Poehere ? Avouer ses craintes ? Jamais de la vie. Elle était trop fière pour dire qu'elle avait peur de faire un flop sur les réseaux avec ce voyage, peur de se retrouver dans un endroit lugubre pour dormir, peur d'être seule avec son amie dans un endroit coupé du monde pendant une semaine complète. Peur aussi certainement de ne plus pouvoir envoyer des messages sur les réseaux, et peur qu'on l'oublie en une semaine à peine. Tout ça, elle ne l'avouerait jamais. Mais Olele savait lire entre les lignes, et elle l'avait deviné. Elle se creusa les méninges tout en buvant un jus d'orange que l'hôtesse de l'air venait tout juste de servir.

- Et si... Ca faisait partie du vlog ? Proposa-t-elle.
- Comment ça ?

La jolie blonde lui expliqua son plan, ou tout du moins, ce qu'elle pensait être réalisable. L'idée c'était de jouer le jeu à fond dans ce festival, et montrer dans des vidéos des lieux magiques, remplis d'histoires, dans le respect et la bonne humeur.

- Ole. Je fais des tutos beautés, pas des thread horreur, répondit-elle avec mépris.

Son amie aux cheveux de blé dû s'y prendre à plusieurs fois pour expliquer l'idée qu'elle avait en tête: elle pensait Poehere capable de montrer une facette différente des lieux de cultes, de les moderniser à travers l'écran, de leur redonner vie en quelque sorte. Ses followers pourraient aimer ou non le concept, mais ils ne pourraient certainement pas dénigrer son travail, car il aura été fait dans le respect et l'envie d'améliorer le monde.

- Genre tu penses que filmer les bonnes sœurs en train de planter des carottes ça va me faire gagner des followers ? T'as craqué ma pauvre. Les gens cliquent sur mes liens parce qu'ils veulent voir une bombe faire du surf, pas un fossile vivant. Laisse tomber c'est bon, de toute façon on est presque arrivés... Je chercherais un hotel quand on sera dans le bus.

Olele haussa les épaules, et abandonna l'idée de faire changer d'avis son amie. Elle avait peut être raison, après tout. Elle se concentra sur le spectacle que lui offrait le hublot de l'avion, à savoir: un océan de nuages blancs qui s'étendait à perte de vue, comme un véritable champs de coton tout droit sortit d'un rêve.

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Olele n'était pas très difficile à impressionner. Mais un atterrisage d'avion, c'était toujours un moment assez unique. Elle regardait par le hublot le sol qui se rapprochait petit à petit. Là haut, à plusieurs centaine de mètre du sol, on commençait à voir l'agitation des habitants en bas. Les voitures qui roulaient, les routes qui coupaient les paysages en deux, les reliefs de la montagne... Et quelle montagne ! Sinnoh était sans nul doute la région avec la belle chaine de montagnes. De quoi faire rougir d'envie tous les férus de randonnée et de jolis paysages.

Au plus l'avion perdait de l'altitude, au plus Olele sentait l'excitation monter dans sa poitrine. Le sol se rapprochait à grande vitesse, et elle était persuadée que la seconde d'après, les roues allaient toucher le sol. Jusqu'au moment où ce fut vraiment le cas: il y eut une petite secousse, puis, un sentiment de pression dans la cage thoracique de tous les voyageurs. L'avion était en train de ralentir de sa course folle sur le bitume, passant de deux cent soixante kilomètre heure, à cinquante en l'espace de quelques petites minutes. Lorsque l'adrénaline redescend, certains passagers ne peuvent s'empêcher d'applaudir le pilote pour cette prouesse incroyable: faire atterrir un avion de ligne avec deux cent passagers à l'intérieur, sans la moindre casse. Parmi eux, Olele frappait dans ses mains en s'y donnant à coeur joie.

