(suite de ce sujet pour les besoins du CEIR)


Le fameux camarade, Jared Dysley, ne se fit pas prier pour rappeler l'Evoli chromatique dans sa balle de capture, et jura sur l'honneur devant le Professeur Orme qu'il prendrait grand soin de ce nouveau compagnon de vie, et qu'il tenterait de faire également honneur à la confiance qu'il avait placé en lui pour sa future carrière de dresseur pokémon. Ce à quoi le scientifique pokémon rétorqua qu'il aurait bien du chemin à faire, que son aventure serait longue et semée d'embûches, et qu'il ne faudrait pas qu'il hésite à le contacter via l'espèce de petit ordinateur portable, revêtant une sorte de design hybride d'un téléphone et d'une mini-tablette, qu'il appela le Pokédex. Je n'en avais jamais vu auparavant, et jamais je ne me serais doutée qu'il eut s'agit de ce genre d'objet-là. Au moins, cette journée n'était pas inintéressante et commençait à devenir croustillante en termes de nouvelles informations pour mon cerveau de future exploratrice.


Vint alors le tour du tout prochain pokémon d'ornement de départ de l'aventure d'un nouveau dresseur. Il n'en restait donc plus qu'une. Une seule pokéball dans le coffret que le Professeur avait précédemment disposé au milieu de la salle. Un dernier rêve en promesse de débuter, pour un dernier petit veinard - ou une petite veinarde - dont l'avenir était sans doute sur le point de se transformer. Selon toute vraisemblance, il ne restait plus que le pokémon représentant du type Feu. Un Héricendre. Ou une, pouisque c'était possible que le genre soit différent. Je me demandais alors à quoi pouvait bien ressembler cette petite créature flamboyante de près. Non pas que j'adore le feu, ni jouer avec, mais puisqu'il s'agit d'un Pokémon, je ne pouvais pas ne pas diriger toute ma concentration et mon intérêt culturel vers cette pokéball.

Un des hommes qui pestèrent après les explications sur le caractère chromatique des pokémons du Professeur Orme, à l'intention des personnes extérieures au monde des dresseurs, s'avança, l'air nonchalant, la moue chafouine, comme s'il savait que son heure de gloire était arrivée, et que rien ni personne ne pourrait l'en empêcher. Je me rappellerai toujours de cette lueur vicieuse et malsaine dans le regard de cet homme, qui ne semblait pas se lancer dans la chasse aux Pokémons pour les meilleures des raisons, avec la compagnie de son autre acolyte condescendant.

Et puis, sans vraiment que l'on eut su pourquoi, le Professeur Orme fit signe à l'homme de s'arrêter. Quelque chose n'allait pas, et il fallait absolument qu'il se recule.

- Que se passe-t-il Professeur ? Et mon Pokémon alors ?! s'indigna d'incompréhension l'homme soudainement devenu tendu.
- Eh bien, je ne saurai vous dire exactement pourquoi, mais regardez bien la pokéball. Rien ne vous alarme ? suggéra-t-il en reportant son attention sur la balle de capture du futur Héricendre, qui semblait s'agiter toute seule.

- Elle bouge, et alors ? C'est quoi le soucis Prof' ? invectiva l'homme qui devenait de plus en plus désagréable.
- Eh bien cela signifie que le pokémon qui se trouve à l'intérieur tente de se débattre et de sortir de sa balle de capture, certainement du fait d'un ressenti de mauvaises ondes ou d'une atmosphère peu sécurisante pour lui. avoua le Professeur Orme.
- Pff, c'est d'la connerie tout ça Prof'. Les pokémons ont pas de sentiments, c'est du fake. pesta le dresseur. Donnez-moi mon Pokémon !
- Jeune homme, je crains que votre attitude ne soit pas celle attendue d'un futur dresseur.
- Oh et puis allez au diable ! J'vais la prendre moi-même la pokéball, et j'vais m'barrer d'là.
- Je vous prierai de changer de ton, sans quoi, je me verrai dans l'obligation de vous destituer de l'attribution de ce pokémon d'ornement. commença à menacer le scientifique pokémon.
- Si vous croyez qu'j'ai peur… vous pouvez vous la mettre où j'pense votre obligation. *s'approchant du professeur* Donnez-moi ça ! ordonna-t-il en subtilisant la pokéball de la main du professionnel.

