- Parfois, je préférerais être morte.
Dans la salle de ce psychologue, Cori brise le tabou. Cette pensée, honteuse mais omniprésente, la colle littéralement ces derniers temps. Lorsqu'elle avait éclos, un soir où les larmes ne cessaient de couler, elle était parue à Cori avec la lueur des premiers espoirs. En effet, mourir était une solution. L'éclat avait néanmoins terni et Cori le disait sans aucune conviction. Elle voulait juste s'en débarrasser. Blasée de toute cette vie, mourir ne serait certainement pas aussi sublime qu'elle se l'imaginait. Après tout, elle avait toujours fini déçue par les événements.
- Pour ?
Cori lève les yeux vers lui, cet homme d'un certain âge, semblant se foutre royalement d'elle si ce n'est au moment où elle dépose le chèque. Elle n'était pas particulièrement à l'aise avec lui mais, au moins, il avait des disponibilités. Le lieu également n'était pas des plus chaleureux : sentant le renfermé, Cori le trouvait à l'image de son propriétaire. Pour le travail qu'elle souhaitait entreprendre et le temps qui y serait consacré, Cori avait juste besoin d'une personne l'écoutant, sans - presque - la juger et basta. Se décharger de toute cette merde, tout refiler à quelqu'un et claquer la porte. La misère de sa clientèle semblant glisser sur lui, Cori avait perçu dans ce piteux praticien, le psychologue qu'il lui fallait. Il serait bien trop distant et flemmard pour entamer des démarches d'hospitalisation ou autres. Elle pourrait lui dire que des personnes avaient péri dans des missions qu'elle avait accomplies pour la team rocket, qu'il lui demanderait juste son moyen de paiement.
- Pour ?
D'ordinaire, l'homme se tait, se contente d'hocher la tête. Cette intervention laisse sceptique Cori. Elle fixe le psychologue, ne cessant jamais de griffonner sur son cahier. Sa main s'immobilise toutefois, ses yeux presque vitreux plongeant dans ceux de Cori. Malaise.
- Que vos proches vous pleurent ?
- Bien sûr que non, je pense qu'ils en auraient rien à foutre.
Un sourire se dessine, les yeux se plissent. L'ambiance semble avoir changé, Cori ne saurait l'expliquer mais elle est sur ses gardes. S'est-elle trompée sur le cas du vieux ?
- Comment voulez-vous payer aujourd'hui, Madame Cometti ?
Elle le fixe avec mépris avant de poser son chèque sur la table et de claquer la porte. Quel mufle, ce type, digne de tous ceux qu'elle avait pu côtoyer. Jim lui vint en tête tandis que le bruit de ses talons résonne dans le long couloir menant à la sortie. Elle ne fait pas gaffe au décor, cela fait bien plusieurs jours qu'elle remonte cet interminable chemin en début de soirée. Elle rumine toujours, maudissant ce Wilfried, maudissant sa vie. Elle était allée se perdre à Kalos pour observer les grelaçon et seracrawl, pokémons fascinants de type glace, puis elle avait été prise d'une crise existentielle. La quarante deuxième de l'année peut-être ? Merde, souffle-t-elle tandis que les larmes refont surface. La plus difficile à gérer néanmoins. Cori était restée enfermer dans sa chambre d'hôtel, prolongeant son séjour et tapant dans une épargne déjà maigre. Parler avant de rentrer avait été une idée séduisante. Effaçant les larmes roulant sur ses joues tout en longeant - toujours - le couloir, Cori vient à trouver ce choix particulièrement bête.
Elle ignore à quel moment ses sens se réveillent, quel est le détail qui l'interpelle. Le couloir paraissant sans fin vient à l'être. Cori regarde autour d'elle, ne distingue plus les dernières portes. Pourtant, lorsqu'elle pénètre dans l'immeuble, elle voit du seuil le premier local. Elle appelle le praticien une fois, deux fois. D'une voix timide, elle l'interpelle maintenant par des cris. Rien, personne ne se manifeste. La seule réaction est la sienne : tout son corps devient moite, Cori transpire anormalement. La panique la gagne alors qu'elle poursuit, lentement, son chemin puis qu'elle accélère la cadence de ses pas jusqu'à courir. Le bruit de ses talons lui devient insupportable, l'écho qui ne s'était pas manifesté jusqu'alors, plus encore. Un son, différent, se fait entendre. Cori s'immobilise, regarde derrière son épaule, puis tout s'éteint.