- Qu'est-ce que tu fais ? Pesta Poehere.
- Bah, j'applaudis !
- C'est son travail Ole... T'imagine si on applaudit chaque boulanger pour avoir fait du pain ?
- Ah bon ? On doit applaudir aussi tu penses ?
- ... Laisse tomber.

Après quelques instants où le pilote fait une manœuvre pour rapprocher l'avion du bras mécanique qui permet de faire sortir les passagers, commence le moment le plus long: l'attente. Attendre que la parcelle soit bien scellée, attendre que les bagagistes récupèrent les affaires pour les faires glisser sur le tapis roulant, attendre que les informations de l'avion arrivent bien à la tour de contrôle, pour qu'ils affichent à l'aéroport que l'avion s'était bien posé, et que tout le monde était bien arrivé. Un moment qui pouvait durer entre quinze et trente minutes, en fonction de l'efficacité des équipes. A Sinnoh, dans l'aéroport d'Unionpolis, tout semblait se passer rapidement, pour le plus grand bonheur de Poehere.

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Si l'attérissage était un moment qu'appréciait (ou non) la plupart des voyageurs en avion, celui que préférait Poehere était celui où on pouvait de nouveau avoir l'usage de son téléphone portable. Dès que la bête d'acier s'immobilisa, la jeune influenceuse dégaina son portable, et retira le fameux mode "avion", celui qui ne laisse passer aucune onde afin de ne pas perturber le vol (mais perturbait Poehere dans sa consommation quotidienne de réseaux sociaux). Olele la regardait faire en ouvrant grand les yeux.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? Murmura-t-elle. Le logo "téléphone éteint" est encore allumé ! T'as pas le droit de...
- Roh ça va, la coupa-t-elle, il est posé l'avion, ils ont même coupé le contact. T'inquiètes.

Son amie blonde regardait quand même autour d'elle, pour vérifier qu'elles n'étaient pas surveillées. Poehere eut un grand soupir. Elle aimait son amie, mais parfois, ses manières l'insupportait.

L'écran de son smartphone s'éclaira comme un sapin à Noël. De nombreuses notifications apparurent les unes après les autres, sans que l'influenceuse ne puisse y faire quelque chose. Elle aimait ça. Voir les messages et les bannières se succéder, les informations qu'elle avait loupé pendant le temps du trajet. Quelque part, Poehere se sentait aimée, désirée. Elle n'avait pas été oubliée.

La première chose qu'elle fit en déverrouillant son téléphone, c'était de vérifier son nombre d'abonné sur les réseaux. Des fois qu'elle aurait fait un badbuzz, ou au contraire, gagné le jackpot, il fallait qu'elle le vérifie. Mais non, le chiffre n'avait pas bougé, et c'était plutôt une bonne nouvelle en soi. En suite, et seulement à ce moment, elle envoya un message à ses parents pour dire qu'elles étaient bien arrivées sur le sol de Sinnoh. Son père lui avait envoyé a peu près une dizaine de message, pour lui demander si elle allait bien, qu'elle n'oublie pas d'envoyer un message, qu'ils pensaient à elle... Des mots tendres et pleins de bienveillance, mais parfois étouffants.

- Tu peux envoyer un message à ma mère pour dire qu'on est bien arrivée ? Demanda Olele.

L'influenceuse arqua un sourcil.

- Bah fais le avec ton tel !
- Non on a pas le droit regarde, le logo est toujours pas éteint !
- Rah Ole, t'es pénible quand tu t'y met hein !

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Pénible, c'était un faible mot pour décrire une Olele en pleine forme. Elle était surexcitée. Partir si loin de l'archipel pour découvrir de nouveaux paysages, et sans ses parents en plus ! C'était une aventure qui la mettait en joie, et qui éclaboussait l'humeur morose de son amie influenceuse.
Poehere dut subir les commentaires incessants de la blondinette jusqu'à leur arrivée dans le bus. Olele lui demandait où et comment les bagages étaient stockés, comment ils faisaient pour arriver sur le tapis roulant au même moment où les passagers descendent de l'avion, quel était le secret des hôtesses de l'air pour avoir toujours l'air fraîches et souriantes ? Poehere lui avait répondu que c'étaient des fausses personnes, qu'elles avaient été remplacée par des robots. La blondinette ouvrit des yeux ronds comme des ballons, et avant qu'elle ne prononce un mot de plus, l'influenceuse lui révéla que c'était une blague. Elle n'avait pas la force de jouer à ça maintenant.

