Toutes ces péripéties avec Poehere dans la forêt ont eu raison de mon état de faim et de soif. Il faut absolument que je puisse reprendre un peu d'énergie afin de continuer le petit évènement en cours en équipe, à savoir celui de récolter un maximum de pierre et de bois, afin de participer à la construction d'une statue à l'effigie de l'un des trois dragons de la légende, en l’occurrence pour moi, Dialga. Le dragon du Temps n'est pas une mince affaire à répliquer, il faut pouvoir trouver une qualité de pierre pas trop poreuse pour pouvoir la peindre dans un nuancier de bleu foncé et de gris, mais il faut qu'elle ne soit pas trop dure non plus si on veut pouvoir la tailler et le polir juste ce qu'il faut pour l'imbriquer avec les autres pierres ramenées. Pour ce qui est du bois, c'est à peu près pareil, il va nous falloir que les forestiers s'y connaissent en qualité de bois, pour trouver un spécimen qui puisse être repeint assez facilement, assez tendre pour être coupé et ou recoupé pour obtenir des dimensions viables, tout en étant sur de pouvoir le vernir par la suite et le coller à même les autres bouts de bois récoltés et les pierres déjà prêtes à l'assemblage. Un travail de longue haleine qui me fait dire que si je ne suis pas à mon maximum de mes capacités physiques, je risque de ne pas pouvoir contribuer comme il le faut avec l'équipe, et je vais m'en vouloir d'avoir été un poids mort.

Je décide donc de regagner la ville principale de Célestia, à la recherche d'un ou de plusieurs stands des métiers de bouche. J'ai déjà en tête ce que j'aimerais manger et boire, mais je ne sais pas réellement quel style de nourriture je veux solliciter. Dois-je me diriger vers des producteurs locaux, et promouvoir l'effort de récolte et de transformation du produit en direct, et faire bouger l'économie de la ville ? Ou alors devrais-je solliciter les producteurs du monde entier, afin de leur faire del a publicité en affichant moi-même une volonté de manger exotique ? Et je ne parle pas de la boisson, parce que là aussi, le choix est vaste, et ce, peu importe le type de commerçant qui se trouve dans la ville. Il faut que je prenne le temps de la marche retour pour penser à ce que je veux faire. Je suis quelqu'un de plutôt ouvert en termes de routine culinaire. Les boissons douces ou alcoolisées ne me font pas peur non plus, mon métabolisme éliminant assez bien ce genre de liquides.

Bien, première étape donc, rejoindre le sentier qui me mènera jusqu'au centre ville de Célestia, en espérant que rien d'abracadabrantesque ne survienne d'ici là. Même si je pense bien qu'en imaginant le pire, je suis en train de m'attirer le mauvais œil. Qu'importe. Mon estomac avant l'évènement. Pour une fois, je vais faire l'égoïste et mettre ma petite - enfin, grande - personne avant l'intérêt du groupe. Je suis avenant, bonne patte, prêt à aider mon prochain, mais il y a des limites à la gentillesse gratuite et non-rendue. Ainsi donc, je m'aventure sur ce fameux chemin fait de terre et de petits graviers, en direction de la bourgade de Sinnoh. Je ne peux pas me tromper, l'endroit de la forêt où je me trouve est assez dégagé pour m'en donner l'aperçu au loin, je n'ai qu'à suivre l'itinéraire forestier. Sans vraiment me douter de ce qu'il pourrait bien se dérouler sur ce petit trajet qui ne semblait pourtant pas être le bout du monde.

Je commence enfin à apercevoir un peu plus les murs entourant la ville de Célestia. Déjà je sens que mon esprit est ailleurs, prêt à rejoindre une table vers l'un des stands, pour manger, pour me désaltérer, et enfin penser à autre chose. Cette compétition amusante et divertissante de construction des statues en l'honneur des trois dragons est une chose, mais se tuer à la tâche et risquer des chutes comme celle de Poehere, ou alors de se perdre en route comme le groupe de quatre jeunes adolescents de tout à l'heure, c'est à se demander qu'elle était le but réel de toute cette organisation. Nous faire travailler en équipe ? Ou tester les capacités des uns et des autres à se repérer en forêt et à survivre en milieu plus ou moins hostile ?

