peut-être pour le dernier terme - si ce débile d’Alan n’était pas venu me chercher, les larmes aux yeux. Que le monde s’effondre donc, ça fera du bien à notre planète. Pas que je sois particulièrement écolo dans l’âme, seulement l’attrait que j’ai pour l’espèce humaine n’est plus à prouver.

« C’est dramatique ! Il faut faire quelque chose ! »

Ah qu’il me saoule avec son air de bon samaritain, là. Je pige même pas pourquoi il vient m’emmerder moi avec cette histoire. Réfléchissons deux secondes : le monde s’effondre et il faut un sauveur, qui c’est qu’on appelle ? Captain… Certainement pas moi en fait, l’antisocial assassin dont c’est juste le rêve absolu. Le chaos, y a rien de mieux à mes yeux. Je suis sûr que j’excellerai à évoluer dans un tel univers… Si je ne suis pas mort d’ici là. Restons logique, j’ai pas la carrure d’un super héros, j’ai aucun pouvoir extraordinaire, politique ou autres, ni même des pokémons surentrainés. En vrai, ils seraient plus partants pour foutre davantage le bronx qu’essayait de sauver les vivants. C’est plus ça qui me tente dans cette histoire d’ailleurs.

« Comment vous pouvez y être aussi insensible ? » Eh ben comme ça, en fait. Je porte ma bière à mes lèvres, haussant les épaules. Je suis à deux doigts de me palper le paquet pour lui signifier que je m’en bats les couilles. « L’humanité a besoin de nous ! » Rohlala, les grands mots, tout de suite. Je suis quand même un brin curieux, pour l’heure. « Rappelle-moi, tu bosses pour qui de nouveau ? » Il reste coi. Bah ouais connard, quand on bosse pour l’une des organisations mafieuses les plus puissantes du monde, qu’on est connu pour le meurtre, la corruption, la vente d’organes et d’être humains et pokémons, on ne se la joue pas sauveur de la planète ensuite. Ça rejoint la question que je me pose depuis son entrée chez nous ; qu’est-ce que ce type fait chez les Rockets ?

« On ne peut plus se faire du blé s’il n’y a plus personne. » C’est un murmure, mais assez fort pour que je l’entende et que je pars dans un fou rire. Je sais bien qu’il ne pense pas la moitié de ce qu’il dit, qu’il cherche les arguments pour me convaincre. Sauf que je m’en fous du pognon. Ce n’est pas à ça que je fonctionne. Il ne l’a toujours pas compris. « Mais t’as qu’à y aller si c’est aussi important pour toi. Pourquoi tu me casses les burnes avec ça ? » Je commence à m’agacer un peu. Je le vois se recroqueviller sur lui-même, entrant sa tête dans ses épaules comme le ferait un Carapuce. Je le vois hésiter, regarder autour de lui alors qu’on est seuls dans mon appartement, comme s’il avait peur que quelqu’un l’entende. « …Ma sœur vit à Cromlac’h… » Ah. C’est con ça. Elle est sans doute morte à l’heure qu’il est. Je réalise que c’est la première fois cela dit qu’il me parle de sa famille. Pas que j’en ai quelque chose à foutre, mais c’est quand même la première fois. « Et ? » Je crois qu’il espérait m’amadouer avec cette histoire. Ça marche un peu, j’avoue, seulement la tentation de voir son visage se décomposer est trop forte pour que je laisse l’occasion me filer entre les doigts. Et je ne loupe pas une miette de son faciès déconfit.

« Imagine que c’est Shara… Ou même… Kane… »

Ce serait-il soudainement senti s’en faire pousser une paire ?
Il me tutoie, maintenant. Première fois alors que je suis son supérieur. Et il ose amener ma propre famille dans le tas ? C’est couillu dites-voir, je ne l’en aurais jamais cru capable. Mon regard se fait plus perçant, mon sourire plus doucereux. S’il était capable de me regarder droit dans les yeux ça aurait plus d’impact. Il réalise sans doute ce qu’il vient de faire et craint les représailles. Elles viendront, pas de doute. Mais pas tout de suite, ça serait trop facile. Je finis ma bière, pousse un soupir et me lève.