Une fois à bord de la navette qui devait les mener à Célestia, et un peu plus calmée, Olele alluma son portable pour envoyer des nouvelles à sa famille. De son côté, Poehere profitait de ce silence comme d'une vraie pause spirituelle. Elle était en quête d'un endroit où dormir en urgence et pour peu cher. Un hôtel, un petit appart de vacances, peut être même une auberge de jeune. De toute façon, elle avait abandonné l'idée de faire un vlog sur son logement à Célestia.

Sa cure de silence ne dura que quelques minutes. Olele empoigna son bras et le secoua doucement en poussant des petits cris hystériques.

- Hiiiiii Poe !! Regarde regarde !!

Poehere fronça les sourcils, dérangée par ce trop plein d'énergie, et dû se concentrer pour regarder l'écran que lui montrait Olele. C'était la dernière publication de Tom Shülls. On pouvait le voir torse nu dans un lac entouré de montagnes aux sommets blancs, escaladant une falaise remplie de mousse verte ou encore la main posée sur la pierre sombre d'une grande chapelle.
Poehere cliqua sur cette dernière photo.

" L'histoire et le temps se complètent et se protègent. Nous devons faire prospérer notre patrimoine. "

Elle resta bouche bée en voyant le nombre de like et de commentaire sous cette publication: ses abonnés adhéraient à fond avec ce qu'il disait. Ils soutenaient son engagement auprès de la culture, de l'histoire, et même de la religion (sujet qui est pourtant assez tabou sur les réseaux).
Et là, ce fut le déclic:

- Ole ! On va filmer le couvent et le mettre dans le vlog !
- Oui, c'est ce que je t'ai dit tout à l'heure !
- Non, toi tu m'as conseillé de faire un reportage sur les vieilles briques. Moi je vois une vraie mise en lumière sur ces lieux chargés d'histoires, du patrimoine de Célestia !

Olele ne voyait pas vraiment la différence entre les deux, mais elle s'en fichait un peu. Son amie était de nouveau joyeuse, alors le reste importait.

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Poehere vivait un regain d'espoir qui avait fait naitre sur son visage si figé, un éclatant sourire. En vérité, elle ne savait pas si ses vidéos et publications sur le festival des dragons allait être une réussite, ou un bad buzz. Mais Tom Shülls l'avait fait, lui.
Être un créateur de tendance, c'était quelque chose. De grosses prises de risques à chaque innovation. Poehere était tellement fière de sa petite popularité qu'elle n'oserait jamais faire ce que Tom Shülls faisait: il inventait. Il réfléchissait, il créait, même sans savoir si cela allait plaire ou non. Parfois, ça lui arrivait, ses publications n'avaient pas grand succès. Comme les régimes sans sel qu'il postait il y a un moment. C'était un contenu moyen-bof, qui n'intéressait qu'une poignée de gens. Et puis parfois, ce garçon avait des idées de génies, et entrait dans une toute autre catégorie: le créateur de tendance. L'âme même du moderne, du nouveau, du frais.

Poehere était très loin de lui arriver à la cheville. Mais ce n'était pas son but. Elle, ce qu'elle voulait, c'était gagner un maximum de popularité avant tout. Qu'on la reconnaisse dans la rue, qu'elle soit célèbre. Et surfer sur les tendances était un excellent moyen de s'ouvrir à une plus grande visibilité.
Les deux top modèle hyper canon en visite dans un couvent, ça ne pouvait que marcher. Enfin, si l'on en croit les retours très positifs des dernières publications de Tom Shülls devant une chapelle.

