L’autre matin, alors que je me remettais à peine des évènements de ma journée d’anniversaire l’avant-veille, Donovan a débarqué dans le bureau pour nous annoncer que les statitiks étaient revenus au Pont Yoneuve et qu’il fallait qu’on en parle. Ma seule réaction avait été de m’affaler à la table centrale, sachant très bien qu’une sorte de réunion allait s’en suivre. Tarja et Célestin m’ont suivi. Je faisais de mon mieux pour ne pas croiser le regard de ma collègue car elle décuplait mon sentiment de culpabilité. Pour détourner ma propre attention, je lançais à qui voulait l’entendre que j’espérais qu’on aurait pas à retourner en mission dans un lieu aussi nul, surtout si c’était pour se reprendre des statitiks sur la tronche. Ca a suffit pour que Célestin se lance dans de grandes théories sur la raison de leur présence là-bas et l’improbabilité qu’on nous sollicite encore alors que le problème était déjà connu. Pour une fois je l’ai écouté, c’était plus facile de pas croiser le regard de Tarja comme ça.
Notre patron avait fini par ressortir de son bureau et s’asseoir à sa place : en bout de table. Il a pris sa pose des grands jours, les coudes posés sur la table et les mains rassemblées avant de nous adresser son regard le plus sérieux. Je déteste quand il fait cette mise en scène, car en général c’est qu’il va nous annoncer une mission à la con.

- Les personnes chargées d’étudier la migration des statitik les ayant menées au Pont Yoneuve la dernière fois avaient déduit qu’ils venaient de la Grotte Electrolithe. Ce mouvement massif avait été provoqué par une activité électrique inhabituelle au sein de la grotte, ce qui avait été attribués à la famille d’évolution des anchwatts alors en pleine période de reproduction. Aujourd’hui ce n’est plus le cas et pourtant les statitiks sont revenus. Les mairies de Port Yoneuve et Parsemilles pensent qu’il se passe quelque chose dans cette grotte. Comme nous sommes le groupe qui a enquêté sur le premier phénomène au pont, ils souhaitent nous solliciter pour la suite : explorer la Grotte Electrolithe et fournir un rapport qui permettra aux autres équipes de mieux en saisir les anomalies potentielles.

Pour une fois, ça ne ressemblait pas à une mission à la con. Du coup, j’ai réussi à être plus efficace pour tout préparer - ça aidait aussi à me changer les idées - et nous voilà le jour J, prêts à partir pour la Grotte Electrolithe.
Je n’y suis jamais allé, mais c’est un endroit qui m’a toujours fait pas mal envie, niveau visite. Dommage que ce soit interdit au public ! Je sais que ça se justifie, car c’est assez dangereux, avec les pokémons électriques, les grindurs qui peuvent tomber du plafond et surtout les pierres qui flottent car gorgées d’électricité qu’il ne faut pas toucher, mais c’est justement ce dernier point qui rend l’endroit trop stylé ! Dans les reportages et autres images, j’ai toujours trouvé ça magnifique.

Depuis la reprise du travail, suite à mon petit jour de congé d’anniversaire, j’ai réussi à soigneusement éviter Tarja. Même quand on rentrait au même moment et qu’on allait du coup forcément au même endroit, elle non plus n’avait pas l’air de vouloir m’adresser la parole. Il faut dire que, même si ça avait fini par s’améliorer, il y a toujours des moments où c’est comme ça entre nous depuis la mort de Phil. Un jour où je me sentais fort, j’ai essayé de lui en parler pour savoir un peu ce qu’elle ressentait et elle m’a envoyé chier. Ca m’allait, car finalement je crois que je le suis pas tant que ça, fort. La preuve, j’ai jamais eu envie de réessayer même si je reste curieux. Ils étaient amis, elle l’a aidé tout du long… Hm, je veux pas savoir en fait. Maintenant, j’ai surtout peur qu’elle m’en veuille autant que je m’en veux, ce qui confirmerait que j’ai bien raison de m’en vouloir.
Ca me soule.

