De loin, j’aperçois les deux mackogneurs porter ma table. Plusieurs cartons ont été posés à proximité de ma porte, attendant que je vienne leur ouvrir. Je n’aurais pas pensé avoir tant traîné pourtant. En un sens, j’apprécie leur rapidité d’action, mais de l’autre, j’espère qu’ils prendront le temps nécessaire pour bien faire les choses, qu’ils n’expédieront pas pour autant leur travail, au risque de casser un meuble ou de me laisser seule après le minimum accompli. Cependant, cette crainte ne m’empêchait pas de réfléchir à la manière de me rendre utile. La force de mes bras n’était pas considérable et si je pouvais sans problème me charger de certains sacs, certes encombrants mais légers, je souhaiterais éviter de gêner pour si peu les déménageurs dans leurs mouvements.

- Je suis là, Misters. Que puis-je faire pour vous aider ?

L’un des dresseurs baragouine quelque chose que je ne comprend pas, tout en pointant du menton la porte de l’entrée. J’hoche la tête, lançant un « Entendu ! » à haute voix à destination de celui qui ne m’avait pas dans son champ de vision. Je ne suis pas certaine qu’ils l’entendent, puisqu’ils choisissent ce moment pour lâcher ma table dans un grand bruit, situable entre un choc et un grincement, ou plus vraisemblablement un mélange des deux. Je regarde à gauche, à droite, un peu perturbée par la situation, avant de me décider à agir comme il me semble qu’ils l’attendent, sans grande conviction.

Ainsi, je me dirige une nouvelle fois vers mon logis, clés en main, et j’ouvre le battant jusqu’au buttoir. Je constate vite qu’elle se referme peu à peu sans que je ne puisse la bloquer, dû à l’absence d’encore tout chez moi, mais je rentre un premier carton de vaisselle, puis un autre dans le salon. J’ai une partie de moi qui ne veut pas faire les choses dans l’ordre, une part qui veut ouvrir directement la boîte, placer chaque objet à la place qui allait être la sienne avant même l’arrivée des meubles. Mais c’était à la fois impossible et contre productif de s’y mettre. J’essaye de raisonner cette impatience enfantine. Je n’y parviens pas, ou du moins pas vraiment. Un sourire gêné, ou une grimace je ne saurais le dire, reste sur mon visage alors que je retourne à l’extérieur, face aux deux professionnels, incapable d’être naturelle. Chaque carton après l’autre, les étapes suivantes se rapprochent.

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Entraînement : Scalpion niv. 24 (1) ; Carapagos niv. 19 (0), Nénupiot 20 (1)

Tantôt j’ai l’impression de ne pas être à ma place, tantôt je sens que je serais bientôt chez moi. Ce va-et-vient émotionnel, ajouté à l’effort physique et la concentration nécessaire pour garder le contrôle de toute la situation, me fatigue. L’impatience me gagne de pouvoir profiter de mon nouvel espace, mais après chaque étape accomplie, j’ai l’impression qu’il me reste une autre tout aussi vertigineuse à franchir ensuite.

Mais que fait donc Billy ? N’était-il pas censé m’accompagner aujourd’hui ? Je ne peux pas croire qu’il m’ait laissée tombée, pas après être allé jusqu’à Sinnoh pour moi. Je m'interroge, pourtant. Après quelques semaines à me soutenir, à être à mes côtés lorsque j’en avais besoin, je pourrais continuer à croire que nous ne sommes que des amis. Ce serait un geste fort, c’est vrai, mais néanmoins tout à fait plausible. J’ai été fort occupée. Une semaine pour préparer une prestation, c’est peu. Même lorsque nous avons toute une équipe derrière nous pour la préparation des décors, des costumes, des effets spéciaux et j’en passe. Donc il est vrai qu’il m’arrivait de ne pas être entièrement disponible sur mon temps libre. Mon corps était là, mais pas mon esprit, davantage tourné vers les moyens qui pourrait me permettre de ne pas être éliminée de l’émission.

