J'aurais une grande responsabilité. C'est la nouvelle génération que je vais soigner. Celle qui sera les adultes de demain. Pas question de les laisser dévier dans les mêmes travers que leurs parents. Ils sont encore fragiles émotionnellement. Entre le refus de l'autorité et leur naïveté, d'origine biologique, les modèles pervers et prémâchés que leur cerveau en construction va immédiatement adopter. Il est tentant de ne pas avoir à réfléchir par soi-même, surtout lorsque la structure neurologique du cerveau ne parvient pas à lier l'information par elle-même. C'est encore un âge où il stocke compulsivement tout ce qu'on lui offre, laissant les déductions aux plus grands. C'est pour cela qu'il sous souvent adeptes de théories douteuses, que les sciences, quelles qu'elles soient, ont démenties : le plan entre tous les indices présumés est déjà tracé et d'un point de vue extérieur, sans investissement de leur part, semble cohérent. C'est du tout cuit. Le circuit de la récompense s'active, car ils ont compris et les autres ne savent pas. Et le mécanisme s'accélère. Convaincus, ils pourront combattre n'importe qui qui oserait remettre en doute leur savoir supérieur et par l'inécoute des arguments contraires seront d'autant plus certains d'avoir gagné un débat qui n'en était pas, démontrant une fois de plus qu'ils ont raison et que les autres ont tort. Diling diling, nouvelle récompense. Eux, ils ont compris.

Mais à défaut de partir vers les théories complotistes, qui n'existent que dans les livres ou les films, il ne serait pas possible de leur proposer des systèmes alternatifs, sûrs et positifs ? Est-ce mal de profiter de cette fenêtre pour semer les graines de mes idées utopiques ? Ce n'est pas de la manipulation, je balayerais de la main toutes les insinuations du genre, mais plutôt un nouvel apprentissage, des connaissances formatrices pour leurs vies futures. Si j'arrive à leur ouvrir les yeux… alors ils pourront grandir meilleurs. Non, je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose. Ce n'est peut-être pas le moyen le plus glorieux, c'est vrai, mais entre parler à des adultes qui font la sourde oreilles ou des adolescents qui ont toute la vie devant eux, l'un des choix est plus efficace que l'autre. Et le bien commun prime sur le reste.

---

Entraînement : Scalpion niv. 33 (1), Carapagos niv. 28 (0), Nénupiot S niv. 31 (0)

Je m'aperçois que j'ai un sourire sur mon visage. Oui, ce nouveau poste est une véritable chance. À la fois pour ma quête constante d'améliorer le monde et pour mon bien-être personnel. Partir, c'est un geste fort, symboliquement parlant. C'est briser un cycle d'inaction pour prendre en main mon futur. Désormais, je n'accepterai plus les choses telles qu'elles viennent. Je ne me contenterai plus de ce qu'on me propose. Je serai à ma propre écoute, je prendrai mes décisions et j'irai faire en sorte qu'elles se réalisent. C'est rare que du bien se produise comme ça, spontanément. Et c'est bien malheureux. J'aimerais que ça change pour les autres, mais dans tous les cas, je ne compte pas sur eux pour prendre soin de ma vie. Alors peut-être que ce simple fait, face à l'inexistence d'une quelconque action auparavant, améliore considérablement ma vie. J'y crois même, ou du moins je l'espère. J'ignore où se trouve la frontière entre les deux, par moments. Mais on s'engouffre sur un terrain plus vaste. De quoi sommes nous sûrs, au fond ? Je pense que ce n'est pas un domaine à explorer. Certaines choses ne devraient pas être découvertes, au risque de causer une certaine forme de folie. Risque que je ne souhaite pas prendre. Je resterai donc dans la limite de ce que l'étroitesse de l'esprit humain peut supporter : il y a de très fortes chances que mon arrivée dans cette ville ne m'apporte que du positif et, dans une moindre mesure, ils n'est pas impossible que je rencontre quelques détails négatifs au milieu de mon bonheur. Je la sens bien en tout cas. Peut-être est-ce l'influence de Lux ? Avec ses capacités de prescience, je me sens en sécurité. D'une manière ou d'une autre, je suis sûre qu'elle me préviendrait si je prends une mauvaise décision. Et je ne suis pas un cas isolé. Nombre de dirigeants et autres personnages historiques importants étaient entourés de pokémons psy ou fée. Superstition qui a également desservi ces pokémons à certaines époques, jugés maléfiques. Au-delà de la connaissance du futur, avoir des télépathes à ses côtés limitait les possibilités d'aboutissement de complots. Quant à leur perception de l'espace, elle était utilisée pour détecter les intrus.