« La prochaine fois, assume que tes motivations sont égoïstes, on gagnera du temps. »

J’ai l’impression d’être trop gentil, quand on touche ma corde sensible. Faudrait que je remédie à ça un de ces quatre. Je préfère me dire tout de même que si j’y vais, c’est surtout pour voir le chaos de mes propres yeux. Ça doit être quelque chose à voir… A ne pas louper, assurément.

Et quitte à être à la fin du monde, autant assister à l’acte final.

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Alan s’est montré nerveux durant tous le trajet. On a pu rejoindre Kalos assez facilement, mais se rendre à Cromlac’h, c’est une autre histoire. Du lointain, on voit le ciel noir de l’apocalypse et… Je ne regrette pas d’être venu. Je sens une joie intense danser en moi à la vue de ce spectacle. Qu’est-ce que ça va être quand je verrais l’étendus des dégâts, les maisons calcinées, les corps écorché et fumant… ah. Je m’en délecte d’avance.

Le problème c’est que mon sous-fifre s’imagine que je suis là pour aider. Aucune chance. Il reprend du poil de la bête quand on se dirige vers la zone sinistrée. J’imagine qu’il pense encore que sa sœur est vivante et qu’on vient pour la sauver sur notre Galopa blanc. Quel crétin quand il s’y met, celui-là. Je sais néanmoins que je n’éprouverais pas de plaisir à le voir détruit par la découverte du corps sans vie de sa cadette – ou ainée, je n’en sais fichtrement rien – alors… j’vais lui fausser compagnie, à un moment ou un autre. Dans le chaos, ça doit être facile de se perdre de vue. On arrive en haut d’une colline qui semble être l’un des points de ralliements des secours. Des cris, des pleurs, des blessures infames. Je crois même avoir vu un homme agonisé, le bas du corps couverts de brûlures. Il y a du monde ici qui peut me voir, il faut que je calme mes ardeurs – sans mauvais jeu de mots -. Il est toutefois difficile pour moi de dissimuler le plaisir que je ressens à me retrouver dans un tel chaos.

Au loin, on voit le village dans un piteux état. Le regain d’espoir d’Alan se fait soudainement souffler comme la bougie d’un Funécire. Je le vois trembler. Hum. Ce n’est pas aussi agréable que ce que je pensais, de le voir dans cet état. Je me mets en marche pour rejoindre la bourgade, il met du temps à emboiter mon pas. J’entends bien ces gens qui nous déconseillent d’y aller, d’autres qui souhaiteraient qu’on les aide. Je les ignore magistralement. Quand l’un d’eux vient à essayer par dépit de me barrer la route, il se dégonfle bien vite lorsqu’il se retrouve face à une imposante créature de feu ; Tsuku est de la partie et compte bien, lui aussi, profiter du chaos. Je continue à penser que mon Typhlosion devrait sérieusement se mettre au régime mais au moins, ses kilos en trop le rende plus impressionnant. Sa crète enflammée crépite et à ses côtés, plus personne n’ose venir me bloquer la route. Tant mieux ; ça évite que j’éviscère moi-même l’un de ses idiots, au risque de me faire prendre. S’il y a un maigre espoir qu’on ressorte vivant de cette apocalypse, j’aimerai bien ne pas finir mes jours en taule.

La chaleur des environs commence à m’importuner. J’ai toujours préféré le froid et je sens la peau de mes joues s’embraser. Fais chier ; c’est pas le moment de me saouler. Ma peau a toujours été bien trop sensible à la chaleur, j’aimerai quand même éviter de ressembler à un Ecrapince. On traverse une forêt qui tient encore debout et j’apprécie la fraicheur qu’elle offre. Le problème est que l’endroit est plus calme et que je n’ai aucune visibilité sur le chaos environnant. C’est comme… une parenthèse, comme si on se trouvait dans l’œil d’un cyclone. C’est pas très fun, tout ça.

« J'en compte deux ! Trois ! »

Une voix féminine me parvient, pas très loin de nous. Je pourrais l’ignorer, seulement ma curiosité l’emporte. Alan émet un grognement de frustration ; il voudrait se rendre au village, mais en même temps, abandonner quelqu’un en détresse lui déplait. Je lui fais signe d’avancer, je m’occupe du reste et je le rejoins plus tard. Peut-être. Peut-être pas. Il semble douter de moi et je lui offre un nouveau sourire doucereux ; ce n’est pas le moment de me les briser.