Je ne pense pas qu’il m’en tienne rigueur. Le connaissant, il aurait même culpabilisé de me prendre trop de temps s’il avait vu le moindre lien entre cette distraction et mon élimination. Non, en revanche, sans en venir à une quelconque accusation… Après un tel effort de sa part, j’aurais aimé lui rendre un peu mieux la pareille. Il en attendait sûrement plus, en tout cas. Et il avait toutes les raisons de le souhaiter, je suppose. Mais qu'y puis-je ? Je ne peux pas me donner qu’à moitié pour ce genre de concours ! C’est tout simplement impossible de cloisonner, lorsque la pression atteint ce genre de proportions. Je n’avais pas le droit de me ridiculiser devant des milliers de téléspectateurs. Même si l’idée m’était venue de mettre un pain dans la figure de l’un des juges. C’est vrai. En même temps, de quelqu’un qui respire la haine, qui ne fait que mépriser d'autrui, je m’attendais à du venin. Et d’un autre côté, c’était peut-être par peur que je me suis autant investie. Au dépend de mon bon ami Billy Smith.

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Attribution des niveaux d'élevage d'avril
Entraînement : Scalpion niv. 26 (1) ; Carapagos niv. 20 (1), Nénupiot 22 (1)

Je sors mon téléphone et défile mon annuaire de contact jusqu'à trouver le sien. Je suspends mon doigt sur le bouton d'appel. Je ne devrais peut-être pas le déranger. Je devrais déjà être reconnaissante de sa venue, sans le presser. Pourtant, le doute m'avait désormais trop gagnée pour que je renonce à éclaircir la situation. Alors, après quelques secondes, j'écrase mon index sur le bouton.

- Oui, Kate ?

Je ne saisis pas tout de suite qu'il m'a répondu. Et puis je prends conscience de cette succession de doutes et de décisions et je regrette immédiatement. Tant pis, puisque j'ai emprunté ce chemin, c'est ainsi que je poursuivrai.

- Hi Billy, c'était pour savoir vers quelle heure tu prévois d'arriver.
- Oh, je ne devrais pas trop tarder. J'ai dû différer mon départ, on avait besoin de moi au refuge. Je t'expliquerai.
- Ah, et bien, pas de souci. Tant mieux si les problèmes sont réglés. A toute à l'heure.
- A bientôt.

Du haut-parleur s'élève le signal que mon interlocuteur a raccroché. Je tarde à l'imiter. En un sens, je me sens soulagée. De quoi aurais-je eu l'air s'il avait changé d'avis, ou plus vraisemblablement, s'il avait oublié ? Savoir qu'il ne s'agissait que d'un contretemps m'enlevait un poids.

Tandis que les déménageurs terminent d'acheminer mon lit, morceau par morceau, dans la pièce où je dormirai, je gagne de nouveau le salon. Il est désormais bien moins vide que la veille. Jane ne pourra plus rouler sans risquer de heurter un pied de table ou mon vieux canapé, étalé à une place qu'il quittera peut-être une fois que je visualiserai mieux la future disposition des meubles. D'ailleurs, je me laisse tomber dessus. Les ressorts grincent sous la vitesse de ma chute. Je me demande un instant si je ne l'ai pas cassé, ou que le trajet s'en soit chargé, avant de me rappeler la longueur de son histoire, les différentes familles qu'il a pu servir jusqu'à, un jour, arriver dans ce salon. Peut-être serait-il temps de le changer, mais j'attends encore qu'il rende définitivement l'âme. Si je peux éviter de surconsommer dans ce monde où les ressources se raréfient sans cesse, c'est déjà ça de fait. Dans l'attente, ce petit bout d'histoire continuera d'accompagner la mienne et celle de mes pokémons. Je crois bien qu'ils l'utilisent plus que moi, en fin de compte. Pourquoi donc investir dans le neuf pour qu'ils s'usent en quelques mois ?

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Entraînement : Carapagos niv. 21 (0), Nénupiot niv. 23 (0), Galegon niv. 32 (0) [Rotation A]

Je n'avais pas mesuré la difficulté d'aménager une pièce. Je ne pense pas placer l'esthétique au centre de ma démarche, mais il est vrai que dans une certaine mesure, elle est indissociable de l'idée de bien-être dans un endroit. Lorsque j'ai emménagé à Motorby, le seul pokémon dont j'avais dû me soucier était Lux. Depuis, j'ai ouvert ma porte à d'autres, pour des raisons diverses. Les besoins en sont décuplés. Mon gain à la lotterie m'a permis de voir grand pour cet achat, pour ma famille nombreuse, mais je ne pourrai pas pour autant disposer de l'espace comme je le souhaite. Entre les lieux de repas, de repos, de jeux et d'hygiène, les contraintes sont nombreuses. Mais je saurai agir. C'est vrai ! J'ai grandi dans une pension pokémon, je suis bien placée pour comprendre leurs besoins et les dispositions à prendre. Il n'y a qu'à me poser et réfléchir.

