Hors Série #3 : Le festival des trois dragons.

Jour 1 - Le chemin jusqu'à Célestia.

J'en ai tant entendu parler de ce festival. Ma grand-mère m'en a raconté des bribes lorsque j'étais toute petite. Une célébration annuelle, permettant à tous les habitants des quatre coins du monde de pouvoir se retrouver, se mélanger, participer à des évènements divers et variés, ensemble, avec acceptation et accueil. Une série de petites animations pour forme de plusieurs temps de journées et de soirées, au gré des humeurs des organisateurs et organisatrices du festival. Une sorte de coupure dans le temps, une sorte de pause physique et psychologique pour toute une génération de dresseurs, de dresseuses, de coordinateurs, de coordinatrices, et encore d'autres types de personnes qui s'unissent sous la même bannière, celle de la fête et du divertissement. Un évènement qu'elle me racontait sous les traits d'un côté, par chapitres, un peu tous les soirs, avant de m'endormir, pour à ce qu'il paraissait, m'offrir le temps de m'imprégner du folklore de la région, de cette ville de Célestia, et de cette tradition qui s'y déroule. Une façon également de pouvoir rendre hommages à ces bêtes de légende mentionnées tout au long de cette période de l'année. Une commémoration à distance pour s'assurer la protection des divinités, pour apporter joie, bonheur, confiance, prospérité et rêves.

Je me souviens que papa, plus scientifique dans l'âme, très terre-à-terre et logique, n'approuvait pas forcément d'un bon œil cette légende autour du festival. Selon lui, les bêtes de légendes faisaient partie de l'ordre et du règne des pokémons, qu'il ne s'agissait que de rares espèces qui ne daignaient se montrer que quelques rares fois auprès de quelques dresseurs chanceux assez étourdis pour ne pas saisir l'occasion de s'en emparer par les balles de captures toutes plus sophistiquées les unes que les autres à travers les âges. Il n'approuvait pas non plus ce qu'il appelait « le fanatisme » de certaines parties de la population de Sinnoh, et leur tendance à vouloir faire de ce moment de l'année, un potentiel rituel pour renflouer leur caisse de quelques menus deniers subtilisés au nez et à la barbe des honnêtes commerçants venus du monde entier pour faire découvrir leurs spécialités. Pour lui, cet évènement n'était qu'une occasion supplémentaire de faire la fête, et de ne plus penser au stress de la vie quotidienne, et de tous les tracas qu'elle pouvait engendrer. Ni plus, ni moins.

Maman, elle, n'étant pas de cette partie du globe, pur produit du terroir de Johto, n'avait absolument aucun avis sur la question de cet évènement. Elle n'avait aucun à priori sur les différentes visions de la population sur ce festival, et en avait encore moins sur les différentes motivations des commerçants ou des hommes et des femmes d’Église quant à la sponsorisation des festivités. Pour elle, il ne fallait retenir que le positif de ce genre d'initiative de grande échelle : un moment de l'année pour effectivement festoyer, pour découvrir de nouvelles choses, comme des plats typiques d'autres régions reculées du globe, d'éventuels boissons qui ne se trouveraient nulle part ailleurs que dans la région d'où le producteur ou la productrice était natif.ve. Que c'était l'occasion de faire la connaissance de personnes que nous ne pourrions en soi jamais rencontrer dans notre vie de tous les jours, étant donné que nous ne faisions partie ni du même coin de la planète, ni du même milieu social pour certains et certaines. Il fallait y voir, selon elle, comme une chance improbable et insolente de pouvoir s'ouvrir encore plus au monde, de vouloir toujours en apprendre plus, et d'en découvrir assez pour susciter de nouvelles vocations, et notamment celles se rapprochant du métier d'explorateur, voire d'éthologue.

