- Hm… Oh !, elle avait levé la tête de son téléphone, remis une mèche de ses longs cheveux blonds derrière son oreille, et m’avait adressé un sourire poli. Bonjour Aarii’, je ne vous avais pas vue arriver, je lui avais parlé un peu, de tout et de rien, de la pluie et du beau temps, sans oser prendre trop de son temps. Avant de la quitter, je lui avais posé la question qui me brûlait les lèvres. Oui, je me suis inscrite pour être accompagnatrice. Vous aussi ?

---

L’école primaire pour laquelle je travaille à Lavandia est jumelée depuis plusieurs années à une autre de Voilaroc, dans la région de Sinnoh. Il arrive donc, tous les ans, que des activités en communs soient menées, qu’elles s’effectuent en distanciel ou que les élèves d’un établissement rendent visite à l’autre. Cette année, l’évènement d’échange principal s’articule autour du festival des dragons de Célestia. Cela fait déjà plusieurs mois que les enfants et professeurs préparent les activités, échangent vivement sur le sujet. La thématique s’articule autour des mythes de la région d’Hoenn, afin de pouvoir les présenter aux enfants de Sinnoh, à l’occasion de temps d’échanges dans leur école. Cela se fera après que tous aient assisté et participé au festival des dragons, en l’honneur des dragons légendaires de Sinnoh. Dès que j’avais eu l’information, je m’y étais intéressé, forcément. Je n’étais pas très au courant des légendes hoenniennes, ni de celles de sinnoh. Les enfants et les professeurs m’aimaient bien, que ce soit parce qu’ils appréciaient le contenu d’Aarii’ sur les réseaux, ou parce qu’ils trouvaient intéressants mes ateliers sur les pokémons. Toujours est-ils qu’ils m’accueillirent à bras ouverts quand je me mis à poser des questions.
J’avais appris au cours des derniers temps que les légendes d’Hoenn s'articulent autour de la terre, la mer et le ciel. Chacun de ces éléments possède un gardien qui aurait, dans des temps ancien, oeuvré à la répartition de l’eau et de la terre ferme pour créer les surfaces de notre monde. Il devait s’agir de créatures très puissantes et impressionnantes. Les représentations antiques montraient le gardien de la terre comme une créature massive et bipède de couleur rouge. Celui de l’eau comme une sorte de poisson bleu, plutôt rond, aux grandes nageoires. Celui de l’air comme un serpent géant de couleur verte qui aurait la capacité de voler. Tous auraient sur le corps des arrangements de motifs droits et arrondis.
Je profitais de l’occasion pour leur raconter les grands pokémons légendaires de la vie et de la mort de la région de Kalos. Celui de la vie serait comme un grand cerfrousse aux bois ressemblant aux branches d’un arbre, tandis que celui de la mort serait un rapace avec des griffes sombres au bout des ailes. Beaucoup avaient trouvé le second concept plutôt cool et le nom d’Yveltal s’était introduit dans quelques conversations de la cour de récréation.

Les légendes de Sinnoh, elles, parlaient de trois dragons et d’un pokémon tout puissant que certains appellent Dieu. Le premier dragon représente le temps, sous la forme d’un quadrupède majoritairement bleu dont la forme dans les iconographie me fait penser à un pokémon fossile. Le deuxième, l’incarnation de l’espace, est quant à lui bipède et ne ressemble pas à grand chose, je l’aime bien. Le dernier est un “banni”, exemple de ce qu’il se passe si l’on ose défier le dieu tout puissant. Giratina, car tel est son nom, aurait défié Arceus, le pokémon dieu, et aurait en conséquence été banni dans le monde distorsion. Je me demandais si des récits traitaient les dragons légendaires de Sinnoh sous l’angle de l’obéissance, ainsi que ce que pouvait bien être Giratine du temps où il n'était pas déchu. Si les deux autres étaient l’espace et le temps, peut-être était-il la relativité ? J’espérais que le festival des dragons de Célestia nous permettrait d’en savoir plus.

