Contexte:

Le rideau s’ouvre sur une grande scène sur laquelle est installé un décor représentant des murs en pierres de taille blanches. Les fenêtres semblent données sur un faux ciel bleu peint sur la planche servant de mur où les pierres sont dessinées. Au centre de la scène, la base d’un imposant escalier en colimaçon prend une grande partie de la scène. La particularité de cette escalier ouvert, est qu’il semble posséder deux entrées. De-ci, de-là, de faux buissons en carton font office de végétation. Pour les spectateurs ayant visité le château de combat de Kalos, ça leur rappelle des souvenir.
Caroline entre en scène, grimée en son alter égo des concours de coordination, la brune aux yeux noirs, Charline Galls. Pour cette édition, elle est accompagnée d’un Roublenard et d’une Delcatty.

Caroline : Alola Malié ! Vous allez bien ?

Question purement rhétorique à laquelle personne ne répond jamais non mais qui a le mérite de chauffer le publique, ou tout du moins d’en prendre la température.

Caroline : Vous êtes chauds ce soir ? C’est normal nous sommes à Alola.

Laissant au public le temps de rire après chacun de ses jeux de mots, Caroline donne le ton. Cette prestation n’a pas pour but d’émouvoir mais bel et bien de faire rire.

Caroline : Lorsque les organisateurs m’ont annoncé que le thème de la soirée serait les escaliers, j’ai répondu « ça marche ! ».

Pendant que Caroline occupe le public, Delcatty et Roublenard, les véritables stars du show se mettent en place. Roublenard fait le tour de l’escalier centrale par la droite pour disparaitre derrière et réapparaitre à gauche où il s’assoit. Delcatty de son côté monte en haut des marches du colimaçon. Les ouvertures de la rampe laissent deviner le trajet du Pokémon jusqu’à la dernière marche de l’ouvrage. Pendant le temps de la montée des marches, Caroline meuble faussement car l’intégralité de son texte est prévue à l’avance. Les spectateurs les plus avertis auront compris que bien que cette introduction volontairement brouyone n’est due ni à l’improvisation, ni au hasard. Pour preuve, les deux Pokémon s‘installent chacun à leur place au même moment. Le rythme de chacun de leurs pas a été calibré lors de la répétition afin que le laïus de Caroline s’achève à l’instant où les Pokémon sont prêt.

Caroline : Alors vous m’excuserez d’avance, mais cette pièce n’a à la base pas été écrite pour des Pokémon mais pour des humains. Alors pour palier à ce problème je doublerai le texte des deux personnages de la pièce. Tiens, ils sont justement prêts, ça tombe bien. Alors voici sans plus attendre, Rouméo et Juliatty.

Le noir se fait dans la salle, seul une poursuite éclaire Caroline dans le coin de la scène avec son micro dans une main et son script, un paquet de feuilles mal alignées dans l’autre.

Une nouvelle lumière s’allume sur Rouméo le Roublenard qui se cache derrière un des buissons, à l’abris des regards indiscrets de qui qu’onques pourraient le voir. Une troisième poursuite s’allume en haut de la tour, les spectateurs découvrent Juliatty la Delcatty qui prend l’air en regardant les étoiles.

Juliatty : Que c’est triste. Pourquoi, pourquoi es-tu un Roublenar Rouméo ?

Rouméo en aparté avec le public pour que Juliatty ne l’entende pas.

Rouméo : C’est à moi qu’elle parle ?

Juliatty : Ha si seulement tu étais un Pokémon du type normal comme un Persian ou un Couafarel. Mais tu es Rouméo.

Rouméo sort de ses buissons et interpelle Juliatty.

Rouméo : Oh Juliatty, je suis là et j’entend ton secret. Je suis tout aussi perturbé que toi. Si ton ramage se rapporte à ton plumage…

Caroline tourne une page de son script.

Caroline : Excusez-moi, je me suis trompé de papier. On reprend.

Juliatty : Qui est là ?