Ce que moi je retiens de toutes ces histoires, qu'elles aient été racontées par ma grand-mère, par mon père, par ma mère, ou par quiconque d'autre aurait pu s'aventurer jusque dans la ville de Célestia, c'est surtout l'aspect fédérateur, cosmopolite, et incroyablement formateur de cet évènement. Imaginez un peu la chance que l'on peut avoir, en tant qu'explorateur et exploratrice, de pouvoir découvrir de nouveaux paysages ; de pouvoir partir à la rencontre de nouvelles populations, qu'elles soient standards ou autochtones ; de pouvoir se confronter à un environnement totalement différent du sien, en la compagnie d'écosystèmes tous plus uniques et singuliers les uns que les autres. Ce potentiel incommensurable de nouveauté et de découverte est ce qui fait bouillir le sang qui coule dans mes veines. Je n'ai que trop attendu de cette vie pour passer à côté d'une telle occasion de pouvoir un jour, moi aussi, faire partie de celles et ceux qui ont vécu et expérimenté ce festival de la ville de Célestia. Et puis il ne faut pas oublier toute la potentialité de rencontres et d'études des pokémons de la région !

Quoi de mieux que de changer d'atmosphère, de milieu naturel, de topographie, pour pouvoir en apprendre plus sur des espèces endémiques des lieux découverts ou nouvellement épisodiques d'une simple traversée ou d'un séjour plus long en ces terres inexplorées par sa propre personne ? Quoi de mieux pour découvrir toute la spécificité d'une espèce que l'on connait déjà si ce n'est de pouvoir l'observer dans un environnement différent, offrant des perspectives d'observations et de théorisations complètement folles ou révolutionnaires ?

Cela vous paraitra peut-être absurde, mais ce qui me fait vibrer, c'est cette adrénaline de partir à la découverte de l'inconnu. C'est cette décharge d'énergie qui se déploie dans mon corps lorsque je sais que je vais pouvoir m'offrir un laps de temps plus ou moins long dans un nouveau cadre environnemental. C'est cette volonté de vouloir enrichir mes connaissances et d'abreuver ce cerveau qui est le mien. Mais c'est aussi une sorte de petite revanche sur la vie que je m'octroie à chaque fois que je peux m'absenter d'Irisia, et partir à la conquête de nouveaux territoires : c'est en hommage à cette sœur jumelle que je n'ai pas, enfin que je n'ai plus, que je redouble d'efforts à chaque aventure que je m'apprête à vivre ; c'est pour elle que je voyage ; c'est pour qu'elle puisse voir, de là où elle se trouve, à travers mes yeux, ce que je vois moi aussi pour la toute première fois ; c'est pour qu'elle puisse ressentir les ondes et les énergies dans l'air, dans l'éther, dans les particules de vie qui m'entourent au fur et à mesure de mes expéditions ; c'est avant tout pour qu'elle puisse être vivante, métaphoriquement, dans ce monde qui aurait dû être le sien autant que le mien. Alba n'est pas réellement inexistante. Certes, elle n'est physiquement plus parmi nous, mais me concernant, elle est omniprésente. Elle est de partout. Elle est dans chaque lieu que je visite. Elle est dans chaque conversation que j'entretiens avec des personnes que je ne connais ni d'Adam ni d'Arceus. Elle est dans chaque rencontre avec des pokémons connus ou inconnus de mon carnet d'exploration. Elle est dans chaque morceau de découverte que je fais au détour d'un sentier, d'une clairière, d'un bord de mer. Elle est là, avec moi, quelque part, et je le ressens toujours plus intensément à chaque nouveau départ vers une contrée plus ou moins lointaines.

