Solo, event, flashback (Lime, 6 ans, est à l'orphelinat depuis quelques semaines)
Je marche tranquillement dans les rues de Romant-sous-Bois. Je m'ennuie profondément. Il n'y a rien à faire dans cette ville paumée. Les gens de l'orphelinat nous ont emmenés ici pour notre sortie mensuelle. Il parait que la ville est magnifique en cette saison, grâce aux couleurs des arbres. Les feuilles qui adoptent toutes sortes de nuances automnales ne sont pas encore tombées et n'ont pas encore recouvert le sol de la couche humide et glissante qui sera bientôt là. Si tout le monde trouve ça joli, beau, moi, ça me laisse totalement indifférent. En plus, je connais déjà la ville en cette saison, ce n'est pas un spectacle inédit pour moi.
Nous sommes arrivés ce matin, après quelques heures de route. Après avoir visité l'usine de Pokéball au nord de la ville (inintéressant au possible surtout que c'est pas la première fois que je la visite) et mangé les sandwichs préparés par les encadrants, on a eu notre après-midi de libre. Et voilà pourquoi je me retrouve dans cette ville à déambuler seul. Bon, normalement, on aurait dû rester groupé sous la surveillance d'un enfant plus âgé, mais personne ne s'est soucié de moi lorsque je me suis éloigné du groupe que j'aurais dû suivre. Je n'avais pas envie de rester avec ces losers, alors, comme je connais bien la ville, car on venait souvent en vacances pendant l'automne (mes parents adoraient cette ambiance rupestre et trouver très romantique la couleur des feuilles des arbres), je me suis barré tout seul.
Bref, je passe donc l'après-midi à trainer dans la ville, m'ennuyant comme pas permis. À un moment, je passe devant l'arène de Valériane. Ça me rappelle des souvenirs. Ma mère était fan et nous emmenait voir quelques combats d'arène à chaque fois que nous venions. Je ne suis pas encore trop fan de Pokémon (surtout pas les deux tous roses girly de la championne), mais j'aimais bien ces sorties. Au moins, il y avait de l'action et c'était rigolo. Alors, plein d'espoir, je m'approche du bâtiment. Avec de la chance, un combat se prépare et je pourrais me glisser dans les gradins pour faire passer le temps. Malheureusement, la championne styliste n'est pas là, aucun affrontement n'est prévu pour le restant de la journée. Je retourne donc à mon errance dans les rues de la ville.
En fin d'après midi, je tombe sur un groupe d'enfant devant une maison. Je reconnais le bâtiment. À chaque fois qu'on passait devant mon père, il me racontait une histoire différente à son sujet. Des histoires qui faisaient peur. Selon lui, chaque famille qui aurait habité dedans aurait vécu des phénomènes étranges, paranormaux. Et à le croire, des dizaines de personnes seraient mortes à l'intérieur, parfois dans des circonstances atroces. Et à cause de tous ces malheurs, elle serait hantée par des dizaines d'esprits malfaisants. Il me racontait que chaque année, des chasseurs de fantômes essayait d'y passer la nuit, mais qu'aucun ne tenait jamais plus de quelques heures. Il m'a toujours formellement interdit de m'en approcher. Je pense qu'il croyait à ce qu'il me racontait et qu'il en avait peur. Bien sûr, moi, je ne l'ai jamais cru. Ce n'est rien qu'une vieille baraque pourrie. Mais je ne lui ai jamais désobéi et ne m'en suis jamais approché.
J'observe le groupe d'enfants. Je reconnais quatre orphelins (un grand de quatorze ans et les trois autres entre cinq et dix ans). Les deux autres gamins qui ne me disent rien doivent être des locaux (d'une douzaine d'années à première vue). Ils sont en pleine discussion lorsqu'un d'eux me remarque. Je me joins à eux presque à contrecœur. Je m'ennuie tout seul, certes, mais je préfère encore ça que passer du temps avec les orphelins que je n'apprécie pas tellement (en plus, je crois bien que c'est pareil pour eux). Mais bon, on est en automne, c'est la fin d'après-midi, le soleil va bientôt se coucher et il va être l'heure de retourner voir nos encadrants à l'hôtel (un hôtel tout simple, normal, alors qu'on aurait pu dormir dans l'hôtel Désolation, vraiment, ils sont pas drôles les adultes parfois). Comme on était censé passer la journée accompagné d'un grand, ça va chauffer pour moi si je rentre seul. Et je n'ai pas envie d'être privé de la tournée qu'on va faire en ville pour récupérer des bonbons. Alors, je me fais une raison et m'ajoute au groupe.