Je charge nos sacs dans le coffre de la bagnole avant de monter à l’arrière, comme d’habitude. Ils sont un peu lourds, car on a dedans des espèces de paratonnerres créés à partir de l’étude des moustaches des dedennes - me demandez pas, j’ai pas compris non plus - qui permettent d’être posés quelque part et d’attirer les flots d’électricité jusqu’à eux. Ensuite ils envoient tout dans leur socle, qui est le truc lourd, pour que ce soit ensuite redirigé loin dans le sol. J’ai testé avec mon voltali et ça marche super bien ! Toutes ses attaques électriques étaient envoyées vers cet outil ! Le but est de nous protéger de certains des pokémons sauvages, mais aussi des courants qui sont parfois forts dans la grotte selon les études menées par Tarja et Célestin en prévision. Enfin, ce que j’espère, c’est que ce dernier sera capable de soulever son propre sac toute la journée ! Pas envie d’avoir à m’en trimballer deux cette fois.

Tarja démarre et nous voilà partis en direction de la Grotte Electrolithe. Ce n’est vraiment pas loin de Port Yoneuve alors le trajet ne devrait prendre que quarante-cinq minutes en comptant les bouchons. Notre conductrice met de la musique, le problème c’est qu’elle est toute douce donc forcément, malgré tous mes efforts, je me retrouve à avoir Aram en tête - quelle idée d'avoir vraiment mis le bracelet qu'il m'a offert pour partie en exploration. Il est là, il me regarde avec son sourire solaire qui réveille les charmillons que j’avais réussi à faire dormir dans mon ventre. Les aiguilles reviennent se ficher dans mon coeur, j’ai envie de lui envoyer un message qui sert à rien juste parce qu’il pourra peut-être me répondre avant que je perde le réseau dans la grotte. Bref, c’est un désastre alors dans une vaine tentative pour le chasser de mon crâne je repasse le dossier de photos qu’on a récupéré de la grotte. Les couloirs étroits, les gouffres, les ruisseaux, les murs où se réverbère la lumière bleu des pierres en lévitation… Je suis pressé d’y être.
Et finalement, le trajet passe aussi vite que je le pensais, même si j’en ai passé une bonne partie à imaginer les photos stylées que je pourrais faire pour ensuite les envoyer à Aram et Rose, ce qui m’a aussi un peu agacé.

L’entrée de la Grotte Electrolithe ne paye pas de mine de l’extérieur. C’est un trou à flanc de montagne tout ce qu’il y a de plus trou à flan de montagne. L’extérieur a à peine été renforcé pour être sûr que ça ne s’éboule pas. Célestin commente comme quoi c’est parce que la roche est très robuste, que cette grotte est millénaire, et que comme l’homme n’y a pas trop touché il n’y a pas trop de risques. Un truc comme ça, j’écoute pas tout. A la place je prends des photos de l’extérieur, du dispositif de sécurité : c’est un grand grillage, bien épais, qui est en plus électrifié selon le panneau.

- Hé Célestin, tu veux pas mettre la main ?
- Ca va pas la tête ?!, je me marre puis retourne à mes photos.

Au milieu du grillage, il y a une porte fermée par plusieurs cadenas dont nous avons obtenu les clés. C’est Tarja qui les a. Pendant qu’elle s’occupe de les déverrouiller avec précaution, je vais récupérer les sacs dans le coffre pour donner à chacun le sien.

- J’ai hâte de voir les nodulithes et géolithes !, gazouille presque Célestin alors que nous pénétrons dans la grotte comme s’il ne venait pas de citer deux des pokémons les plus dénués d’intérêt du monde connu.

La porte claque derrière nous quand Tarja la referme. Son bruit et celui du grillage résonnent déjà alors que nous entrons à peine dans la Grotte Electrolithe. La couche de terre qui recouvre la pierre disparaît rapidement, laissant apparaître la roche sombre qui compose les parois de la grotte. Ce sera peut-être la plus sombre que nous avons explorée si l’électricité, plus loin, n’apporte pas la lumière bleue que nous vendent les cartes postales. Heureusement on nous a averti que, pour le début de la grotte et donc la zone visitée le plus souvent, il y a un système d’éclairage à activer.
L’espèce de local électrique est visible depuis l’entrée, je m’en vais l’activer. Normalement c’est dans mes cordes, il faut juste baisser une manette pour établir le courant. Ceci fait, des ampoules fixées au plafond de la grotte et reliées à l’installation électrique par un cable s’allument. Elles courent le long du tunnel et permettent d’avoir une bonne vue des lieux. La pierre est vraiment sombre. J’y passe les doigts, elle est un peu humide.