Un cri, le sien. Les pensées de la jeune femme fusent dans tous les sens. Bien entendu, elle ne peut s'empêcher de pester que le sort s'acharne sur elle, qu'elle a dû être une horrible personne dans une autre vie pour avoir autant de malchance dans celle-ci. Karma de merde, siffle-t-elle, tandis qu'elle presse, de manière irrationnelle, sa main sur le mur droit. Ce contact est son seul repère. Si elle le perd, elle ne saura plus de quelle direction elle vient. Essayant de reprendre ses esprits, de faire la part des choses (avait-elle ressenti la présence d'un pokémon de type spectre en rentrant dans l'édifice ces derniers jours ? Elle était tellement mal, elle avait été si imprudente), elle essaie de faire un pas. L'absence de vision rend le geste grossier, le pied se posant de manière abrupte manquant de lui faire perdre équilibre. Tout son corps se contracte, tout son poids part sur la droite : le contact doit être maintenu. Elle poursuit, lentement, hésite à appeler au secours. Cori ne voit pas ce qu'elle pourrait faire de plus. Ses pokéballs sont restées dans la chambre d'hôtel (grosse connerie que voici). La jeune femme erre donc, espérant néanmoins qu'un miracle se manifeste bien assez vite. En attendant, elle sent la peau du bout de ses doigts s'irriter, devenir de plus en plus sensible.
Lorsqu'un souffle rauque et chaud se fait ressentir dans sa nuque, Cori ne peut retenir le cri de peur. Elle sursaute, se tape une accélération et perd, hélas, le contact avec le mur droit. Elle ne s'en rend compte qu'en trébuchant, son corps étant alors projeté vers l'avant. Elle jette ses mains vers l'inconnu, espère ne pas se faire trop mal. La chute est lourde, les articulations sont douloureuses. Cori gémit et les bruits émis deviennent plus aigus alors qu'elle réalise ne plus savoir se situer. Marchant à quatre pattes dans un premier temps, elle s'attend à trouver rapidement une des parois et prendre appui sur elle. Le temps s'écoulant est néanmoins trop long. Dans sa tête, le foutoir complet. Cori essaie de se raisonner : il n'y a qu'un couloir, qu'un long - certes - couloir pour accéder à la sortie. Aucune autre pièce, aucun hall. Rien alors pourquoi, bordel de bordel, ce mur n'est plus à sa place ?! Les larmes coulent sans qu'elle ne réalise. Elle a déjà tellement donné, tellement souffert. Pourquoi cet acharnement, pourquoi ?!
- Tu préférerais peut-être mourir ?
La déformation de l'espace ou du temps lui a fait perdre de vue l'essentiel : ce souffle chaud. Le choc est grand et Cori est pétrifiée par la peur. Privée de la vue, elle ne saurait dire si la voix appartient bien au praticien Wilfried. Il est pourtant le seul à savoir, non ? Le seul aussi dans ce bâtiment. A bien y réfléchir, Cori avait vu plusieurs portes, plusieurs bureaux mais jamais aucune personne en sortir. Les sueurs reprennent et elle manque de glisser alors qu'elle essaie de se relever. Faire face pour ? Elle aurait peut-être mieux fait de rester à terre. Si le mec possède des lunettes comme dans ce film horrible qu'elle regardait avec James, celui avec le cannibale, tout ceci n'avait aucune importance.
- Vois y un jour de chance, après tout. Tes problèmes s'envoleront, tes souvenirs aussi et. Et.
Un bruit rauque se fait entendre et un liquide semble être déversé sur le sol. Il ne fait aucun doute que le praticien vient de vomir, l'odeur se répandant dans les locaux étant si nauséabonde que Cori est également prise de haut-le-cœur.
- Et tout le monde en a rien à foutre de toi.
Courir, qu'importe la direction, tant qu'elle est opposée à ce fou. Cori perd l'équilibre plusieurs fois, a l'impression de se fouler la cheville lors d'une chute. La peur lui permet de rester debout, de rester en mouvement. Elle doit mettre de la distance et ce, quand bien même, elle doit courir toute, toute.... Son rythme ralentit. A l'arrêt, Cori regarde derrière elle. Elle ne voit rien, ne perçoit rien mais sait pertinemment qu'elle n'est pas à l'abri. Combien de temps cela doit-il durer ? Toute la nuit ? Toute la vie ?
- Tu es fatiguée, Cori, non ? Fatiguée par tout ça, je le sais.
- Oui.
Un murmure à peine audible pour certains, une supplication pour les autres. Une lueur se manifeste, montrant un chemin sur la droite. De cette lumière, Cori pourrait en profiter pour voir son agresseur, vérifier que ce soit bien le Wilfried. Tu parles qu'il a des disponibilités, s'il bute sa clientèle au fur et à mesure, s'exclame la voix dans sa tête. C'est vrai, elle aurait pu se méfier, aurait pu mieux regarder les diplômes décernés. Il lui semblait pourtant l'avoir fait, avoir aussi recherché le bonhomme sur les réseaux. Elle n'est pas toujours futée, rarement chanceuse mais Cori apprend de ses expériences malheureuses. Elle avait le souvenir d'avoir balayé un peu la chose. Un avis lui revient en tête à cet instant, une personne agacée ne parvenant pas rentrer en contact avec ce praticien. Le statut du cabinet aussi "fermé définitivement". Un bug, avait-il répondu à Cometti.
