- Tu sais que tu n’y vas pas pour t’amuser, n’est-ce pas ?
- Oui, oui !

Tomiko avait beau me rabacher cette réalité depuis l’annonce de ma présence au festival de Celestia, l’information me rentrait par une oreille avant de ressortir par l’autre. Je ne pouvais pas imaginer un seul instant que ma présence à une telle fête soit purement formelle sans qu’on me laisse m’amuser hors du parcours prédéfini, bien cadré, organisé par le Comité pour Rei et moi. Ce serait beaucoup trop cruel. Alors, bien sûr, mon agente se faisait la voix de la raison, mais j’imaginais que c’était uniquement dans le but de me faire garder les pieds sur terre. Il faut dire que je n’avais pas caché mon enthousiasme à l’idée d’aller au festival des Dragons de Celestia. Dès lors que j’avais appris que certains membres de la Ligue allaient s’y rendre, pour différentes activités formelles, j’avais espéré faire parti des participants. Les festivals et autres activités de célébrations bonne ambiance comme ça, c’est un peu un rêve de gosse.
Quand j’étais petite, même s’il m’était possible de m’y rendre, je ne pouvais participer à aucun stand car il était hors de question de dépenser de l’argent pour ça. Alors jamais je n’avais eu accès aux petits lots à la con, aux peluches, ou même au simple fait de participer aux jeux, ou encore goûter de la nourriture Je me suis vengée, plus tard, en commandant des sucreries comme des pommes d’amour dans des cafés, mais ce n’était pas pareil. J’avais eu l’impression de gâcher quelque chose car je ne l’avais pas eue dans un petit stand, au milieu de la foule, et au bout d’un bâton pour croquer dedans. Je comptais sur le festival de Celestia pour rattraper le temps perdu et profiter tout en m’acquittant de mes tâches de championne.

- Tu n’écoutes rien.
- Mais si je t’écoute !, en arquant un sourcil, Tomiko me demande de répéter ce qu’elle vient de dire. Euh… Bah… Pardon, je pensais aux pommes d’amour en fait.

Mon agente pousse un soupir et me refait un topo de la journée à venir. Ca doit faire la dixième fois en l’espace de quelques jours. Moi qui suis habituellement si efficace pour tout retenir, je n’arrive pas à me concentrer. C’est une faute professionnelle, je le sais, mais j’ai beau essayer de la combler sur ce coup… Je n’y arrive pas. Il faut croire que, pour la première fois que l’on travaille ensemble, il va falloir que je consulte avec attention le planning partagé que me prépare Tomiko chaque semaine et pour chaque évènement.

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Le jour-J arrive peu de temps après. Dans ce délais, j’ai dû choisir l’un de mes pokémons pour être hors de sa pokéball pendant le festival. Le but est de mettre aussi en avant l’un de mes compagnons, qui doivent aussi être des célébrités aux yeux de la population. C’est compréhensible, pour le merchandising. Au vu de la thématique du festival, j’avais d’abord envisagé de faire appel à Green, ma libegon et seul pokémon de type dragon. Le problème, c’est qu’elle n’est pas là. Esprit libre, comme toujours, il y a quelques jours qu’elle est partie quelque part dans le ciel faire un de ses voyages et je ne peux pas savoir quand elle reviendra. Pas à temps pour le festival, ça c’est sûr et certain.
Finalement, mon dévolu s’est jeté sur spinner, mon kaorine. Il est énergique, tout en sachant faire preuve de retenue dans le cadre du festival. De plus, ses multiples yeux lui permettent de voir tout autour de lui, ce qui devrait rassurer les agents de sécurité inquiets pour moi. Je trouve aussi que ce pokémon a un aspect ancien dans son apparence, le genre qu’on pourrait voir sur des gravures ancestrales, donc il reste plus ou moins dans le thème du festival. C’est des dragons anciens qui sont célébrés après tout.

