Nous avancions progressivement, à tâtons, dans les cavernes non accessibles au public de l’île de Fer. Un véritable dédale. Nous suivions mes pokémons en direction des pokémons blessés. Je faisais de mon mieux pour évaluer la situation, la gravité et l’étendue des blessures, soigner quand c’était possible, apaiser pour la capture, ou simplement tourner les talons. Du triage pur et simple. Enfin non, pas simple, pur et dur plutôt. C’est bien plus adapté à ce que je vivais. Je me rendais compte de l’importance des deux rangers avec moi, que leur présence et leur expérience m’étaient d’une aide cruciale. Ils avaient les pieds sur terre et ne connaissaient que trop bien ce type de scénario catastrophe. Je pouvais m’appuyer sur eux pour me laisser distraire au minimum par mes émotions. Il le fallait, car je n’en étais pas suffisamment en mesure. J’aurais aimé mais, sur ce point, j’étais réaliste. C’était tout de même une lourde ambiance, peu de mots échangés au-delà du nécessaire, au point que j’évitais de parler. Moi, ne parlant pas, je pense que c’est suffisamment évocateur.

Un bruit sourd se fit alors entendre, au loin. Je vis bien que les rangers l’avaient également entendu. « Un pokémon se dirige droit sur nous. » « D’où ? » Je répondis immédiatement à Spyros, parce qu’il y avait plusieurs tunnels autours de nous, nous étions dans une sorte de petite grotte, avec trois issues différentes. Donc le danger pouvait survenir de partout. Le bruit se rapprochait et le sol se mit à trembler. Je ne savais pas ce qu’il se passait, mais ça ne sentait pas bon pour nous ; ça, j’en étais assuré. Ça allait craindre, ce qui me fit hésiter à appeler d’autres pokémons pour se battre aux côtés de Swen et Spyros. Je vis le Tartard sur ses gardes, et la ranger sortit une autre pokéball : un Excavarenne rejoignit alors le Pharamp. Le grondement semblait venir de partout à la fois. Je m’efforçais à rester concentré afin d’être réactif le moment venu. Je ne savais pas à quoi m’attendre, et c’était cette part d’inconnu face à la situation qui la rendait si déstabilisante. La paroi de la grotte explosa juste en face de moi et la rocaille fila droit sur nous. Par chance – sans doute plutôt par réflexe – le Tartard utilisa la capacité Abri pour nous protéger de ces éclats de roche. Un Steelix visiblement agité nous fit alors face. Il était hargneux, donc dangereux. Je me demandais ce que nous allions devoir faire, et quels allaient être les ordres qui me seraient donnés.

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Reproduction : Scalpion S

J’étais surpris de parvenir à garder mon sang-froid en ayant un Steelix enragé sous le nez. Il le fallait, de toute manière, c’était là une question de survie. Le fight or flight comme disent les unysiens. Même si en vrai, y’a aussi le freeze. La sidération. Et donc, dans ces moments-là, je découvrais que j’étais de ceux qui se battent. Bon à savoir, et tant mieux, au passage. « Chad, Bulles d’O. » « Coco, Tir de Boue. » Côté rangers, ça passait à l’offensive, et je comptais bien les suivre. Hors de question de rester spectateur, et je voyais bien qu’il en était de même pour mes pokémons. Ou tout du moins pour Spyros. Si le Riolu s’était placé en avant, ma Nanméouie s’était mise en retrait. Pas par peur, ce n’était pas vraiment du genre de Swen d’être effrayée par plus imposant qu’elle. Je considérais son rôle de support à distance et préférais l’avoir en back up en cas de besoin. Une menace – une autre menace je veux dire – peut surgir à tout moment, alors on ne peut pas utiliser toutes nos ressources d’un coup pour faire face à ce Steelix. « Forte-Paume, essaie de le paralyser. » L’objectif principal de cet assaut était d’infliger un statut incapacitant, tout en faisant des dégâts raisonnables. Je ne tenais pas à blesser le pokémon sauvage, et j’avais la sensation que mes collègues rangers faisaient de même, que leurs pokémons en avaient largement sous le pied mais qu’ils la jouaient petits bras.