Les grands parlent de la maison abandonnée. Les locaux affirment qu'elle est hantée (comme mon père) et que si tu pénètres dedans le soir d'Halloween (comme par hasard, c'est ce soir), tu n'en ressors pas vivants. Les orphelins disent que c'est n'importe quoi, que c'est des histoires de bonnes femmes pour faire peur aux enfants pour qu'ils soient sages.
- Dans ce cas, allez-y, rentrez dedans !
Aucun des orphelins ne réagit à l'invitation.
- Bah alors ! Les Poussifeu mouillés ! On a peur ! Cotte-cotte-cotte !
- Non... C'est pas ça ! Je dois... Je dois veiller sur eux ! Il fait bientôt nuit et je dois les ramener à l'hôtel !
- N'importe quoi ! T'as peur, c'est tout ! Ahahah ! Le trouillard ! Le Poussifeu mouillé !
Je fais un pas en avant et attrape la lampe torche que tient l'un des grands.
- Je vais y aller, moi.
Les grands se figent en me voyant avancer. Tom, le grand des orphelins, fait un geste pour m'attraper et me retenir, mais trop tard, sa main se referme sur du vide.
- Non, Lime, attends ! Fais pas ça, faut rentrer là !
Je ne l'écoute pas et escalade déjà l'escalier du porche, sous les encouragements des enfants du coin.
- Putain, Lime, déconne pas !
Me voyant pousser la porte d'entrée qui grince comme pas possible, il se retourne vers le deuxième plus vieux du groupe.
- Jack, ramène les autres à l'hôtel, je m'occupe de Lime.
- Mais... Tom...
- Y a pas de mais, fais ce que je te dis, c'est tout.
J'ai déjà fait quelques pas dans le hall de la maison lorsque Tom passe à son tour le seuil. Il m'attrape le bras et m'empêche d'avancer plus.
- C'est fini les conneries Lime. On rentre.
Son ton ne laisse aucune place à la discussion. Je soupire.
- Comme tu veux.
Soudain, on entend du bruit qui vient de l'autre côté de la pièce. On tourne chacun la tête de ce côté pour voir apparaître… un fantôme qui fonce sur nous ! Enfin, un fantôme... après le choc de la surprise, on remarque rapidement que ce n'est qu'un drap blanc avec des trous noirs pour les yeux, accroché à un fil. Tom se retourne vers les deux garnements qui sont morts de rire dehors.
- Ah ah, très drôle les mecs. Bon, Lime, on rentre.
Alors que Tom me tire vers la sortie, d'un coup, les portes se referment toutes seules. J'entends les gamins restés dehors hurler pendant que Tom essaie d'ouvrir la double porte. En vain. Il finit par me lâcher pour avoir ses deux mains de libre pour frapper dessus.
- C'est plus drôle les gars ! Laissez nous sortir !
Mais je ne pense pas qu'ils répondront. Je ne les entends plus crier. Ils ont dû s'enfuir. Tout ça me donne une idée. Je ne pense toujours pas que le lieu soit maudit (il ne me fait pas peur, ce n'est qu'une vieille maison), mais Tom n'a pas l'air rassuré. Ça me donne envie de lui jouer un tour.
Je profite qu'il soit occupé à essayer d'ouvrir pour m'éloigner discrètement. Je traverse ce qui ressemble à un salon pour atterrir dans la salle à manger. Il y a deux tables avec chacune une nappe poussiéreuse. Une grande et une petite. Je file dans la cuisine qui se trouve à côté, ouvre des tiroirs jusqu'à trouver celui des couverts. Je récupère tous ceux que je peux avant de retourner dans la salle à manger et de me cacher sous la table dans le coin le plus sombre. Coup de change, c'est la plus petite des deux. Même si avec la nuit qui est en train de tomber, il commence à faire vachement sombre malgré les immenses fenêtres, alors la différence de lumière qui éclaire chaque table est minime.