Le trajet était d’abord prévu en jet privé, mais j’ai insisté pour prendre le train. Avec le très grande vitesse, ce n’est que cinq heures pour rejoindre Voilaroc et il y a ensuite un train régional qui prend trente minutes pour atteindre Celestia. J’ai dû me battre, car l’organisation n’était pas très chaude pour cette demande, mais avec les arguments écologiques et les préoccupations grandissantes à ce sujet, j’ai obtenu gain de cause. Au départ, quand je suis arrivée à la Ligue, j’étais trop contente de pouvoir voyage en jet privé, mais maintenant je me rends compte à quel point c’est déconnecté de la réalité et, à moins que cela soit absolument nécessaire pour mon emploi du temps, j’essaye de les éviter. Là, par chance, il y a du temps avant d’arriver au festival car aucun challenger ne s’est présenté à la Ligue.
Ce que je ne savais pas en revanche, c’est que ma demande va aussi contraindre Rei car les organisateurs veulent absolument qu’on voyage ensemble. Ca, je ne l’ai appris qu’une fois que la sécurité avait tout organisé au niveau des trains, ce qui m’a fait grimacer. Si j’avais su, peut-être que j’aurais moins insisté, je ne sais pas ce que pense ma collègue de tout ça et je n’ai pas eu l’occasion de lui en parler depuis. Ca me stresse, mais ce qui est fait est fait et je ne pourrai pas revenir dessus.

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Je suis la première à monter dans le train. La sécurité à juger que c’était mieux de nous faire arriver à deux moments différents, avant que tous les autres passagers puissent monter ou soient même informés que le train est déjà-là. Ce dernier est équipé d’un wagon privatif dans lequel Rei et moi pourront passer tout le trajet incognito. Cette différence faite entre nous et le reste de la population m’agace un poil, car j’aimerais pouvoir encore me considérer comme une personne normale, tout en sachant que c’est nécessaire. Rien qu’en étant influenceuse, j’ai vu passer mon lot de “fans” bizarres ou dangereux, alors en combinant ça avec un poste de championne de Ligue… Depuis presque un an que j’y suis je n’en ai pas encore rencontré en présentiel - beaucoup sur internet ceci-dit - mais on ne sait jamais ce qu’il peut arriver.

Le wagon est spacieux, avec seulement six places. Les sièges sont larges, dans un carré de quatre personnes et un duo face à face. Il y a un espace qui ressemble à un bar avec un frigo. Les agents de sécurité sont déjà là, au nombre de trois dont un qui reste au niveau de la porte du wagon. Quelle ambiance ! Ils sont plus nombreux que pour les trajets en jet.
Une fois que je suis installée, j’envoie un vocal à Tomiko pour l’informer que je suis bien dans le train. On a pris cette habitude, plutôt que les messages, pour qu’elle soit sûre que le message vient bien de moi et qu’on ne m’a pas volé mon téléphone. Bien sûr avec l’intelligence artificielle maintenant il est possible de falsifier ça aussi, mais il y a tout de même moins de risque. Et maintenant que c’est fait, il ne me reste plus qu’à atteindre l’arrivée de Rei. Si j’avais réussi à me détendre, maintenant que nous y sommes mon stress revient. J’espère qu’elle ne m’en veut pas pour le trajet en train…

En attendant l’arrêt auquel Rei doit me rejoindre dans le wagon, je regarde défiler le paysage en traînant sur mon téléphone. Ce genre de moment de repos est l’occasion de répondre à plusieurs commentaires. Cette fois, je me concentre sur ceux qui témoignent de l’enthousiasme quant à ma venue au festival des Dragons. Je les bombarde de remerciements et de réactions en forme de cœur. Ce n’est pas un temps que je prends souvent, plus maintenant, même si j’essaye d'interagir un peu tous les quelques jours pour ne pas créer trop de distance entre moi et ma communauté. C’est dommage, car ça me fait toujours plaisir de parler un peu avec les gens. je n’irais pas jusqu’à dire que sans eux je ne serais pas là, car mes talents de dresseuse sont indépendants de mon activité sur les réseaux, mais je sais que je n’y serais pas arrivée aussi vite si je n’avais pas déjà autant de fans. Ils m’ont permis d’avoir plus d’argent au moment où j’en avais besoin pour terminer ma quête des badges et enchaîner les suivantes et ont pesé dans la balance de mon embauche. Je leur dois beaucoup et m’applique donc à les entretenir lorsque je le peux.