Aujourd'hui, je suis dans la Navette Bleue, une sorte d'autobus pour long trajet interrégionaux. Il ne passe pas à toutes les heures, du fait de son énorme trajets à travers tous les coin du globe, mise à part peut-être les îles alolannes. Alors je l'ai pris très tôt ce matin, à partir du Bourg Geon. La brise de ce matin était humide, et un léger brouillard semblait vouloir persister jusqu'au lever complet du soleil au-delà de l'horizon de Johto. La fraicheur n'était pas réellement frigorifiant, au contraire, elle était tout juste supportable. Journée d'été oblige, les températures sur Johto peuvent grimper très rapidement, alors si on est soucieux de son petit confort corporel, il valait mieux faire comme moi, et commencer à vivre sa journée au petit matin. Dans ce moyen de transport cela dit, il n'y a ni problème de température, ni de confort : l'engin motorisé dispose d'un système de ventilation fonctionnant comme une sorte de conditionneur d'air, permettant d'alterner entre de l'air chaud et de l'air froid selon la période de l'année, et garantir une température ambiante optimale et supportable. Quant au confort, ce ne sont pas de simples sièges qui nous sont proposées, mais des places convertibles en petits baquets pour pouvoir allonger ses jambes, et pourquoi pas, s'octroyer une petite sieste pour faire passer la durée du voyage de façon plus onirique, plus agréable, plus en détente. Le trajet est long, et il se compte en heure, car quand bien même nous nous trouvons à l'avant-dernier point de passage du trajet de cette Navette Bleue, il faut tout de même qu'elle aille jusqu'à la région du Kantô, pour ensuite revenir sur ses traces, et rouler en direction de la région de Sinnoh.

Je me suis donc offerte un petit temps de repos bien mérité, moi qui suis active depuis un moment maintenant. Je rêve alors de ce festival. Je rêve des personnes que je pourrai y rencontrer. Je rêve de ces stands et autres coins et recoins de la ville de Célestia que je pourrai découvrir et expérimenter. Je songe profondément à cette communauté vivante et pleine d'énergie qui se côtoiera, qui se jaugera, qui conversera comme si aucune barrière ni aucun éloignement n'existait. Je me berce oniriquement de l'illusion que j'ai de ces trois divinités que l'on appelle les trois dragons : Dialga, Palkia et Giratina. Je les dépeins mentalement et de manière fantaisiste comme des pokémons doux, attentionnées, ayant le cœur dans la serre. Je les fantasme en tant que protecteur, garant du bonheur et de la joie des passants de la ville pendant le festival. Je les ressens comme générateurs d'un folklore riche, se renouvelant sans cesse, et attirant toujours plus d'historiens, d'écrivains, d'explorateurs, et tout un panel de professionnels en lien avec les histoires et les éléments constitutifs de la culture du monde.

Je focalise mes songes sur Dialga. Je l'imagine grand, massif, d'un bleu profond et mystique. Je l'imagine également doux, protecteur, manipulant le temps de telle sorte à ce qu'il puisse évoluer au sein de nos rangs le plus longtemps possible, pour que le bonheur et la liesse de l'évènement ne s'arrête jamais. Je l'imagine rugir de contentement et d'excitation à l'idée de pouvoir rencontrer nos compagnons Pokémons, de faire connaissance avec de nouveaux esprits, de nouvelles pensées, de nouvelles inspirations. Je l'imagine comme le gardien éternel de la temporalité festive. Je l'imagine comme un animal totem, comme le phare dans la nuit des temps, comme la preuve que le temps n'est pas qu'une entité immatérielle et abstraite. Je fais une première fixation mentale sur ce dragon du temps, car il est pour moi celui qui incarne la force qui m'a manqué à ma naissance. La force de pouvoir arrêter le temps, de me permettre de grandir à une vitesse plus rapide, pour pouvoir voir une dernière fois ma petite sœur jumelle, observer son visage d'ange qui devait ressembler au mien à quelques gouttes génétiques près, la tenir une fois dans mes bras pour sentir son souffle chaud dans mes cheveux, pour sentir la pulsation de son tout petit cœur défectueux mais débordant d'amour pour sa comparse gémellaire de l'époque.