Les gens ne pensent pas assez à leurs pokémons. Je ne supporte pas tous ceux qui ne leur laissent que les restes d'espace, une fois leur propre confort assouvi. Comment ce genre d'individus peut encore exister de nos jours ? Comment se peut-il que je doive encore rabattre ces discours sur les efforts nécessaires à l'épanouissement des pokémons ? Comment se fait-il que la capture et l'adoption de pokémons restent un acte irréfléchi, une pulsion, dont les conséquences ne sont presque jamais mesurées même des années plus tard ? La glorification des combats est une chose. Elle cause beaucoup de souffrance, c'est indéniable. Mais au-delà, la banalisation de l'accumulation d'êtres-vivants mène à plus de souffrance encore, l'arrache à leur milieu naturel, à leurs familles même pour certains, pour un divertissement passager. Et les enfants osent dire qu'ils aiment les pokémons. Parce qu'ils sont formatés par leurs parents et par la société. Non, ce n'est ni de l'amour, ni de l'affection. Seulement une forme de satisfaction perverse d'un système profondément ancré, enraciné au cours de siècles de traditions, que des faibles d'esprits protègent de l'idée même d'avoir eu tort. Car, pour les adultes, il n'est pas concevable d'avoir participé à cette inhumanité. Et, côtoyant d'autres adultes qui partagent ces avis, ils n'entendent jamais cette minorité qui leur crie pourtant la vérité.

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Entraînement : Scalpion niv. 27 (0), Nénupiot niv. 23 (1), Galegon niv. 32 (1) [Rotation B]

Enfin… Ce n'est pas que ça n'en vaut pas la peine de se battre pour ça. Si, au contraire, bien sûr que les irresponsables ne méritent pas d'avoir des pokémons et qu'il faudrait interdire leur possession par quiconque ne respecterait pas les conditions minimum pour leur vie. Evidemment que les combats sont une abomination. Mais me voici à mettre beaucoup trop de mon énergie, pourtant précieuse dans cette journée si dépendante, sans personne à convaincre, si ce n'est mon cerveau déjà entièrement acquis à la cause.

Je me demande à quoi pourra ressembler mon activisme, d'ici. C'est vrai, dans une grande ville comme Motorby, il n'y avait qu'à se promener pour dénoncer de mauvais traitements auprès des dresseurs et, le cas échéant, auprès des autorités compétentes. A Guthbord, moins densément peuplée et où les habitants semblent à première vue plus équilibrés, il me faudra redoubler d'attention pour convaincre les bonnes personnes. C'est tout de même l'une des rares villes, à ma connaissance, à ne posséder aucun terrain de combat pokémon ! Mais cela ne signifie pas pour autant que les mentalités sont éveillées. Pire ! Il n'est pas impossible que derrière une bonne image à l'extérieur, certains font subir à leurs pokémons des actes odieux à l'abri des murs de chez eux. Je n'ai pas le choix. Je dois ouvrir les yeux, je dois les identifier et au besoin les signaler.

- Et bien, ça travaille dur à ce que je vois !

Je me relève en sursaut, honteuse d'être surprise dans cette posture de détente quand il y avait pourtant tant à faire. Et puis… Et puis non, je n'ai pas à me justifier. Je frotte ma jupe bêtement avant d'affronter son regard :

- Ce n'est qu'une petite pause. Hé, mais tu étais vraiment juste à côté quand je t'ai appelé en fait ! Je ne t'attendais pas si vite.
- Oui, enfin ça va. J'ai surtout eu de la chance pour trouver le quartier, mon GPS ne doit pas être à jour. Heureusement, les gens sont vraiment adorables dans cette ville. J'ai demandé de l'aide à un passant, il a vraiment détaillé chaque rue et chaque intersection.
- Tant mieux. C'est sûr que ça me change de Motorby, on dirait que le temps passe au ralenti ici, pas besoin de se presser.

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Entraînement : Scalpion niv. 28 (0), Carapagos niv. 21 (1), Galegon niv. 33 (0) [Rotation C]

Comme si mes mots en avaient décidé ainsi, un silence leur succéda. Pourquoi aurions-nous besoin de dire davantage ? Lui aussi est sous le charme du calme de ce village. Cette commune parvenait même à contraster avec Greenbury, qui pourtant n'était pas une ville bien grande. C'était une bonne surprise. Billy aussi semblait plus détendu. Ses traits étaient relâchés. Sa posture, plus posée. Il y avait même dans son expression une forme de fatigue. Le refuge lui demandait beaucoup et il le lui donnait volontiers. Mais ici, à des kilomètres de son lieu de travail, il se laissait aller, ôtant son masque d'employé inarrêtable. Je sais qu'il aime son métier. C'est une évidence. Personne ne pourrait prétendre le contraire sans une mauvaise foi outrageusement ridicule. Mais je m'attends toujours qu'un jour, cette activité ne devienne un fardeau pour lui, qu'il perde toute envie de bien faire après tant d'efforts.