Pendant que je prépare mon coup, j'entends Tom qui m'appelle. Ça y est, il a remarqué mon absence. Je tire légèrement la nappe pour qu'elle tombe un peu plus bas et me cache davantage. Je vois les pieds de Tom apparaitre dans mon champ de vision quelques instants plus tard. Il m'appelle. Vu que je ne réponds pas, il se dirige vers la cuisine. J'attends encore quelques secondes avant de sortir de ma cachette. Je jette ensuite tous les couverts que j'ai en main en l'air. Ils font un bruit d'enfer en retombant sur le carrelage. Pour ne pas me faire prendre, je fonce dans le salon et me glisse derrière le canapé. Le coin est envahi de toiles de Mimigal qui sont si vieilles et poussiéreuses qu'elles ne collent même plus. On dirait que même les araignées ont abandonné la maison.
Pendant ce temps, j'entends Tom hurler, me demander si c'est moi et me dire que ce n'est pas drôle. Au contraire, je trouve ça hilarant. J'entends sa voix qui se rapproche. J'imagine qu'il a fait marche arrière et retourne sur ces pas. Une fois qu'il est de retour dans l'entrée, je l'entends de nouveau m'appeler. Puis crier de terreur. S'ensuivent de nouveaux coups sur la porte et un bruit de verre brisé. Ensuite, le silence. Je reste sans bouger quelques secondes. Qu'est-ce qui a bien pu se passer ? Certainement encore un coup des locaux, plus élaboré que le premier. Ou alors, cette fois, c'est Tom qui me fait une blague pour me faire sortir de ma cachette. Je ne pense toujours pas que la maison est réellement hantée.
J'attends encore un peu. Toujours pas un bruit. Je finis par sortir de ma cachette et rejoins l'entrée. Rien. Personne. Juste le faux fantôme ridicule encore accroché à son fil. Il y a bien une vitre à côté de la porte, mais elle est en parfait état. Pas cassée. Exactement comme lorsque j'ai laissé Tom. Je ne comprends pas. Alors, je me dis que c'est certainement une blague de Tom pour se venger de la mienne et me faire flipper à mon tour. Mais, s'il croit m'avoir comme ça, c'est mal me connaitre. Je ne vais pas lui laisser la dernière blague. J'allume la lampe torche (il commence à faire bien nuit) et observe mes options. Il y a un couloir qui part à l'opposé du salon, je suis sûr qu'il m'attend par là, alors je décide de préparer ma prochaine farce à l'étage.
Contrairement au sol du rez-de-chaussée qui est en carrelage, l'escalier est en bois et chaque marche grince. D'un côté, ça me rassure sur le fait que Tom se trouve toujours en bas (je l'aurais entendu monter). Mais d'un autre, ça m'inquiète. Je n'ai pas envie qu'il m'entende monter et prépare une contre-blague à la mienne. J'essaie d'être le plus discret possible et de ne pas trop faire peser mon poids sur les marches. Mais bon, quoi que je fasse, ça fait toujours autant de bruit.
L'étage se compose d'un palier qui donne sur quatre portes. J'en ouvre une au hasard. Je ballais l'intérieur de la pièce avec le rayon de ma lampe torche. La déco est pour le moins originale. Tous les meubles ont été imaginés pour qu'ils donnent l'impression de fondre. Tous sans exception : le lit, la table de chevet, le bureau, les étagères, même la lampe de chevet, l'ampoule et les divers posters accrochés au mur. L'ambiance qui en ressort est plutôt flippante et inquiétante. Je fais un pas en avant. Le sol est très étrange lui aussi. Visuellement, on dirait du parquet, mais mon pied semble s'enfoncer dedans. Comme dans une grosse moquette très très très épaisse. Je retire vivement mon pied. La sensation est beaucoup trop étrange pour moi. Elle ne me dit rien cette chambre. Je trouverais bien de quoi faire une farce dans l'une des autres pièces. Je ferme violemment la porte.
Je me retourne et un rai de lumière attire mon attention. Aucune lumière ne filtrait sous aucune porte lorsque je suis monté. J'ouvre lentement la porte, c'est peut-être Tom à l'intérieur, il ne faut pas qu'il m'entende. Naturellement, elle grince sur ses gonds. Pour la discrétion, je repasserai. La lumière provient du plafonnier. C'est étrange qu'il y ait encore le courant dans cette vieille bicoque. Je tique un peu, mais bon, pourquoi pas. Certainement que quelqu'un continue de payer la compagnie d'électricité. Ça doit être aussi simple que ça, alors ça ne m'inquiète pas plus que ça.