Je crois que je verse de vrais larmes pendant cette phase de sommeil. J'imagine les moments manqués avec elle qui aurait pu être réalité si la manipulation du temps était possible par l'Humain. J'imagine les éclats de rire, les larmes, les excès de colère, les soupirs d'ennui ou de gêne, les bégaiements de doutes ou d'incertitude que nous aurions pu partager si le temps s'était arrêté au niveau de son cœur, afin de le préserver de la dégénérescence programmée, et lui permettre de vivre indéfiniment, au gré des émotions, des rencontres, des ambitions et des opportunités de l'existence. J'imagine les paysages sur lesquels ses petits yeux noisette se seraient posés. J'imagine les Pokémons qui se seraient frotté à elle soit pour être apprivoisés soit pour se poser en obstacle à des ambitions de dresseuse hors pair. J'imagine tous les moments de partage, de communion, de réconfort que nous aurions pu mémorisé pour la vie. Quelque part, c'est pour elle que je fais tout ça, pour combler ce trou béant dans mon cœur qui s'est créé à son départ. Combler cette frustration d'avoir été séparée de ma meilleure amie, de ma confidente d'âme et de cœur. Combler cette colère sourde de ne pas avoir mérité la clémence et la justice du destin, condamné à endosser seule le poids de deux rêves, dont l'un resterait à jamais une énigme. Combler le poids de cette culpabilité encore présente d'être la seule survivante d'une soirée fatidique, et de devoir supporter qu'un morceau de sa propre existence, de sa propre identité, a été arrachée aux premières minutes de vie.

Et puis dans un sursaut, je me réveille, sèche les larmes à peine évaporées de mes joues, je me mouche très doucement et avec dignité dans ce bout de soie que ma mère m'avait offert il y a peu pour mon anniversaire. Elle me connait, je peux avoir les sinus facilement pris, tout spécialement lors d'épisodes de pleurs et de larmes. Je regarde attentivement autour de moi, dans cette Navette Bleue, et je me rends compte que tout le monde est soit assoupi comme je l'étais jusqu'à lors, soit les rares éveillés s'étaient plongés dans des livres aux titres divers et variés. Alors je me rendors, tentant de chasser l'image de ce Dialga hanté par les remords, et essayer de dépeindre une nouvelle scène plus joyeuse, plus sereine. Ce qui ne fut pas le cas, bien évidemment. Une fois un rêve enclenché, celui-ci dure étonnamment très longtemps par la suite.



Je pense maintenant à Palkia, le dragon mauve de l'Espace. Ce dinosaure de légende qui n'apparait quasiment plus aux humains lambdas, ni mêmes aux pokémons pullulant sur Terre. C'était comme si c'était devenu un privilège que de pouvoir l'apercevoir, ou ne serait-ce qu'en observer les signes. Pour la plupart des personnes connaissant le folklore, ce dragon mythique serait celui qui aurait façonner notre monde de la façon dont il est disposé et dispersé. Il aurait créé les montagnes en soulevant des pans de terres de depuis leur surfaces voire même de leurs antres souterraines. Il aurait créé les lacs en creusant quelques trous de-ci de-là, permettant à la pluie d'y prendre place, et offrir un nouveau type d'écosystème aux formes de vies des alentours. Il aurait également créer les volcans, en endommageant les quelques montagnes qui ne lui auraient pas plus de base, provoquant ainsi la rage des entrailles de la terre, autrement connue sous le nom d'éruption magmatique. Il aurait à lui seul créer la plupart des topographies existantes aux quatre coins du globe : les plateaux, plus ou moins en altitudes ; les vallées, plus ou moins en relief, plus ou moins sinueuses, plus ou moins arrondies, plus ou moins plates, plus ou moins vertes, plus ou moins arides, plus ou moins fertiles. Palkia serait l'architecte du monde, un maitre d’œuvre solitaire et ne répondant qu'à ses caprices primaires.