Rouméo : Si je te le dis, tu me chasseras.

Juliatty : Je reconnais ta voix, tu es Rouméo le Roublenard.

Rouméo : Je ne suis pour toi qu’un Roublenard semblable à cent mille Roublenard, mais si tu m’apprivoises, je serai unique au monde…

Caroline secoue encore ses feuilles.

Caroline : Excusez-moi, mon texte à du se mélanger avec d’autre dans la photocopieuse.

Elle se tourne vers ses Pokémon et fait un signe de moulinet avec les mains pour les encourager à continuer le temps qu’elle retrouve le bon texte.

Rouméo, sans sa voix, se met à emettre un ABOIEMENT vers Juliatty pour tenter de lui exprimer ses sentiments.

En réponse, Juliatty chante de sa VOIX ENJOLEUSE.

Caroline : Bon il me manque des feuilles mais ce n’est pas grave, on reprend.

Rouméo : Je sais, mais je ne peux partir ainsi, je monte.

Juliatty : Non ne monte pas mon aimé, c’est moi qui descends.

Les deux amoureux se lance dans l’escalier, l’un pour monter et l’autre pour descendre. Sans s’être croisé, voilà que les deux Pokémon ont échangé de place. Juliatty se retrouve en bas et Rouméo se retrouve en haut.

Juliatty : Mais comment cela est-il possible ? Ne bouge pas, je remonte.

Rouméo : Ne te fatigue pas ma Juliatty, je redescend.

Chacun reprenant l’escalier dans le sens inverse, ils se retrouvent dans leur position initiale.

Rouméo : Mais comment cela est-il possible ?

Juliatty : C’est peut-être le destin qui nous envoie un message, nous devrions en tirer une leçon.

Rouméo : Cette leçon vaut bien un fromage sans doute…

Caroline jette son scripte dans les airs. Et le rideau se ferme sur la scène de Malié. Quelques secondes plus tard, il se rouvre sur les trois protagonistes au centre de la scène pour saluer le public.

Caroline : Merci ! Merci Malié.

Coulisse:

Le rideau s’ouvre pour donner le départ à cette nouvelle prestation, laissant le public découvrir le décor qui servira de lieu à cette histoire. La scène se trouve en grande partie dans l’obscurité, on devine des rochers dans le fond – fait en papier mâché et peints – avec des vestiges d’une ancienne civilisation, en grande partie brisés. Des morceaux de colonnes, à l’origine surement d’un blanc immaculé, jonchaient le sol. Jaunâtres, poussiéreuses, il est difficile d’estimer depuis combien de temps elles se trouvent ici, dans cette grotte mystérieuse. Le sol, lui, est fait de fausses dalles qui recouvrent le plancher habituel de la scène. Des touffes d’herbes poussent entre les jointures de certaines d’entre elles.
Mais l’élément le plus flagrant, c’est cette unique colonne encore debout, au centre, taillée dans un gros bloc de polystyrène dans un style dorique. Cette dernière est loin d’être parfaite, elle semble également avoir souffert des affres du temps, sa surface n’étant pas lisse, comme si de petits morceaux avaient fini par tomber ou s’éroder. Sa place centrale n’est pas la seule chose qui la mettait en valeur, elle se trouve pile dans un puits de lumière, qui donne l’impression que c’est le seul chemin vers l’extérieur. La végétation semblait en profiter d’ailleurs, car de fausses lianes tombent du plafond et la base de la colonne est recouverte de mousse. Peut-être que c’est grâce à la nature qu’elle est encore fièrement dressée ? En tout cas sur un cercle imparfait d’un bon mètre carré, la mousse semble avoir trouvé l’endroit propice pour se développer, formant une couche moelleuse de quelques centimètres d’épaisseur. En réalité, cette fausse flore créée à l’aide d’une base de pelouse artificielle, de mousse végétale factice et de petites fleurs jaunes en plastique, cache un épais tapis qui allait avoir toute son utilité dans quelques instants.

