Ça a pu être frustrant de ne pas avoir d’occasion de faire participer Line à des concours. Sur ceux auxquels j’ai participé, je ne suis pas parvenu à avoir d’idée pour laquelle la Togetic aurait pu fouler les planches. Et quand j’en avais éventuellement une, tout le reste de ma vie faisait en sorte que je ne puisse me rendre au concours. Bref, je n’ai pas pu permettre à Line de faire une seule apparition sur scène depuis son évolution ; ça ne l’a pas empêchée de continuer à s’entraîner pour améliorer sa précision et sa fluidité. C’était assez cool de la voir progresser, mais j’aurais aimé pouvoir lui proposer plus que simplement travailler des enchaînements. Elle est faite pour la lumière des projecteurs, c’est certain, et le fait qu’elle continue à s’exercer d’elle-même, toujours avec cette bonne humeur dont elle ne se défait jamais, ça me donne vraiment envie de lui permettre de briller.

Ce à quoi je ne m’attendais pas, c’était justement à la voir briller durant l’un de nos entraînements. Au sens littéral cette fois-ci. Je voulais la pousser dans ses retranchements en faisant preuve d’une exigence à la limite de l’excès. Je voulais la perfection et ça a abouti à une évolution. Sous mes yeux, mais aussi ceux de Spyros à mes côtés, nous avons vu la Togetic devenir une Togekiss. A voir, c’était tout simplement sublime, et Line profita très vite de ces ailes nouvellement développées. Il n’y a pas à dire, son vol en est d’autant plus grâcieux, d’autant plus habile. Et ce n’était que le début. J’étais euphorique, je pense qu’il n’y a pas d’autre mot pour qualifier ça. Ou peut-être bien que si. Béat, ça correspond aussi pas mal à comment je me suis senti. Bref, Line venait d’évoluer et ça avait décuplé mon envie de la faire apparaître sur scène. Je ne souhaitais cependant pas forcer le processus, ça viendra quand ça viendra. Je ne suis pas trop doué pour ça, mais il faut laisser le temps au temps. Et puis je me disais qu’il fallait aussi permettre à Line de s’habituer à être une Togekiss, à découvrir de nouvelles capacités à maîtriser. Ça n’allait pas se faire en claquant des doigts, et j’ai l’impression que patienter ne la dérange pas outre mesure. Elle me fait confiance, ça lui suffit. Et je trouve ça tellement beau, presque ça me bouleverse. Line est géniale.

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Reproduction : Scalpion S

J’ai reçu un appel du Polygone. Ça fait toujours bizarre d’être appelé quand on est sur la liste des réservistes, parce qu’on sait vraiment jamais quand ils auront besoin de renforts. J’aurais pu avoir d’autres plans, mais je ne me plaignais pas parce que ce n’était pas spécialement le cas. Enfin, j’avais prévu de m’entraîner avec mes pokémons en vue du concours pour le poste de soigneurs du Polygone, justement. Donc ça tombait vraiment bien. J’étais surtout intrigué par le lieu où on me demandait de me rendre : l’île de Fer. On m’a expressément demandé de ne pas prendre de pokémon acier avec moi. Je n’avais pas vraiment de souci avec cette restriction, n’en possédant aucun dans l’équipe m’accompagnant. Je suis parti sans me soucier de rien d’autre qu’en m’interrogeant sur ce qu’il pouvait se passer là-bas pour avoir ce genre d’exigences. C’était étrange, très étrange. Après, j’étais surtout excité d’avoir été appelé, j’avais hâte d’être sur place pour aider au mieux de mes moyens. Je n’ai d’ailleurs pas attendu bien longtemps avant de sortir de mon appartement et grimper sur le dos d’Auriol direction la fameuse île de Fer. Beaucoup de mineurs de Joliberges ont travaillé ici, même si l’activité minière a lentement glissé vers Charbourg ces dernières décennies. L’île a retrouvé sa faune sauvage, par ailleurs, et les pokémons y sont d’ailleurs relativement dangereux, genre c’est pas recommandé d’y aller pour se balader. Donc ouais, que peut-il bien se passer là-bas pour qu’on m’y envoie ?

