A peine Haruki eut-elle franchi la porte délabrée qu'elle claqua derrière elle. Après un simple sursaut, elle se retourna en toute hâte, tirant de toutes ses forces sur la poignée, mais l'issue lui était refusée. Ses jambes flageolaient et elle devait lutter pour ne pas se laisser s'écrouler sur les bris de verre qui recouvraient le sol. Elle porta sa main sur sa bouche, tirant sur les traits de son visage pour se ressaisir tandis qu'elle se concentrait sur sa respiration. Peu à peu, ses tremblements se dissipaient, et ses pensées s'organisaient. "D'abord, de la lumière." Elle libéra sa torche de sa ceinture - matériel essentiel hors des villes - et l'enclencha. Sa dernière escapade dans un couloir aussi sombre, éclairée par cette même flamme, remontait à sa visite de la Grotte Granite, pour préparer son combat contre Bastien. Elle s'était achevée par une charge d'un rhinocorne, esquivée de peu, et Haruki n'avait aucune envie de recommencer l'expérience. L'ignorance des formes de vie possiblement présentes entre ces murs ne faisait que renforcer sa prudence.
A chacun de ses pas, les semelles de ses chaussures faisaient crisser les tessons. Si des pokémons urbains étaient susceptibles de s'y déplacer aisément, elle n'imaginait aucun des siens dans cette situation. Elle ne pouvait compter que sur Miku, son hélédelle. Elle semblait avoir compris de ses erreurs depuis le combat d'arène. Haruki était tendue tout du long de la revanche, mais celle-ci s'était passée sans accroc et si l'oiseau avait depuis eu quelques mouvements suspects, il avait regagné une confiance relative auprès d'Haruki - assez pour être appelé dans un espace clos.
"Trouvons une fenêtre et sortons au plus vite." Haruki avait abandonné toute idée de s'y réfugier pour la nuit. Elle avait un mauvais pressentiment, bien que le seul élément concret soit imputable à un coup de vent brusque et des charnières usées par le temps. Les oreilles attentives à tout bruit étranger, elle rassemblait tout son courage pour s'engouffrer dans l'une des pièces les plus proches. Rien n'y sortait de l'ordinaire, ce qui ne l'encourageait pourtant pas à relâcher sa vigilance. Seules de grosses planches en bois occultaient les fenêtres de cette cuisine, grossièrement clouée dans le cadre. Dans l'urgence, elle tenta de les décrocher à la main, plantant profondément ses ongles entre les fibres, mais aucune de ses tentatives n'eut le moindre effet. Elle balaya la pièce du regard en quête d'un objet pouvant servir de levier, empoigna un morceau de plinthe et, alors qu'elle l'installait dans l'interstice, la lâcha d'un coup, parcourue d'une décharge des mains aux pieds.
Miku se mit en alerte et, malgré l'obscurité, ne tarda pas à en trouver le responsable aidée de sa vue perçante. Un mur s'était déformé, comme un fluide dont on aurait percuté la surface, et une tête s'en échappait : un crâne immaculé, illuminé d'un unique point rouge qui se devinait au travers de ses orbites vides. Le corps du pokémon suivit - un drap sombre flottant malgré l'absence de vent - et l'hélédelle chargea.
Haruki déchira le silence d'un hurlement de douleur. Elle n'aurait pu attribuer le moindre mot à sa souffrance car celle-ci ne ressemblait en rien à celles qu'elle avait pu ressentir jusque-là. La dresseuse n'avait aucune blessure extérieur et Miku s'interrompit, ne sachant comment interpréter la situation. Défendre ? Attaquer ? Elle n'avait jamais été confrontée à ce type de réflexion, d'autant qu'elle ne comprenait pas l'origine du changement chez l'humaine. Entre deux sanglots secs de larmes, elle ordonna l'attaque d'une voix étranglée et l'oiseau reprit l'offensive en fendant les airs, avec toutefois moins d'aplomb qu'à l'accoutumée. L'impact arracha une hurlement d'outre tombe au skelénox qui s'enfuit sans demander son reste.
Toute la tension dans le corps d'Haruki l'abandonna d'un coup, comme une marionnette à qui on aurait coupé les fils, ne devenant rien de plus qu'une poupée de chiffon. Nul soulagement cependant, car s'élevait alors un écho de mauvaise augure venant du plafond. Il n'en fallut pas davantage pour qu'elle abandonne la prudence. Son cœur battait la chamade, provoquant ses jambes à suivre ce rythme dans sa course effrénée, mais en l'absence de sortie, la fuite était limitée. Haruki se rua dans la pièce voisine, espérant une fenêtre, ou une porte secondaire. Puis la suivante et celle qui suivait encore. Toutes portaient les mêmes barricades, datant probablement du vivant des derniers propriétaires de la maison. Il s'était manifestement passé quelque chose de terrible pour les pousser à se refermer ainsi, et à refermer ce piège mortel sur une jeune femme terrifiée.
L'espoir la quittait tandis que d'autres crânes descendaient de l'étage, fendant la matière comme si elle n'était rien. Le salon était assez grand pour permettre à Miku de se mouvoir pour combattre et elle commença un premier assaut. Mais leurs ennemis étaient nombreux. Les attaques fusaient, visant pokémon comme dresseuse, et l'oiseau était sans cesse interrompu. « Repli » lâcha Haruki entre deux toussotements. Elle se redirigea vers le couloir, suivie de Miku qui hâtait son rythme. Les skelénox semblaient omniprésents, où qu'elles aient, et Haruki bondit vers les escaliers, espérant que leur descente avait laissé le champ libre derrière eux. Malheureusement, elle n'eut qu'à franchir le virage pour se trouver nez à nez avec un être momifié. S'il n'avait pu traverser le sol, sa volonté de s'en prendre aux deux intruses était palpable.
Miku le prit de vitesse, le poussant à reculer. Lorsque Haruki le senti assez loin, elle s'engouffra derrière lui, brandissant sa torche comme une ultime défense, et monta les marches quatre à quatre pour monter aussi haut que les escaliers lui permettant et mettre un maximum de distance entre elle et les pokémons vengeurs. D'un coup d'épaule, elle ouvrit l'accès au grenier et s'y réfugia. Un rayon de lumière filtrait encore entre les tuiles, signe que la nuit n'était pas encore tout à fait tombée. La respiration saccadée, elle attendait le retour de son pokémon tout en envisageant la suite. Elle n'était plus uniquement inquiète pour sa propre vie mais aussi pour le sort de son équipière. Un craillement répondit à ses pensées. Miku avait perdu quelques plumes, mais semblait encore en état de se battre. Une étincelle dans ses yeux témoignait qu'elle n'avait aucune envie d'abandonner, mais c'est bien ce qu'Haruki lui demandait.
- C'est complètement fou, mais c'est notre seule chance de nous en sortir. Je compte sur toi.
La dresseuse donna ses consignes, tout en sachant que l'hélédelle n'en comprenait qu'une partie infime, mais le temps manquait. Profitant que Miku se soit posée pour ses explications, Haruki passa dans son dos et l'enlaça. L'oiseau agita les ailes, partagé entre la surprise et la colère, mais, sous les encouragements, finit par décoller. Haruki rentra le menton pour se protéger de l'impact, mais presqu'aucune tuile ne l'avait atteinte. La gêne de porter une humaine n'avait pas altéré son dévouement. Le soleil couchant assistait à leur premier vol ensemble jusqu'à ce que, à bonne distance du bâtiment abandonné, Haruki ne décide de l'atterrissage.
Haruki parle en #659bc1. Image original de l'avatar par Nyoronyoro