Il acquiesce et reprend son chemin. Moi, je me dirige vers la voix, découvre rapidement une zone chaotique. Il y a dû avoir un tremblement assez puissant pour que ses arbres s’écroulent ainsi. Je découvre une femme, occupée à extraire de cet incident des plumes, aidée par un Scalproie… Je réalise alors que les plumes bougent et qu’il s’agit en réalité de pokémon. Des Brutalibré, si je ne me trompe pas. Plusieurs cadavres jonchent le sol et une moue se dessine sur mon visage. J’aime les charniers humains, beaucoup moins quand ça touche la faune. J’accorde bien plus d’importance aux pokémon qu’à l’homme.

« Je vais vous aider. »

Ne me demandez pas pourquoi je dis ça, exactement. J’avais pas besoin de parler pour qu’elle pige ce que je fous. En m’approchant pour l’aider à soulever un tronc, je découvre deux volatiles qui sont en piteux états, mais toujours vivants. C’est de ça donc, qu’elle parlait. Je porte ma main à la ceinture, un éclair écarlate et Lyra nous rejoint. Ma Gardevoir assiste à la scène, toujours aussi indifférente.

« Soigne-les. »

Elle me fusille du regard. Depuis quand elle doit s’occuper d’autres pokémons que les miens ? Elle croise les bras contre son torse. Elle a déjà du mal à accorder ses soins à mes alliés, alors à des pokémons sauvages… Elle me gonfle à défier mon autorité comme ça.

« C’est parce que j’ai pas dit s’il te plait ? » Mon agacement s’entend. Elle parait satisfaite et daigne enfin utiliser son Vibra-Soin sur l’une des créatures. C’est pas trop tôt. La créature piale, se redresse avec difficulté. Elle devrait s’en sortir. Lyra s’occupe du deuxième, toujours avec la même rapidité. Autrement dit, elle démontre bien qu’elle s’en fiche, mais le fait quand même. Je te jure, elle et son caractère taciturne, elle me gonfle. « Y en a un autre par là. » Je crois qu’il vit encore, même si j’ai un peu le doute quand je vois cette marre de sang jonchée le sol. On dirait néanmoins qu’il s’agit plus de son camarade, couché à côté de lui. Vu la position de sa tête et l’état de son abdomen, j’espère qu’il s’est brisé le cou avant de se faire éviscérer. Ça lui aura épargné des douleurs inutiles.

J’hésite à faire appel à Evil pour aider à couper les branches. Seulement connaissant mon Insécateur, je sais qu’il va couper sans faire attention aux Brutalibrés… Et l’idée c’est d’en sauver le maximum, pas de les achever. Même si parfois, la mort est préférable à la survie. Une forme imposante sort de l’ombre et je reconnais Tsuku qui revient nous aider dans notre tâche. Avec sa force, il peut soulever plus facilement que moi ou cette femme les troncs problématiques. Il a même fait l’effort de couper sa crète pour ne pas prendre le risque de tout embraser.

C’est qu’il peut être intelligent, quand il s’y met.

Le Scalproie qui accompagne la donzelle est à deux doigts de me sauter dessus. Ça m’amuse plus que cela m’inquiète ; je sais que même si sa dresseuse ne calmait pas ses ardeurs, un de mes alliés serait intervenu avant que la créature ne me tranche la gorge. Tsuku est dans les parages et je sais que quelques-uns de mes spectres aiment bien me suivre à la trace. De ce fait à mon avis, Yuurei et Crypt ne sont pas très loin. Ils ont beau ne pas avoir de pokéball – en vrai ils en ont, elles prennent juste la poussière à l’appart’ - , il n’empêche qu’ils ont attachement à ma personne et c’est assez réciproque, je dois dire. C’est peut-être parce qu’eux aussi, il la sente, cette aura malsaine.

Cette aura que le Scalproie a sans doute décelée. Certains pokémons, sans que je sache pourquoi, ressentent ce truc qui les rend méfiants à mon égard. C’est assez chiant, avouons-le. J’arrive aisément à berner les humains qui ont un sens de survie bien déplorable comparativement, mais les pokémons… C’est plus compliqué. J’aurais peut-être dû feindre la peur en constatant son geste, je me suis néanmoins contenté d’un haussement de sourcil. Sa maitresse me signale de ne pas faire attention à lui, ce que je ne tarde pas à faire ; il va quand même falloir que je garde un œil sur lui, au cas où. J’imagine que dans leur coin, mon Spectrum et mon Ectoplasma en font de même. Enfin, si c’est bien eux qui m’accompagnent cette fois.