Bon d'accord, j'exagère, la faune locale n'est pas très menaçante, même les Pokémons qui s'y trouvent sont tout à fait inoffensifs et n'ont que faire de notre présence. Certains mêmes se prennent au jeu d'aider du meilleur de leurs capacités. C'est attendrissant et encore une fois, ça me redonne ce boost de confiance quant à ma volonté de devenir un dresseur-coordinateur de plus en plus populaire, afin de mettre en avant le métier d'éleveur, de sportif de haut niveau et de pédagogue aguerri. Mais pour l'heure, j'ai besoin de souffler, j'ai besoin de me poser, j'ai tout simplement besoin de revenir à la civilisation. On ne dirait pas comme ça, même effervescente, l'ambiance de ce festival est un bonheur pour les sensations.


Mais voilà que j'entends une voix, de plus en plus clairement, au fur et à mesure que je me rapproche de la fin du chemin longeant l'orée des bois. Une voix plutôt jeune, presque trop assurée vocalement pour être celle d'un enfant. Un adolescent ? Sûrement. Mais le problème, c'est que la silhouette commence à venir à ma hauteur, en clamant que je l'avais reconnue. C'était un jeune homme, chevelure blonde comme les blés, des habits plutôt discrets, de quoi se fondre dans la masse végétale environnante. Je le connais ? Apparemment, pour cette tête blonde, c'était comme une évidence. Il est vrai que maintenant que j'y pense, son allure et son côté m'as-tu vu me rappelle vaguement quelqu'un. Mais je n'arrive pas à mettre un nom ni même un contexte de déjà vu. Peut-être cela me reviendra sur le chemin de retour, puisque ce jeune homme semble lui aussi vouloir s'enfuir du coin, n'appréciant visiblement pas le Festival.

- Heu... Bonjour. lancé-je comme pour rappeler les règles de politesse. Tu n'as pas l'air d'être un grand fan de cet évènement, je me trompe ? supputé-je. Sortir de la forêt, à part le bout de ce chemin, je n'en connais pas d'autres à ma connaissance. Derrière nous c'est très dense et très pentu, donc je ne pense pas être assez téméraire pour aller trouver une autre sortie là-bas. avoué-je. Mais... je peux faire quelque chose pour t'aider ? Je comptais retourner en ville pour me poser, tester les différents stands et profiter un peu des artistes de rue. Tenté ? questionné-je de manière enjouée.

De la réponse du jeune homme se profilerai la dynamique du restant de la fin de journée, et peut-être même de la soirée. Cet individu a l'air quand même un brin égocentrique, non ?

Qui est cet étrange individu qui adopte un comportement de gamin pourri gâté, à faire fi de toutes les convenances et les marques de respect en seulement quelques mots ? Si encore il m'avait adressé une salutation de bienvenue à l'annonce de la mienne, soit, mais là, il en allait du respect des codes sociaux d'une conversations entre deux inconnus. C'est comme si ce jeune homme avait choisi volontairement un ton familier et décontracté, comme si nous nous connaissions. Seulement voilà, la seule façon de le connaitre, c'est ce flash soudain d'un souvenir de mon tout premier concours de coordination à Romant-Sous-Bois. Il était l'un des concurrents malheureux de cette édition, n'ayant pas obtenu le précieux sésame sous la forme du ruban. Et déjà à l'époque, son comportement désinvolte et son phraser plutôt cru et brut de décoffrage avaient fait désordre auprès des autres concurrents. Si je ne me trompe pas, il s'agit en réalité d'une starlette des réseaux sociaux, un peu à la manière de Poehere, rencontrée un peu plus tôt dans la journée.

Bien, heureusement que la belle des îles m'a permise de faire un cours en accéléré de maniérisme pro-célébrité, sinon, je pense que je serais rentrer dans le lard de ce blond à l'attitude bien acide pour être réellement de l'acabit de quelqu'un de son âge. Faire un parallèle de cet évènement avec l’esclavagisme ? Faire le parallèle immédiat de ce même concept d'asservissement d'une race avec la population historiquement meurtrie d'Alola ? Et la mention plaintive de ne pas recevoir un seul sou pour avoir participé de près comme de loin à cet évènement entièrement fait pour le divertissement et la joie du peuple de Sinnoh ? Il y va fort le petit. Mais encore une fois, mon flegme légendaire va me permettre de faire la part des choses, de trier ce qu'il y a d'exploitable chez ce garçon, et peut-être, m'en sortir sans trop de difficultés.