Tandis que les deux pokémons des rangers se tenaient à distance, Spyros bondit pour assèner son coup, au corps-à-corps. Le Steelix réagit aussitôt et balaya le Riolu d’une attaque Queue de Fer dévastatrice avant même qu’il n’ait eu le temps de le toucher. Pas le temps de réfléchir, je me jetai en avant, je volai au chevet de mon pokémon. « Finnegan ! » Je n’écoutais plus, je ne faisais plus fi de rien, pas même du danger que représentait le gigantesque type acier. Je m’en fichais, je devais à tout prix me rendre auprès de Spyros. L’attaque avait été d’une brutalité telle que je retenais mon souffle en attendant de connaître l’état de mon starter. D’ailleurs, il essayait d’ores et déjà de se relever, et ça se voyait que c’était coûteux pour lui. Je percevais sa détermination, sa hargne, au travers du lien télépathique que nous partagions. Un éclat bleuté commença à émaner de lui, je m’arrêtai. Le temps lui aussi semblait s’arrêter autour de nous. La lumière s’intensifia, au point de devenir aveuglante ; Spyros évoluait.

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Reproduction : Scalpion S

Ok. Il fallait que j’intègre ce qui était en train de se passer. Spyros évoluait, c’était un fait. Après tant d’années à ses côtés, et depuis le temps que je percevais son envie d’évoluer sans qu’il n’y parvienne, c’était fou. Sauf que ce n’était absolument pas le moment de se réjouir, pas le moment de célébrer quoi que ce soit. Nous étions en danger. Alors ça attendra pour fêter ça. Clairement ça allait attendre qu’on soit rentrés à la maison. Lorsque l’énergie s’est dissipée autour de Spyros et qu’il devint de nouveau visible, j’ai vu que… Bah qu’il était pas de la couleur normale d’un Lucario. Son pelage n’était pas bleu normal, il tirait fortement vers le vert. Une sorte de turquoise légèrement terni. J’étais confus, et pas qu’un peu. Ce n’était pas un Riolu chromatique, alors d’où pouvait bien sortir cette pigmentation anormale ? Ça ne faisait aucun sens.

« Oh ! Finnegan ! » J’étais rappelé à la réalité. Réalité qui me revenait comme un boomerang en pleine face. Ce Steelix était encore là, et il restait une menace. Puis Spyros était toujours là, toujours prêt à en découdre. C’était à moi de reprendre mes esprits et de me montrer à la hauteur, tant pour mon pokémon que pour les rangers qui m’accompagnent. J’ai fait quelques pas en arrière, d’ailleurs, pour les rejoindre. Parce que oui, c’était un peu beaucoup dangereux de s’être approché comme je l’avais fait quand mon Riolu – enfin, mon Lucario maintenant, mais c’était un Riolu à ce moment-là – s’est fait projeter. « Désolé, j’ai pas pu… » « Garde tes excuses pour plus tard, on n’a pas le temps. » Ça pouvait sembler sec, et ça l’était possiblement, mais je ne l’ai pas mal pris. Disons que ça se comprenait quand même assez bien, au vu des circonstances. Il fallait se concentrer sur les bonnes choses et ce n’était pas ce que je faisais. Tout du moins pas encore. Là c’était bon, j’étais focus. « Spyros, t’es ok ? » J’avais besoin de sa confirmation et je l’ai eue via notre lien télépathique. Alors c’était reparti. Les deux rangers ont donné leurs directives et, avant que je n’aie le temps de faire pareil, je vois Spyros préparer une attaque que j’ai immédiatement reconnue. Aurasphère. C’était beaucoup trop cool. Il l’avait apprise en évoluant. Et puis stratégiquement, c’était quand même le bon plan de rester à distance après le coup qu’il avait dû encaisser. Après, je le connaissais suffisamment bien pour savoir qu’il allait vouloir retourner au charbon.

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Reproduction : Absol S

Je devais réfléchir autrement car je n’avais pas été stratégique jusque-là. Les Steelix sont des pokémons à l’armure impénétrable, qui peuvent très facilement encaisser les attaques directes. Demander à Spyros d’aller au corps-à-corps l’exposait à des ripostes dévastatrices comme celle qu’il venait d’encaisser, alors autant m’aligner sur les rangers avec moi : j’optais donc pour les attaques à distance. Après tout, ils avaient l’habitude de ça, c’était même leur job. « Spyros, continue avec Aurasphère. » Je m’efforçais de rester calme, de retrouver mon sang-froid. Ça n’a jamais trop été mon fort, je pouvais quand même me montrer un poil impulsif sur les bords. Mais il fallait que j’apprenne, que j’acquière cette capacité à ne pas foncer, à analyser un peu plus les situations avant d’agir. Ok j’avais généralement de bons réflexes, une bonne intuition, sauf que je me rendais compte que ça n’allait pas toujours suffire pour les situations d’urgence comme celles-ci.