J’ai eu la réponse bien vite en arrivant sur place. Auriol s’est posé non loin du quai d’embarquement – il y a une navette maritime entre l’île et Joliberges – et j’ai rappelé le Bruyverne dans sa pokéball, pour qu’il puisse se reposer du trajet. Puis j’ai rejoint les rangers déjà sur place. Je me suis présenté, ils ont fait de même, ils m’ont expliqué que les pokémons de type acier étaient devenus hyper agressifs, et qu’ils ne comprennaient pas pourquoi. Ces pokémons s’attaquaient à tout, à n’importe quel pokémon autour. Donc il y avait des blessés à l’intérieur, des deux côtés. Ça n’avait rien de rassurant. Après, ma mission était claire : je n’étais pas ici pour chercher la cause de cette hystérie collective des types acier mais pour soigner quelconque pokémon qui en aurait besoin. Je ne savais pas si ça me rassurait tant que ça. La réalité du terrain risquait d’être pire que ce à quoi je m’attendais. Après, j’étais déjà passé par de terribles événements, alors j’avais confiance en ma capacité à garder mon sang-froid.

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Reproduction : Scalpion S

Je me suis retrouvé confié à la supervision de deux rangers qui m’avaient l’air pas mal expérimentés. Genre elle devait avoir la trentaine bien tassée et lui la quarantaine au moins. Je me sentais plutôt bien entouré, ce qui m’aidait pas mal à être rassuré. Notre objectif – enfin le leur – était d’évaluer les dégâts et récupérer les pokémons nécessitant des soins. Et moi, au milieu de tout ça, je devais évaluer l’état des pokémons, apporter les premiers soins lorsque ça s’avérait nécessaire. J’avais tout de même un peu de pression sur les épaules en étant préposé au triage. C’est le genre de truc que personne ne veut faire, sauf qu’il le fallait. Je savais parfaitement que j’allais rentrer émotionnellement rincé, mais voilà, ça doit être fait, et c’est aussi pour ça que je voulais en faire mon job. J’avais conscience qu’on ne pouvait pas sauver tous les pokémons, aussi terrible que ça puisse être, mais en sauver un seul suffisait à ce que ça vaille le coup. Tout du moins c’était ma philosophie. Je me raccrochais à ça quand il y avait des journées plus dures que d’autres, et je me doutais que cette journée serait l’une de celles-là.

Nous ailions donc être dispatchés à l’intérieur de la grotte. Je me suis immédiatement dit que d’avoir été formé à la spéléo par Côme allait pouvoir porter ses fruits, ce qui était juste génial. Quand on m’a demandé si j’avais déjà fait de la spéléo, j’ai eu cette petite fierté à répondre. On ne va pas se mentir, Côme a sa petite réputation dans le coin, avec le Ranger’Inn de Voilaroc, donc dire qu’on se connait, ça m’a fait assez vite gagner en considération. Un peu moche, mais je vais pas m’en priver, hein. Si ça peut m’offrir un peu plus de légitimité dans le regard des personnes avec qui je dois bosser, je prends sans hésiter. Après, avoir des références, ça ne fait pas tout, il faut encore assurer sur le terrain par derrière. J’aime à croire que c’était le cas, ou tout du moins que je faisais le job, sans dire pour autant que j’assurais. Un petit speech du responsable de l’opération et nous étions partis, chaque groupe sur son secteur. Je percevais une pointe d’appréhension avant d’entrer dans la grotte, mais la ranger fit aussitôt sortir un Pharamp d’une des pokéballs à sa ceinture, qui nous éclaira avec l’orbe de sa queue. Ok, ça éclaire déjà mieux que nos lampes frontales, donc on va pas être dans l’obscurité, c’est déjà ça de pris.

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Reproduction : Scalpion S

A l’entrée dans la grotte, la première chose qui me frappa fut le silence. Vraiment, c’était limite assourdissant qu’il n’y ait rien d’autre que le bruit de nos pas. Moi, j’aimais pas ça. L’endroit est censé être vivant. Là, ça semblait vide de vie, ce qui rendait ça encore plus terrifiant. Comment était-ce possible qu’un lieu comme celui-ci ne soit pas grouillant ? Cela risquait de nous tomber dessus sans qu’on y prenne gare, ou alors les ravages de ces pokémons aciers étaient pires que ce qui était estimé. Et il fallait rester dans ce silence, ce qui s’avérait peut-être le pire pour moi : ne pas pouvoir parler. J’aurais aimé en savoir plus sur les deux personnes m’accompagnant, sur leurs pokémons, savoir s’ils ont déjà travaillé ensemble avant cette mission. Je regorgeais de questions que je ne pouvais pas poser, qui allaient tourner en boucle dans ma caboche sans sortir. Ça me fit lâcher un soupir.