La jeune fille était ravie, et le chemin pour arriver à Célestia lui parut durer une éternité. Alors que son amie blonde s'était assoupie, Poehere regardait le paysage défiler à travers la fenêtre du bus.
Après avoir quitté le centre ville, la navette avait traversé la campagne. Elle avait admiré les maisons en pierres et les champs de blé, tout en appréciant regarder les élevages de moumoutons se déplacer en groupe. Une fois la campagne acheminée, le bus entama la dernière partie de son voyage: les routes de montagne.
Le paysage devint soudainement plus sombre, marqué de roche rouge ou noire, et peu de végétation. Poehere, en bonne îlienne qu'elle était, reconnût immédiatement la marque d'un volcan. Un volcan qui s'était éteint il y a longtemps, mais qui était très puissant au vu de sa taille.

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Le bus roulait sur de la route remplie de gravier, et une grande secousse réveilla Olele.

- On est arrivées ? S'écria-elle comme si elle ne s'était jamais endormie.
- Bientôt je crois...

Une vieille dame assise non loin d'elle hocha la tête, comme pour confirmer ce que Poehere venait de dire.

- Oui, dit la mamie, on arrive dans une dizaine de minutes.

Olele sourit.

- Merci madame.

Le temps passa à une vitesse folle. Les deux copines avaient le nez collé à la fenêtre, émerveillée par le paysage qui s'offrait à elles. De grandes chaînes de montagnes noires recouverte d'arbres au vert éclatant. Une atmosphère à la fois lugubre et apaisante, comme si les deux filles venaient de pénétrer dans le territoire des lutins, et qu'à tout moment une licorne allait leur barrer la route.
La vieille avait raison: quelques minutes plus tard, un panneau indiqua qu'ils venaient d'arriver à Célestia. En sortant du bus, les deux amies furent saisie par le froid. Elles étaient à la montagne, elles auraient dû s'y attendre.

Les passagers prirent leurs affaires dans le coffre du bus, aidés par le chauffeur. Poehere en profita pour faire quelques photos du paysage, et du village qu'elle pouvait apercevoir.
C'était un endroit très mignon. Petit, mais charmant. Les maisons étaient pour la plupart en bois, avec le toit en ardoise pour faciliter le retrait de la neige. De la fumée s'échappait de certaines cheminées.
Sans trop savoir pourquoi, la jeune influenceuse se sentit apaisée. Comme si Célestia avait le pouvoir d'enlever les maux des têtes perturbées.

- C'est bon, j'ai nos valises ! S'écria Olele qui s'approchait d'elle. Wow ! C'est trop joli ! Il faut que j'envoie une photo à mes parents !
- J'avoue, je m'attendais pas à ce que ça soit si beau. On dirait une carte postale.
- C'est joli, hein ? Dit une voix inconnue derrière leur dos.

Les deux amies se tournèrent. C'était la petite vieille du bus. Elle avait les cheveux gris, et ne devait pas mesurer plus d'un mètre cinquante.

- Vous venez pour le festival, n'est-ce pas ? Demanda-t-elle. C'est chic que des jeunes comme vous visitiez notre village. Ça met un peu de gaité dans nos montagnes !
- Oui, et justement, on cherche l'église... Enfin, le couvent... On loge là bas.

La mamie sourit, et Poehere grimaça en voyant qu'il ne lui restait pas beaucoup de dent.

- Quelle bonne idée ! Les sœurs seront ravies de vous recevoir. C'est par là bas, suivez moi.

Les deux amies laissèrent passer la vieille devant, contente d'avoir trouvé un guide pour les amener jusqu'à leur logement. Elles se rendirent compte quelques instant plus tard, qu'avoir une personne âgée pour montrer le chemin n'était pas la solution la plus rapide qu'elles aient trouvés...

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