Chapitre 1 : Retour à Irisia, vacances méritées et explorations inattendue du littoral.

Je suis enfin arrivée à destination, après un voyage quelque peu mouvementé sur Écorcia, puis sur Oliville. La première des destinations énoncées était plus un voyage initiatique de mon début de parcours en tant qu'exploratrice qu'une promenade de santé. Le point positif est que j'ai pu y observer un bon nombre de pokémons sauvages, et en capturer plusieurs de la même espèce pour commencer à en faire les recherches et les observations. Il faut dire qu'il n'y a pas un pokémon qui se ressemble, même au sein d'une même espèce, chacun d'entre eux est unique et présente des singularités toutes particulières.

Je pense notamment aux Coconfort, qui en soi, paraissent tous tel un cocon doré, immuable et silencieux, alors qu'en réalité, il en existe des bien différents ; la preuve en sera que l'un des miens est totalement immobile mais possède ce petit sifflement qui indique que la larve à l'intérieur s'active en préparation de sa mue puis de son éclosion, tandis que l'autre à la bougeotte, semble vibrer comme pas permis, et ne demande qu'à accélérer le processus d'évolution si tant est que son énergie en soit le possible catalyseur. Et encore, je parle des Coconfort, mais il y a aussi le cas des Nosférapti, et eux, autant vous dire que c'est comme tenter de différence Dracula et Nosferatu, sachant que c'est exactement la même entité, mais potentiellement avec des spécificités toutes particulières.

Par exemple, l'un de mes Nosférapti est particulièrement attiré par l'odeur des baies et des fruits en général, faisant de lui un frugivore avéré qui n'a pas son pareil pour dénicher les mets arboricoles les plus fins des environs ; un autre de mes Nosférapti, lui, est très sensible au parfum des fleurs, de la sève des arbres ainsi que les effluves de cosmétique provenant des humains, faisant de ce spécimen un véritable nez, s'orientant dans la nature comme personne, et capable de trier plusieurs odeurs à la fois pour s'assurer du chemin à prendre, et ne pas tomber sur une conclusion nauséabonde ou affreusement mauvaise ; et puis il y a le troisième - oui, jamais deux sans trois comme le dit l'adage - Nosférapti, qui lui, n'a d'yeux que pour les inventions humaines telles que les pokéballs, les pokéblocs, les capsules techniques, et tous les objets du quotidien qui paraissent anodins d'un point de vue de personne lambda comme moi, mais qui font l'émerveillement et la sagacité de cette chauve-souris qui n'a de cesse de jouer tout en découvrant de nouvelles choses.

Toujours est-il que cette session de camping sauvage - mais répondant aux normes de sécurité et d'encadrement de la part de l'office du tourisme de la ville - en milieu forestier fut une très bonne page de mon début d'aventure en tant qu'exploratrice, consignée dans mon carnet de bord, dont une copie a été envoyée en ce moment-même en direction de l'île du Puwaï sur Alola, là où se trouve le quartier général des éthologues, seule instance du globe capable de délivrer un permis d'exploitation pour officier en tant qu'éthologue pokémon officiel, et pouvoir accéder à des régions protégées voire inconnues, afin d'en faire des rapports d'explorations, des référencements d'espèces pokémons, ou encore de pouvoir rendre compte des diverses influences de l'Homme sur l'écosystème ambiant d'une partie de région, pour en prévenir les dérives et proposer des solutions à la racine pour améliorer la cohésion avec le monde des pokémons.