Dès que ça avait été possible, je m’étais inscrit comme accompagnateur. Et, quand je l’avais croisée par hasard dans le hall d’accueil de l’école, j’avais immédiatement espéré que ce fut également son cas. Elle avait toutes les raisons de le faire, puisque son fils serait de la sortie. Alors je l’avais abordée, comme si de rien n’était, pour essayer de lui demander. J’avais raison. Mon coeur, qui avait battu la chamade pendant toute la courte conversation, s’était encore plus emballé alors je m’étais empressé de prendre congé pour aller me calmer.
Ce n’était pas une opportunité de quoi que ce soit, je le savais bien, car il n’y en aurait jamais et que je ne savais de toute façon pas comment m’y prendre pour les créer. Mais l’idée de pouvoir la croiser en dehors du cadre de l’école avait quelque chose d’enchanteur et d’excitant. Je me demandais ce qu’il se passerait, s’il se passait quelque chose, si on se croisait, seulement, car plusieurs classes devaient faire le voyage. Si le hasard faisait mal les choses, nous n’allions pas être assignés au même groupe et nous voir qu’une fois les enfants au lit, juste le temps de se reposer quelques minutes avant de tous aller se coucher, épuisés de nos journées. Du moins, c’est ainsi que se passaient les voyages scolaires auxquels je n’avais jamais assisté selon Eric, mon meilleur ami, qui lui avait profité de tous. J’étais encore dans l’illusion que mes parents pouvaient revenir à tout moment, à l’époque.

A tout hasard, j’avais prié la veille des assignations, car on ne savait jamais. Si elles valaient quelque chose, ces dernières avaient été entendues : Catheline et moi allions encadrer un groupe de moyenne section.

Je suis familier avec la classe qui m’a été assignée, pour avoir déjà mené plusieurs ateliers avec eux. Les enfants viennent de milieux hétéroclites, mais je crois que tous m’apprécient. Un autre point sur lequel je suis chanceux, est que ce groupe n’est pas réputé pour être turbulent ou désobéissant, ce qui devrait aider à les tenir pendant le festival, moment de grande excitation pour eux. J’espère que je parviendrai à être compétent dans mon encadrement, car c’est la première fois que je fais ça sans Raven et Mylène. Ne pas être avec la seconde ne me dérange pas, mais je me dois d’assurer si je veux être bien vu par Catheline. Elle, elle sera sûrement déçue de cette assignation de groupe, car je suppose qu’elle espérait encadrer son fils. Il est encore en maternelle. Il est sûr et certain que c’est pour lui qu’elle s’est portée volontaire, alors il occupera beaucoup de ses pensées. Si je veux espérer faire une percée, il faudra que je me démarque par mes compétences.
Nous sommes la veilles de la réunion préparatoire au cours de laquelle je vais la voir pour planifier le fonctionnement de notre binôme quand je partage mes idées et ambitions à Eric. Depuis le premier jour, mon meilleur ami sait que j’en pince pour cette femme, et de plus en plus fort à chaque fois que je la croise. Je n’ai même pas cherché à, comme à mon habitude, être dans le déni, car je n’aurais pas réussi. Car dès l’instant où je l’ai vue je l’ai trouvée sublime. Et dès que nous avons échangé quelques mots, j’ai adoré le caractère qu’elle laissait entrevoir. Puis elle a parlé à Mylène, de manière plus naturelle puisqu’elles sont soeurs et j’étais presque conquis. Presque, seulement, car j’ai bien conscience qu’on ne peut pas vraiment considérer connaître une personne pour si peu. Et puis je la trouve magnifique, très attirante physiquement, alors je crains aussi que mon jugement ne soit biaisé. J’ai assez de recul sur cette part de moi-même pour savoir que le discernement n’est pas toujours au rendez-vous sur ce sujet, en considérant le fait que j’ai vingt-et-un an et suis toujours puceau. Un manque d’occasion. Qui ne risque pas de s’arrange de sitôt, car Eric s’empresse de me ramener à la réalité :

- C’est bien gentil ton truc, mais elle pense que tu as Aarii’, tu te rappelles ? Pour elle t’es une nana, elle ne connaît même pas ton vrai prénom… A moins que Mylène lui ai dit, mais vu ce que tu m’en racontes, de ta Catheline, ça a pas l’air d’être son genre de cacher ce qu’elle sait. C’est mort de chez mort, soit réaliste.