- Fait attention quand on sera plus loin : l’eau conduit l’électricité, tu pourrais te prendre des chocs en touchant les murs comme ça, c’est presque la première fois que Tarja m’adresse la parole aujourd’hui.

J’essaye de déceler si elle me fait la gueule ou non dans son ton blasé, mais comme d’hab’ je n’y trouve rien. Alors je me contente de hocher la tête sans demander comment ça se passe pour le sol qui sera aussi humide et parcouru d’électricité. C’est moi qui suis allé réceptionner nos chaussures isolantes exprès, ça m’empêche d’être trop ignare pour ce coup !

- Oui d’ailleurs à propos de ça, Célestin, si t’es fatigué tu t’effondres pas d’un coup hein ! Préviens, faudra qu’on mette les bâches au cas où pour se reposer, isolantes également.

On a pas trop pu savoir à quel point les courants électriques au sol peuvent être douloureux, les récits variants et dépendant de la présence des pokémons autour et du lieu précis, alors autant être prudents. Ca peut aller du petit picotement aux brûlures après tout.
Maintenant que j’y songe, c’est la première fois que nous faisons une exploration dans un lieu que je peux même sans y être allé considérer comme “dangereux”. Dans les faits, toutes nos expéditions peuvent l’être : on va dans la nature sauvages. Seulement dans la Grotte Electrolithe il y a un truc en plus. Peut-être les phénomènes inhabituels comme l’électricité visible sur les clichés. J’ai hâte de le voir de mes propres yeux, de le prendre en photo, mais contrairement à d’habitude je me dis qu’il faudra être prudent.
Ca peut pas me faire de mal, vu ce qu’il m’arrive habituellement au travail !

- On devrait déjà sortir des pokémons pour se protéger. Même si les autres auront probablement fuit au fond de la grotte en nous entendant arriver, les grindurs doivent toujours être au plafond.

Les indications de Tarja sonnent plutôt comme une forme d'ordre pour nous protéger. Pour le moment le haut de la grotte est très visible, car à peine plus grand que nous d’un mètre, mais je vois déjà que ça s’agrandit plus loin. Célestin laisse apparaître son strassie à qui il demande de rester près du plafond afin de surveiller et interpeller les grindurs si ces derniers tentent de nous attaquer. Tarja fait appel à son oniglali, son pokémon le plus mobile ici. Moi… J’hésite quelques instants puis décide d’opter pour Juliette et Rubis. L’archéodong parce qu’elle flotte, est mobile, et peut nous servir de couvercle et mon reptincel parce que c’est lui. Bien sûr je déguise ça derrière le fait que les grindurs ça brûle bien, ce qui convainc Célestin et me vaut un air blasé de Tarja.
Tout de suite, Rubis se met à marcher au pas à côté de moi, ce qui est inhabituel. Les muscles de ses mâchoires ont l’air un peu tendus et ses griffes serrées. Est-ce qu’il se sent dans un environnement particulièrement hostile ? Lui qui est presque aussi inconscient que moi habituellement… Ca n’aide pas à me rassurer. Je me permets de faire la remarque à voix haute une fois que mes collègues ont fait le constat pour leurs propres pokémons.

- Il doit y avoir quelque chose qu’on ne peut pas sentir dans cette grotte, même ma strassie est tendue !, conclue Célestin. Restons sur nos gardes.

Les deux autres étant subitement aussi rapides que des limagmas, je me retrouve à prendre la tête du cortège. Bien sûr je ne fonce pas tête baissée, restant prudent, mais c’est pas non plus une raison pour aller à deux à l’heure ! Je roule des yeux quand je dois m’arrêter pour les laisser me rattraper et en profite pour observer la cavité dans laquelle je viens de pénétrer.
Le plafond a gagné plusieurs mètres, ce qui fait que les lampes sont désormais sur les murs ou le sol pour nous éclairer. Le sol est irrégulier, par endroits des marches artificielles ont été creusées afin de pouvoir mieux circuler. Toujours au sol, je suis intrigué par des… Petits creux ? Je m’accroupis pour mieux voir : comme si on y avait donné des coups de marteau. Mes collègues m’ont rattrapé quand je prépare l’appareil photo pour prendre des clichés de ce que je vois, puis du lieu en général.