Puis, il y a eu ce léger passage en arrière sur la Ville Griotte, et plus précisément dans l'Antre Noir, cette grotte appelée communément la grotte du Diable, en référence à son obscurité ambiante qui parvient parfois à aveugler les aventuriers, quand bien même leurs lampes-torches ou leurs flambeaux portatifs soient allumés. L'opacité de l'air ambiant rend ce lieu troglodyte extrêmement dangereux d'exploration pour un peu que la préparation soit trop légère en termes de vivres, de ressources d'eau potable, de barres énergétiques, de pokéblocs pour les compagnons, et autres trousses de secours pour pallier à d'éventuelles petites blessures qui, mises côte à côte, pourraient très bien s'avérer critiques pour la santé d'une même personne. Pour ma part, j'avais opté pour cette destination en suite directe du Bois aux Chênes d'Écorcia, m'étant habituée au faible taux de luminosité perceptible la nuit par l’œil nu, aguerrissant la dilatation de mes pupilles et la prise de lumière de mes iris. Grâce à une lampe torche pas trop éblouissante en éclairage, j'ai pu crapahuté - non sans difficultés en témoigneront les éraflures, les égratignures et les griffures de-ci et de-là de mes avant-bras ou encore des quelques bleus sur mes mollets - au sein de cette grotte tout à fait exceptionnelle, afin d'y rencontrer toute une communauté de pokémons spécialisés dans ces milieux exigus et humides, tels que les Onix, les Racaillou ou encore des individus très inédits comme les Insolourdo.

Cette espèce de serpent-insecte est d'une constitution atypique : des yeux continuellement fermés, laissant planer le doute quant à sa capacité à réellement s'orienter dans les milieux sombres comme celui-ci, mais aussi à potentiellement se rendre compte des autres espèces parmi lesquelles il évolue ; un corps en plusieurs segments dont la tête, puis l'abdomen, et ensuite une queue en forme de dard, striée de bleu et de jaune, donnant en effet une allure de reptile mais dont les pattes seraient manquantes, l'obligeant alors à ramper tel un serpent ; et puis il y a ces deux crochets sous sa gueule, de couleur bleue également, mais plus foncés, semblent seulement être des protubérances héritées d'un ancêtre qui devait sûrement s'en servir pour quelque chose, peut-être une réserve de poison pour se protéger de prédateurs plus imposants ; son dard, quant à lui très pratique, lui permet de creuser des trous et des galeries afin de s'y dissimuler et d'y pondre ses œufs ; et pour terminer, la présence ahurissante et quelque peu cocasse d'une petite paire d'aile sur la partie central de son corps, lui permettant de léviter quelques petites secondes en cas d'effondrement minimal du sol ou du sous-sol, mais aussi révélateur d'un gêne exprimé qui pourrait être un témoignage du passé d'un représentant ailé de la famille de l'Insolourdo.

Mon intérêt s'est ensuite porté sur les Racaillou, ces boute-en-train de la roche, des excavateurs de minerais hors pair, et dont la force n'est pas proportionnelle à leur largeur corporelle. Petits mais puissants, de quoi rappeler les meilleurs slogans publicitaires pour des produits ménagers censés décaper et enlever les graisses d'une surface récalcitrante. Ces petits travailleurs opiniâtres et dévoués à leur tâche sont de véritables champions de la mine. Avec leurs bras rocailleux, ils parviennent à extraire la roche de sa paroi, et de la fragmenter en autant de morceaux que nécessaires pour en dénicher les plus beaux minerais. Lesquels seront alors conservés par les mineurs humains professionnels venus exprès pour les épauler dans leur sale besogne. Un exploit de coopération entre l'Homme et le Pokémon, permettant de découvrir de nouvelles parcelles de grotte, tout en extrayant un maximum de ressources et de richesses du terroir troglodyte naturel. Celui que j'ai pu capturé ne fait pas exception : excité au possible, il ne reculera devant aucun obstacle si tant est qu'il puisse en extraire des choses, et n’aura de cesse que de rechercher dans les environs toute trace de roches ou de minéraux dont il pourrait faire l’acquisition, soit pour son plaisir personnel de collectionneur, soit pour m'en faire profiter et m'improviser gemmologue le temps de pouvoir solliciter des as du domaine.



Mais nous voici, nous voilà. Arrivés à Irisia, ma ville natale. Je dis nous, car il ne faut pas oublier que ma partenaire de voyage, Chantico, est également de la partie lorsqu'il s'agit d'explorer de nouvelles choses, ou de tenter d'approfondir nos connaissances sur des paysages familiers mais superficiellement référencés dans les guides touristiques ou de randonnées expertes. Grâce à elle, je peux faire appel à son naturel flamboyant et énergique pour tenter d'établir une connexion avec la faune locale, pour un peu que les pokémons en soient la présence majoritaire. Et de ces qualités naissent ces petits moments de répits, où je peux sortir mon fidèle compagnon de papier et de cuir, mon carnet d'exploration, accompagné de son acolyte de métal et d'encre, mon stylo plume. Un carnet que j'emporte partout avec moi, et dans lequel je consigne mes observations, mes questionnements, mes hypothèses, ainsi que mes conclusions ou mes constatations finales. En parlant de ça, laissez-moi reporter la fin de ce voyage, et la nouvelle finalité de mon passage sur Irisia.