Boudeur et très déçu par cette andouille de réalité, je prends du bout des lèvres ma paille et continue de siroter mon sirop en silence. Mon meilleur ami a raison, je le sais, mais toujours est-il que ça ne me plaît pas du tout. Alors, hésitant, je tente pour rattraper le coup :

- Au moins je la connaîtrai mieux… Et on pourra peut-être devenir potes ! C’est un début, non ?

J’ai beau très bien savoir que ce n’en est pas un, de début, je ne peux m’empêcher d’espérer à voix haute. Après tout, j’ai toujours eu des prédispositions pour me noyer dans mes propres mensonges. Quand Eric lève des yeux désolés chez moi, je fais mine de lui répondre avec un sourire plein de confiance en moi alors qu’en réalité je suis en train de me briser à l’intérieur. Il secoue la tête avant de me poser la question qui tue :

- Tu veux vraiment te lier d’amitié avec elle sous couvert d’un mensonge ?
- T’es chiant… Bien sûr que non que je veux pas !, je me met à faire des bulles dans mon verre, à l’aide de la paille, pour évacuer ma frustration. Mais qu’est-ce que je suis censé faire, au juste ?
- Lacher l’affaire, répond simplement Eric comme si c’était aussi simple que d’aller passer un coup de balais qui ferait disparaître mes sentiments comme des grains de poussière. De toute façon elle a un gosse, donc à partir de là c’est foutu.

Je détourne le regard, occupé à me remplir de seum. C’est vrai que Catheline est un peu plus âgée que moi et qu’elle a un enfant qui est actuellement en première année de maternelle. De ce que j’ai compris, en écoutant quelques conversations à la dérobée - et je n’en suis pas fier - elle n’est plus avec le père. Alors, même si je lui révélais ma véritable identité, il est presque sûr qu’elle ne voudrait pas d’une relation avec un mec sans expérience. Je n’en ai pas d’expérience dans la vie réelle, mais dans les séries ces femmes cherchent des figures paternelles pour leur petit. Et me poser ces questions et même absurdes, car pour les considérer il faudrait encore qu’elle puisse vouloir de moi, ce qui est très loin d’être probable. Même si je pensais qu’elle pouvait apprécier mon caractère authentique - ce qui n’est pas le cas - il faudrait passer outre le ressentiment de sa soeur à mon égard. Nous fonctionnons bien en tant que collègues de travail, mais au-delà… Mylène a vraiment une dent contre moi. A ce stade, c’est même plutôt un croc. Un énorme croc de sharpedo, au moins.
Après m’être affaissé de désespoir sur la table, je soupire.

- J’aurais vraiment aimé tomber amoureux de Clémence.
- Bah, c’est le genre de choses qui se contrôlent pas, mon meilleur ami hausse les épaules, bien que je vois à l’expression de son visage qu’il reste embêté pour moi.
- C’est vrai, mais ça aurait été beaucoup plus simple, je crois.