Je pénètre à intérieur. En face de la porte, il y a une fenêtre qui donne sur l'extérieur. Sur ma droite se trouve un lavabo surmonté d'un miroir. De l'autre côté de la pièce, des toilettes et une baignoire. L'intérieur de la baignoire est caché par un rideau de douche qui est tiré.
Je me place face au miroir et l'éclaire. Il est plein de taches, mais j'arrive quand même à apercevoir mon reflet. D'un coup, un énorme coup de tonnerre éclate et la luminosité de l'éclair qui en résulte m'aveugle pendant quelques secondes. C'est bizarre. Quand je suis rentré dans la maison, il n'y avait pas la moindre nuage dans le ciel. Mais je n'ai pas le temps de réfléchir plus que ça au phénomène qui vient de se produire, car, mon acuité visuelle retrouvée, mes yeux se posent de nouveau sur le miroir et là, mon sang se glace. Il n'est plus sale comme avant, mais parfaitement propre... si on ne prend pas en compte le message au rouge à lèvres (je préfère me dire que ça en est plutôt que du sang) qui est apparu en son centre : Le sang doit couler. Ok. Là, je commence à avoir peur. C'est beaucoup trop élaboré pour une blague faite par les deux gamins de tout à l'heure. Et je ne vois pas comment Tom aurait eu le temps de préparer ça. L'idée comme quoi les rumeurs sont vraies et que la maison est réellement hantée ne me parait d'un coup plus si idiote que ça.
Un bruit derrière moi, venant de la baignoire, me tire de mes pensées. L'eau s'est mise à couler. Toute seule. Lentement, je me retourne. J'ai peur de ce que je vais découvrir. Le rideau bouge sur la droite. J'y pointe le faisceau de ma lampe torche. Une main apparait, agrippant l'extrémité de la toile opaque. Pas n'importe quelle main. Écailleuse, verte, palmée avec de longues griffes rougeâtres. Elle ne ressemble pas à une main d'humain et à aucune main de Pokémon que je connaisse. Je retiens un cri. Je ne sais pas par quel miracle, mais j'y arrive. Je n'attends pas que la créature ait ouvert le rideau pour sortir de la pièce et retourner sur le palier de l'étage. Après avoir vivement refermer la porte, j'en ouvre une nouvelle pour me cacher dans une autre pièce.
C'est une chambre assez simple : un lit double même pas défait et une télévision au pied du lit. Je me colle dans le coin de la pièce le plus éloigné de la porte, que j'ai mal refermée dans ma précipitation. Je suis recroquevillé sur moi-même. Je repense à ce qui s'est passé dans la salle de bain. Sur le coup, j'avoue, j'ai eu peur. Avec le recul, je me dis que c'est juste Tom qui a trouvé une fausse main et qui essaie de me faire peur. Rien de plus. J'oublie le passage avec le miroir, ce n'était que mon imagination. C'était forcément ça. J'essaie de m'en convaincre, mais je ne me détends pas pour autant.
Je ne pense pas être dans la pièce depuis longtemps lorsque, soudain, la télé s'allume. Je me recroqueville encore plus. Des larmes commencent à couler sur mes joues. J'ai vraiment peur cette fois, car je suis sûr que ce n'est pas mon imagination et je ne vois pas comment Tom pourrait y être pour quelque chose. L'appareil ne diffuse que de la neige pendant quelques minutes (ou alors des secondes qui paraissent des minutes). D'un coup, la neige se fige et une image en noir et blanc apparait. Une image qui ressemble à deux gouttes d'eau à la pièce dans laquelle je me trouve. La position du lit et de la télé sont les mêmes. On voit même de la neige sur l'écran de la télé dans la télé. Et il y a une tache en haut du moniteur qui pourrait être moi. Instinctivement, je lève les yeux vers là où serait la caméra s'il y en avait une. Deux yeux rouges me fixent. Je clique des yeux, les frotte et rejette un coup d'œil. Plus rien. La peur doit me faire rêver. Je reporte mon attention sur la télé qui diffuse toujours la même image. Enfin non, la télé de la télé ne diffuse plus de la neige, mais l'image de la pièce. Et je vois la tache du haut qui bouge. Elle représente un enfant qui me ressemble, je le vois bien maintenant. D'ailleurs, il se frotte les yeux comme je l'ai fait quelques instants auparavant. On dirait une diffusion du réel avec un léger décalage. Ce n'est pas possible. Malgré la peur, je dois en avoir le cœur net. Je lève un bras. Il ne se passe rien pendant deux secondes. Puis, le gamin dans la télé lève aussi son bras. Je n'en crois pas mes yeux. Je panique et me précipite en dehors de la chambre sans prendre la peine de fermer la porte derrière moi.