Je referme mon carnet et me prépare à rejoindre la maison. C'était mon sanctuaire. C'est mon asile pendant les temps incertains de ma vie d'enfant. Chantico à mes côtés, je commence à anticiper l'ambiance et la nostalgie de retrouver mes parents, même si j'en conviens, les avoir laissés là pendant seulement deux semaines, n'est pas un grand laps de temps pour en arriver jusque-là. Mais nous sommes plutôt fusionnels eux et moi, et l'absence de l'un fait ressentir un vide chez les autres, vice versas. Et ça n'a pas loupé, ma mère a fondu en larmes en me voyant passer le pas de la porte, pendant que mon père m'a prise du plus fermement possible dans ses bras, comme pour me faire comprendre qu'il ne voulait pas que je reparte de si tôt.

La soirée se passe dans la liesse et l'esprit de famille, et on refait le monde comme à notre habitude. Mais cette fois-ci, je leur annonce que mon passage est temporaire, qu'il ne durera qu'une poignée de jours, avant de repartir sur un autre trajet exploratoire, en direction du Portail Falaise, pour y voir le fameux Sentier des Ponts, et suivre la route tout droit vers le nouveau Portail Safari qui a vu le jour il y a peu de temps de cela. Un endroit unique, qui peut être tout à fait comparable avec le Parc Safari légendaire du Kantô. Une petite fierté pour le département d'Irisia, qui relance son activité portuaire et touristique en conséquence. Une fois le dîner terminé, je regagne ma chambre, accompagnée de mon Héricendre, qui a éteint les flammes de son dos depuis un moment, en sachant très bien que le temps qui vient serait celui du repos enfin mérité. Le sommeil ne se fait pas attendre, mes paupières s'alourdissent très rapidement, et je sombre dans le monde des rêves tout aussi furtivement.

Le lendemain se déroule sur les chapeaux de roues. Chantico saute sur mon ventre pour me sortir du lit, et je rejoins son énergie en me dirigeant vers la salle de bain en trombe. Je me douche, je me débarbouille le visage, remets toutes mes idées oniriques dans un compartiment de mon esprit, et en profite pour me délester de toutes les toxines épidermiques accumulées pendant la nuit. Je m'habille au plus légèrement possible, car la météo s'annonce plutôt chaude aujourd'hui. Puis je descends jusqu'à la cuisine pour y prendre mon petit-déjeuner, et me rendre compte de l'heure qu'il est réellement. Mince ! Il est dix heures et demies, j'ai dormi comme une souche. Le pire, c'est que Chantico aussi ! Preuve que nous avions pas mal de sommeil de retard, et que ce repos en literie était ce qu'il nous fallait depuis notre premier départ vers l'aventure.

J'attrape alors mes sandalettes. J'ai horreur de la transpiration podale, et je ne vais pas me gêner pour prendre tout mon temps pour explorer les environs de la plage, quitte à profiter de la brise marine pour éviter de surchauffer sous l'astre solaire. Chantico aussi a prévu le coup, elle ne fera sortir aucune flamme de sur son dos, et se préservera de marcher dans la partie mouillée de la plage, pour maintenir ses pattes au frais, ou du moins, éviter les brûlures plantaires. Nous avons cette chance à Irisia de bénéficier d'un cadre littoral exceptionnel, alors il serait dommage de ne pas vouloir en tirer de profits vestimentairement parlant, et énergétiquement parlant. Bronzer gratuitement ? S'il vous plait et merci !