Le truc, c’est que le Steelix se mit alors à charger dans ma direction, dans notre direction. « Lutz, protège-les ! Vite ! » Je vis alors le Pharamp se jeter pour s’interposer entre le serpent d’acier et nous afin de déployer une barrière bleutée contre lequel notre assaillant vint s’écraser. Je restai figé, de la tête aux pieds. Plus un seul muscle ne me répondait, de peur. Je découvrais que c’était faux, le fait de voir sa vie défiler sous ses yeux, quand on frôle la mort. Parce que je m’y suis vu y rester, me faire totalement broyer entre la paroi de la grotte et le crâne du pokémon sauvage. Honnêtement, en dehors de ça, il ne se passait absolument plus rien dans mon cerveau. C’était juste la fin, et ça allait tellement vite que je n’avais pas eu le temps d’avoir des regrets, des remords, d’être triste ou quoi. Juste la fin et la peur paralysante qui l’accompagnait. « Finnegan ! » J’étais incapable du moindre mouvement, et même de la moindre pensée. Je me tenais juste là, debout, les yeux rivés sur le Steelix. « Chad, Aqua-Brèche, maintenant. » Je pus voir le Tartard s’élancer en direction du monstre métallique, et d’autres ordres vinrent de l’autre ranger. L’Excavarenne et le Pharamp se mirent à leur tour en action. Spyros aussi. Je ne savais pas s’il avait compris que je n’étais plus en mesure de lui donner la moindre directive, dans tous les cas, il allait aider. Il joignit ses pattes avant de les écarter, et une forme longiligne bleutée se forma. Une sorte d’os. Le type eau fut le premier à frapper son adversaire encore sous le contrecoup de son précédent assaut, les autres ne tardèrent cependant pas à suivre. Ce fut Spyros qui porta le dernier coup, et le Steelix s’effondra.

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Reproduction : Fantominus S

L’un des rangers se hâta de capturer le Steelix qui avait été mis hors combat. Je voyais bien ce qui se passait autour de moi, ce que chacun faisait, mais je n’arrivais pas à mettre mon corps en mouvement, j’étais bloqué, comme mis en pause. Je hurlais, à l’intérieur, pour que mes muscles bougent, pour sortir de cette stase qui devenait insupportable. Jusqu’à ce que je sente une main se poser sur mon épaule, ce qui eut pour résultat de me faire sursauter. En fait, je n’étais pas spécialement attentif à l’ensemble de mon environnement immédiat, j’étais simplement hyper focalisé sur certains éléments. « Finnegan, ça va ? » Difficile à dire. Difficile de dire, même. Je tournai la tête vers le ranger. Premier réel mouvement. Enfin. Pour autant, pas un mot ne sortit de ma bouche. « Ok. Ça va aller. La situation est maintenant sous contrôle et personne n’est blessé. On peut reprendre notre chemin, d’accord ? » Je hochai la tête, à l’affirmative. Je pensais pouvoir le faire. Il allait bien falloir, de toute manière. J’étais là pour ça, et ça me mettait hors de moi d’avoir été pris de court de la sorte, d’être encore à ce point fébrile. D’être un poids pour les deux rangers. Pas évident pour moi à intégrer, à encaisser, mais tant pis. Je devais me faire une raison, j’allais devoir remettre mes émotions à plus tard.

Je remarquai cependant une certaine considération de la part des rangers. Ils s’étaient montrés assez brutes de décoffrage jusque-là, et je ne m’en plaignais pas. Il fallait ce qu’il fallait pour mener cette mission à bien. La tâche à accomplir était très sérieuse et d’autant plus difficile. Du triage pour sauver des pokémons tourmentés ou blessés, parfois les deux. Et puis aussi investiguer pour découvrir la source du problème. Ça faisait un peu beaucoup pour un débutant comme moi. Ce n’était pas ma première, mais ça restait l’une de mes premières. Je savais que mon rôle là-dedans était limité, que je n’avais à me contenter que du versant soin. Pour autant, j’étais au milieu et surtout incapable – enfin, quand je ne freezais pas – de rester sans rien faire. Je voulais intervenir, je voulais me sentir capable d’intervenir. Pour autant je ne voulais pas déranger, et j’avais eu l’impression que c’était quelque peu le cas. Quand les rangers avaient à se préoccuper de moi, ils n’étaient plus à cent pourcents sur ce qui nécessitait leur complète attention. Ça me déplaisait. Grandement. Je devais me réveiller, retomber dans mes pompes et reprendre mon job. Si je n’étais pas capable de ça, je n’avais rien à faire ici. Alors je secouais la tête un bon coup, pour me remettre les idées en place. Il était désormais temps de reprendre notre chemin à l’intérieur de l’île de Fer.

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Reproduction : Miaouss S