Si seulement ça avait été aussi facile pour cet énergumène se pensant au-dessus de tout ce qui pouvait bien se passer au cours d'une vie sans en subir aucune conséquence. Le grossier personnage s'avança d'un pas décidé vers la sortie, toujours avec la pokéball encore tremblante de mouvement, et se mit à vibrer de façon frénétique dans la main du dresseur, au point de le clouer sur place par les vibrations qu'elle générait. Un silence de plomb s'installa dans la salle, personne ne voulait manquer une seule fraction de seconde de la scène qui se jouait devant nous.

Le professeur Orme regardait de loin le type qui n'en avait fait qu'à sa tête, et un avait un léger sourire narquois au coin des lèvres, comme pour dire qu'il l'avait bien prévenu que tout ne se passerait pas bien s'il insistait une fois de plus à vouloir s'emparer d'un pokémon d'ornement de début de carrière dans le dressage.

Ce que personne ne savait encore, c'est ce qu'il se tramait dans cette fameuse pokéball. Pourquoi tremblait-elle autant ? Était-ce vrai ce que le Professeur Orme avait dit et que le pokémon en son sein ressentait toutes les mauvaises ondes de son futur propriétaire, au point de vouloir tenter de s'extirper de la balle de capture pour échapper à un quotidien moins désastreux que si le dresseur avait été mignon mais étourdi ? Les pokémons avaient donc des sentiments, comparables à ceux des humains, capables d'en manifester les formes et les nuances ? C'était fort intéressant de ma propre perspective, mais cela devait être stressant pour l'Héricendre qui se trouvait à l'intérieur de la balle. Le reste du public présent dans la salle retenait aussi son souffle, de peur d'envenimer encore plus la situation avec une peur incontrôlée qu'il eut pu se passer quoi que ce soit de dangereux.

- Jeune homme, il n'est pas trop tard pour revenir sur votre décision. Remettez-moi la pokéball, et nous tâcherons de vous trouver un autre partenaire d'aventure… tenta de remédier le Professeur Orme.
- La ferme j'vous dis. J'vais partir avec ce pokémon, qu'il le veuille ou pas. C'est encore moi qui décide non ? C'est mon pokémon. Il m'obéira, vous verrez. HEH ! provoqua une nouvelle fois le dresseur qui s'attirait de plus en plus l'antipathie des environs.
- Mmmh… soupira le professeur. Comme vous voudrez.
- Ouais ouais, j'en ai marre de votre morale à deux balles. Allez les baltringues, on y va ! ordonna-t-il à son comparse dresseur, également accompagnée d'une adolescente qui trainait avec eux.

Les gens présents dans la salle regardait le jeune homme avec un air aussi ahuri que dégoûté. Tous s'accordaient à penser que cet odieux personnage ne méritait pas ce qui lui arrivait, et qu'il aurait tout intérêt à laisser le pokémon tranquille dans sa balle, afin de ne pas le mettre en danger. Comme si cela ne suffisait pas, le jeune homme au langage très fleuri sentit les regards inquisiteurs et réprobateurs des autres dresseurs ayant eux-même reçu leur pokémon de départ.

- Beh quoi, vous voulez ma photo bande de bouzeux ? Beu-heh-heh ! se gaussa-t-il d'un air bête.
- Et pourquoi pas, monsieur je me la joue cow-boy... proposa le dresseur du Kaiminus.
- Ah oué ? Tu penses vraiment que j'ai peur de toi ? demanda l'adolescent d'un air condescendant. Tu fais pas l'poids mec, t'la joues pas héros.
- Oh je te rassure, il n'y a rien de tout ça dans mon intention. avoua le propriétaire du pokémon crocodile. Simplement que je ne te laisserai pas repartir d'ici en sachant que tu viens de manquer de respect à tout le monde ici présent, ton pokémon y compris. Donc si j'étais toi, je ferais ce que le Professeur Orme vient de conseiller. ajouta-t-il.
- EEEEEEHHHH BAAAAAAHHHHH JUUUUUSSSTEEEEMEEEEENT PAAAAAAAS ! Nan mais tu m'as pris pour qui ? Du chnoque ! Taille la route, tu me ralentis. se permit le jeune sur un ton arrogant et insolant.