- On dirait des impacts de grindurs, constate Célestin venu se pencher au même endroit que moi.

En quelques instants, Juliette est au-dessus de nos tête puis un bruit d’impact métallique résonne. Une forme ovoïde rebondit contre le corps de l’archéodong et tombe plus loin au sol. L’éclairage nous révèle un membre de l’espèce désignée juste avant par Célestin.

- Waw il nous a vraiment attaqués ! C’est intéressant tu vois car vu la roche je pense qu’il faut plusieurs chutes de grindurs pour l’abimer, donc comme on voit les impacts ici et ailleurs sur le sol, ils doivent toujours tomber au même endroit.
- Ils sont déter’ !
- Ils attendent surtout que des cons comme vous restent en-dessous !

La remarque pertinente de Tarja nous fait nous relever tous les deux. Je me sens d’autant plus bête que Célestin venait d’énoncer le piège à voix haute. Pas le temps d’avoir honte ceci-dit car je vois Rubis remplir sa gueule de flammèches qu’il s’apprête à lancer sur le grindur tombé au sol. Je l’arrête tout de suite :

- On va peut-être éviter de les énerver en massacrant leur pote, non ?, ayant compris au moins l’interdiction, mon reptincel claque des dents pour me montrer sa désapprobation. Entre ses crocs, il y a toujours des étincelles de feu. Il est vraiment sur les nerfs.

Après que les strassie et onliglali de mes collègues aient fini d’examiner le plafond de la grotte, nous nous plaçons dans un endroit où nous sommes sûrs que les grindurs ne nous tomberont pas dessus pour prendre mieux connaissance des lieux. Tarja s’occupe de regarder la carte, Célestin de documenter les pokémons présents - nos agresseurs - tandis que je prends des photos après avoir vérifié que mon archéodong n’avait pas subi de dégâts.

- Si on suit la galerie qui part de là…, notre cheffe d’équipe désigne un des tunnels partant de la cavité où nous nous trouvons. On trouvera l’échelle pour aller plus bas. C’est à partir de là que ça deviendra plus dangereux. Faites bien attention, ok ?

Ni moi, ni Célestin ne trouvons quoi que ce soit à rétorquer même si j’aimerais. C’est vrai qu’il y a cinq minutes on était bêtement en train de se faire bombarder par un grindur.
Pour s’assurer qu’on puisse traverser la pièce sans risque, l’oniglali de Tarja lance une attaque vent glace en direction du plafond. Les pokémons plantes s’ accrochant se recroquevillent sur eux-même, rentrent leurs piques, et tombent chacun leur tour au sol. Selon Célestin, nous avons alors un peu plus d’une minutes pour nous barrer avant qu’ils ne retrouvent leurs réflexes. L’état des grindurs a l’air de rassurer Rubis. C’est donc ça qui le mettait autant sur les nerfs ? Il est bizarre aujourd’hui.

Le tunnel menant jusqu’à l’échelle est tranquille. On y croise juste des nodulithes qui se contentent de nous observer de loin. Je me ferai jamais à la biologie qui dit que ce qui a l’air d’être leur oeil est en fait une grosse oreille. Ca me donne envie de crier un grand coup dedans pour vérifier. Si c’était pas le risque de se prendre une attaque en pleine gueule, aucun doute que je le ferais.

- Célestin, ton gigalithe c’est aussi des oreilles ses yeux ?
- Des oreilles, mais s’il te plait ne hurle pas dedans.; hmpf, faut croire que je suis trop prévisible.

Au bout du tunnel nous trouvons un trou assez large pour trois personnes auquel est accroché une échelle en métal. Au vu de son usure, elle est là depuis longtemps. Un panneau l’accompagne, fixé à la roche. Sur ce dernier, diverses alertes de sécurité comme si le grillage à l’entrée de la grotte ne suffisait pas. Risque d’électrocution, pokémons sauvages agressifs… La seul point qui m’intrigue est celui qui dit de ne surtout pas toucher l’eau car je pensais pas qu’il y aurait des ruisseaux en sous-sol. Si eux aussi sont parcourus d’électricité, d’où l’interdiction, ça va être trop beau à voir !
Juliette ainsi que le strassie et l’onliglali passent devant par le trou histoire de servir d’éclaireurs. Une fois que l’un d’entre eux est revenu pour nous assurer que la voie est libre, je suis le premier à prendre l’échelle. Ca me dérange pas, je suis enthousiaste, mais je trouve ça récurrent et me demande à partir de quel moment je me suis mis à servir de crash test lors de nos explorations… Bah ! Les pokémons nous ont déjà dit qu’il y avait rien de dangereux en bas de toute façon.