Là, la logique voudrait que je cherche à sortir d'ici. Mais, mon cerveau a disjoncté. Mes jambes m'emmènent dans la dernière pièce de l'étage. C'est encore une chambre. Dedans, il y a un lit et une étagère remplie de bibelots. Des tas de jouets sont également répandus par terre. Je me glisse dans un petit coin, à côté de l'étagère. Je ballais sans cesse la pièce avec le rayon de ma lampe torche. J'ai trop peur qu'un jouet se mette à bouger, je préfère les surveiller. Comme rien ne semble prendre vie après un certain temps, je finis par arrêter le faisceau sur le seuil de la porte. Puis je commence à attendre. J'attends longtemps. Plusieurs minutes. Plusieurs heures. Je n'en sais rien. J'ai perdu toute notion du temps. J'attends en remuant le moins possible. La peur ne me quitte pas un instant, mais les larmes ont arrêté de couler. De temps à autre, je vérifie qu'aucun jouet n'a changé de place. Pendant longtemps, il ne se passe rien.
Un rire démoniaque me fait sursauter. Il provient d'un haut. Je passe le rayon de la lampe sur le tout le plafond. Rien. Ça devait venir du grenier. Je sens comme de la poussière me tombant dessus. J'éclaire la partie juste au-dessus de ma tête. J'arrête de respirer. J'aperçois une scie. Enfin, plutôt l'extrémité d'une scie qui est en train de scier le plancher au-dessus de moi. Je ne réfléchis pas. Je me lève et sors en courant de la pièce, comme si ma vie en dépendait (c'est peut-être le cas). Cette fois, mes jambes trouvent le chemin de l'escalier que je dévale en hurlant.
Arrivé dans l'entrée, je me jette sur la porte. Comme précédemment, elle refuse de s'ouvrir. Je regarde autour de moi, paniqué. Je ne sais pas quoi faire. Je dois sortir d'ici. Mes yeux se posent sur la fenêtre. Ça peut le faire. Je prends mon élan, saute, me protège de la tête avec mes bras, traverse la fenêtre et atterrir lourdement sur... le carrelage de l'entrée ? Je me redresse et observe la fenêtre. Intacte. Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! J'aurais rebondi contre le mur ? Pourtant, en m'examinant, je remarque une coupure sur ma jambe gauche. Le liquide chaud coule le long de mon tibia et tache mon pantalon. J'ai mal au bras droit aussi. Celui qui était en première ligne contre la vitre. Je l'observe. Je deviens livide. Un bout de verre est toujours planté dans ma peau. Il a traversé mon pull ainsi que mon t-shirt à manches longues lorsque j'ai sauté et est resté planté dans mon bras. Je l'arrache d'un coup sec pour être sûr de ne pas rêver. La douleur est bien réelle. Le sang qui s'écoule de la plaie aussi. Tout comme le bout de verre que je laisse tomber par terre. Les larmes recommencent à couler lorsque je comprends. La maison s'amuse avec moi et refusera de me laisser sortir tant que... tant que quoi d'ailleurs ? Je préfère ne pas pousser la réflexion plus loin.
Des bruits de fête provenant de la salle à manger calment mes sanglots et me font reprendre mes esprits. Je dois me cacher. Et vite. Je n'ai pas envie d'aller dans le salon vu qu'il est à côté de la salle d'où proviennent les bruits et le couloir ne me dit rien qui vaille (je crois apercevoir une lumière à l'autre extrémité). Je regarde autour de moi à la rechercher d'une nouvelle cachette. À part une porte qui conduit je ne sais où, je ne vois pas d'autres options. Je l'ouvre le plus doucement possible pour limiter les grincements. C'est raté.
