« - Alors, contexte, j’ai passé mon adolescence à Romant-sous-Bois, et à côté, il y a un bois, et dans ce bois, il y a une maison abandonnée. La légende disait qu’elle était hantée et, avec Archie, on devait avoir quoi… quinze ou seize ans ?
- Oui, dans ces eaux-là.
- Et on a décidé de passer la nuit là-bas. »

Face aux deux kalosiens, des regards s’échangeaient.

« - Non mais qui laisse ses gosses aller en forêt comme ça, à cet âge ? » Alma était perplexe.
« - Ma mère.
- T’avais pas dit à tes parents qu’on allait dormir chez un pote à toi ?
- Ah peut-être…
- Quoi qu’il en soit, on a décidé d’aller passer la nuit à l’intérieur de la maison hantée, pour voir si c’était vrai ou pas.
- A aucun moment vous vous êtes dit que c’était pas une bonne idée ? Genre un début de film d’horreur ?
- Justement, ils prennent toujours les pires décisions dans ces films. On avait toutes nos chances.
- Enfin, c’est ce qu’on croyait… »

Archambaud essayait de créer cette ambiance de doute, d’incertitude, pour amener à l’épouvante. Il se rappelait encore très bien ce qu’ils avaient vécu, Yoann et lui, durant cette nuit. Il y avait de quoi.

« - Vraiment, quand on a débarqué sur place, c’était le cliché du début de film d’horreur. Lampes, caméscope, sac à dos. Le package de l’ado qui va se faire trucider.
- Attends, faut parler du bois, du délire que c’est. En fait, c’est un peu marécageux, c’est hyper humide, et y’a souvent de la brume. Puis c’est très sombre, même en plein jour, le soleil a du mal à passer au travers des feuilles. Déjà en journée, c’est pas un lieu hyper rassurant, encore moins aux abords de la cabane abandonnée.
- Oui parce que vraiment, c’est une sorte de vieux chalet, paumé au fin fond de la forêt. C’était pas possible de se dire qu’on allait rentrer comme ça.
- Ça nous avait pris l’après-midi pour nous y rendre.
- Tout un périple, mais on a fini par arriver, à la nuit tombée. »

La dynamique dans le récit s’instaurait naturellement entre les deux amis d’enfance. Ils savaient exactement quand compléter le propos de l’autre sans l’interrompre, quand prendre le relais et quand attendre. Ils avaient face à eux un public attentif : Tommy était déjà captivé, Carrie et Darren souriaient surtout à l’engouement de leurs amis à raconter leur aventure, quant à Alma, elle demeurait perplexe, peu crédule.

« - La première chose qu’on a faite, une fois à l’intérieur de la cabane, ça a été d’installer notre campement. On a posé nos sacs à dos et nos sacs de couchage, on a grignoté un peu, puis on est parti en exploration du lieu.
- Avant même d’en arriver là, c’était pas vraiment rassurant. La porte d’entrée qui grince, le plancher aussi, pas de lumière, et puis ça se voit que personne n’y avait mis les pieds depuis longtemps. La déco, elle était flippante, des sortes de portraits de famille hyper glauques.
- Ne dévoile pas tout direct ! Garde certains détails pour quand on est allé voir les autres pièces.
- Ok, mais c’était dès l’entrée… Il y avait une sorte de hall avec une bibliothèque, et on a continué dans une sorte de salon avec un vieux canapé devant une cheminée. On a quand même bien vite posé nos affaires. Moi je suis revenu dans le hall, zieuter un peu la bibliothèque, et puis j’avais vu une autre grande pièce à côté puis un escalier juste à côté de l’entrée.
- De mon côté, je suis parti dans un petit couloir qui donnait sur d’autres pièces.
- Ah donc d’entrée de jeu vous vous êtes séparés ?
- Et vous vous pensiez plus malins que dans les films d’horreur ? »

Les commentaires de Carrie et Darren commençaient, mais les deux narrateurs ne comptaient pas être remis en question. Ils firent fi des remarques de leurs amis.

« - Donc, dans l’entrée, les bouquins de la bibliothèque, ils n’étaient clairement pas en bon état, ils n’ont pas aimé l’humidité. Par contre, il y avait un petit cube en bois, joliment sculpté. Je l’ai pris et, au moment où j’ai remarqué la petite manivelle sur le côté, ça s’est ouvert. Et là, la musique la plus flippante qui soit dans un tel contexte, une musique de base de boîte à musique. Je ne m’y attendais pas. J’ai paniqué, je l’ai faite tombée. Elle a continué à dérouler sa partition, et moi vraiment j’ai commencé à flipper, je me suis baissé pour la ramasser et essayer de la refermer. Vraiment, s’il y avait quelque chose dans ce chalet, j’étais persuadé de l’avoir réveillé ou énervé.
- Tu m’étonnes…
- De mon côté, ça ne faisait pas flipper pour les mêmes raisons. Dans le couloir que j’ai pris, il y avait des chambres. La déco était horrible, ça faisait vieille maison, encore des portraits de famille, ou des vieilles photos en noir et blanc hyper creepy. Je ne sais pas qui a vécu là, mais c’était pas ouf. Dans cette chambre, je suppose que c’était celle des parents, on avait accès à deux autres pièces, un petit cagibi rempli de carton, et une salle de bain, avec une vieille baignoire rouillée, un rideau tout pourri et un carrelage à damier. C’était juste, à l’abandon. Je suis passé à la pièce d’en face, une autre chambre, avec deux lits simples, séparés. Mais avec des trucs un peu chelous, genre un ourson en peluche sur le lit, mais une hache sur le bureau…
- Peut-être une famille de bûcherons.
- Ça reste très sus… »