---

Entraînement : Scalpion niv. 33 (2), Carapagos niv. 28 (1), Nénupiot S niv. 31 (1)

Si le type psy ne convient plus vraiment aujourd'hui, il avait tout de même une place de choix par le passé. C'est étrange. Je me demande quelle est la cause de ce revirement. Est-ce que ce serait lié à l'émergence de la technologie ? On dit qu'elle est responsable de la dégénérescence des capacités intellectuelles des jeunes, mais au-delà de ça, est-ce nous n'accordons pas moins d'importance à l'esprit, de nos jours ? La démocratisation de l'éducation, voire pour certains des études longues, a sans doute joué un rôle dans la banalisation du savoir. Autrefois réservé à une élite, y avoir accès était une véritable clé pour entrer dans ce cerclé fermé et prestigieux. Quoique… A la réflexion, ce cercle ne s'est ni ouvert, ni même agrandit. En vérité, il s'est juste effacé. Au lieu de segmenter la population entre ceux qui y sont et ceux qui n'y sont pas, les niveaux intermédiaires sont désormais représentés. Le prestige ne se gagne plus par nos connaissances pures mais plutôt par l'argent qu'elles engendrent, encore une fois. Et pour celà, le plus grand nombre s'arrête dans cet entre-deux, une fois qu'ils considèrent l'effort restant trop important par rapport à la valeur qu'ils accordent à la progression apportée. Peu de monde cherche encore à atteindre le centre. A enrichir encore un peu plus leur culture, peu importe celle qu'ils auront déjà accumulée. Pour qu'au final la société leur rie à la figure. Au mieux, on leur dit que c'est bien, qu'ils ont fait une découverte qui va révolutionner l'humanité, avant de les oublier. Peut-être qu'elle fonctionnera. Ou peut-être pas. Peut-être qu'il faudra encore des années avant qu'elle s'implante. Parfois le grand public n'est pas près. Il faut que certains osent franchir le pas, essayent de voir ce que cette découverte ou cette invention peut apporter et en parlent pour convaincre les autres. Parfois, il manque autre chose. Des connaissances pour appliquer l'idée à grande échelle. Des progrès techniques à faire pour abaisser les prix. Mais dans le pire des cas, personne ne s'aperçoit jamais de rien. Peut-être quelques individus, proches ou non. Mais les personnes intelligentes sont trop souvent raillées. Trop différentes, trop difficiles à comprendre… Qui est encore assez fou pour vouloir en être une ?

---

Entraînement : Scalpion niv. 34 (0), Carapagos niv. 29 (0), Nénupiot S niv. 31 (2)

C'est cruel un enfant. Les adultes apprennent à ignorer plutôt qu'à tolérer, certes. Mais dans la plupart des cas, ils n'en viennent pas à des insultes assez violentes pour détruire la construction identitaire d'autrui. Ça arrive, c'est vrai. Quelques individus qui ne trouvent pas leur place dans le monde et brisent les autres pour se persuader qu'ils sont meilleurs. Ou des mots qui sortent sous l'émotion, colère ou tristesse, sans passer par le filtre de la bienséance et de la bienpensance. Pour les jeunes, c'est bien plus courant. Il faut dire que les groupes sociaux se ferment et se reforment bien plus souvent à leur âge. Le monde du travail est régi par ce dernier, ne laissant pas beaucoup de place aux rencontres et à la formation de beaucoup d'amitié. Alors que jusqu'à l'adolescence, les liens se font et se défont. On a envie d'être proches de ceux qu'on estime et de se revendiquer différents de ceux qu'on déprécie. Ressemblance et différence, les deux objectifs de l'enfance. Trouver des modèles et chercher à être comme eux pour valoir au moins autant. Et espérer la différence pour avoir ce petit truc en plus. Pour être exceptionnel. Mais dans cette course à la valeur, où le score permet ou non que quelqu'un te parle, les perdants n'ont pas seulement perdu un jeu. Les conséquences sont bien plus insidieuses et s'étalent sur bien des années. Ces gens traités d'intellos… Nombreux sont ceux qui ont perdu le goût de l'étude. Ou qui ont appris à ne pas sortir du moule et qui ne feront jamais rien d'hors du commun de peur de replonger dans ces critiques. Peut-être est-ce naturel, mais il faudrait surtout que les adultes cessent de cautionner ces comportements. Qu'ils prennent leurs responsabilités vis à vis des horreurs qui puissent être dites ou faites dans les environnements scolaires et dans l'espace public. Qu'ils posent leurs limites entre le bien et le mal et qu'ils ne laissent pas les enfants dont ils ont la charge emprunter la mauvaise voie. Car une fois de plus, on ne peut pas se plaindre de l'état du monde, de l'irrespect de la jeunesse ou de je ne sais quoi encore sans rien faire pour changer les mentalités et les comportements.