Ce qui devait être une simple cérémonie d’intronisation aux pokémons d'ornement pour des dresseurs dans leur balbutiement d'une nouvelle aventure, se transforma tout aussi rapidement en une confrontation d'égo. D'un côté, on avait un adolescent effronté, dans la provocation totale, au comportement irascible et à la verve acide et insultante. De l'autre côté, on avait le propriétaire d'un autre pokémon d'ornement qui lui, avait pu faire connaissance déjà avec son crocodile de type Eau, Kaiminus, et savait déjà qu'au jeu de celui qui pourrait se faire obéir facilement, c'était lui qui gagnerait. Ni l'un ni l'autre ne voulait céder du terrain, et visiblement, les autres personnes présentes dans le laboratoire semblèrent prendre partie pour le maitre du Kaiminus.

- Ah ouais on se la jouer comme ça, padré ? tenta de provoquer une dernière fois le jeune insolant. J'vais t'mettre une raclée tellement énorme que tu regretteras d'être devenu un dresseur de la même génération que la mienne ! *raclement de gorge* PFEUH ! cracha-t-il aux pieds de l'homme faisant obstacle à la sortie.
- Cette fois c'en est trop Professeur. Dundee, on va lui montrer qui est en position de force ici ! Go ! rugit-il en lançant sa pokéball.

Un flot de lumière rouge et luminescente jaillit de la balle de capture du dresseur, laissant apparaitre un charmant et vigoureux Kaiminus, qui se mit aussitôt à sautiller sur place comme pour laisser transparaitre son envie de se dépenser, et de jouer au demeurant, ne comprenant pas réellement ce qu'il se passait. L'adolescent, aigri et jaloux, fit de même et lança sa pokéball en direction du pokémon crocodile, comme pour le heurter au passage. Mais voilà, le karma. Non seulement la balle n'atteignit même pas le dixième de la distance qui séparait le Kaiminus de sa position, mais en plus, la balle ne s'ouvrit pas, s'écrasant sur le sol dans un bruit métallique presque ferrugineux. Ne saisissant pas la gravité du moment, ce dernier vint ramasser la pokéball, et la lança une nouvelle fois vers le Kaiminus. La portée fut plus grande, mais de quelques centimètres à peine seulement, résultant tout de même du même bruit d'écrasement d'un objet contre le sol. L'audience présente commença à pouffer de rire par endroit, se rendant compte du ridicule qui venait de frapper le garçon.

- AH OUAIS, ÇA VOUS FAIT RIRE ?! REGARDEZ-MOI BIEN ! ON NE ME RIGOLE PAS AU NEZ MOI ! VOUS SAVEZ QUI JE SUIS ?! commença à s'énerver le jeune garçon.

Dans les secondes qui suivirent, le bougre de dresseur au vocabulaire mochement fleuri tenta de lancer à son tour la pokéball qu'il venait de prendre de force au professeur. Problème étant que cette pokéball refusa une nouvelle fois de s'ouvrir à l'appel du jeune homme. Elle se contentait d'osciller sur le sol, de continuer de faire rougir le bouton de sortie, sans pour autant s'ouvrir sur l'habitant qui y logeait. Provoquant la stupéfaction chez le propriétaire du Kaiminus, et la légère hilarité de situation chez les personnes présentes dans la salle, ce dernier entra dans une colère encore plus noire que la précédente.

- Vous voulez rire bande de résidus de fausse couche ? Hein ? Vous voulez vous amuser à vous moquer de ma détermination et de cette envie folle de vous en coller une ? HEIN ?! adressa-t-il à l'assemblée. VOUS ALLEZ VOIR QUE CE POKÉMON VA SORTIR DE SA POKÉBALL ! QU'IL LE VEUILLE OU NON ! poursuivit-il en reprenant la balle de capture encore au sol. TU TE CROIS PLUS MALIN QUE MOI ?! SOOOOORS !

Sur ces quelques mots, il fit percuter la balle de capture une nouvelle fois contre le sol, en prenant soin de faire pointer le bouton d'activation vers le bas, pour que ce fut le premier point d'impact du choc. Mais rien ne se produisit, la balle continua de se tortiller dans tous les sens, avec une vigueur encore plus prononcée. Le manque de respect du dresseur était effarant, si bien que certaines personnes commencèrent à protester pour qu'on lui eut repris la balle également de force. Le propriétaire du Kaiminus, lui, gardait en joue le dresseur enragé, des fois que ce dernier ait eu l'envie de s'en prendre physiquement à son partenaire, prêt à faire fuser la commande Pistolet à O dans les airs pour que le petit crocodile eut pu calmer ses ardeurs.