Elle me remercie pour l’aide, j’hoche la tête. A part vouloir vivre dans leur colonie, ces créatures n’ont effectivement pas mérités de mourir. Je compte sur Lyra pour m’aider à sauver ceux qui peuvent l’être, bien qu’elle se montre revêche à mon ordre. Dresser cette tête de mule, c’est mission impossible. J’apprécie son esprit libre d’habitude, là, il me fait juste passer pour un idiot. J’aime moins, étrangement. Je suis obligé d’utiliser le sarcasme pour qu’elle daigne bouger le petit doigt, se fichant pas mal de la présence de l’autre humaine. J’apprécie néanmoins qu’elle laisse à ma Gardevoir la place pour agir. Lorsqu’elle annonce gravement qu’on ne pourra plus rien pour l’un des Brutalibré, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde ; Lyra se contente de soigner celui qui peut être guéri. Elle n’est pas du genre à s’acharner sur une cause perdue… Je ne sais pas si ça doit me rassurer ou non, pour le coup. En tous les cas, je remarque bien que la donzelle se retient, son visage est déformé par cette envie qui s’en prend aux tripes ; l’envie de vomir face à l’horreur du spectacle. Hum. Ca fait bien longtemps que ça ne me fait plus cet effet, personnellement.

J’ai réussi à trouver une autre âme encore vivante et je laisse ma soigneuse le soigner. A peine puisse-t-il demeuré sur ses serres qu’il s’en va en courant sans demander son reste. J’attrape au passage le bras de mon alliée pour la faire cesser son geste ; voilà qu’elle souhaite l’attaquer pour son ingratitude. J’vous jure, plus humaine qu’elle parfois, tu meurs. Elle a vraiment un problème avec la politesse ces derniers temps, j’sais pas pourquoi. Peut-être… Peut-être qu’elle traine trop avec moi quand Kane est dans les parages. Sauf que les leçons que j’apprends à mon fils, ce n’est pas pour elle. Je sais qu’elle le sait en plus, mais ça doit l’amuser, au fond. Je n’arrive pas à cerner son comportement, sa façon de raisonner. A croire qu’elle veut me rendre encore plus cinglé que je ne le suis déjà.

De son côté ma camarade de sauvetage est attirée par un piaillement. Ça doit être un miracle que la créature soit encore capable de marcher. Enfin, elle boite, mais il n’y a besoin que de soulever la branche pour la libérer. Cette fois-ci, Lyra n’essaie même de lancer un soin – ni une attaque, heureusement – et se contente de croiser les bras contre sa poitrine en regardant le fuyard. Si elle pouvait paraitre moins humaine, ça m’arrangerait. A mes côtés, Tsuku est venu nous porter assistance, mais malheureusement on ne fera pas plus de sauvetages. Les autres Brutalibré sont soit morts sur le coup – ce que je leur souhaite en un sens – soit morts d’épuisements des suites de leurs blessures. Après tout, nous n’avons aucune idée du temps passés sous les débris. J’entends d’ici la blondinette – aka Alexander – me dire que c’est la loi du plus forts ; les plus faibles meurent, les plus forts vivent. Faudrait m’expliquer comment j’ai fait pour survivre aussi longtemps, si le monde fonctionnait vraiment comme ça.

J’envoie tout de même Tsuku vérifier qu’il n’y plus d’âme qui vive avant d’abandonner les recherches. Avec son flair, il devrait être capable de faire la différence entre un cadavre et un vivant. La demoiselle prend une pause et en profite pour me demander ce que je pense de tout ce qui se passe. Je m’essuie le front – parce que mine de rien, tout ça, ça m’a fait transpirer -, affichant un air pensif. En vrai ce n’est pas tant de la comédie ; est-ce que j’assume d’être un connard, en me disant que de toute façon on est foutu alors je peux bien être celui que je suis vraiment ? Ou dans le doute, je reste vague et je sauve les apparences ? S’il y a une chance, même minime, que l’on survive, la sécurité serait peut-être de mise…