L'odeur qu'elle pourrait assimiler à la mort se propage, se renforce. Cori porte la main à son nez et à sa bouche tandis qu'elle se dirige vers la pièce éclairée. A l'intérieur, une mort certaine l'attend. Quoi d'autre ? Elle pourrait supplier, faire entendre qu'elle ne souhaite pas mourir. Après tout, cette pensée n'avait-elle pas seulement été dite une fois ? Le gars ne pouvait-il pas faire preuve de clémence ? A l'encadrement, Cori s'immobilise. La peur la paralyse. Ce qu'elle voit à l'intérieur de la pièce est bien pire que ce qu'elle pensait et encore, son champ de vision est réduit par la porte n'étant qu'entrouverte.
- Rentre.
Elle ne peut pas. Elle ne peut pas, pas en ayant un second Wilfried lui faisant face. Celui-ci est assis sur une chaise, la bouche grande ouverte. De celle-ci, s'est écoulé un liquide jaunâtre, sec à présent, dont son menton et une partie de sa chemise ont été recouverts. Ses yeux ne sont que vide, les orbites étant exposés au reste du monde. La bile monte aussitôt et, se laissant tomber, Cori recrache le liquide mousseux à ses genoux. Elle ne peut accepter cette réalité, celle-ci est bien trop violente et en même temps, peut-elle encore ne pas s'y soumettre ? Elle se retourne vers la chose, un rideau de larmes lui obstruant une partie de la vue. Elle ne décèle pas réellement de forme : la lueur n'est pas assez vive pour lui permettre de parfaitement identifier la créature. Pour autant, deux grands yeux rouges tranchent dans cette obscurité.
- Pas encore, pas encore, bafouille-t-elle.
Cori essaie de mettre de la distance, pousse dans ses talons pour glisser à reculons, pour s'enfoncer davantage dans la pièce maudite. L'odeur, insupportable, la fait tousser à plusieurs reprises. Sa gorge la pique. Portant les mains à celle-ci, la jeune femme essaie de trouver un quelconque réconfort mais elle ne fait que de se griffer. Un liquide rouge vient à perler d'une de ses plaies. Pauvre Cori, la démence n'a jamais été loin d'elle. Lorsque l'ombre qu'est l'ectoplasma s'immisce dans la pièce, Cori a le réflexe étrange de ne pas vouloir s'évanouir. Elle essaie de faire face, quelques secondes. La lumière s'intensifie davantage puis la pièce est plongée dans le noir. Ses dernières pensées ne sont en rien transcendantes. Comme elle l'imaginait, Cori est déçue de ce moment. Fichue vie. Au moins, sa mort ne parait pas douloureuse. Une longue langue semble s'enrouler autour d'elle, sans provoquer aucune douleur. Un rugissement se fait entendre qu'elle identifie comme appartenant à l'ectoplasma puis un second, plus puissant, plus familier. Noctunoir, murmure-t-elle, avant de perdre connaissance.
Lorsqu'elle se réveille, Cori est seule dans la pièce. Celle-ci est faiblement baignée, d'une lumière naturelle néanmoins, par une petite lucarne. La jeune femme se relève aussi sec : elle a survécu ? Elle ? Elle se tâtonne, vient à se taper chaque partie de son corps. Elle est intacte, elle voit toujours, peut toujours respirer et parler. Elle ignore comment mais son fan incontesté est parvenu à la retrouver. Si Noctunoir pouvait ressentir les manifestations en lien avec la mort, nul doute qu'il avait su affiner son flair pour arriver jusqu'à elle. Peinant à se mettre debout, peinant tout autant à garder son équilibre (saleté choc émotionnel, saleté cheville foulée et refroidie aussi !), la jeune femme entreprend de quitter la salle puis l'édifice. Comme si ce contact était vital, elle remonte tout le couloir en gardant la main contre l'une des parois. La porte d'entrée vitrée lui fait face avec, derrière elle, une nouvelle chance de se ressaisir.
A sa sortie, Cori ne fait pas attention aux regards choqués des quelques passants. L'un d'entre eux s'approche d'elle, lui demande si tout va bien. Son bafouillement agace au plus haut point la blonde dont la jauge de patience est vide de chez vide. Cori n'a besoin d'aucune aide, elle veut juste se barrer de cette fichue ville. Elle interprète l'inquiétude du gars par rapport à sa démarche, peut-être aussi selon l'état de son cou. Celui-ci est douloureux, le contact avec l'air frais n'arrangeant en rien les irritations.
Très vite, le bruit se répand en ville qu'une jeune femme a été vue sortant de la maison en ruine. Des photographies - floues - sont envoyées, les réseaux en sont inondés. Cette demeure ayant servi de scène pour un fait divers aussi effroyable que triste est bien connu des riverains pour être maudite. Récemment, l'édifice avait brûlé, le feu emportant étages et charpente. Son rez-de-chaussée n'avait toutefois pas été atteint. Certains y virent un mauvais signe : le cabinet du père Wilfried, horrible personnage puni par des enfants pyromanes, y était situé. Si les riverains signaient pétition sur pétition pour que le bâti soit définitivement rasé, le maire faisait la sourde oreille. Des riverains étaient alors persuadés que ce dernier offrait l'accès à ce terrain à son affreux pokémon de type spectre.
e ne sais pas si ça répond au p2b owo;; je tente ! Merciiiiiiiiiiiiii pour l'event !