Le prochain arrêt finit par arriver, ce qui me pousse à lâcher mon téléphone. C’est ici que ma collègue va me rejoindre. J’oscille entre l’enthousiasme et le stress de lui imposer un trajet en train. Me voilà en train de me redresser sur mon siège pour mieux présenter, comme si ça pouvait être visible à travers l’amplitude de mes vêtements. Comme je sais que nous allons beaucoup bouger une fois sur place, j’ai opté pour un look oversize confortable. Il consiste en un sweat bien trop grand pour moi à motif galaxie duquel je peux enlever les manches à l’aide de fermetures s’il fait trop chaud, un legging noir et de grosses baskets multicolores, à l’image de mon sweat. Mes cheveux eux, sont coiffés dans mon habituelle queue de cheval, mais j’ai prévu de les transformer en chignon une fois arrivée car ce ne serait pas pratique sinon pour s’installer dans les fauteuils du train.

La porte du wagon s’active, l’agent de sécurité s’écarte pour laisser passer Rei. Un sourire flotte sur les lèvres de ma collègue lorsqu’elle apparaît, ce qui ne suffit pas cependant à faire disparaître mon inquiétude : elle peut très bien faire semblant. Pour travailler à la Ligue, il faut en être au moins un peu capable après tout. Je la salue d’un signe de main lorsqu’elle prend place dans le fauteuil en face du mien. Encore une fois, je constate à quel point je la trouve classe et charismatique, une vraie adulte, contrairement à moi qui n’en ai que l’âge sur certains points.

- Coucou ! Oui ça va les paysages sont sympas, puis tu vas voir c’est confortable, incomparable avec les trains que j’ai pu prendre pour parcourir la région de Kalos alors que je partageais une colocation à Illumis.

Le train se remet en route et lesdits paysages continuent à défiler. Nous n’avons pas encore quitté la région de Johto et ses paysages montagneux. J’essaye de trouver un sujet de conversation qui ne tournerait pas autour de banalités, tout en osant pas le faire car je crains toujours que Rei m’en veuille pour le voyage en train. Il ne manquerait plus qu’elle ne soit pas d’accord avec moi sur le confort des sièges…
Je dois retenir un soupir de soulagement quand ma collègue se remet à parler, laissant entendre qu’elle apprécie ce mode de transport. A la place je souris un peu bêtement, signe que je suis plus à mon aide en hochant la tête, même si le train n’a jamais été synonyme de vacances pour moi. Les seules vraies que j’ai pu prendre c’était quand j’ai emmené ma famille à Alola après ma Master Ligue. Avant, les vacances scolaires, c’était pour s’occuper des plus petits ou travailler. L’attitude de Rei ne manque cependant pas de m’amuser, cette manière de me parler comme si elle me confiait un secret. Un rire que je ne cherche pas à cacher m’échappe.

- C’est un festival, ce serait bizarre de nous faire aller jusque là-bas pour qu’on ne puisse pas en profiter au moins un petit peu, non ?, les paroles de mon agente se sont de nouveau envolées.

Je m’apprête à ajouter que je compte bien profiter du festival dans tous les cas quand je remarque qu’elle observe un des gardes du corps. C’est vrai que l’attitude secrète de Rei avait du sens… Plutôt que de me pencher en avant, je décide de changer de place pour aller dans le siège à côté du sien. Là, je peux m’approcher d’elle plus facilement pour parler à voix basse :

- En tout cas, moi, je compte bien en profiter, plus, plus haut car il n’y a aucune raison de le cacher. J’ai encore des revanches à prendre sur mon enfance !

Après ça, je me laisse retomber sur le dossier de mon nouveau siège et regarde le paysage défiler dans l’autre sens cette fois. C’est tout aussi beau et me remet le fait que nous sommes dans un train en tête. Je me mord l’intérieur de la joue, juste le temps d’hésiter un petit peu. C’est d’un ton plus embêté que je m’adresse désormais à ma collègue.

- Je pensais pas qu’ils t’imposeraient le train… Pas que je sois pas contente de faire le trajet avec toi, hein ! Mais je voulais pas t’embêter avec mes demandes. Si j’avais su que ça concernerait pas que moi, j’aurais rien dit.

J’ai tendance à continuer à fixer la fenêtre, sans oser croiser le regard de Rei pour le moment. Elle a eu beau être positive juste avant, on ne sait jamais si elle ne faisait pas semblant par rapport au trajet en train. J’ai beaucoup de mal avec l’idée d’embêter mes collègues, même si je ne le fais pas exprès. Depuis que je suis à la Ligue, je me rends compte de mon isolement social en ce qui concerne les amitiés. Blaire n’était qu’une connasse intéressée et Fatima… Nous ne pouvons plus être amies maintenant. Il ne me reste que les amis d’internet, qui sont tout aussi loin que les autres et que je ne peux pas faire entrer à la Ligue sans de multiples autorisations. Ce serait toujours pour tourner, de toute façon. Nous ne sommes pas proches autrement, je n’ai jamais eu le temps. Alors forcément, quand je considère mes collègues, je ne peux qu’espérer. Rei est tellement cool, classe et stylée, je serais tellement contente si un jour je pouvais la qualifier de mon “amie” ! Alors forcément, cette histoire de train m’embête.