La zone est vide de toute présence, seul le fond sonore de la grotte permet de savoir que le temps s’écoule. Tel un murmure, on entend quelques chants d’oiseaux et les gouttes d’eau qui tombent sur le sol de la crypte, résonnant dans toute la salle et donnant l’impression au public d’être dans l’antre elle-même. Cela peut presque être sympathique et apaisant, si l’endroit ne semblait pas être aussi vide et mystérieux. Heureusement, au bout de quelques instants, on remarque des voix dans la bande-son, des rires, des murmures, des voix fluettes qui laissent penser que ce sont des enfants. Au fur et à mesure qu’ils se rapprochent, leurs paroles semblent plus faciles à deviner. L’un d’entre eux semble être poussé pour un défi et ce dernier n’a pas l’air serein. On entend les pas qui se rapprochent, le son est volontairement émis par le haut pour donner l’impression que la scène se passe hors de la grotte, à la surface. Le puits de lumière est un peu moins vif, comme si plusieurs personnes étaient autour de l’entrée.

- Je ne vois pas en quoi ça à l’air marrant d’être ici, si les adultes nous voient jouer au bord du trou, ils vont nous engueuler…

Immédiatement, les autres voix se font moqueuses et des rires fusent. On peut voir avec le jeu d’ombres que certains s’amusent à sauter par-dessus l’ouverture. Le moins téméraire d’entre eux se voit encouragé par ses camarades. On l’entend reculer, puis accélérer le rythme pour avoir de la marge, mais on prévoit qu’il trébuche et le doute n’est pas permis quand on voit un petit pokémon tomber du plafond. Les voix pré-enregistrées émettent des onomatopées de surprises, qui sont possiblement reprises par certaines personnes dans le public. Dans sa chute – qui a été répétée pour éviter tout accident non contrôlé – le Riolu tente de rattraper la colonne. Il y arrive en partie, s’accrochant sur la partie supérieure, mais après quelques instants de lutte pour remonter, il lâche et tombe sur le tapis de végétation. Il reste allongé, jouant le choc, mais la protection sur le sol a rempli sa tâche.
Les autres voix sont confuses, inquiètes. Elles lui disent de ne pas bouger et qu’ils vont revenir avec de l’aide. Il grogne se redresse et tend une patte vers la lumière.

- N…Non ! Attendez ! Ne me laissez pas ici tout seul !

Mais les voix sont déjà reparties, on entend la précipitation des pas, signe qu’ils se sont mis à courir. Le louveteau se redresse, fait quelques mouvements avec ses pattes pour voir si tout va bien, il grimace pour montrer que c’est un peu douloureux mais c’est supportable. Immédiatement, il tente d’escalader la colonne, mais il n’a pas assez de force et ses bras sont trop petits. Il glisse contre cette dernière et retombe sur le tapis de mousse. On le voit essayer régulièrement, désespérer, regarder vers le haut en souhaitant voir apparaitre l’un de ses camarades. En vain. Il décide donc de faire le tour de la caverne, peut-être pour trouver un autre passage afin de remonter à la surface. En fond, le bruit de l’eau s’écrasant au sol se fait plus rapide, pour marquer le passage du temps. Le petit Riolu désespère de plus en plus, alors qu’il remarque que ses soi-disant amis ne reviennent toujours pas.

La zone vive et chaleureuse du puits de lumière laisse peu à peu place à un éclairage plus doux et clair, signe que la nuit est en train de tomber. Le lupin revient pour se poser contre la colonne, tenant sa tête entre ses pattes, émettant quelques sanglots. Il finit par hurler à la mort, un chant à la fois mélodieux et teinté par son désarroi. Comment ses amis avaient-ils pu le laisser seul ici ? Pourquoi aucun adulte ne venait pour le tirer de là ?