Même si nous n’en sommes pas encore aux pierres flottantes et que nous devons observer les lieux à l’aide de puissantes lampes torches - plus d’éclairage à partir d’ici - la grotte est déjà bien plus belle dans cette galerie. A travers les creux dans la roche des parois, il est possible d’apercevoir, si on regarde assez longtemps, des filets d’électricité parcourant les gisements plus profonds. Pour cette raison, je fais attendre le groupe pendant dix bonne minute le temps de réussir à prendre ce phénomène en photo et en vidéo, justifiant ça comme quoi ça pourrait témoigner d’une activité inhabituelle dans la grotte si jamais c’est pas comme d'habitude sans qu’on le sache.
Ceci fait, nous reprenons notre route. Rubis est de nouveau sur les nerfs, il a une démarche cheloue, comme s’il s’attendait à voir un ennemi apparaître à chaque coin de caillou. J’essaye de le rassurer, il me montre les crocs. Hm, je sais pas quoi en penser. Juliette a l’air égale à elle-même alors que c’est elle le pokémon psy qui devrait être capable de détecter les prédateurs, mais en même temps je la connais beaucoup moins que mon reptincel. Peut-être ne suis-je pas encore capable de voir les variations d’humeur sur cette archéodong… Si tant est qu’il soit possible d’en voir vu que ce pokémon est inexpressif. Je pose la main sur sa cloche en acier, juste pour voir. Immédiatement ma vision se trouble, la grotte est remplacée par un énorme flash lumineux bleuté qui ne m’inspire que de la peur. Ca ne dure qu’une seconde et suffit à me faire comprendre que Juliette aussi craint quelque chose.

- Dîtes, vos pokémons aussi sont chelous ?
- Je crois… Les antennes de ma strassie ne bougent pas comme d’habitude. Elle a l’air inquiète, Célestin aussi l’est vu le ton qu’il emploie.
- Et mon oniglali est agressif, confirme Tarja. Maintenant, savoir si c’est cet environnement très inhabituel ou autre chose…
- Ma archéodong m’a montré un flash d’électricité aveuglant.
- Hmm… Peut-être qu’il y a un problème avec le flot d’électricité de la grotte ? Il y aurait une concentration inhabituelle quelque part, le flash que ton archéodong t’as montré, et c’est ce qui rendrait nerveux les pokémons. On ne sait jamais ce qui a pu se passer et qui aurait pu perturber l’équilibre de cet écosystème.

Célestin continue de théoriser un moment. Ce que je retiens, c’est que ça peut être dû à un phénomène naturel, par exemple un éboulement, et du coup les pokémons, dont les statitiks qui fuient la grotte, seraient perturbés.

- Si on ne voit plus de grindurs plus loin dans la grotte, ça pourrait être un indice. Ils ont beau être habitués, une grande quantité d’électricité peut les affecter. Les nodulithes et géolithes résistent mieux. Concernant les statitiks, ce sont des pokémons de très petite taille, on peut imaginer que malgré leur type électrique, c’était trop à absorber pour eux ce qui a poussé à leur migration.

Ca y est, c’est en train de devenir un peu trop complexe pour moi. Pourtant, l’attitude de mes pokémons me pousse à écouter avec attention les explications de Célestin pour une fois. Enfin, ce que je retiens, c’est qu’a priori ça ne devrait pas être trop risqué. Qu’est-ce qu’une grande concentration d’électricité pourrait bien nous faire tant qu’on est pas assez cons pour aller mettre la main dedans ? Vu la vision que m’a donnée Juliette grâce à ses pouvoirs psychiques, ce sera a priori assez voyant pour qu’on évite de trop s’en approcher.
Une fois que nous avons fini de théoriser, nous reprenons notre avancée dans le tunnel. A un moment Tarja s’arrête, dégage les cheveux autour des son oreille pour mieux profiter de sa très bonne ouïe et nous annonce qu’elle entend de l’eau.