Clémence, c’est une fille qui était avec nous au lycée. Elle était dans la classe d’Eric et avait donc un an de moins que moi. C’était une adolescente discrète, effacée, timide, un peu trop d’ailleurs, au point qu’elle est rapidement devenue la cible de moqueries. Elle ne répliquait pas, et allez savoir pourquoi, cela s’est progressivement transformé en harcèlement par un groupe d’élèves de sa classe. Ils étaient bons, car Eric n’avait rien remarqué. Moi non plus, d’ailleurs, mais peut-être car nous étions pris dans nos propres problèmes. Moi aussi, j’étais la cible de ce genre de pratiques, puisque j’avais déjà commencé à me travestir. Entre ça et mon caractère décalé, j’étais la cible parfaite. Le problème, c’est que contrairement à Clémence qui se laissait faire, moi je répliquais. Par en leur rendant leurs coups, mais en tournant systématiquement en dérision leurs tentatives de moquerie ou de harcèlement. Je me rendais ridicule, mais les rendait ridicules aussi. Je ne faisais qu’attiser leur haine à mon égard, tout en les frustrant, ce qui les poussait à périodiquement se désintéresser de mon cas.
Un jour où ils s’intéressaient à moi, j’avais été abordé par la grosse brute de l’école. C’était dans un couloir où je n’étais pas sensé être, où je cherchais de la tranquillité loin des autres élèves et des surveillants, malheureusement. Il m’avait pris par les cheveux et traîné jusqu’aux toilettes des filles les plus proches, pour m’humilier en me forçant à y aller. A part la douleur au cuir chevelu, je n’en avais pas grand chose à faire : des toilettes sont des toilettes. Je ne m’étais pas encore mis au sport à ce moment là alors je n’avais pas la force de répliquer. Je m’étais donc laissé faire, en me disant qu’après il me laisserait tranquille ou me frapperait. Dans les deux cas, je finirais pas avoir la paix et, si j’avais des coups sur le corps, je pourrais m’arranger pour le faire virer de l’établissement. Lorsque nous étions arrivés, Clémence était là, en train de manquer de se faire noyer par d’autres filles dans une cuvette.
C’était interdit, mais j’avais laissé Bowbow sortir de sa pokéball afin qu’il leur fasse peur. Qu’on me fasse du mal à moi, c’était une chose. Qu’on s’en prenne à quelqu’un d’autre, c’en était une autre. Mon starter, qui avait déjà évolué en chelours à ce moment-là, dépassait de plusieurs têtes toutes les personnes présentes et était plus large qu’eux. Comme c’était un pokémon d’Alola, ils ne le connaissaient pas et les agresseurs s’étaient mis à rire de ce gros nounours rose. Jusqu’à ce qu’il prenne à deux mains la cuvette de toilettes dans laquelle les filles étaient en train de torturer Clémence et l’arrache comme si de rien était. Il l’avait ensuite levée comme une menace au-dessus de la tête de celui qui me faisait du mal, avant de l’envoyer se briser contre le carrelage juste à côté de lui. Les éclats de céramique avaient volés dans tous les sens, mais heureusement j’avais été la seule personne griffée. Tout le monde avait eu peur.

Sans dire un mot, j’avais pris la main de Clémence pour la mener hors des toilettes. Nous avions traversé plusieurs couloirs sans nous parler. A un moment, elle s’était mise à pleurer. Je l’avais fait entre dans d’autres sanitaires où il y avait du papier pour se sécher les mains, et m’étais mis à lui sécher les cheveux comme je le pouvais. Ses vêtements, je n’osais pas. C’était une fille, après tout. Elle avait pleuré pendant longtemps et j’étais resté là, avec mes morceaux de papier. Quand elle s’était enfin arrêtée, je lui avais demandé si elle voulait que je lui serve de témoin pour essayer de faire renvoyer ces filles, ce qu’elle avait refusé. Alors, à la place, je lui avais proposé qu’on devienne amis. Ca, elle l’avait accepté.
Clémence, Eric et moi nous entendions bien. Il l’aidait en classe pour qu’elle ne se fasse pas embêter et nous passions beaucoup de temps à parler le soir, moi et elle, pour détourner son attention des autres messages qu’elle recevait. Je m’étais vite douté de ses sentiments à mon égard, qui avaient ensuite été confirmés par Eric car elle lui avait posé des questions sans équivoque sur moi. Le problème, c’est que ce n’était pas réciproque. Clémence était très gentille, très mignonne, adorable même, mais je n’étais pas amoureux d’elle et je ne me voyais pas réussir à développer des sentiments pour elle. Il en avait été ainsi jusqu’à la fin du collège, puis elle avait changé d’établissement. Avant qu’elle parte, elle m’avait fait une déclaration et j’avais été obligé de lui briser le coeur. Faire semblant avait été tentant, car j’étais très attiré par l’idée d’avoir une petite amie, mais je me serais senti trop ignoble.
Alors j’avais laissé passer ma chance. La seule à ce jour.