Mais le grognard continua de plus balle. Un lancer. Deux lancers. Dix lancers. La balle commençait à être marquée de quelques rayures sur le côté, rien qui n'endommage l'intégrité physique de son armature, mais il n'en fallait pas plus pour se rendre compte que cette pokéball passait un sale quart d'heure. Et peut-être même que son résident aussi. C'était tout ce que l'homme au sang-froid perdu voulait. Que l'Héricendre, innocent et qui n'avait rien demandé de plus qu'un maitre aimant et bienveillant, sorte de sa cachette.

Le renégat juvénile n'en avait pas encore terminé de sa ruée brachiale envers cette pauvre pokéball qui commençait à perdre toute sa teinte de blanc sur le dessus, se transformant peu à peu une sphère grise, rougeâtre, témoin d'une virulente utilisation de son possesseur, qui n'en finissait pas de passer sa colère sur elle. A l'intérieur, il n'y avait pas de signe évident de dommage, ni de trauma, mais très certainement que la rage et l'esprit diabolique du dresseur devait être capté à une intensité folle et presque inquiétante.

- JE SUIS PAS N'IMPORTE QUI MOI ! JE SUIS LE FILS DU MAIRE DE MAUVILLE ! VOUS Z'ALLEZ VOIR QU'ON S'MOQUE PAS DE MOI SANS EN PAYER LE PRIX ! vociféra-t-il dans une frénésie verbale chaotique. JE VAIS TE FAIRE SORTIR DE LÀ PETIT MERDEUX DE POKÉMON FEU DE TES MOOOOOOORTS ! injuria-t-il à l'intention de l'être encore niché dans sa balle de capture.

C'est à ce moment-là que tout dérapa. La pokéball décida de s'ouvrir et fit apparaitre aussi net un magnifique Héricendre, à la vue de tous et de toute. Le hérisson flamboyant possédait une agressivité dans le regard toute particulière, et les flammes sur son dos semblaient fulminer de rage. Les insultes du dresseur devaient avoir eu raison de lui... ou peut-être en fait, d'elle. Je n'en savais que trop peu sur les Héricendre, mais il me semblait avoir remarqué un léger détail dans la carrure de ce spécimen, pour déceler une musculature plus arrondie, subtilement moins musculaire mais tonique, et un léger chuintement vocal plus aigu qu'un spécimen mâle classique. Je me trompais peut-être, mais mon intuition féminine me criait que c'était potentiellement le cas.

Et c'était peut-être aussi le détail qui l'avait faite sortir de sa maison portative, de se faire injurier en qualité de représente du règne masculin du Héricendre, en plus d'injurier une partie de ses congénètres tombés au combat, de maladie ou de vieillesse. Elle devait être régie par des principes de justice en plus que de patience et de contrôle de ses émotions, mais quand trop c'était trop, cela donnait un pokémon à la limite de la furie, prêt à tout pour se protéger et se débarrasser des gêneurs. Mais voilà, le problème étant que nous étions beaucoup trop dans la salle, et pas sûr que l'affrontement triple entre le Kaiminus aux aguets, l'Héricendre tremblante de frénésie haineuse, et le resquilleur irrespectueux du moment n'eut de belles perspectives devant lui.

Il fallait que quelqu'un eut agit, et vite, avant que l'irréparable ne soit commis.

La tension était à son comble, personne ne voulait se lâcher du regard : le nouveau maitre du Kaiminus tenait en joue l'homme au langage fleuri ; ce dernier faisait fuser des regards mitrailleurs vers l'Héricendre fraichement sortie et qui lui avait fait perdre la tête en moins de temps qu'il n'en avait fallu pour le dire ; et le Pokémon hérisson de feu qui faisait rougir des flammes dorsales plus intensément que jamais. Le Professeur Orme ne savait pas trop quoi dire ni quoi faire pour apaiser la tension de la situation, ce qui motiva son maintien en retrait de sa présence, afin d'observer ce que pouvait donner cette confrontation.

- Bon, collègue, arrêtons cette mauvaise plaisanterie. enclencha le dresseur du Kaiminus. Tu vois bien qu'il n'y a pas d'issue qui te sera favorable.
- LA FERME TOI ! ESPÈCE DE FANFARON ! rugit le malfrat. TU TE CROIS TOUT PUISSANT AVEC TON CROCODILE DE MES DEUX LÀ ? TCHEUH ! ME FAIT PAS RIRE !
- Eh bien comme tu le dis si intelligemment, j'ai un pokémon qui m'obéit, et toi tu n'as rien. La conclusion de ce duel est évidente. renchérit le dresseur.
- J'VAIS TELLEMENT TE REFAIRE LE PORTRAIT QUE MÊME TA MÈRE NE POURRA PLUS TE RECONNAITRE ! le menaça-t-il.
- C'est peine perdue… Allez Kai, on va lui montrer ce que c'est qu'un vrai binôme. intima le nouveau maitre du Pokémon crocodile.