---

Entraînement : Scalpion niv. 35 (0), Carapagos niv. 30 (1), Nénupiot S niv. 32 (2)

Ma rêverie prend fin lorsque nous arrivons sur la place du village. C'est un bel endroit, bien entretenu quoique peu décoré. La principale touche de couleur vient des quelques partères municipaux. Ils laissent pourtant la majorité de la terre apparente, peu garnis en raison de l'hiver, mais les petites fleurs jaunes et grasses qui les parcement n'en apportent pas moins un contre-point agréable et un peu de joie. Pour le reste, on ne peut pas faire plus éloigné que Motorby. Alors que la métropole met en avant d'immenses bâtiments de métal et de brique rouge avec des mécanismes apparents, Guthbord est surtout constituée de plutôt de petites maisons en pierre et à taille humaine.

Loin de toute la folie urbaine, le calme est roi. En balayant les environs du regard, je remarque la rue qui regroupe les différentes écoles. C'est là que je travaillerai dès la semaine prochaine. Je me demande ce à quoi je passerai mon temps d'ici là. L'exploration de la commune ne m'occupera pas plus d'une journée étant donné sa faible superficie et, malgré le froid, je ne compte pas pour autant errer sans objectif dans mon nouveau chez moi. J'ai peur que l'ennui me gagne. Cela fait bien longtemps que je n'y ai pas été réellement confrontée mais ce sentiment ne m'avait pas manqué.

Il n'y a qu'un seul pub en vue. Peut-être qu'un autre se trouve plus décentré, dans une ruelle adjacente, mais j'en doute. Je pousse sans ménagement sa porte, sonnant le carillon qui résonne dans toute la salle. Deux hommes discutaient au bar et nous lancent un regard surpris. Je m'avance en les saluant et en leur souriant.

- Hello, est-ce qu'on pourrait avoir une table s'il vous plaît ?

A l'expression du barman, je devine que ma question est pour le moins inattendue. Il nous en propose contre la fenêtre et nous y mène. Je sens le regard du client sur moi, pesant, jusqu'à ce que l'employé revienne à son poste. Je lui jette un regard furtif. C'est un vieil homme avachi mais avec un certain charisme. La flamme dans ses yeux hurle que ses rides ne sont pas le marqueur de ses années mais plutôt de ses expériences. Je ne suis certainement pas la seule nouvelle arrivante dont il a été témoin. Il m'apparaît vide évident que le doyen n'est pas une personne à se mettre à dos.

---

Entraînement : Scalpion niv. 35 (2), Carapagos niv. 31 (0), Nénupiot S niv. 33 (1)

- Et bah… Encore des citadins dans notre beau patelin. Je te le dis Alban, d'ici quelques années, on nous jettera hors de chez nous. Je te le dis, dans quelques années, tu repenseras à mes paroles et tu sauras que j'avais raison. J'espère que je serais mort d'ici là.
- Mais non mais non, Mr. Bryan. Vous avez encore bien du temps devant vous, voyons.

Je regarde Billy, confuse. Il se lève doucement, avec un sang-froid bienvenu.