La porte donne sur un escalier qui descend. Le sous-sol. Génial. J'ai vraiment pas envie d'y aller, mais je n'ai pas d'autres options. J'entends les bruits de la fête gagner en intensité. Ça me motive à m'engager dans la descente. Comme tout ce qui est en bois dans cette maison, il grince. Même si je dois avouer que je ne fais plus d'efforts pour être discret (de toute façon, la porte a tellement grincé que ce n'est plus utile). Arrivé en bas sans encombre, je vérifie l'état de la pièce. Elle est entièrement vide. Il n'y a rien du tout. J'aperçois une petite lucarne. Elle devrait être assez grande pour que je puisse passer, mais elle est trop haute. Et puis, même si j'arrivais à l'atteindre, rien ne me dit que la maison me laisserat sortir par là.
L'escalier n'est pas "plein", alors je vais me cacher dessous, dans le coin qui se trouve sous la plus haute marche. Ensuite, malgré la peur, j'éteins ma source de lumière et me retrouve ainsi plongé dans le noir total. Ça aggrave ma peur, mais je préfère ça plutôt que d'imaginer des monstres avec les ombres de l'escalier ou de remarquer des choses que je n'avais pas vues avant.
Après un certain temps, j'entends du bruit venant d'au-dessus de moi. Je lève la tête, mais naturellement, je ne vois rien. Puis, j'entends les marches grincer. Lentement. Une à une. Comme si quelqu'un (ou quelque chose) de lourd descendait en prenant son temps. Je me recroqueville sur moi-même et sers la lampe contre moi. Le bruit arrive à la dernière marche. Puis, le silence.
Soudain, je vois, sur le mur, une ombre. Enfin, ce n'est pas vraiment une ombre, car c'est plus clair que le noir ambiant. On va dire que c'est une ombre blanchâtre qui se distingue parfaitement bien. Une ombre qui a les contours d'un Ectoplasma. Une fois arrivée au milieu du mur opposé à celui de l'escalier, elle se… détache du mur et se transforme en une espèce de silhouette nuageuse. Toujours avec une vague forme ressemblant au Pokémon spectre. Des yeux rouge sang ainsi qu'un immense sourire carnassier de la même couleur apparaissent sur la drôle de forme. Elle me regarde. Je suis persuadé qu'elle me regarde. Elle va venir vers moi et me tuer. J'en suis sûr. Je pleure maintenant à chaudes larmes en essayant de me faire le plus petit possible tandis qu'elle avance lentement vers moi. Je crois que je supplie le monstre de ne pas me faire de mal, de ne pas me tuer d'une voix plus que chevrotante. La peur me fait mouiller mon pantalon.
D'un coup, je remarque qu'il fait un peu plus clair dans la cave. Ça vient de la lucarne. C'est le soleil ! L'aube est en train de se lever !
À mesure que tout s'éclaire, le nuage fantomatique disparait petit à petit. À la fin, il ne reste plus que les yeux et la bouche monstrueuse. Ils disparaissent d'un coup, dans un éclat de rire à faire froid dans le dos, à à peine deux mètres de moi.
J'attends que tout soit inondé de lumière avant d'oser bouger. J'essuie mes larmes et me lève. Encore inquiet, je me dirige vers le bas de l'escalier. La porte d'en haut est ouverte et de la lumière s'en échappe. Calmement, je monte les marches. J'ai peur que tout ça ne soit qu'une illusion et que mon calvaire ne soit pas encore terminé.
Une fois dans l'entrée, je n'entends plus les bruits de fête. Je n'entends rien en fait. Il n'y a pas un bruit. Je m'approche de la porte. Elle est toujours fermée, mais j'espère qu'elle est déverrouillée. Je pose la main sur la poignée. Bloquée. Je ne suis toujours pas libéré. Les larmes me remontent aux yeux quand un très léger, mais distinct "clic" se fait entendre. Je tente de nouveau ma chance avec la poignée. Cette fois, elle tourne. Je ne me fais pas pier pour ouvrir la porte en grand et sortir de cet endroit maudit. Je crois que je n'ai jamais été si heureux de sentir le soleil sur ma peau. J'en pleure de joie. Je me mets à courir, pour m'éloigner le plus vite possible de cette maison du malheur, mais je m'effondre rapidement d'épuisement. À terre, au milieu de la chaussée, alors que quelques feuilles se décrochent des arbres et me tombent dessus, je m'engouffre dans un profond sommeil.
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Booouh ! J'ai jamais testé le P2B, je sais pas si c'est assez, mais je tente quand même. Même si le P2B ne passe pas, j'ai beaucoup (trop) aimé écrire cette histoire avec quelques petits hommages à mon auteur préféré Merci beaucoup pour cet event