« On nous a fait savoir que tu avais des pokémons capables de percevoir les autres, tu peux les sortir ? » La question me fit froncer les sourcils. Je me suis quand même exécuté, laissant donc sortir Spyros et Swen. La perception de l’Aura du Riolu et l’audition surdéveloppée de la Nanméouie étaient en effet des atouts de taille dans un tel environnement, chose dont je n’avais pas conscience. « Certains pokémons se camouflent, alors c’est important de pouvoir les repérer et savoir dans quel état ils se trouvent. » Je n’apprenais pas quelque chose de nouveau ici, mais je n’y avais pas pensé pour autant. Alors j’ai donné mes directives à ces deux-là, et nous avons continué notre route, nous enfonçant toujours plus dans ces tunnels creusés dans la roche.

Il ne fallut pas longtemps avant que Spyros puis Swen m’indiquent qu’un pokémon blessé était dans les environs. Alors nous avons accéléré le pas dans la direction qu’ils nous donnaient. Nous avons fini par trouver un Racaillou duquel je serais complètement passé à côté tant c’était juste une pierre. J’ai voulu m’approcher, mais le ranger a mis son bras devant moi pour m’empêcher de le faire. « Je dois voir dans quel état il est. » « Pas avant que je m’assure que tu ne risques rien. » Il fit alors apparaitre un Tartard. « Ce serait con qu’il t’explose à la gueule, non ? » J’ai acquiescé. Damn, je n’avais pas pensé à ça non plus. Ça me faisait constater qu’il me manquait encore des automatismes, pour être un vrai soigneur Pokémon.

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Reproduction : Scalpion S

Avec la protection du Tartard à mes côtés, je me suis approché du Racaillou. Il avait l’air mal-en-point. Je n’avais pas vraiment de connaissance sur le corps des pokémons roche, de ceux qui sont minéraux mais pas métalliques. Je voyais bien qu’il y avait des impacts à divers endroits, diverses fractures dans sa roche, mais comment déterminer la gravité de la blessure : je ne savais pas. Je me reposais uniquement sur mes pokémons, sur ce que Swen pouvait identifier et sur ce que Spyros pouvait me traduire. Ça semblait craignos, mais j’essayais de paraître rassurant pour ce pauvre pokémon blessé. J’ai alors demandé une double utilisation de Vibra Soin, dans l’espoir d’apaiser dans un premier temps, mais il était évident que le Racaillou allait nécessiter des soins plus importants, des soins que je n’étais pas en mesure de prodiguer, et encore moins ici, sans le moindre matériel. Les capacités combinées de mes pokémons avaient l’air de faire effet, procurant un peu de soulagement au type roche. Le reste du protocole, je ne le connaissais pas.

Ce fut une pokéball – enfin, techniquement une sombre ball – utilisée par le ranger pour capturer le Racaillou qui m’apporta la réponse à ma question. Le temps qu’il soit soigné et rééduqué si besoin. Je ne suis pas fan du passage obligatoire par la capture, même si je comprends parfaitement qu’il s’agit du système le plus sûr pour tout le monde, mais ce serait intéressant de vraiment développer un outil pour les rangers qui leur permette une sorte de capture temporaire. J’avais cru comprendre qu’il existait un outil pour ça, le capstick. Mes frères m’en ont parlé plusieurs fois, en lien avec un certain professeur Pressand, mais ça s’arrête là. Je ne sais pas pourquoi c’est pas plus répandu, parce que ça répondrait à un vrai besoin, en fait. Enfin, c’était pas vraiment le moment pour cette réflexion, surtout qu’il ne s’agissait que du début. Nous avons donc continué notre route, mais tout se compliqua lorsque le nombre de pokémons blessé dans les environs augmenta. Comment choisir dans quelle direction aller ? je ne savais pas. Je n’aimais pas ne pas savoir, d’ailleurs, c’était frustrant. « On va au plus proche. » Ok, alors qu’on m’amène au plus proche. Il s’agissait d’un Nosferapti, les ailes complètement brisées, je suis resté un petit moment choqué par l’état de ce pokémon à l’agonie. Il était trop tard pour le sauver, c’était évident, et ça me mit un sacré coup derrière les étiquettes.

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Reproduction : Scalpion S

Je ne m’étais pas retrouvé face à une telle situation depuis le massacre des Baudrives aux Éoliennes et ce qui fit remonter des émotions très fortes. Trop fortes. J’étais frappé de stupeur en voyant ce Nosferapti mourant, pour lequel les soins seront inutiles. Le laisser derrière moi en sachant qu’il allait décéder, j’avais du mal à l’accepter, j’avais même d’autant plus de mal du fait que, si je le laissais derrière moi, il mourrait seul. C’en était bien trop pour moi. Les larmes me montaient aux yeux tandis que je m’efforçais de les retenir. Je ne voulais pas paraître à ce point sensible, surtout que j’avais bien conscience que ce n’était que le premier, que la liste des pokémons déjà mort ou sur le point de mourir allait être bien plus longue que ça. Je devais m’endurcir, accepter la réalité. C’était dur, mais il s’agissait sans doute de l’ordre des choses. Il n’empêche que je ne pouvais pas rester sans rien faire et je ne pouvais pas non plus juste partir et le laisser derrière moi. Après un soupir net, je me sortis de cet état de torpeur, ouvrit ma sacoche. J’allais donner une dose létale d’anesthésiant au Nosferapti, comme ça, il pourra partir en douceur.