- N'ayez crainte, nous ne venons pas de la ville mais bien de Greenbury. Mais je comprends tout à fait votre inquiétude. Les petits villages ne sont plus ce qu'ils étaient. C'est bien la raison pour laquelle cette jeune femme ici présente a acheté une maison ici. Mais j'ai oublié de me présenter. Je suis Billy Smith, gardien d'un refuge pokémon.
- Et je m'appelle Kate. Kate Spring. Je suis la nouvelle infirmière scolaire du lycée. Enchantée de faire votre connaissance.
- Votre tête me dit quelque chose… Enfin… Si c'est pour soigner nos petites têtes blondes, je peux faire une exception. Vous saurez vous rendre utile. C'est que nous manquons de médecin ici.
- C'est malheureux, mais c'est de plus en plus le cas lorsqu'on quitte les grandes villes… Dans tous les cas, je suis heureuse d'être ici et oui, j'espère que je pourrais apporter ma pierre à l'édifice.
- P't'être qu'ils ne sont pas des cas si désespérés en fait, ces deux là.

Alban se saisit de deux grands verres et les remplit de pression. La mousse lui coule sur les doigts, mais il les redresse et s'approche de la table. Il les dépose lourdement.

- Eh bien, bienvenue parmi nous. Cadeau de la maison. Mais repassez en soirée, c'est l'endroit le plus animé de tout Guthbord. En journée de semaine, c'est un peu moins bruyant, mais vous pourrez tomber sur quelques moumoutons égarés, attirés par l'odeur de la bière.
- Dis tout de suite que je suis alcoolique Alban ! Ça aura au moins le mérite d'être clair.
- Mais non mais non. Vous savez seulement apprécier les bonnes choses Mr Bryan. C'est une qualité, je ne saurais prétendre le contraire.
- C'est ça… Et moi je suis la reine de Galar.

Et le doyen vide le reste de son verre d'une traite.

---

Entraînement : Scalpion niv. 36 (1), Carapagos niv. 31 (2), Nénupiot S niv. 34 (0)

Je regarde mon verre en tâchant de dissimuler le dégoût que j'ai à son égard. Quelle drôle de boisson que la bière. Sous couvert d'être cause d'ébriété, elle se paie le luxe d'une amertume désagréable et de se couvrir d'une mousse à la texture peu convaincante, qui vient s'agglutiner contre ma lèvre supérieure avec cette sensation de souillure. Je n'ignore pas ce qui peut convaincre d'autres, mais je ne suis pas ainsi moi-même. Pourtant, je n'y échapperai pas. Les deux hommes y verraient probablement une forme d'hostilité si je refusais le geste, aussi j'en descends la moitié rapidement, essayant de ne pas en retenir les saveurs. J'ai la bonne surprise, il faut bien l'avouer, qu'elle soit moins mauvaise que celle à laquelle j'avais pu goûter à Motorby. La qualité, en soirée étudiante, n'était pas nécessairement la meilleure. Le prix et la quantité prenaient souvent le dessus sur le reste, s'approchant davantage de la beuverie que de la dégustation. Gardant le souvenir de cette boisson médiocre, je n'avais pas renouvelé l'expérience par la suite. Peut-être méritait-elle en fin de compte une nouvelle chance. Mais si le pub était le cœur de la ville, d'un point de vue social, je pense avoir l'opportunité de lui accorder dans les jours, ou peut-être les semaines, qui viennent. Je compte bien repasser régulièrement, comme Alban l'a suggéré. Je ne doute pas que d'autres habitants partagent les doutes et les idées du doyen. Si je voulais me faire bien voir, c'était l'endroit idéal. Les langues se délient sous l'alcool, l'animosité peut s'adoucir, ou s'envenimer pour en venir jusqu'aux mains parfois. Dans tous les cas, c'est ici que je parviendrai probablement à briser la glace avec les potentiels récalcitrants à ma présence. Ici et à mon travail, bien sûr. J'espère bien qu'ils seront un minimum reconnaissant de mes soins. La santé reste l'une des valeurs principales de l'être humain, peut-être pas toujours au quotidien mais au moins dans les moments difficiles. Que ce soit la sienne ou de ses proches. Et sans doute même plus de ses proches. J'espère bien que cela m'aidera un peu dans le combat pour mon acceptation parmi les guthbordais.

---

Entraînement : Scalpion niv. 37 (1), Carapagos niv. 32 (2), Nénupiot S niv. 35 (0)