Être avec Clémence aurait rendu beaucoup de choses plus simples, mais je ne regrettais pas ma décision. J’étais resté droit dans mes bottes, fidèle à des principes que je jugeais bons. Seulement, la situation avec Cahteline était le genre de moments qui me faisaient avoir quelques regrets. De l’expérience n’aurait pas été de refus, même si ça ne s’annonçait que comme une relation de collège. Au moins, j’aurais peut-être eu un début d’idée sur la manière de l’aborder.

- J’ai quelques dating sim avec des mères célibataires…
- T’es sérieux ?!
- Non, bien sûr que non !, peut-être. Peut-être pas. J’essayais juste de faire de l’humour. Pour dédramatiser ma peine, tu vois !
- Lâche juste l’affaire, mec.
- J’ai bien le droit d’être en peine d’abord, non ? Roh !

Je passe le reste de cette discussion à exagérer ma tristesse avec mon meilleur ami, à coup de grands élans théâtraux et répliques volées à des films romantiques et dramatiques célèbres. Elles sont plus ou moins bien retranscrites, ce qui a le don de faire rire Eric. Et moi, mine de rien, ça m’aide à moins me stresser pour la réunion à venir, ainsi que le voyage scolaire jusqu’au festival de Celestia.

La règle pour le voyage sera de cinq enfants par adultes, afin de s’assurer de pouvoir les gérer aux mieux et de ne pas créer de gros blocs d’enfants pendant le festival, ce qui pourrait gêner les autres visiteurs. La majorité des petits dont j’aurais à m’occuper viendront de notre école, mais il y aura aussi quelques élèves de celle avec laquelle nous sommes jumelés. Tout ceci me paraît logique. Les identités des gamins nous sont donnés lors de l’ultime réunion d’information ainsi que les détails du voyage, de la logistique liée au festival, et de nos hébergements. Le jour J nous résiderons à Celestia où on gîte spécialisé dans les grands groupes a été loué pour accueillir les enfants et les accompagnateurs. En sortant de la réunion, j’entends certains autres adultes dire qu’ils aimeraient bien que les enfants s’endorment vite pour voir s’ils ne pourraient pas profiter aussi en autonomie du festival. C’est vrai que c’est tentant, surtout si je peux être avec Catheline, mais il faudra que je m’applique à rester sérieux.
Alors que je suis en train d’avancer dans le couloir, un personnel de direction me rattrape. Il s’agit de l’adjointe au principal de l’école au globale, une personne que nous voyons peu et qui est souvent plus occupée avec les niveaux supérieurs qu’avec la maternelle. C’est une femme plutôt âgée, mais qui ne m’a toujours eu l’air sympathique. Les bruits de couloir disent qu’elle fait de son mieux pour rester à jour avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux afin de pouvoir comprendre les élèves. Alors je ne suis pas très étonné quand elle me demande, sous couvert de mon identité d’Aarii’, s’il serait possible que je réalise une vidéo pendant le festival. L’idée serait de pouvoir l’envoyer aux parents des enfants de mon groupe, mais aussi de la mettre en avant sur le site de l’école. Ma présence serait un plus, comme je suis une figure un peu connue sur internet. Bien sûr, même si mettre encore en avant Aarii’ me tord un peu le ventre, j’accepte. Comment pourrais-je refuser ?