« Difficile à dire. Les médias en font toujours beaucoup trop quant à la réalité, mais le chaos qui règne ici est bien réel… Si nous devons tous y passer, j’ai envie de dire… tant pis ? » Un petit rire m’échappe. « C’est peut-être défaitiste, mais contrairement à d’autres je n’ai pas vraiment la rage de vivre. Je suis peut-être un brin suicidaire d’être venu au cœur du problème plutôt que de rester au calme dans ma région, attendant patiemment l'apocalypse. » Voilà que je me mets à parler beaucoup, pour ne rien dire en plus. Je me montre un brin gêné, passant l’une de mes mains dans mon cou, affichant un léger sourire niais. « Je suis venu avec un ami qui s’inquiète pour sa petite amie, elle était en déplacement à Cromla’ch… J’espère qu’il ne lui ai rien arrivé. On s’est séparé quand je vous ai entendu. Il voulait m’accompagner mais je lui ai dis de se focaliser sur son but premier. » Je peux bien arranger l’histoire à ma sauce, elle ne va pas aller vérifier ce que je dis. « … Et vous ? » Que je me fasse une idée de qui j’ai à faire, pour savoir si cette comédie à un sens ou non. Je remarque qu’elle cherche à me regarder dans les yeux, regard que je tiens aisément. Je réalise toutefois que j’ai oublié de masquer mon iris écarlate. Dommage, ça me rend pourtant bien trop reconnaissable, comme trait physique.

« Ah ! Enchanté Amyra ! » J'ai oublié le passage obligé des présentations. Petite courbette comme on fait chez moi. « Je m’appelle Akio. » … Va savoir pourquoi je donne le prénom d’un de mes ex. C’est étrangement le premier prénom qui m’a traversé l’esprit. Ça reste assez commun, bien plus que mon vrai prénom d’ailleurs. Faudra tout de même que je demande à Alan de me créer cette nouvelle identité. J’aurais pu piocher dans celles déjà existantes, mais j’aime bien faire chier mon subordonné. Enfin, faudra voir dans quel état il sera après la mort de sa sœur. ...Oups ?

« Je me demande ce qu’il se passe là-bas… » Mon regard se pose sur la forêt, en direction du village. « Vous vous rendiez là-bas ou au contraire, vous cherchez à vous en éloigner le plus possible ? » En vue de la situation, ce n’est peut-être pas le moment de se taper causette. Mais bon. Je suis en mode détente, pas un brin inquiété par tout ce qui se passe ici.

Un vrai touriste.

Je tiens son regard et sans grande surprise - je suis habitué à force -, la donzelle fait une réflexion sur mes yeux. Une remarque qui n’a pas grand intérêt à mes yeux, aussi je me contente d’un sourire poli. Aucune envie de tergiverser sur le comment du pourquoi, ni même de devoir expliquer que je suis né ainsi. Ça donne beaucoup trop d’informations sur moi, cette histoire, tant par le fait qu’avec les yeux vairons n’est pas si répondu, mais aussi parce que l’écarlate de ma prunelle parait inhabituelle. Quand on rencontre mon père biologique, on comprend pourquoi. Sinon… On me répète que c’est inquiétant et pas naturel et blah blah blah. Oui oui, je suis un démon, si vous voulez.

Bref, je tente si bien que mal à dissimuler l’agacement que cette réflexion génère en moi. Je constate facilement la forme de fascination qu’elle a, ce qui n’aide en rien à garder mon calme. For heureusement, elle me questionne sur la situation actuelle et je m’interroge sur le comportement à adopter. Honnête, pas honnête ? Pas honnête de toute évidence, même s’il y a une part de vérité dans ce que j’avoue. Que le monde brûle et s’effondre, je m’en bats les couilles. Si je dois mourir aujourd’hui, ça me va. Je doute que cette réflexion plairait à mon entourage, mais je pense qu’à être foutu pour foutu, lutter bêtement est inutile. Je préfère largement profiter du spectacle.

Je feins la gêne, étant sans doute la meilleure des attitudes à avoir après mon discours. Elle semble réceptive à cette peine ; ça doit être une gentille. Du moins, quelqu’un de bien meilleur que moi sur le plan moral. J’ai bien fait de jouer la carte du type lambda ; afficher ma vraie nature aurait pu m’apporter des problèmes. Je crois qu’elle cherche à me réconforter mais s’abstient, ce que j’apprécie aussi. Je n’ai pas spécialement envie de contact physique, pour l’heure. Elle tente de se montrer rassurante, quant à la fameuse petite amie de mon ami. Elle focalise son explication sur les pertes matérielles et historiques ; elle joue vraiment dans la cour des gentils.