Tout d'abord, le blond propose de prendre le sentier descendant vers la partie plus dense et plus touffue de la forêt, ce qui m'arrache une très légère oscillation du sourcil droit. Soit disant que cela irait mieux avec son profil de haute volée, que ce défi était à sa portée. Il insiste aussi sur son caractère de « vrai bonhomme », avant de totalement revirer de bord, en soulignant l'attrait d'une bonne plâtrée de nourriture. Là encore, si Poehere ne m'avait pas raconté tout ce délire des jeunes hommes de vouloir se proclamer comme étant des mâles alphas, ou que sais-je encore d'égocentrique, transpirant l'orgueil à outrance. Et la demande de trop : de décider du sort de notre rencontre en un combat singulier de Pokémons. L'issue était la suivante : soit il gagne et je cède à son caprice ; soit je gagne, et il me suivra dans la ville pour y opérer une véritable pause bien méritée.

- Je pense que nous n'aurons pas à en venir à cette extrémité-là... Mister Dauphin. réponds-je solennellement. Je pense que tu aurais tort de te priver du bain de foule de la ville, toi qui semble soucieux d'alimenter ton émission Pokémon Life. ajouté-je comme pour donner du poids à mes mots. Que dirais-tu d'aller manger un morceau, en échange de quoi, je m'engage à mettre en pause notre participation auprès de l'équipe organisatrice de l'évènement, le temps que nous changions d'avis. Qu'en penses-tu ?


Non seulement je viens d'utiliser la notoriété de mon interlocuteur pour assouvir mes propres desseins nourriciers, mais en plus je viens de faire ce que je déteste par-dessus tout : brosser un individu plus que douteux dans le comportement dans le sens du poil. Je ne le montre pas, mais je suis mortifié de devoir me rabaisser à taper dans ce genre de discours, afin d'obtenir ce que moi je veux à la base. La fin justifie les moyens ? Là en l’état, c'était la faim qui l'avait emporté sur ma raison, et il n'y avait qu'en flattant l'égo de cette starlette des réseaux virtuels que je pouvais y parvenir. Reste à savoir maintenant si le jeune homme avide de sensation et de popularité va mordre à l'hameçon. C'est quitte ou double : ou je suis crédible, et il me suivra sans broncher, gargarisé de tant de courbette de la part d'un pseudo fan ; ou je ne le suis pas, et je vais devoir en accepter les conséquences.

Juste par acquis de conscience, je réponds à la sortie de son Pokémon équestre avec la sortie de l'un de mes propres compagnons, en l’occurrence, ma compagne de feu, Kumiho. Ma Feunard qui jaillit dans un flux de lumière rougeoyant à mes côtés. Elle sent que je ne suis pas à mon aise, et se dresse sur ses quatre pattes instinctivement, comme pour anticiper une éventuelle commande de défense ou d'attaque de ma part. Le regard rivé vers le Tiboudet, d'où flamboie une petite flamme ardente, ma renarde devait convaincre que m'accompagner serait la meilleure des deux options.

La réponse de Kyle ne me surprend pas autant que je le voudrais. Il est visiblement très sûr de ses standards et de ses valeurs, et le voir réagir à la présence de ma renarde de feu, Kumiho, renforce cette idée qu'il n'a d'yeux que pour les choses et les entités qui ont de la valeur, sentimentale, pécuniaire ou de l'ordre de l'influence. Cela dit, il ne fait pas que remarquer la présence de ma Feunard, mais également la provenance de cette dernière, ma région natale, Kantô. Il m'intime dans le fait de se poser la question si oui ou non la région est la meilleure qui soit, surtout si l'on en croit sa propre comparaison fugace et peu substantielle avec Unys et Kalos. Visiblement, ce jeune homme possède une vraie nature revancharde de tout ce qui ne lui plait pas, et surtout, de tout ce qui ne lui rapporte aucun sentiment d'accomplissement ou de privilège acquis par son nom ou son pédigrée.