La première chose que je fais est de chercher Catheline pour l’informer. Mon estomac se noue à nouveau, mais plus pour les mêmes raisons. Encore une fois, mon coeur se met à battre trop vite quand je l’aperçois et je me mets à chercher mes mots, moi qui suis normalement si spontané. Je me répète que c’est mort, sans aucun succès. Au moins sur la durée du couloir à traverser, en tout cas.
En m’approchant, je remarque qu’elle a l’air d’attendre quelque chose et, en vérifiant l’heure, songe que c’est bientôt la récréation. Nous sommes proches des classes de maternelles, qui doivent forcément passer par ici pour rejoindre la cour. Elle doit donc espérer pouvoir voir son petit, pour la récréation ou quelques instants. Je décide donc de rester en retrait, pour ne pas leur prendre ce moment. Passer la récréation adossé à un mur, un peu caché derrière un bloc de casiers, c’est bien aussi. Et puis ça me permettra de me calmer pour la conversation à venir.

Lionel est un petit garçon aussi blond que sa mère. Il partage aussi avec elle ses grands yeux bleus clairs, presque gris. Il est encore en maternelle, je l’ai déjà eu plusieurs fois en atelier. Il aime beaucoup les pokémons de type ténèbres, ce qui est inhabituel chez les enfants de cet âge. De ce que j’ai compris, c’est parce que sa mère en possède un, mais il n’a pas su me dire son espèce, seulement son surnom. Je me demande quel pokémon peut posséder Catheline et espère pouvoir l’apprendre lors de notre sortie. Outre ça, Lionel est vif et joyeux, comme beaucoup d’enfants de son âge, mais je n’ai pas l’impression qu’il soit très sociable : il avait l’air embêté quand j’ai demandé un travail de groupe et je ne l’ai pas vu discuter beaucoup avec ses camarades.
Quand il rejoint sa mère dans le couloir il est tout content de la voir. Elle le prend immédiatement par la main et ils s’en vont tous les deux plus loin dans l’école, sûrement en direction de la cour de récrée pour qu’il prenne l’air. j’hésite à sortir de derrière mes casiers, pour ne pas les perdre de vue, mais ce serait super bizarre, non ? J’ai envie de lui parler, mais… Un soupir plus tard, j’ai tourné les talons et suis de retour dans la salle où a eu lieu la réunion. Le professeur référent est toujours là, comme je le supposais, alors je me permets de lui demander l’adresse mail ou le numéro téléphone de Catheline afin de pouvoir la contacter. Bien sûr, je lui en explique les raisons et il accepte de me donner son portable.

A ce moment-là, un petit quelque chose explose en moi, mais j’attends d’être de nouveau seul pour le laisser s’exprimer. J’ai l’impression d’avoir le Saint Graal entre les mains, alors que ça ne veut rien dire et que ce n’est même pas elle qui me l’a donné. En plus, je ne compte pas m’en servir à mon avantage, seulement à des fins de préventions.
Il faut que je m’y reprenne à plusieurs fois pour taper un message qui me convainc, rassemble toutes les informations que je veux lui donner, explique le contexte et ne me paraît ni trop froid, ni trop enthousiaste. Je le relis, encore et encore, avant de décider qu’il serait bon de le montrer à Raven avant d’appuyer sur la touche “envoyer”. Bien sûr, je ne connais pas les détails de sa vie sentimentale, mais il a bien eu une femme à un moment donc peut-être s’est-il retrouvé dans une situation similaire à la mienne. Dans tous les cas, j’imagine qu’il saura être de bon conseil. Je m’en vais donc le trouver, comme il travaille ici aujourd’hui aussi, en espérant qu’il ne soit pas avec Mylène. Comme elle me déteste, je ne veux pas qu’elle sache que je me prends la tête pour envoyer un sms à sa petite sœur.