« J’espère qu’elle n’a rien non plus… » Une légère moue dans sur mon visage. Je maitrise un rictus mauvais, puisque je suis persuadé du contraire. Amyra m’apprend qu’elle ne pouvait pas rester chez elle en sachant le chaos qui règne ici. Elle me donne son point de vue, j’acquiesce doucement. « Je pense aussi qu’il s’agit d’un cas isolé. A vrai dire, j’ai du mal à comprendre comment les gens en sont venus à conclure qu’on va tous mourir. Pour faire paniquer tout le monde, y a rien de mieux. » Parce que ça m’échappe un peu, cette logique, je dois avouer. « Ou alors c’est du pipo pour que le plus de personnes viennent aidés. » A mon sens, il s’agit de l’explication la plus logique. Couplé au drama des médias, ça fait son effet. La preuve, c’est pour ça que la donzelle est venue. C’est que ça marche, comme manipulation.

Je m’interroge sur ce qui se passe au village. Nous sommes donc deux curieux en plein milieu d’une forêt. Et je crois que j’ai déjà pris la décision de m’y rendre. « Je pense que ce serait le mieux. Ne serait-ce que pour aider mon ami à retrouver sa belle… Et dans le pire des scénarios, le consoler. » J’ai un ton plus grave, comme si ça m’attristait. Je suis défaitiste, clairement. Au fond cela dit, je n’en ai strictement rien à battre de la sœur d’Alan. Maiiis… Si je devais être totalement honnête avec moi-même, je ne crois pas que le voir dévasté m’apporterait le moindre plaisir. Suffit de voir l’inquiétude que j’ai nourri pour cet idiot quand il a manqué de se faire abattre juste à côté de moi. Humf. Je préférerais clairement m’en foutre, comme pour tout le reste. Seulement… Ce crétin a déjà assez souffert comme ça.

Elle me questionne cette fois-ci sur mes origines, tandis que Tsuku revient vers moi. Vu son regard, je comprends qu’il n’y a plus d’oiseaux vivants là-dessous. Il claque doucement de la mâchoire et je le réprimande silencieusement ; non, tu ne boufferas pas les cadavres même si t’adores les volatiles. Ça suffit ; je ne suis pas certain qu’Amyra apprécie de voir mon stater se nourrir des Brutalibrés qu’on cherchait à sauver. « Je viens de Johto. » La région est assez grande pour que je puisse me montrer franc. J’aurais pu dire Kantô plutôt, mais l’erreur est faite. Bah. Je pourrais même lui dire que je vis à Doublonville qu’elle ne pourrait pas me localiser ; elle n’a même pas mon vrai prénom. « Je vous retourne la question. » C’est de la vraie curiosité, en plus d’être de la politesse. Le seul pokémon qui l’accompagne est originaire, si je ne me goure pas, d’Unys. Mais aucune idée de si ça a un quelconque lien… Après tout, Lyra est originaire d’Hoenn, à la base.

Il faudrait que je me dirige vers le village, désormais. Je fronce les sourcils cependant lorsque la terre tremble légèrement ; un bourdonnement sourd éclate pour se stopper aussi soudainement. « C’était quoi ça ? » Zéro panique dans la voix. Je n’ai juste pas compris ce qui vient d’arriver. Mon regard se porte là où j’imagine que le village est, mais on ne voit rien d’ici. On est trop loin. Des piaillements explosent et je lève les yeux, constatant une nuée d’Etourmi et d’Etourvol qui s’éloignent rapidement. « On dirait que quelque chose les a effrayés… » Je ne saisis pas. En plus, le calme revient dans la forêt. Les bruits habituels de la nature ont cessé, comme piégé dans le temps. Raaah. J’ai envie de savoir ce qui se passe. J’suis loin d’être curieux d’habitude, mais là, j’suis piqué au vif. Je n’aime pas ne pas comprendre une situation.

« J’sais pas ce qui se passe là-bas, mais j’ai bien envie de le découvrir. »

J’ai un petit sourire. Ça doit jurer avec le comportement de froussard que j’arbore depuis tout à l’heure. Mais je m’en fous ; je veux comprendre dans quel enfer on est en train de sombrer.