En règle générale, le passé de mes collègues m’intrigue, qu’il s’agisse de ceux qui étaient là avant moi ou ceux qui sont arrivés tous ensemble plus récemment. Je ne l’admettrai jamais, mais j’ai lu les articles de magazines à leurs sujets ainsi que leurs biographies sur wikipédia. Vu la tête de la mienne, j’imagine que la leur n’est pas non plus des plus précises ou véridiques. En tout cas, ça n’aborde pas de détails comme celui qui m’intrigue en cet instant, via la réponse de Rei : son rapport au festival dans l’enfance. Elle ne pouvait pas en profiter, elle non plus. C’est un point commun. Seulement, comme elle n’ouvre pas le sujet, je ne m’autorise pas à le faire non plus. Je suis bien assez contente qu’elle trouve bien qu’on puisse rattraper le coup de nos enfances toutes les deux.

Ca me fait sourire bêtement, jusqu’à ce que le stress revienne et finisse par me faire aborder le sujet du train. Ce qui a l’air de surprendre Rei, d’ailleurs. Allez savoir pourquoi, cette expression me fait me sentir bête, en plus du reste. Il faut vraiment que je fasse quelque chose pour gérer ce sentiment d’infériorité et de crainte que je peux ressentir par rapport à certains de mes collègues. Mais elle est si classe, et j’aimerais tellement qu’on devienne amies…
Sa réponse achève de me rassurer, même si j’aurais déjà dû l’être avant. Je retrouve le sourire lorsqu’elle aborde le confort des sièges et les arguments écologiques.

- Super ! Je suis vraiment soulagée que ça t’embête pas…, et qu’elle ait voulu faire le trajet avec moi, mais ce serait un peu pitoyable de le dire à voix haute, non ? Je t’avoue que l’argument écologique fait partie de ce qui m’a poussée à demander ce type de trajet. Puis bon… A force qu’on soit autant trimballer en jet privé ou avion de luxe, ça me fait me sentir un peu… Hm… Je dirais pas mal, mais pas ouf. Ca fait partie des privilèges que je trouve un peu abusés pour certains trajets, je me rends compte que partir sur cette tangente risque de ne pas donner une conversation très agréable, surtout si Rei n’est pas d’accord avec moi ou qu’elle n’en a tout simplement rien à faire. Enfin ! Contente de t’avoir avec moi dans le train ! Et je respire, bien sûr !

Histoire de faire l’imbécile et faire comprendre que je suis soulagée, je prends une inspiration et expiration exagérée, plusieurs fois de suite, avant de sourire de toutes mes dents en riant doucement. J’espère que Rei et moi auront l’occasion de profiter du festival comme nous l’entendons, au moins un petit moment. Peut-être qu’on pourra se rapprocher en faisant quelques jeux. Je me demande si elle aimera celui où il faut pêcher des couanetons en plastique, un grand fantasme de mon enfance que je n’ai jamais eu l’occasion de réaliser enfant. Depuis, j’ai une certaine obsession. J’aime aussi l’idée de celui où il faut lancer un truc pour faire tomber des canettes, je ne sais plus le nom. Il y a plusieurs variantes de celui-ci, mais pour lancer des choses et en faire s’effondrer d’autres je suis plutôt forte.

Rei se lève de son fauteuil et me propose à boire. Je me redresse et me tend pour essayer de voir le contenu du bar, sans succès. En me laissant retomber dans mon siège, je réponds simplement :

- Bonne idée ! Si y a du soda, je prends. Je suis pas difficile, sa réflexion sur le climat de Sinnoh me laisse un peu plus pensive. Non, je n’y suis jamais allée. Enfin une fois ou deux, pour des évènements officiels, mais pas plus. Ca m’a pas attiré pour mes quêtes des badges. Et toi ?

Je me souviens des moments où j’ai choisi chacune des régions pour accomplir mes futures Ligue : via des sondages instagram. Cependant, je n’avais jamais mis Sinnoh dans les options, car la région ne m’attirait pas du tout. Question de logistique.