Voilà ce que je viens juste d'écrire alors que mon regard s'était dirigé vers le fronton de mer, quelques centaines de mètres après être sortie de la maison familiale. Il est vrai que la population aquatique est du genre très timide, très au fait des énergies terrestres et des vibrations de la houle en provenance de la plage. Les Stari plus particulièrement sont attentifs à ses fluctuations dans l'éther de l'eau, et dans les vibrations de l'écume qui revient de l'étendue sablonneuse, rendant leurs apparitions rares et uniquement réservées aux plongeurs en profondeurs, dont l'équipement rendait la rencontre plus aisée, et dont le respect du milieu des eaux sombres et froides n'étaient plus à confirmer.

L'espèce qui n'a en revanche aucun mal à jouer les trouble-fêtes dans les profondeurs comme sur les bords de mer, ce sont les tribus de Tentacool et de Tentacruel. Certes, il faut pouvoir s'armer d'une Super Canne pour pouvoir s'en octroyer la compagnie, ou pouvoir tester ses compétences de pêcheur, mais il faut une sacrée dose de courage et de témérité pour s'y frotter sans en payer les conséquences. Ces méduses pokémons géantes ont la particularité de pouvoir engendrer des blessures urticantes et parfois venimeuses, à tel point qu'il aura fallu renforcer le dispositif de sécurité tout le long du littoral, mais il a également fallu que l'hôpital le plus proche puisse engager et former du personnel soignant spécialisé en poisons et autres fluides urticants ou brûlants. Comme quoi, l'incidence d'une famille de pokémon sur l'écosystème direct et son interaction avec les humains, tout à son importance, tout est en confrontation et en réalisation instantanée, et il n'y a que très peu de place pour le hasard des choses.



Un peu plus tard dans la journée, nous avons la possibilité de pouvoir nager un peu plus loin que le bord de plage, et Chantico n'est pas très à l'aise avec l'exercice. Étant de type Feu, cela est tout à fait normal, et le contraire aurait été étonnant de sa part. Mais du fait de son âge avancé, et pour avoir passer un bon nombre d'années à mes côtés sur Irisia, ma petite hérisson a su braver sa peur de l'eau, et a appris à flotter le temps de quelques secondes, histoire de pouvoir apprécier la fraicheur du littoral, mais aussi pouvoir assister aux rencontres que je peux y faire. Comme ces Magicarpe et ces quelques Corayons assez téméraires pour approcher une humaine et un pokémon dont ils pouvaient très nettement en obtenir l'ascendant si un conflit devait émerger.

Les pokémons carpes ont l'avantage d'être sociables, d'un naturel nonchalant et complètement lymphatique, ils se laissent approcher avec une facilité déconcertante, preuve de leur cohabitation exceptionnelle en milieu semi-humanoïde. Leur seule réaction à notre présence est cette habitude de faire quelques bulles d'eau, sauter hors de vagues grâce à leur capacité Trempette - bonne uniquement à proposer des acrobaties aquatiques, plus que de pouvoir combattre avec - et à pousser leur très célèbre cri « Carpe-carpe-Magicarpe ! » ... un ravissement pour les oreilles, si tant est que ça puisse en être un en temps normal, mais dans un milieu aussi imprévisible et fluctuant que l'eau, on se contente et on s'émerveille du minimum.

Les pokémons coraux, eux en revanche, sont plus méfiants. Pourtant très utiles au quotidien aquatique de la région, ils ont appris à se méfier des pêcheurs et de leur méthode de capture intensive, menaçant de dépourvoir les profondeurs de l'utilité des Corayon, peuple vivant en harmonie avec la végétation sous-marine, agissant en véritable réservoir d'oxygène pour la vie en eaux sombres et extrêmement froides. Pour autant, je pense que Chantico et moi sommes assez vigilantes et responsables pour faire montre d'un comportement respectueux de leur présence, mais aussi responsable quant à notre interaction avec eux, à distance, et en prenant soin de ne pas faire de gestes brusques. Un vrai moment de communion avec une espèce marine méconnue et qui pourtant, participe au maintien d'une faune sous-marine de qualité et de diversité.