Les parois de la cavité dans laquelle nous arrivons ont une forme différente des tunnels que nous traversons jusqu’ici. Leur structure est comme en strate. La salle est traversée par une rivière souterraine, assez fine pour sauter par-dessus en prenant assez d’élan. L’eau est lumineuse sans que je comprenne encore pourquoi car nous restons désormais prudents dans notre progression. Déjà, Célestin nous apprend que l’endroit devait être plein d’eau avant qui s’est retirée petit à petit, d’où les parois. Ce que j’en retiens, c’est que ça devait être comme une grosse citerne.
Quand je me mets à marcher pour aller voir l’eau, le bout de ma chaussure butte dans un petit élément qui fait des étincelles d’électricité. Ce n’est qu’à ce moment que je remarque que les quelques graviers présents au sol sont en fait un légère lévitation. Le choc a fait tourner celui que j’ai frappé au bleu électrique. Si j’avais su que les premières roches électriques que je verrais seraient ces petits cailloux ! Après m’être agenouillé, je les prends en photo de près.

- Ils ont la taille pour en ramener un échantillon, commente Tarja qui roule les yeux quand elle constate que je ne me bouge pas à sa place pour le ramasser.

Elle fouille dans son sac pour en tirer sa paire de gants isolants - qu’on n’a pas mis jusqu’ici car par besoin et il fait pas si frais dans cette grotte -, attraper un des plus petits graviers pour le ranger dans une fiole hermétique.

Cette fois, je m’en vais vers la rivière lumineuse. Encore une fois, c’est à cause des courants électriques qui la parcourent. Je les vois s’étaler et parcourir de manière chaotique le courant d’eau. Je prends une nouvelle vidéo du phénomène, aussi avec mon portable personnel. C’est trop beau avec toutes ces variations de lumières et le crépitement que ça provoque jusque dans les oreilles ! Dès que j’aurai du réseau, il faudra que j’envoie ça à Aram et Rose. Ca me fera une bonne excuse pour envoyer un message au premier d’ailleurs… Non. Pas les charmillons maintenant, c’est pas le moment bordel ! Ni pour la culpabilité ! Vite, me distraire… Oh ! Y a des anchwatts !
Les petits pokémons nagent au milieu de l’eau et des éclairs. Vu leurs types, ils sont totalement dans leurs éléments. Célestin, qui m’a rejoint, commente comme quoi ça doit être les seuls pokémons aquatiques à être capable de survivre dans cette grotte avec les loupios. Il se demande si on croisera ces derniers, ce qui m’étonnerait car ils sont quand même plus gros et les petites rivières de grottes ne doivent pas leur convenir. Enfin j’imagine, j’y connais rien.

- Illia, tu crois que ton voltali pourrait nous aider à en capturer un ? Ca pourrait être intéressant d’en ramener un pour étudier son électricité si on suppose une activité anormale dans la grotte. Il paraît que tous les ancwhatts et statitiks d’Unys naissent dans la Grotte Electrolithe, mais pourquoi les statitiks migreraient et pas les anchwatts ?
- Parce qu’ils peuvent pas sortir de l’eau et se barrer ?
- ... Peut-être, mais je ne pense pas : on en trouve dans l’eau douce de la région donc c’est qu’ils doivent pouvoir circuler pour revenir et ressortir de cette grotte.

Bon, si ça peut lui faire me foutre la paix… Je laisse sortir Citrine de sa pokéball et lui demande de donner des coups de pattes dans l’eau afin de choper un anchwatt. A la place, je vois ses poils se gonfler, ses babines se retrousser, et il se met à grogner. Son agrassivité n’est dirigée vers personne. Des gerbes d’électricité s’échappent de sa fourrure, il lance, à répétition, des attaques tonnerre dans tous les sens. Tout le monde se jette en arrière pour esquiver. Ce n’est que lorsque je suis en train de sentir le picotement du sol sur mes mains - il faut que je mette les gants - que j’ai le réflexe de renvoyer de force Citrine dans sa pokéball.