J’essayai d’estimer le poids du pokémon avec ce que je savais de son espèce, et de prendre en compte son type pour préparer mon dosage. « Finnegan, tu fais quoi ? » Je vis bien les rangers prêts à partir, ce qui n’était pas mon cas. « Je le sédate pour qu’il puisse quitter ce monde sans souffrance. » A la manière dont ils se tenaient, il était évident qu’ils ne partageaient pas mon avis sur la situation. Je ne pus me retenir d’argumenter davantage. « On peut pas le sauver, ok, je peux gérer ça, mais juste continuer en le laissant agoniser, no way. C’est mort pour moi, je ne peux pas être insensible à ce point. » Je ne pouvais pas être insensible comme eux, comme ces deux rangers. Je ne veux même pas l’être, d’ailleurs. « Il faut que tu restes pragmatique, sinon tu t’en sortiras pas. » « Tu as une quantité limitée de sédatif, tu feras quoi si jamais tu en viens à court, tant pis pour les suivants, même s’ils ont – à la différence de ce Nosferapti – une chance de survie ? » Je restais interdit. Je n’étais pas particulièrement sensible à cet argument, j’improviserai, si jamais je finissais dans cette situation. Puis ça pouvait arriver même en laissant le pokémon derrière moi sans le moindre soin. « Il y a aussi la chaîne alimentaire, tu risques d’intoxiquer un prédateur ou un charognard… » Ok, là c’était déjà plus convainquant pour moi, j’entendais bien que vouloir abréger les souffrances de ce Nosferapti risquait de nuire à d’autres pokémons. Merde.

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Reproduction : Scalpion S

Ça m’a déchiré le cœur, mais mes collègues rangers avaient raison. Je ne pouvais pas me laisser gouverner par mes émotions, pas dans une telle situation. C’était une manière d’apprendre – à la dure, certes – à voir plus loin que ce que j’avais sous les yeux. Il était nécessaire que je me résigne à laisser ce pauvre Nosferapti à l’article de la mort juste derrière moi. Mes yeux se remplissaient de larmes, ce qui me mettait en colère envers moi-même. J’aurais voulu être plus tranché, que ce soit noir ou blanc, pas un nuancier de gris sur lequel je n'arrivais pas à me positionner. Il y avait un conflit ouvert entre ma raison et mes émotions, un conflit interne qui me faisait souffrir. Je me sentais monstrueux d’abandonner ce pauvre pokémon qui n’a rien demandé à personne dans ses derniers instants. Il le fallait pourtant, car le temps jouait contre nous. Il était évident que d’autres pokémons en souffrance – et sauvables – nous attendaient. Rester auprès du Nosferapti signifiait peut-être ne pas arriver à temps pour un autre pokémon. Je devais me faire une raison, aussi difficile que ce soit pour moi.

Je me relevai finalement, j’avais envie de vomir tant l’émotion était forte. « Ça va aller ? » Non. Il était évident que non. Les faibles râles du Nosferapti risquent de me hanter pendant longtemps, je le savais. « On va faire comme si. » Il m’était indispensable de m’endurcir. Il était évident que j’allais être confronté plus d’une fois à des situations comme celle-ci, j’allais devoir prendre des décisions compliquées. Là, je ne pouvais plus faire autrement que de déconnecter mon cerveau, de ne plus écouter mes émotions ou mes réflexions. Il était temps que je laisse la place à mon instinct, il m’a souvent mieux servi que le reste. Je frottai alors mes yeux, embués et rejoignis les rangers pour poursuivre notre route à la recherche d’autres pokémons blessés. Il ne s’agissait que de la deuxième fois où j’étais appelé en renfort sur le terrain, en ma qualité de réserviste. Mon expérience restait limitée, et j’en prenais plein la gueule. Au moins, ça me montre à quoi je devrai m’en tenir si je compte vraiment m’engager pour le Polygone. Il y aura des moments atroces à traverser, comme celui-ci, comme celui avec les Baudrives, mais pour combien de pokémons sauvés ? Plus que si je n’avais pas été là, et cette seule pensée me permit de continuer à avancer. « Swen, Spyros, on va par où maintenant ? »

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Reproduction : Scalpion S