- Sinnoh m’avait l’air d’une région plus sauvage et complexe pour se déplacer. Comme je voulais aller vite pour mes Ligues, j’ai préféré d’autres régions… Mais j’aimerais bien y faire du tourisme ! Ce festival sera l’occasion d’en apprendre plus sur les traditions de là-bas j’espère.

Une fois ma boisson en ma possession, je teste les repose-verre du siège, puis de la tablette dépliable entre le carré de sièges. Peut-être que je me comporte un peu comme une enfant, à m’émerveiller de la praticité de ces dispositifs, mais je m’en fous. Je m’emporte même un petit peu, car je finis par demander à Rei :

- Tu préfères utiliser ceux du siège ou qu’on laisse la tablette ? C’est vraiment pratique tout ce qu’il y a dans les trains, rien à voir avec les bus… Ah j’avais considéré le bus d’ailleurs, pour aller de la gare où arrive le TGV jusqu’à Celestia, mais les routes de Sinnoh sont pas terribles dans ce coin là il paraît. Ca prenait encore plusieurs heures pour y arriver, ça me paraissait un peu abusé. C’est ce genre de logistique qui m’a fait bouder Sinnoh pour ma quête des badges tu vois.

Juste pour tester la stabilité du train, je pose mon verre directement sur la tablette sans utiliser le repose-verre et constate qu’elle bouge à peine. Seul le liquide est ajouté de petits tremblements qui ne sont même pas suffisants pour en faire tomber des gouttelettes. Il est vraiment bien ce TGV !... Ou alors est-ce seulement notre wagon ? J’espère pas.

Mon stress achève de disparaître quand Rei me propose de la solliciter pour des demandes comme celles du train lors de nos prochaines activités communes. Je ne m’attendais pas à une telle solidarité peut-être car j’ai été mal habituée, et ça me fait vraiment très plaisir. Je le remercie d’un signe de tête et d’un grand sourire plein de dents comme je sais si bien les faire de manière spontanée. C’est si détendu que nous passons facilement à autre chose, avec les boissons et une discussion sur la région de Sinnoh. La raison de ne pas choisir cette région pour sa quête des badges énoncée par ma collègue m’étonne, je ne pensais pas que la nourriture était un point d’importance pour elle… Sûrement car je la connais mal, malgré les interviews. J’ai hâte d’en savoir plus sur elle. Toujours est-il que je ne peux m’empêcher de m’exclamer :

- Ah ouais ? Je t’imaginais pas grosse bouffe !, ouhla, non, c’est pas comme ça qu’il faut le dire. Je me rattrape vite en riant de ma bêtise : Gastronome, je veux dire ! Ahah !

Moi et la bouffe, c’est pas compliqué : je mange quasiment tout. Mes parents ont jamais pu faire des plats élaborés, je suis habituée aux trucs de merde dont le goût a été réhaussé chimiquement, aux fast-food qui font la même chose, à de la nourriture de basse qualité. Une fois que j’ai eu les moyens, j’ai voulu changer mes habitudes, mais c’est encore dur de ne pas trouver les autres types de nourriture fades. Ou alors il faut que j’aille dans des très bons restaurants, ce avec quoi j’ai toujours du mal car dépenser autant dans un repas, ça me paraît surréaliste et déconnecté.

La boisson entre les mains, je teste les possibilités du train sans crainte de paraître ridicule ou gamine devant Rei. A vrai dire, je n’y pense même pas, enthousiaste que je suis par rapport aux fonctionnalités de ce wagon. Les agents de sécurité, eux, doivent me juger, mais ce n’est pas très important. Au moins autant que l’emplacement que préfère ma collègue pour son verre, ce qui ne m’empêche pas de lui poser la question. Et, effectivement, elle s’en fout. Bon. Je me rends compte qu’il est peut-être temps d’arrêter avec ces trucs et reprend la discussion sur la région de Sinnoh en parlant de ses routes et de mon idée avortée de nous faire prendre le bus. Ca a au moins le mérite de faire rire Rei, qui a ensuite raison dans ses arguments. Je l’approuve, surtout sur la partie concernant le festival.

- Ouais, et si t’as le malheur d’avoir le mal des transports, en bus c’est foutu de chez foutu !, rapport aux trajets en bus dans le Mont Couronné.