- Il s’est passé quoi là ?!, je me relève, inquiet pour mon voltali.
- Je… Je crois qu’il a absorbé l’électricité de la grotte. Ca arrive avec certains pokémons du même type. On dirait que c’était trop pour lui, mais-, Célestin parle comme si j’étais déjà en train de l’engueuler. Il a bien raison !
- ’Tin t’es vraiment un bouffon ! C’est pas sensé être toi le grand expert en pokémons ici ?! Qui sait toujours tout sur tout ?! T’as vu comme Citrine avait l’air de souffrir !
- Je-je suis désolé ! Je pensais pas que…

Je l’écoute plus. La seule solution pour que je lui mette pas mon poing dans la tronche c’est m’éloigner alors c’est ce que je fais. D’un bond, je saute par-dessus l’étroite rivière et m’en vais voir ce qu’il y a de l’autre côté. Mon voltali ne quitte pas mes pensées car tant qu’on est là sous terre, je pourrai pas le soigner.

Pendant le quart d’heure qui suit, personne ne se parle. Nous nous contentons d’avancer dans des galeries qui sont souvent des cul de sac car éboulées au bout. Seul les précautions de Tarja, quand elle repère qu’un tunnel n’est pas super résistant, brisent notre silence. Le bon point, c’est que ça fait que je peux redescendre tranquillement en pression tout en lançant des regards assassins à Célestin - à défaut d’avoir le droit de lui péter les dents. Lui est perdu sans ses pensées ou plongé dans une réflexion intense, je m’en fous, tout ce que je remarque c’est qu’il est pas attentif à ce qui l’entoure car il trébuche et manque de se péter la gueule plusieurs fois. Il mériterait tiens ! Je me distrais en essayant de calmer Rubis, qui est de plus en plus tendu. Peut-être que je devrais le remettre dans sa pokéball.

- Cette fois j’entends des cliquetis, nous informe soudain Tarja.
- Peut-être des fermites ? Leurs pattes produisent un son similaire.

Nous empruntons un nouveau tunnel, en pente, qui nous fait nous enfoncer encore plus loin dans les entrailles de la terre. La roche est toujours aussi sombre, les veines de minerais électrisées sont de plus en plus présentes. Les graviers continuent de léviter, de plus en plus haut. La grande différence avec le reste de la Grotte Electrolithes, ce sont les tics et clics enfoncés dans les parois. Au départ, j’ai du mal à comprendre ce que je vois, confondant ces pokémons avec des rouages qui sortiraient de nulle part, puis je repère leurs… Yeux. J’imagine. Je suis à deux doigts de penser que ces créatures sont encore plus bizarres que les pokémons qu’ont naturellement des habits.
Les créatures d’acier tournent inlassablement contre la roche. En les prenant en photo, je constate que certains sont plus enfoncés dans la pierre que d’autres. Il y a également des traces d’usure sur le bord de leurs écrous et de la poussière de roche s’échappe, petit à petit, d’en-dessous d’eux.

- Y sont en train de creuser ?, je suis si perplexe que je me remets à parler.
- Pourquoi ils feraient ça ?, Tarja se penche avec prudente vers un tic. Célestin, t’as pas une idée ?, pour toute réponse, le binoclard secoue négativement de la tête. Notre cheffe d’équipe roule des yeux. Illia, je crois qu’il a peur que tu l’engueules s’il répond à ta question.
- Je suis débile, mais pas à ce point…
- Non, c’est pas ça… Ils sont effectivement en train de creuser la roche, mais je ne sais pas pourquoi. Ce n’est pas un comportement normal. Entre ça, les pokémons tendus, le phénomène qu’a subit ton voltali, la migration des statitiks… Et on a jamais entendu parler de graviers qui flottent à cause de l’électricité non plus, seulement certaines roches les plus réceptives ! Ca commence à faire beaucoup de choses bizarres, donc je me demande si la vision de ta archéodong est seulement une forte concentration électrique comme on l’imaginait.
- Tu penses qu’on est en danger ?
- Je ne sais pas. Est-ce qu’on pourrait faire une pause le temps de réfléchir ? J’aimerais aussi tester les paratonnerres portatifs, je crois qu’ils ont un indicateur de puissance électrique.

Tarja approuve alors je suis le mouvement. Je ne suis pas contre une pause de toute façon. En plus, ce que je retiens, c’est que cet abruti de Célestin ne pouvait pas savoir à l’avance les risques pour mon voltali… Pourquoi il l’a pas dit plus tôt ?!