Malheureusement pour moi, je ne peux pas consigner tout ce qui passe dans ma tête à ce propos. A la place, je prendrai le temps de me sécher sur le plage, avec mon Héricendre, et savourerai ces quelques images en souvenirs, le temps de se faire caresser pour une heure ou deux par le soleil, et de profiter de ce moment de détente et de bien-être contagieux. Je m'allonge sur la serviette de plage prévue par maman quelques heures plus tôt, Chantico se blottit dans le creux de ma hanche gauche, profitant du soleil et de la chaleur emmagasinée par ma peau pour récupérer un peu de sa flamboyance naturelle, tel un reptile qui prendrait le soleil pour recharger ses batteries et refroidir petit à petit la température de son corps pour gagner en efficacité physiologique.

Une scène comme on pourrait en voir dans des films d'animations ou des reportages documentaires. Ces petits crabes sont d'une gentillesse et d'une bravoure exceptionnelle. Profitant de notre petit pique-nique de fin de journée, Chantico et moi avons pu bénéficier de la présence inattendue de cette famille de pokémons crabes, désireux de bien vouloir partager un moment appétissant et convivial avec nous. Enfin, c'est certainement plus l'aspect appétissant qui doit les avoir motiver à outrepasser leur pseudo-timidité de l'Homme, et à venir faire un brin de causette avec mon Héricendre, tout en profitant de ma générosité et des quelques pokéblocs en trop à leur disposition.

Si vous pouviez voir leurs mines ravies et leurs cliquetis de pinces en rythme, c'était comme observer des enfants en bas âge applaudissant à chaque ravissement visuel, vocal, auditif, olfactif ou gastronomique. Un peu à la manière d'une otarie qui applaudirait de ses deux grandes nageoires et de son bêlement caractéristique lorsqu'elle est contente de réaliser un mouvement ou une prouesse aquatique. Eh bien là, on remplace le grognement par une série de claquements dont le son produit est unique à chacun des Krabby et des deux Krabboss présents.

La soirée pointe vers sa fin, et nous devons tirer notre révérence auprès de cette charmante famille de pokémons crabes. Ces derniers font de même, et se redirigent de profil vers le littoral afin de disparaitre dans les quelques vagues encore actives à ce moment de la journée, ne laissant alors devant nous plus que l'horizon embrasé par la lumière de la boule de feu primordiale, au loin. Je suis toujours émerveillée par ce paysage de fin de journée, Irisia est une région chaleureuse et offrant des perspectives visuelles comme peu d'autres endroits le font. Ce qui me faisait penser que ce n'était pas étonnant qu'elle soit devenue une destination touristique en si peu de temps, maintenant qu'elle possède une arène officielle de la ligue de Johto, un Parc Safari et de quoi proposer de nombreuses animations en ville.

Le rituel de fin de journée reste le même. Nous dînons avec les parents, nous refaisons le monde une nouvelle fois dans des discussions interminables et éreintantes pour le cerveau. Puis nous baillons aux corneilles, on essaie tant bien que mal de garder les paupières ouvertes pour ne pas sombrer dans l'endormissement progressif du corps. Puis nous montons dans la chambre, nous nous reposons aussi longtemps que faire se peu. Prêtes à envisager et braver une nouvelle journée de hautes températures.

Nous nous levons légèrement plus tôt que la veille, et nous sommes Chantico et moi plus efficaces dans notre affairement et notre appareillage balnéaire. Lunettes de soleil. Crème solaire à haute intensité de protection contre les ultraviolets. Serviettes de bain. Sac isothermique pour conserver sur la durée quelques pokéblocs, quelques snacks et quelques boissons à une température réfrigérée satisfaisante. Un chapeau de paille emprunté à maman, reconnaissable à son petit ruban de couleur pêche. Un parasol pour pouvoir se poser sur la plage sans redouter l'impact du soleil encore brûlant aujourd'hui. Et nous voilà parties, Chantico et moi, répondant à cet appel d'une exploration plus récréative, plus attentiste et plus relaxante.

Pour ne pas dire que nous avons plus l'esprit de vacances en tête que de chercheuses de terrain, mais il y a un moment où il faut savoir écouter son corps, sa tête, et y répondre par des actions qui convergent vers ce besoin de commodités simples et appréciées du plus grand nombre. Pourtant, ce ne sont pas les situations inédites qui manquent, et pour cause, je viens tout juste de vous gratter un petit papier de mon carnet d'exploration pendant que je faisais étalage de nos envies de soleil et de farniente du moment.

