J’avais pas prévu de me faire traîner une fois de plus au salon de l’élevage. Je ne passais plus trop aux Éoliennes et mon planning était juste un enfer. Bon, après, je vis ma meilleure vie au milieu de cette apocalypse, hein. Moi, avoir tout un tas de trucs différents à faire, trente mille endroits où je suis attendu, je kiffe. La question ne se pose pas. Alors pourquoi je suis ici ? Et bien il faut demander à Lay-Ann, hein. Elle qui est pourtant si pleine de confiance en elle ne se sentait pas de tenir seule le stand de la pension. Et comme c’est l’effervescence en ce moment, c’était difficile de trouver quelqu’un d’autre – hormis moi visiblement – pour venir avec elle. D’où le fait que ce soit mon téléphone qui ait sonné. Après, qu’elle n’aille pas se croire sauvée non plus ! Je ne suis pas là pour bosser à sa place. J’ai déjà tenu le stand, oui, mais j’y vais surtout pour découvrir ce qui se fait de nouveau dans le milieu. Ok, je suis aussi un beau parleur, donc vanter les mérites de ma pension, je commence à vraiment bien savoir faire, mais c’est pas mon kiff ultime quoi. Surtout quand je peux aller flâner et discuter avec d’autres personnes issues du même milieu professionnel. Bon, après, il y a aussi le fait que je me fasse arrêter bien plus qu’avant par les gens, notamment ici. Quatre rubans Cérès, deux trophées d’Elite, ça ne passe plus trop inaperçu… J’ai quand même parfois l’impression que ça me donne plus d’importance que ce que j’en ai vraiment.

Bref, j’ai dit à Lay-Ann que j’allais nous chercher à boire. Un café pour elle, un chocolat chaud pour moi. Ou alors peut-être une boisson froide, genre un soda, même si c’est pas la meilleure idée de m’ajouter du sucre liquide dans les veines. Et en même temps, demander de l’eau, quelle angoisse… SI je peux pas me faire plaisir sur des petits trucs basiques comme ça, où va le monde ? Mais bon, j’ai le temps de mes flâneries pour me décider. Oui parce que j’ai dit à ma cousine que j’y allais, mais je lui ai jamais dit quand j’allais revenir… Hehe. Puis bon, elle me connait suffisamment bien pour savoir que je vais forcément m’arrêter et papoter en chemin. Encore que c’est la première fois qu’on vient tous les deux… je crois. Je me rappelle très bien être venu en solo, au tout début, puis avec Régis un peu plus tard dans sa rééducation. Et il y a eu plusieurs fois où c’était Louis et moi, aussi. J’aimerais bien accompagner Carter et Maïa, un de ces quatre. Pas pour le côté chiant d’avoir un stand, mais pour les balader avec moi à la découverte de ce qui se fait aujourd’hui dans le monde de l’élevage. Obligé ça va être fun avec les deux petits jeunes. (Ok, grosse envie de caner sur le terme « petits jeunes » comme si j’en n’étais plus un, mais chut. On va noyer ça dans le soda.)

« Excusez-moi, je pourrais avoir un autographe s’il-vous-plaît ? » Je me suis arrêté quelques secondes et j’entends ça. Bah je me retourne. « Oui bien s… » C’était pas pour moi. Et bah go m’enterrer et go mourir. J’ai vraiment cru que ça s’adressait à moi, donc moi, super spontanément, je réponds. Sauf que pas du tout. La jeune fille juste à côté de moi parlait à un autre gars, plutôt pas mal grand, qui me dit vaguement quelque chose. Genre je sais que je connais sa tête, mais j’arrive pas à me remettre d’où. Merde. Pourtant, il est forcément suffisamment célèbre pour qu’on lui demande un autographe… Mais j’arrive pas à le replacer dans un quelconque contexte en lien avec l’élevage ou la coordination. Terrible histoire. « Désolé. Joli wake up call sur le fait que j’ai peut-être pris le melon. » Je ris, ne sachant pas si je suis plus embarrassé ou amusé par la situation. Beaucoup des deux. La fille tourne alors les yeux vers moi et j’ai l’impression qu’elle réalise qui je suis. Ah. Aussi flatteur que gênant. « Oh, monsieur Finnegan ! Je peux avoir votre autographe aussi, pour ma collection ? » C’est du grand n’importe quoi, mais si ça lui fait plaisir que je signe dans son petit cahier, bah go, hein. C’est pas comme si ça me coûtait grand-chose. « Si t’as un stylo, aucun problème. » Point faible : trop cool. Je signe donc et lui rends son carnet. Ah merde, j’aurais pu essayer de choper la signature de l’autre gars pour gruger son nom… Trop tard. Neurones en carton... Enfin, s’il a accepté de donner son autographe, j’ai même pas fait gaffe au final. Quant à cette fille, elle nous remercie – un peu trop, mais c’est toujours comme ça j’ai l’impression – avant de repartir. Je me tourne donc vers l’autre gars, l’autre célébrité du lieu. « Désolé, je comptais pas te voler l’attention. » Est-ce qu’on fait comme si on sait qui est l’autre ou pas ? Grande question. Pas envie de lui demander qui il est ; je le prendrais un petit peu mal niveau estime si lui me posait la question.