Il serait le constructeur du bâtiment des vastes plaines et déserts qui composent notre planète. On le connait aussi pour son côté tumultueux dans l'art de créer des reliefs qui n'ont pas lieu d'être dans certaines parties du globe : des lacs en haute altitude, là où l'oxygène se fait rare et la température plus froide, en contrebalançant une pression atmosphérique plus forte et un sentiment de vertige plus prégnant ; des déserts au beau milieu de plaines verdoyantes, comme pour rappeler que la qualité du sol est inégale, que certaines zones sont bénies de sa bonté divine, fertiles selon le droit du juste, alors que d'autres se retrouvent privées d'énergie, de terreau, de semences propices à donner des racines, des plants, des semis et autres pousses qui auraient pu peupler à un moment donné ces terres désolées ; à l'inverse, des oasis de pure vie végétale et animale au beau milieu de déserts arides, hostiles et peu enclin à laisser quelque forme de vie qui soit y prospérer, s'imposant comme de véritables rebelles de la nature, affirmant une nouvelle fois la toute puissance de ce dieu dragon à l’œuvre dans sa toute bienfaisance et sa toute bienpensance ; des espaces sylvestres fournis et en pagaille là où le relief parait épuré et incroyablement ordonnée ; des espaces de pré et de prairies dans des lieux tout à fait reculés et peu reluisant de par leur pollution de mauvaises herbes et autres pousses parasites menaçant l'existence même du végétal beau.

Mais moi, quand je pense à Palkia, je vois exactement la même chose que son comparse du Temps. Je vois en lui une manifestation d'une vie de manques et de frustrations. Je vois une terre désolé symbolisant la tristesse de l'animal, se transposant à ma tristesse d'un pan de vie vide de tout sens et d'une présence salvatrice telle que l'aurait pu être ma sœur jumelle si elle avait encore été parmi nous. Je vois un lac abandonné en haute altitude, perdu entre tous ces pics et ces plateaux de haute altitude, comme une force isolée et incapable de se faire comprendre ni de pouvoir imposer son rythme et sa jovialité naturel, un peu comme ce début de vie sur Irisia puis Ecorcia, au sein de laquelle je ne me sentais pas vraiment à ma lace, où l'on me rappelait sans cesse que j'étais un miracle de la vie et que je n'aurais pas dû en être la seule bénéficiaire, comme si j'étais un point noir sur une toile de qualité, ruinant les efforts du peintre et de la potentialité de son canevas.

Je vois une clairière parsemée de mille fleurs frêles et blanchies par la lumière d'un soleil de plomb qui transpercerait une forêt verdoyante et luxuriante, comme une sorte de point faible inhérent à la zone végétale concernée, comme je vois cette période de ma vie où je n'étais que la souffre-douleur d'un membre de ma famille et de quelques personnes extrêmement bêtes et déloyales pendant mon enfance, comme si j'étais voué à être brûlée de leur jalousie, de leur mépris, de leur peu de considération pour ma vie d'humaine, et de petite fille que j'étais.



Je vois en la formation des volcans, cette rage propre par laquelle j'étais habité plus tard, adolescente, symbolisée par la rencontre avec mon Héricendre, Chantico, ma fidèle amie et confidente. Une rage sourde et pourtant flamboyante et incandescente, qui pouvait menacer de se libérer dans une explosion de cendres toxiques et abrasives, ou une effusion de lave qui calcinerait tout sur son passage. Je vois en le relief d'une montagne une volonté de vouloir taper du poing sur une table, pour affirmer des vérités et des évidences qui sont restées dissimulées et enfouies sous un sol meuble et perméable pendant trop longtemps, un peu comme cette détresse et cette envie de crier mon désarroi étant plus jeune, face à l'injustice de cette société gangrénée par l'attrait de l'humeur de groupe, de l'envie d'être montré sous sa meilleure des images pour s'attirer une sympathie certes rafraichissante mais factice. Je vois en l'agencement de certaines vallées comme une sorte de mélodie inconstante, une rythmique saccadée, une litanie incontrôlée et impertinente qui ne traduit que cette envie de son chef d'orchestre de vouloir y aller selon son registre musical, selon son caprice de mélomane, entièrement dépendant de ses envolées lyriques ou de ses pauses lourdes et étouffantes, un peu comme ce moment de ma vie où les doutes m'ont assailli sur ce que je voulais faire vraiment de ma carrière après les études, de cette envie de crier un malaise et un mal-être d'être une personne dont les capacités promettent un brillant avenir, mais rongée de l'intérieur par un complexe d'infériorité qui lui faisait dire qu'elle n'était bonne à rien, et qu'elle ne pourrait proposer qu'un récital médiocre de connaissances et d'aptitudes personnelles peu importe où elle irait.