Eh bien figurez-vous qu'en me renseignant un peu sur la place, je suis tombée sur l'information qu'il me manque. Il se trouve que les Caratroc ont un don tout à fait inédit de pouvoir stocker des baies de toutes sortes dans les trous de leur carapace, et de les liquéfier grâce à l'action de quelques enzymes uniques à ces tortues-insectes, qui décomposent les fibres contenues dans les baies, transformant leur constitution de fruits solides en une bouillie liquide, comparable à une compote en cours de fabrication. La chaleur corporelle naturelle de ces spécimens entre alors en action, et permet d'unifier et de clarifier ce qui deviendra un jus comestible, pur de toute bactérie provenant des baies originelles.

Ainsi donc, cette espèce de pokémon participe activement au lien qui unit le royaume des terriens à celui des êtres marins. Par une collaboration purement restauratoire et gastronomique, deux espèces que tout oppose, et dont les types peuvent normalement instaurer un rapport de dominance, peuvent parvenir à un équilibre écosystémique intéressant. Cette émulation des espèces permettant alors à d'autres espèces pokémons, aériennes, terrestres, troglodytes ou telluriques, de s'aventurer elles aussi vers le fronton de mer, profitant de tous les bienfaits de la nature mis à disposition par les spécimens aquatiques.

Les quelques coraux et autres mollusques non-pokémons comestibles du règne animal ? De la mer vers la terre. Les quelques représentants non-pokémons des insectes et autres parasites comestibles que l'on retrouve parmi le plancton dérivant sur les flots ? De la terre vers la mer. Les espèces de poissons non-pokémons, que certains pokémons aquatiques - tels les Tentacruel - remontent à la surface, en banc, afin de les rendre plus accessible du règne aérien ? De la mer vers le ciel. Les nuées de pokémons appartenant soit aux rapaces ou aux passereaux, venant obscurcir le trajet de certains bateaux de pêche, rendant la navigation impossible et forçant un détournement de chemin pour aller pêcher dans des secteurs moins gourmands en espèces pokémons, les protégeant par la même occasion ? Du ciel vers la mer. Tout est connecté. Tout est en perpétuelle collaboration, que cela semble contre-intuitif de l'espèce observée ou non.



Finalement, je me rends compte que l'exploration n'est parfois pas là où on pense la trouver. Elle s'offre de temps en temps à nous, sans que l'on ait demandé quoi que ce soit, comme si le destin lui-même voulait nous apporter du croustillant à consigner de nos plus belles plumes dans des écrits ou des rapports numériques tapuscrits.

Tout un monde qui s'offrait à moi, mais qui ne tenait qu'à un fil. Tout ne tenait qu'à une simple évaluation d'un travail écrit de longue haleine produit sur le terrain même dans le Bois aux Chênes d'Écorcia. Tout ne résulterait que de la délibération finale d'une collégialité d'éthologues experts et ayant déjà rouler leur bosse aux quatre coins du monde, auteurs et autrices de nombreux ouvrages encyclopédiques et pratiques dans le domaine de l'exploration ou de la folklorisation de certaines espèces, et détenteurs d'un savoir en commun plus large et plus divers que n'importe quel dresseur de haut vol parcourant les ligues pour se faire un nom sur une scène plus combattive ou théâtrale.

Cette troisième et dernière journée de repos à Irisia, de passage chez mes parents, touche à sa fin. Dans peu de temps, je vais avoir la réponse du groupuscule professionnel d'Alola, et cela déterminera ma prochaine destination d'exploration : soit j'obtiens le fameux sésame vers la profession d'éthologue, et je pars sur la route du Portail Falaise, tout droit vers le Parc Safari ; soit j'échoue à avoir cette certification, et je retente ma chance en partant du côté d'Ébenelle, le royaume du givre et de l'écosystème polaire. En attendant, j'ouvre mon carnet pour la dernière fois de cette petite pause vacancière, et gratte une sorte de conclusion de ces trois jours d'observations avant de le refermer, et de profiter de ma famille le temps d'une dernière journée, sans exploration, sans recherche intensive de réponses à caractère éthologique. Rien de tout ça. Liberté. Frivolité. Divertissement. Gourmandise. Famille. Nostalgie.