Alors que l'homme le plus âgé des deux commença à donner des ordres au Kaiminus de lancer un coup de Pistolet à O contre le jeune rebelle, se fut au tour de l'Héricendre de se faire entendre, grognant de façon bruyante et déchirante. Cette petite bête tentait de se faire comprendre des deux adversaires, pour qu'ils eurent compris qu'il ne s'agit pas d'eux, mais bien d'elle, de sa condition de pokémon d'ornement non désirée, qui venait de s'extirper d'une éventuelle relation d'esclave d'un humain peu scrupuleux des conventions pokémons, et qui n'aurait pas hésité à la lourder quelque part en chemin si tant aurait été qu'elle n'eut pas donner satisfaction à ce dernier. Elle semblait vouloir clamer sa détresse mentale et sa peine physique d'avoir dû subir, sans le connaitre réellement, la déchéance idéologique de celui qui était promis à être son maitre, et le peu de considération apportée à sa condition de partenaire, que tout autre dresseur aimerait avoir à ses côtés.

Le regard du hérisson de type Feu fulminait d'une colère sourde et pourtant si intense, que cela ne présageait rien de bon si les deux hommes ne cessaient pas immédiatement leur chamaillerie qui ne rimait à rien. Ils n'étaient pas les victimes. Ils n'étaient pas ceux qui souffriraient de ne pas trouver le ou la partenaire qui leur fallait pour s'exprimer et réaliser des rêves. Les deux chiffonniers étaient eux, de leur côté, bien décidés à en découdre. Dans une rafale de Pistolet à O, le Kaiminus se donnait à cœur joie dans la bataille, gloussant et sautillant sur place à chaque fois qu'il parvenait à lancer une salve aqueuse. Le jeune entêté arrivait tout juste à esquiver certains des jets d'eau, venant éclabousser alors une partie du public encore présent dans la salle. Ces attaques d'eau ne se voulaient pas menaçantes, ni même blessantes, mais la surprise de certaines personnes de se recevoir une petite vague d'eau dans le visage était assez oppressante pour sentir l'agacement général monter.

- Bah alors ? Il a que ça en stock ton petit Kaiminus de pacotille ?! DRESSEUR EN CARTON PÂTE ! provoqua la peste pourrie gâtée.
- Tu fais le mariole, mais dis-toi que je ne suis pas à mon maximum. rétorqua son adversaire.
- HA HA HA ! La répartie en papier mâché ! On aura tout vu ! ricana le jeune homme.
- Messieurs, ça suffit, vous devez… tenta d'interrompre le Professeur Orme, prenant enfin position dans la baston.
- TOI LE VIEUX, ON T'A PAS SONNÉ ! C'EST ENTRE LUI ET MOI, ENTRE VRAIS HOMMES ! annonça-t-il d'un ton condescendant.
- Non mais il s'est bien r'gardé l'avorton du maire là ? fulmina un membre de l'assemblée encore présent.
- Ouais, demi-portion, prend pas l'melon parce que ton daron est haut placé ! enchaina un autre homme de la foule.
- Ici t'es rien d'autre qu'un dresseur de niveau zéro, alors calme ta joie si tu veux pas qu'on transforme ce un contre un en trente contre un ! menaça un autre homme.
- SSÉ KWOUA UN NAVEURTON MAMAN ?! questionna la petite fille de tout à l'heure, de sa naïveté presque attendrissante.
- Ne t'inquiète pas ma chérie, assura la maman, c'est un mot qui désigne des personnes qui n'ont aucune classe et aucun sens du respect.

L'atmosphère devint très rapidement irrespirable. Chacun y allait de sa petite remontrance ou de son petit remontage de bretelle verbal. Bien évidemment, tout cela n'arrangeait en rien la situation : le Professeur Orme venait d'être blessé dans son orgueil, l'assemblée venait d'être courroucée à son point d'orgue, les deux dresseurs étaient excités comme jamais dans leur bêtise et leur pseudo-affrontement de niveau de testostérone. Et puis il y avait cette Héricendre, et moi.