Qu'il vive ce que j'ai vécu.

C'est si simple, une fois la décision prise. Les émotions ne manquent pas, c'est certain, mais je souhaite à chaque personne dans mon cas de parvenir à franchir le pas et trouver l'apaisement. Peut-être que, si je l'avais retardé, ne serait-ce que de quelques semaines, je ne verrais plus les pokémons de la même manière. J'imagine que c'est ce qu'aurait ressenti une mère épuisée par ses enfants turbulents. L'amour, autrefois inconditionnel, qui s'effrite finalement et la culpabilité terrible de ses sentiments considérables comme immoraux et non naturels. Le jugement de la société doit être terrible. Et son propre jugement, la pire des sentences. Car autant nous pouvons fermer une fenêtre donnant sur l'extérieur, autant nous sommes tous enfermés avec nous même, que nous le souhaitons ou non.

Mon expérience m'a montré une partie de l'étendue de ce que l'on peut subir. J'ai tout de même eu de la chance d'en sortir si vite. Peut-être que si mes parents ne m'avaient pas encouragée… Non, j'aurais pris cette décision, j'en suis sûre. Mais cette force n'est pas donnée à tout le monde. Même quand on pense connaître quelqu'un, on ne peut jamais savoir comment il ou elle réagirait face à ce genre d'épreuve. Et je ne peux qu'espérer qu'il n'y soit pas confronté.

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Affectation des niveaux du mois
Entraînement : Carapagos niv. 22 (0), Nénupiot S niv. 24 (1), Galegon niv. 35 (1) [Rotation A]

Je m'aperçois que je l'observe depuis quelque temps. Je tente de détourner le regard le plus naturellement possible, sans geste brusque. Comment dissimule-t-on la gêne ? Est-ce vraiment possible de rester maître des émissions lisibles sur notre visage ? Oui, sans doute. Et je suppose que j'y suis parvenue, du moins suffisamment. En tout cas, Billy ne semble pas s'en apercevoir. Tant mieux. Qu'est-ce que je suis censée faire ? A ne pas vouloir créer de malaise, c'est moi que je mets dans l'embarras. Car il n'y a rien à comprendre. C'est vrai ! Mais ça n'empêche pas de créer un doute que j'aimerais lui éviter. Et puis au fond, rien ne l'empêche de se méprendre. Que ferait-il, alors ? Est-ce que notre relation changerait, comme l'a fait pendant notre séjour à Sinnoh ? Prendrait-il ses distances pour faire taire les sentiments qu'il imagine miens ? Ou bien y répondrait-il, cherchant davantage, une romance que je ne saurais lui donner ? Je l'ignore. Et cette imprévisibilité m'effraie. Elle me terrifie, même. On ne peut pas infirmer des non-dits. S'ils s'interposent, peut-être n'auront nous jamais de chance de les éclaircir. Peut-être nous perdrons-nous de vue. Pour un simple regard mal interprété.

Mais il ne dit rien ni ne change d'expression. Je n'ai aucun moyen de savoir ce qu'il a vu ou non. Peut-être la fatigue qui a pris le dessus. Il semble un peu ailleurs. Je ne suis pas certaine que sa présence soit une bonne idée. C'était probablement un désir égoïste de ma part. Puisqu'il avait pris un jour de congé, autant qu'il le passe à se reposer, plutôt. Mais d'un autre côté, je sais qu'il ne le ferait pas, même si je le lui propose. S'il a été retardé par le travail, c'est bien qu'il lui a donné de son temps de repos et j'imagine sans peine qu'il retournerait au refuge s'il ne reste pas ici. Alors les choses sont claires. Une fois le nécessaire accompli, je ne le libérerai pas. Je ferais tout pour qu'il passe une bonne journée à Guthbord. Qu'il puisse profiter de cet air de détente et regagner un peu de forces pour affronter la journée de retour au refuge.

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Entraînement : Scalpion niv. 28 (1), Nénupiot S niv. 26 (0), Galegon niv. 36 (1) [Rotation B]