« Pa' ! ». Tu quittes ton roman des yeux pour relever le bout du nez en direction de ton fils qui vient tout juste de s'installer à côté de toi sur le canapé. Tu lui souris, refermant ton roman – après avoir soigneusement marqué la page, évidemment. Le garçon te regarde de ses yeux attendrissant. Tu sais que sa demande, quelle qu'elle soit, va te demander un peu d'investissement. Et c'est pourquoi tu as anticipé et quitté ton livre dès à présent. « Qu'y a t'il ? » demandes-tu sans quitter ton sourire, te tournant de trois-quart vers lui. Il semble hésiter. Tu lui laisses le temps. « Je me demandais... Comme c'est la période d'Halloween et que tu aimes bien ça les spectres et tout... » « Oui ? » « Est-ce que tu as déjà vécu des choses étrange ? En mission par exemple ». Tu pousses un petit rire. Fini le temps des histoires douces donc. C'est bien un adolescent que tu as sur les bras, plus de doute là dessus. Si tel est son souhait, quel genre de père serais-tu de lui refuser ? « J'ai bien quelques anecdote. Mais mon fait le plus marquant, je l'ai vécu avec tonton Haether » « Vrai ? ». Des étoiles scintillent dans ses prunelles. Au même instant passe dans le salon le dit intéressé. « On parle de moi ? ». Tu tournes vaguement la tête en sa direction. « Tu te souviens de Celestrouille ? ». C'est le nom que vous lui avez donné. Haether étouffe un rire. « Comment oublier ce truc ! ». Il s'installe finalement dans le fauteuil vous faisant face, prêt à t'entendre compter ce curieux souvenir.

« C'était il y a de ça plusieurs années maintenant. Nous étions guère plus vieux que toi. Dix-neuf ans à tout casser ». Tu regardes Haether qui confirme d'un hochement de tête. Tu poursuis en précisant que vous étiez encore de tout jeune Ranger, sortant tout juste de l'école. On vous avait envoyé sur une drôle de requête venant d'une vieille dame vivant sur Unionpolis – là où vous êtes déployés donc – qui réclamait l'aide de votre service car elle s’inquiéterait pour son petit fils qui travaille dans les souterrains de la ville de Célestia. Pour vous, jeune novices, rien de rien alarmant. Vous étiez déterminé à lui venir en aide, malgré les avertissements de vos mentors. Voilà des années que cette dame dit ne pas avoir vu son petit-fils, donnant une description précise du garçon à vos équipes. Sauf qu'une fois sur place, personne ne répond à cette description, ni même au nom donné par la vieille dame. Au bout de quelques tentatives, tous vos coéquipiers ont cessés de lui venir en aide, commençant à croire que la dame était atteinte de démence. Mais cela n'avait pas d'importance pour vous. Vous vouliez vous faire la main, c'était donc un exercice parfait, même s'il s'avère perdu d'avance.

Alors, le jour suivant, Haether et toi vous êtes rendu au domicile de cette dame pour discuter un peu plus avec elle. Elle vous explique là même chose qu'à vos collègues : son petit-fils d'à peu près votre âge travaille à Célestia. Elle vous dit avoir eu écho d'un écroulement dans les souterrain et donc se faire du soucis pour lui qui n'est pas venu la voir depuis longtemps, bien qu'il soit très dévoué à son travail qu'il partage avec son père, fils de madame. Vous vous rendez dans la même journée à Célestia, pénétrant dans les souterrain à la recherche du dit jeune homme. Et autant dire que vous vous y prenez très mal, fonçant tête baisser sans questionner qui que ce soit autour de vous. Vous ignorez même tous les employés que vous croisez sur le début de votre périple. Et plus vous vous enfoncez, plus vous vous retrouvez seuls, ce que vous estimiez bien. Jusqu'à ce que vous finissiez par vous perdre. Jeunes idiots que vous étiez, vous commencez à vous prendre la tête, rejetant la faute l'un sur l'autre. Et puis, un vent glaciale est venu vous saisir, puis un rire. Alarmé, vous suivez votre instinct, ainsi que ce bruit. Vous le suivez aveuglement. De toute façon, perdu pour perdu, vous ne risquez plus grand chose. Tu dis même à ton fils qu'à cet instant l'idée que vous alliez mourir de faim et de soif en ce lieu t'es passé par l'esprit.

Soudain, au détour d'un énième couloir, Haether et toi voyez en même temps une silhouette étrange. Lui comme toi en êtes toujours certain : c'était un fantôme. Celui d'un jeune garçon de votre âge, habillé en tenue de minier, courant avec sa pioche à l'épaule. Vous l'avez vu, c'était certain. Et pourtant, au prochain virage, c'est un être vivant que vous percutez, deux fois plus vieux que vous. Il vous gronde, vous dit être complètement inconscient de vous enfoncer de la sorte dans les souterrains sans aucune escorte. Tout bon Ranger le sait. Tu te souviens approximativement de ses mots que Haether vient compléter à l'aide de ses propres souvenirs. Tu poursuis en disant qu'à ce moment là tu n'avais qu'une chose en tête : ce fantôme. Tu as même l'audace d'en parler à cet homme qui te rit au nez.

L'homme reprend sa petite leçon de moral, cherchant sans aucun doute à vous faire peur – ce qui ne marche pas vraiment. Il sort la carte des catastrophes naturelles – ce qui est le cœur de votre métier – évoquant le risque de vous retrouver piéger entre la roche si vous vous aventurez n'importe où. De ce fait, vous saisissez l'occasion et questionnez l'homme sur celui que vous cherchez, en rapport avec un écroulement récent. L'homme change de couleur. Il ravale sa salive, prenant un air grave. Il vous révèle alors que cet accident a eu lieu il y a dix ans déjà et que ce jeune garçon n'en est pas sorti vivant. Depuis, le père a pris sa retraite et quitté la région sans laisser aucun signe de vie, abandonnant sa femme et sa vieille mère sur son passage. Il vous dit d'ailleurs que ça faisait bien longtemps qu'il n'avait pas vu de Ranger venir en son nom, si bien qu'il pensait qu'elle s'était fait une raison. « Soyez gentil avec elle, c'est une brave dame » avait dit l'homme, avant de vous conduire à la sortie du souterrain. Le soir même, Haether et toi êtes retourné voir la dame pour lui raconter la vérité, chose que personne n'avait jamais osé lui dire auparavant. Après quoi durant des semaines elle est venu vous voir au centre pour vous offrir des viennoiseries. Jusqu'à ce que la mort vienne la saisir.

« Voilà. Ce n'est rien de bien extravagant. Je n'ai malheureusement pas connu de maison hanté ou autre folies de ce genre. Du moins, pas à mon souvenir ». Tu te tournes vers Haether. « On en a vu des lieux dit « hantés », mais il ne s'est jamais rien passé – si on en oublie les pokémons farceurs ». Tu souris. « Mais je reste convaincu qu'on a vu le fantôme de ce garçon là-bas dedans ». Tu hoches la tête. « Et moi donc ».