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Discuter avec Rei est agréable, ce qui fait que je ne vois pas le temps passer jusqu’à la fin du trajet. Je suis la première à devoir descendre du train. Avant de quitter le wagon, je laisse Spinner sortir de sa pokéball, puisqu’il est sensé être ma mascotte lors de cet évènement. Le kaorine fait tourner sa tête à toute vitesse pour témoigner sa joie d’être à l’air libre. Après l’avoir laissé faire quelques secondes, je lui demande de se tenir au niveau de mon épaule droite. Il comprend, mes pokémons ont été entraînés à marcher au pas pour ce genre de moments.
Dehors, une petite foule est là pour nous accueillir. Je les salue avec mon enthousiasme habituel, en faisant coucou des deux mains à renfort de grands gestes. Spinner mime mon attitude, avec ses petits bras détachables. Je crie à qui veut l’entendre et pour couvrir la foule que j’ai hâte d’être au festival et de découvrir les traditions de Sinnoh. Comme j’ai un peu de répit avant que Rei n’arrive, j’en profite pour échanger quelques mots avec une ou deux personnes et griffer quelques papiers. Spinner, lui, s’amuse à tourner sur lui-même devant des enfants pour les amuser. Au bout d’un moment, les gardes du corps nous rappellent à l’ordre, car Rei est bien avancée. Toujours aussi classe et distinguée d’ailleurs, je dois ressembler à un chimpenfeu à côté d’elle… Enfin, a priori ça ne déplait pas au plus grand nombre et ça fait partie de mon image de marque en plus d’être une part de ma personnalité au naturel.
Nous finissons par arriver dans la voiture réservée à la suite de notre trajet, Rei en premier. Je n’ai pas vu quand elle m’est passée devant, est-ce qu’elle était pressée ? Peut-être qu’elle n’aime pas la foule autant que moi. Je remets Spinner dans sa pokéball et, une fois installée, je m’écrase sur les sièges - non sans bien attacher ma ceinture avant, je ne l’ai pas répété des dizaines de fois à mes cadets pour rien.

- Hm… Il paraît qu’il y aura des statues et show sur les dragons ancestraux de Sinnoh, j’aimerais bien voir ça. Surtout celui qui ressemble à un vers volant sur les représentations, on dirait un peu un pokémon insecte…, je ne me souviens plus duquel c’est, comme je passe mon temps à confondre Palkia et Dialga dont les noms se ressemblent. Quoique, peut-être que c’est Giratina ? Je verrai bien sur place. Il fait ténébreux aussi, d’ailleurs, j’ajoute à l’intention de ma collègue, faisant référence à ses affinités de types.

Nous commençons à rouler, le trajet est annoncé pour durer moins d’une heure car la route sera dégagée pour nous. Encore un privilège qui ne me plaît pas trop, mais comme plus nous approchons, plus j’ai hâte du festival, je ne vais pas m’en plaindre cette fois.

- Et toi, Rei, c’est quoi qui t’intéresse ?, je jette un coup d’oeil au garde du corps assis à côté du chauffeur avant de me pencher vers ma voisine pour murmurer : Pour être tout à fait honnête j’aimerais aussi faire des trucs de gosse comme la pêche aux couanetons, mais pas sûre que les malabars soient d’accord. Y ont peut-être des directives rapport à nos images, tu crois pas ?

Il m’est déjà arrivé d’être en événement sans mon agente et que les agents de sécurité me contraignent dans mes mouvement car le Comité leur avait donné certains ordres de mission. Ils ne font que leur travail, je le comprends, mais reste que c’est un peu pénible. Si je ne voulais pas qu’on me voit faire quelque chose, je serais assez intelligente pour ne pas le faire en public. Ils pensent que quelqu’un d’autre que moi a géré mon image depuis mes débuts ? Non. Ce n’était que moi. Alors, franchement, ils pourraient me laisser faire…
Je me détourne de Rei pour regarder par la fenêtre. Bientôt nous quittons Voilaroc pour arriver sur des routes plus forestières, même si nous sommes encore sur ce qui ressemble à une départementale. Sinnoh, entre montagnes et espaces boisés… Ca doit être sympa pour les fans de randonnée comme région, même s’il paraît qu’on se caille en hiver.

- Ca dérange si j’ouvre la fenêtre pour voir l’air ? J’ai peur que ça nous décoiffe…, et je tiendrai ma queue de cheval pour éviter que Rei ne se la mange en pleine face.