Cela dit, après avoir divagué le temps de quelques bonnes minutes, le blond encapuchonné se résout à me donner la réponse positive à mon dilemme de tout à l'heure, et accepte volontiers de me suivre jusqu'au bout de la forêt des alentours de Célestia, et ainsi rallier le point névralgique de l'évènement, à savoir la place principale où se déroule cette fameuse festivité en l'honneur des dragons de la légende. Sur le bout de sentier qu'il nous reste à faire, Kyle me reparle de ses concours de coordination auxquels il a participé, et surtout, à quel point ils étaient nettement moins satisfaisants que les combats d'arènes ou des différentes ligues régionales existantes. Il réitère une nouvelle fois son penchant et son adoration de la région du Kantô, ainsi que de la qualité de ses champions d'arènes et du Plateau Indigo, à croire que si on lui en avait laissé la possibilité, il aurait bien aimé changer son lieu de naissance à l'état civil pour passer dans ma région.

Ne comprenant pas tout à fait tout ce qu'il me raconte, les sujets de conversations se succèdent et s'enchainent avec une vitesse folle. Si bien que parfois, le lien les unissant devient de plus en trouble, quitte à devenir quasiment inexistant au bout d'un certain moment, notamment cette partie de discussion autour des goûts culinaires. Le mérite lui revient toutefois d'avoir rendu la marche moins monotone que prévue, si bien que nous parvenons dans la ville plutôt rapidement. Une fois en son sein, nous pouvons commencer à arpenter les quelques rues passantes animées et proposant toutes des divertissements différents. Très vite, Kyle repère les stands de nourriture d'une des ruelles principales, et s'empresse de me montrer que notre prochaine destination est en ligne de mire. Je presse donc le pas vers l'un des stands qui, comble de la situation, propose des plats et des mets locaux de la région du Kantô, ma région. Autant vous dire que de voir l'émerveillement dans les yeux du coordinateur blond propriétaire du Tiboudet trottant derrière nous en compagnie de ma Feunard majestueuse, ce n'est pas réellement ce que je peux appeler un étonnement.

- Tu m'as l'air bien renseigné sur la région du Kantô. fais-je remarquer soudainement, alors que l'on cherche des places assises. Y a-t-il une raison particulière pour laquelle tu es aussi intéressé par cette partie du globe ? questionné-je alors, prenant place sur l'une des banquettes entourant ces longues tables d'extérieur. Non pas que je ne sois pas d'accord, jamais je ne dirai du mal de ma propre contrée, mais cette insistance que tu as à l'égard du Kantô m'intrigue. Tu pourrais m'en dire plus ? lui demandé-je sans me rendre compte qu'un serveur s'était placée dans mon dos.
- Bonjour messieurs ! Bienvenus chez... Leonis, c'est toi ?! m'alpague le serveur.
- Oh ben ça alors ! Marco c'est ça ? réponds alors en me retournant pour reconnaitre cette voix familière venue de Parmanie.
- Exact ! J'avais peur que tu ne me reconnaisses pas.
- Oh bah quand même, en tant qu'habitant de la même ville, on peut difficilement faire dans le déni de présence, ha ha ! plaisanté-je.
- Et comment hé hé ! ricane-t-il en cœur avec moi. Tu es venu avec un ami pour le festival ?
- En réalité, je suis venu seul... le corrigé-je ...mais le p'tits gars que tu vois-là s'appelle Kyle, Kyle Dauphin. Un collègue coordinateur. Ça te parle ?
- Tu... tu m'fais marcher Leonis ? bégaye-t-il.
- Bah non pourquoi ?
- Tu es en train de me dire que tu es accompagné du candidat phare de Pokémon Life ?! Une star parmi les stars ?!
- Mmh... j'ai apparemment loupé un épisode ?
- INCROYABLE ! ATTENDEZ-MOI QUELQUES SECONDES, J'VAIS CHERCHER DE QUOI DEMANDER UN AUTOGRAPHE ! hurle-t-il.


Apparemment, Kyle n'était pas juste qu'un coordinateur qui aurait été connu du grand public pour ses participations. Mais bel et bien un autre type de personnalité, étrangement similaire à cette certaine Poehere rencontrée plus tôt dans la journée. Décidément, les réseaux virtuels ont la côte en ce moment.