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Je reste là, sans parvenir à mettre un nom sur la personne que j’ai face à moi. Clairement je vois sa tronche, mais son nom ne me revient pas. Relou. Sauf si j’arrive à me démerder avec des pirouettes langagières pour ne pas montrer que je sais pas. En tout cas, ce gars n’a pas l’air de mal prendre mon intervention alors que je n’étais pas concerné. Tant mieux, c’est déjà ça de pris ! J’aurais eu l’air con s’il s’était vexé… Mais ce n’est pas le cas. Alors chill. Ça va le faire. « Par contre, je te pensais pas aussi jeune quand notre petite transaction a eu lieu, Finnegan. » Hein ? Qu’est-ce que… quoi ? On est censé se connaître en plus ? Oh mais non mais quel enfer ! Il va falloir que je la joue fine, et pour ça, rien de tout ça ne doit paraître sur ma tronche. Ce qui est – me connaissant – bien plus facile à dire qu’à faire. Petite inspiration discrète. De toute manière, je peux totalement répondre à sa question sur la raison de ma présence, donc go partir là-dessus, j’aviserai ensuite. « T'es sans doute pas venu à la recherche d'un étalon à chevaucher, hinhin. » Je cligne des yeux, m’attendant à tout sauf à ça. Je ne peux retenir un léger rire d’incrédulité. Non parce que bon, j’ai beau pas être le gars le plus timide qui soit – doux euphémisme – il y a vraiment avec peu de personnes que je me permettrais ce genre de familiarités. Et en même temps, j’aurais presque envie de répondre sur le même ton.

« Le salon de l’élevage, contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est pas que la repro ! » Est-ce que j’élabore davantage ? Est-ce que je me contente de rester centré sur la question… Trop de possibilités. Pour une fois, je vais me contenter de l’essentiel. « Du coup, je suis ici pour représenter ma pension, mais aussi ma fondation. » Une fois de plus, je crois pas que je vais détailler, je sais pas si ça intéresse vraiment les gens, que je raconte ma vie. J’aurais tendance à le faire, spontanément, mais je m’améliore – il faut croire – parce que j’arrive à réfréner le truc un peu, maintenant. Bref. Il n’empêche que je sais toujours pas qui est ce gars, ni de quoi il parle quand il mentionne cette transaction. Comment je fais pour savoir sans montrer que je savais pas ? Erh. « D'ailleurs en parlant de ça, l'œuf en question a bien grandi depuis. » Ah, bah voilà, les infos viennent à moi sans que je les demande, c’est parfait ! Il s’agit donc d’un œuf, ce qui est assez bizarre vu que ce n’est pas vraiment le domaine des Éoliennes. Oui on a le matériel pour, au cas où, et Louis qui gère tout ça, mais on a eu vraiment très peu d’œufs, ça doit se compter sur les doigts d’une main. A moins que…

L’homme saisit l’une de ses pokéballs et en libère un pokémon. C’est un Arcanin qui en sort, et pas n’importe quel Arcanin ; un Arcanin chromatique. C’est bon, c’est clair dans ma tête, je me remets le type. J’avais relayé l’info qu’une petite pension de Sinnoh cherchait un dresseur pour un œuf de Caninos, à priori chromatique. Et, ce faisait, j’ai été contacté par ce gars. J’ai pris quelques renseignements, échangé avec lui comme avec la pension. J’ai fait office de relais, en gros. Ah oui, ça commence à bien me revenir, même. Et du coup, je sais d’où il est connu. C’est lui qui a fait abandonner une championne de la Ligue. Pas super glorieux, j’avoue, et ça m’a fait me questionner, quand même. Mais bon, j’ai fini par me dire qu’être excessivement stratège – et arrogant au passage – n’empêchait pas pour autant d’être un bon dresseur avec ses pokémons. Et il semblerait que je ne me sois pas trompé, à en voir le canidé qui me fait désormais face. « Waw, carrément qu'il a bien grandi ! » Envie de poupougner l’Arcanin très fort. Je me retiens pour autant. Je suis quand même bien placé pour savoir qu’on ne touche pas un pokémon sans l’aval de son dresseur. Il pourrait ne pas aimer le contact physique et réagir d’une manière qui serait regrettable pour tout le monde. N’empêche que je l’observe, le bestiau et je ne peux m’empêcher de faire la comparaison avec Clifford. Leurs teintes sont bien différentes, leur crinière aussi d’ailleurs. Je note aussi qu’il semble bien mieux dressé que mon propre Arcanin. Dans une telle atmosphère, il aurait été surexcité.

Pour autant, il y a autre chose qui me taraude. Ce gars, Rurha – oui je me suis enfin rappelé son prénom – n’a rien à voir avec le milieu de l’élevage, aux dernières nouvelles. Alors que fait-il ici ? Bah tu sais quoi, je vais lui demander. Après tout, il ne s’est pas gêné pour me poser la question, alors je peux faire de même ! « Mais dis-moi, qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu cherches quelque chose en particulier ? » Le sous-texte, c’est que je connais quasiment l’endroit comme ma poche. A force, je connais et suis connu de la plupart des exposants, alors si je peux aider…

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