- Ils m’ont tous abandonnés…

Le silence revient un instant dans la grotte, avant qu’un hululement se fasse entendre, côté public. Le pokémon réédite son cri et celui-ci se répercute dans la salle, tel un écho. Le lupin se redresse, regardant autour de lui, prêt à se défendre et un rire lui répond.

- Non seulement tu viens chez moi sans frapper et en plus tu m’attaquerais ? Il semblerait que j’ai un invité bien impoli.

De l’un des fameux poulaillers disponibles pour le public, l'une des plus hautes partie du balcon, un Hoothoot fait son apparition, survolant les curieux qui sont venus pour observer ce concours de coordination avant de se mettre sur le dessus de la colonne. Un geste qui visiblement fait désespérer de plus belle le Riolu.

- Je… Je suis désolé. Je suis tombée et je n’arrive pas à remonter. Est-ce que par hasard, ça serait trop vous demandez de m’aider ?

Le hibou l’observe de son perchoir, tournant la tête dans tous les sens, sautillant sur sa patte visible avant d’émettre un soupir, gonflant volontairement ses plumes pour que ce soit bien visible.

- J’ai bien peur que tu sois un peu trop lourd pour moi, mon jeune ami. Mais je suis sûr que tu peux t’en sortir par toi-même. Il faut savoir sortir un peu les griffes quand la situation le demande !

Le Riolu semble bien perplexe face au conseil du volatile, il regarde ses pattes et essaye de le prendre au mot. À défaut de réussir à faire le tour de la colonne avec ses petites pattes, il pouvait peut-être planter ses griffes. Il saute après le pilier et se retrouve un peu dans la position d’un chat qui essaye de grimper aux rideaux. Autant dire que ce n’est pas glorieux, surtout qu’il se retrouve avec le même problème que lorsqu’il avait réalisé ses premiers essais : il glisse de nouveau et se retrouve sur la végétation. Le Hoothoot plane en tournant autour de la colonne avant de se poser au sol et tapote l’épaule du jeune loup pour le consoler.

- Il y a de l’idée. Ne désespère pas ! Je suis sûr que tu vas finir par y arriver.

Riolu se relève, hoche de la tête et il réessaye, pour le même résultat. Pendant ce temps, le Hoothoot retourne du côté du public et il se pose non loin d’une enfant. Il tourne la tête vers elle, émet un petit hululement et la voix pré-enregistrée reprend.

- Peut-être d’avec d’avantages d’encouragements…

Le silence s’installe, puis une voix s’élève du côté du public. Visiblement un autre enfant la prend en exemple, car il se met également à encourager le jeune pokémon. Peu à peu, tout le public se prend au jeu et donne de la voix pour le Riolu. Les encouragements s’élèvent dans la pièce, faisant redresser le loup qui hurle de nouveau, faisant briller ses griffes dans la pénombre. Ses dernières semblent plus longues qu’en temps normal et ça semble être plus facile pour les planter dans la colonne. Quand il s’élance et qu’il s’accroche, il patine un peu des pattes arrières, mais il ne retombe pas. Une patte après l’autre, il gagne peu à peu du terrain et il remonte péniblement. Par moment, il s’arrête, regarde vers le public et les enfants pris par le jeu l’encouragent davantage. Il reprend son ascension et péniblement, il atteint enfin son but. Une fois debout sur le pylône, la joie peut se lire sans mal sur son visage.

- J’ai réussi ! Merci, sans vous, je n’aurais clairement pas eu la détermination pour le faire !

Le Hoothoot secoue sa tête avant de s’envoler et de tourner autour de lui.

- Mais si, tu dois tout simplement avoir confiance en toi et en tes capacités. Aller rentre chez toi petit et bien que ce soit agréable d’avoir de temps en temps quelqu’un avec qui parler, j’espère quand même que tu ne retomberas pas par ici.

Le jeune loup lâche un petit rire puis il hoche la tête. Le rideau se referme lentement, alors qu’il saute pour attraper les lianes et qu’il grimpe en direction du plafond, par là où il est tombé.

1635 mots

Coulisse: