Cette fois j’ai attiré l’attention de l’Héricendre pour de bon, et de sa partenaire aussi. Ce n'était pas le but recherché. Je n’aime pas passer pour un Pokémon mal élevé, je suis en principe un Pokémon d’ornement. Mais il me semble que Caroline est en train de s’empêtrer dans une impasse. La femme aux cheveux d’argent n’est clairement pas un membre de l’organisation. C’est plutôt une guide touristique pour une clientèle huppée ou un truc du genre. Dans d’autres circonstances, j’aurai apprécié en apprendre plus sur elle et sur le Pokémon qui l’accompagne, mais nous devons vraiment retrouver la personne qui nous attendait. Non pas que je sois un grand fan de cette organisation, mais je crains que de manquer un de leurs rendez-vous ne joue pas en notre faveur. Ces gens sont prêts à tout, ce sont des fous, ils font des expériences scientifiques sur les Pokémon. J’en ai d’ailleurs un spécimen à côté de moi. Et si ils s’intéressent à des Pokémon d’une banalité affligeante tel que Mystherbe, que feront ils d’un Évoli au pedigree exceptionnel tel que moi ?
Mando m’a d’ailleurs apporté la confirmation que j’attendais. Cette femme aux cheveux d’argent la identifié comme chromatique sans sous-entendre quoi que ce soit sur ses origines.
Caroline : Ne vous inquiétez pas, Mando est inoffensif.
Caroline me jette un regard sombre et désapprobateur. Elle ne semble pas se douter qu’elle se trompe sur son interlocutrice. Et c’est encore moi qui passe pour la stupide créature alors que je suis le seul à avoir compris que tout cela n’est qu’un malentendu.
Caroline : Que-est ce qu’il te prend aujourd’hui ? Tu veux nous faire avoir des ennuis avec madame… Heu.. ? Madame heu… Comment-dois-je vous appeler ?
Les ennuis on les a déjà, je suis persuadé que l’agent de l’organisation avec qui nous avions réellement rendez-vous n’a rien loupé de la scène et tentera de nous recontacter ultérieurement. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il ne sanctionne pas Caroline pour se quiproquo en lui confisquant un Pokémon, surtout si c’est moi.
L’Hericendre me fulmine du regard. Je ne suis pas un Pokémon combattant, et Mando ne comprend rien à rien. Si elle se met à nous attaquer, on est cuits. Héhé même dans une situation comme celle-ci je me fais rire, on est cuits. Bref ! Pas de temps à perdre avec des jeux de mots que personne ne comprend, je me mets en posture de soumission. Couché sur le sol, les oreilles basses et la queue sous le ventre. Héricendre est clairement plus forte que moi et je préfère désamorcer le conflit avant qu’elle n’envisage une attaque. Mando reste immobile et regarde la partenaire d’Héricendre de son air niais habituel.
Encore un moment de conversation qui n'a plus rien à voir avec le plan original. Je suis là pour parler éthologie. Je suis là pour apprendre des meilleurs. Je suis tout simplement là pour trouver de l'inspiration, pour connaitre de nouveaux points de vue et tenter de les analyser pour moi-même par la suite parvenir à adopter des façons d'étudier les pokémons et les humains qui pourront être d'une aide précieuse pour les scientifiques, les rangers ou encore les éleveurs. Mais non, la bleue se content simplement de s'excuser en le nom de son Evoli, qui a visiblement d'autres intentions que de simplement me sauter dessus et me palper à des endroits relevant de l'intimité d'une femme en pleine fleur de l'âge. Ce que je trouve le plus rageant dans l'histoire, c'est le manque de…
- Que-est ce qu’il te prend aujourd’hui ? Tu veux nous faire avoir des ennuis avec madame… Heu.. ? Madame heu… Comment-dois-je vous appeler ?
Ah ? Heu ? Quoi maintenant ? Alors on en est là pour elle ? L'échange de prénom alors qu'on vient d'assister à un moment limite désobligeant pour ma personne, et elle se content de me demander comment je m'appelle ? Alors, je suis patiente, je suis sympathique au premier abord, je suis tolérante jusqu'à un certain point ; je suis encore bien d'autres de qualificatifs mélioratifs, mais je peux être également une longue liste d'éléments de caractères péjoratifs, et ce, qui sont des dérivés naturels de mes expériences humaines et sociales du passé, surtout au contact de mon frangin. Je suis assez cinglante dans la répartie quand je sens qu'on tente de me tourner en ridicule ou qu'on essaie de me prendre de haut. Je suis plutôt farouche contre les injustices et autres manquements à la morale collective, et encore plus quand les propos injurieux ou les actes indécents sont dirigées contre ma personne. Je peux également être une vraie vipère lorsqu'il s'agit de défendre quelqu'un que j'apprécie réellement d'une personne sournoise et fourbe, prête à tout pour prendre l'ascendant sur son sujet, tel un pervers narcissique devant son miroir tous les matin s'auto-convainquant qu'il est le plus beau, le plus intelligent, le plus merveilleux que cette planète ait porté.
Mais voilà. La bleue n'a rien d'une mauvaise personne. Sa naïveté peut même faire penser à une simplicité presque hors norme. Elle parait dépassée par le comportement de son pokémon d'ornement, et ne sait pas vraiment comment demande réparation direct à son compagnon sans se confondre en excuse envers moi au passage. Qu'à cela ne tienne, je vais accepter sa question et lui faire gré d'une réponse courte et efficace, en espérant que cela débloque la situation.
- Il est vrai que ce n'est pas très poli de ma part de vous avoir alpaguer sans avoir décliné mon identité. Je m'appelle Ajora, Ajora Caldwell. Diplomée de sciences comportementales et sociologiques, apprenti-chercheuse et aspirante éthologue.terminé-je.Et vous, vous êtes ?
Avec ça, il y a de quoi lever le quiproquo s'il y en avait bel et bien un. Si tel est le cas, alors je ravalerai ma fierté, mangerait spirituellement ma honte et ma confusion d'avoir tenter de trainer une citoyenne lambda dans une conversation sans substance logique sur un sujet qui lui échappait. Si en revanche je m'aperçois que j'ai bon depuis le départ, et que madame la joue tête de linotte borderline candide et naïve, alors j'aurai un sacré nombre de questions à lui poser. Car en tant que scientifique avertie, se laisser déborder par ses compagnons pokémons au beau milieu d'un échange intellectuel et propice à des apprentissages cognitifs et méthodologiques, ce n'est définitivement pas l'image que je veux d'une éthologue de renom, et me hâterai de gravir les échelons de la profession pour faire valoir mon point de vue sur les procédures de rencontres et d'échanges entre deux confrères et/ou consœurs.
Non, vraiment. Tout ce que j'espère, c'est de m'être trompée, d'en rire une bonne fois pour toute, et de recanaliser l'échange sur quelques thèmes plus communs, plus relaxants, et moins abrutissant en termes de potentiel neuro neuronique.
La tension semble redescendre, plus personne n’a l’air de faire attention à moi. Les humaines ont l’air d’échanger des banalités d’humain du style « comment tu t’appelles ? » ou « tu fais quoi dans la vie ? ». Les humains aiment ce genre d’échange qui leurs permet de mettre une étiquette sur tout et de ranger la totalité de la création dans des milliard de cases. Je me fais souvent la réflexion que parfois je suis comme eux. J’ai été élevé par une humaine depuis ma naissance, lorsqu’elle est morte et que j’ai dut vivre tout seul je me suis rendu compte que mon comportement et ma façon de penser n’était pas le norme parmi les autres Pokémon. Pendant les années où j’ai vécu seul dans la tour cendrée, j’ai dû réapprendre le comportement d’un Pokémon libre, ce que les humains appellent un Pokémon sauvage.
La femme aux cheveux d’argent dit s’appelait Ajora Caldwell. Elle étudie les comportements et les interactions sociales si je comprends bien. Si j’avais été humain, j’aurais sans doute une occupation similaire, j’adore observer et apprendre. En particulier les humains qui ont un comportement à la fois logique et incohérent.
Caroline : Je suis Caroline. Caroline Mistouflet. Je viens de Kalos mais je parcours le monde de ci de là au grès des missions que l’on me confie.
Caroline regarde autours de nous si quelqu’un pourrait entendre ce qu’elle dit avant de reprendre sa présentation.
Caroline : Je vais être franche avec vous, je ne suis pas sûre que vous soyez la personne avec qui j’avais rendez-vous. Je ne sais pas trop quoi penser.
Ça, je ne peux qu’être d’accord avec Caroline. Cette Ajora n’a rien d’une mercenaire trafiquante de drogue ou je ne sais quoi. Cela dit cela ferait une bonne couverture. Il existe de sources sures des scientifiques et des chercheurs au sein de l’organisation qui emploie Caroline. Ses parents en étaient justement avant de disparaitre.
Caroline : C’est la première fois que je rencontre une spécialiste comportementale et éthologiste. Je ne suis même pas certaine de savoir en quoi consiste votre travail. Vous êtes un genre d’éducatrice ou quelque chose comme ça ?
Pendant ce temps de discussion, je me relève et m’approche un peu plus de l’Héricendre en position de soumission pour ne pas qu’elle se sente agressée. Mando quant à lui reste planté là à fixer la belle Ajora de son air curieux. Peut-être a-t-il compris qu’elle travaillait dans le milieu scientifique et que cela réveille en lui des souvenir de son passé, voir des traumatismes.
- Je suis Caroline. Caroline Mistouflet. Je viens de Kalos mais je parcours le monde de ci de là au grès des missions que l’on me confie.
Soit elle vient d'en dire déjà trop, soit elle n'en dit pas assez. Elle aurait pu s'arrêter dans sa phrase au moment où elle dit qu'elle vient de Kalos, mais visiblement, elle préfère rajouter cette information intrigante de missions qu'elle suit avec ses compagnons selon ce qui lui est indiqué. Des missions de quoi ? Des missions à quel endroit ? Des missions données par qui ? Des missions provenant de quelle communauté ? Et pourquoi les confier à elle ? Suis-je en la présence d'une personnalité connue du monde des pokémons et je ne la reconnais pas ? Et pourquoi ce besoin de parcourir le monde et pas seulement la région de Kalos ? Est-elle ambassadrice d'un mouvement qui incombe de devoir parcourir différentes terres et différents paysages pour promouvoir un message quelconque ? Quel type de message ? Décidément, trop de questions dans ma tête pour une réponse aussi rapide et banale que celle de cette Caroline. Si tant est que c'est bien son identité, et qu'elle ne tente pas de se jouer de ma honnêteté inconditionnelle.
- Je vais être franche avec vous, je ne suis pas sûre que vous soyez la personne avec qui j’avais rendez-vous. Je ne sais pas trop quoi penser.
Cela confirme donc mes soupçons que son identité n'est peut-être pas la vraie. Si elle l'est, alors j'ai de sérieux doutes qui commencent à poindre dans mon subconscient. Quelle partie de ma position assise sur le banc tout à l'heure lui a fait pensé que j'attendais un possible rendez-vous ? N'a-t-elle aucune idée de l'apparence de l'individu qu'elle doit rencontrer ? Mais alors quel genre d'individu tente de se fondre dans un paysage aussi simple et aussi aléatoire que le quai fluvial d'Oliville ? Ce qui me titille le plus l'esprit, c'est de savoir pourquoi elle a senti en moi une potentielle correspondance avec son fameux rendez-vous. Ai-je l'air d'une femme qui cache son jeu au point de faire penser à un rendez-vous incognito ? Et puis quel type de rendez-vous ? Qu'attendait cette Caroline de ce rendez-vous ? Une mission ? Un objectif ? Un rapport de situation ? Pourtant, je n'ai rien d'une espionne, que ce soit industrielle ou militaire… je n'ai pas non plus l'air d'une infiltrée pour une organisation locale… je n'ai définitivement pas l'air assez renfrognée ou méfiant pour laisser planer un doute sur le motif de ma présence sur ce banc… Que cherche-t-elle donc ? Quelque chose m'échappe, et me prolonge dans un état de mutisme ponctuel.
- C’est la première fois que je rencontre une spécialiste comportementale et éthologiste. Je ne suis même pas certaine de savoir en quoi consiste votre travail. Vous êtes un genre d’éducatrice ou quelque chose comme ça ?
Elle ne connait ni le concept d'éthologie ni le concept d'étude du comportement ? Mais d'où débarque-t-elle ? N'enseigne-t-on rien à Kalos d'intéressant aussi des sciences comportementales ? De la sociologie de communauté ? Des prédispositions psychologiques d'individus humains ou pokémons ? N'y a-t-il donc aucune référence scientifique mentionnée là-bas, au point de rendre sa communauté étudiante et son conglomérat civil ignorant de cette composante professionnelle ? Je suis perdue dans mes réflexions. Je ne sais plus comment aborder cette conversation tant le cadre et le sujet me paraissent trop absurdes pour penser de façon logique et pondérée.
- 'riiicendre ? Rii !
C'est Chantico qui vient me tirer de cet état de perdition mentale passagère. Ma partenaire semble inquiète de me voir aussi dubitative face à mon interlocutrice. Mais quand je la fixe du regard, le sien semble se diriger de nouveau vers l'Evoli fauteur de trouble. Je sens qu'elle s'en méfie, et qu'elle est prête à faire flamber l'atmosphère si jamais il vient à tenter quelque chose. Ce dernier est maintenant en position de soumission, comme s'il essayait de se racheter auprès de Chantico. Peine perdue, car l'Héricendre d'âge mûr ne se laisse pas amadouer. Elle reste sur le qui-vive, commence à faire grimper d'un petit peu la température de ses orifices dorsaux, signe d'une extrême prudence de sa part, prête à réagir à la moindre bavure opérée soit par ce petit être beige, soit la par le Mystherbe chromatique d'un blanc presque surnaturel, et qui semble tout à fait ahuri et à mille lieues de comprendre toute l'incongruité de la situation.
- Disons plutôt que je suis une chercheuse de terrain. J'observe les pokémons, entre eux, seuls ou au contact de l'humain. Je fais de même dans l'autre sens d'ailleurs, de l'humain vers le pokémon.rajouté-je.Je répertorie les différentes attitudes, les réflexes, les postures physiques et tout détail pertinent me permettant de dégager un profil psychologique. Comme une sorte d'expert en profilage.admets-je.J'essaie également de mettre en lien les écosystèmes et les effets de chaque communauté sur la nature. Mais je n'en suis pas encore à un niveau d'expertise suffisant, d'où mon voyage vers Irisia pour partir à la rencontre des spécialistes du Parc Safari, et suivre une formation en accélérée sur le métier d'éthologue.
J'arrête volontairement mon explication ici, pour tenter de laisser un peu de temps à mon interlocutrice pour digérer les informations, en admettant qu'elle les comprenne tout de suite. Au même moment, je note que le pokémon plante à la particularité génétique saisissante se prend d'intérêt par ma présence. Ce pokémon répondant au nom de Mando semble avoir vu quelque chose en moi qui l'interpelle. Mon physique ? Ma voix ? Ma tenue vestimentaire ? Ou peut-être a-t-il perçu et reconnu quelques-uns de mes mots au sujet des sciences et du futur métier que j'aspire à officier ? Je n'ai pas encore assez de matière pour totalement analyser cette créature ; mais je sens que son compagnon Evoli lui lance quelques regards inquisiteurs et insistants, un peu comme s'il tentait de contrôler à distance les faits et gestes de son acolyte plante. Auraient-ils quelque chose à cacher ces deux-là ?
Malgré ses grands airs, Madame l’Hericendre ne doit pas avoir les codes de communication de base entre Pokémon. Elle est peut-être plus vielle qu’il n’y parait et doit commencer à montrer des signes de sénilité. En principe lorsqu’un Pokémon se met en position de soumission, cela doit apaiser les tensions, mais ma démarche semble avoir l’effet inverse au vu de ce qu’il se passe sur son dos. Vu la profession de l’humaine qui l’accompagne, on pourrait penser qu’elle a l’habitude des interactions entre Pokémon et doit savoir qu’il est inutile de faire preuve d’agressivité envers un interlocuteur qui se soumet. Il semble en plus très clair qu’elle a gagné la bagarre sans qu’elle n’ait lieux et qu’un pugila ne serait bénéfique pour personne. L’air au-dessus de son dos est brouillé par la chaleur qui s’en dégage. Elle est prête, si elle passe à l’attaque je risque de sentir le Gruikui, et je pourrais faire une croix sur les concours de beauté pendant un moment. Je ne peux en plus pas compter sur Mando pour m’accompagner dans ce conflit. Le désavantage de type joue en sa défaveur.
Mando n’a d’ailleurs même pas remarqué le Pokémon chaud comme la braise qui tente de nous intimider. Il est de plus en plus intrigué par la dame Ajora qui continue d’étaler son curriculum comme si Caroline aller lui faire passer un entretien d’embauche. Caroline est loin d’être stupide. Même si l’étude des Pokémon ne fait pas partie de ses grandes passions, elle apprécie toujours d’obtenir des informations sur les gens qu’elle rencontre. Cet échange est un premier contact, bien qu’incongru, avec une future professionnelle de l’éthologie. Si d’aventure elle doit infiltrer ce milieu pour une mission ou pour une autre, il est toujours bon d’avoir quelqu’un dans la place. Et la femme aux cheveux d’argent, bien qu’un peu hautaine et condescendante, ne lui est pas désagréable, au contraire.
Caroline : Vous avez un éventail de connaissance impressionnant. Je me trouve un peu gourde à coté de vous. Je n’ai pas fait de grandes études et je ne poursuis pas des objectifs professionnels à long terme. Je me suis toujours contenté de suivre la vie la où le vent me porte. Je vous envie.
La sincérité de Caroline me touche. Elle n’ose pas parler de la disparition de ses parents ni de ses activités répréhensibles. Elle s’assoie plus profondément sur le banc et s’appuie sur le dossier en regardant l’horizon d'un air mélancolique en ajoutant:
Caroline : Si vous êtes originaire d'Irisia, vous allez surement revoir votre famille. Je crois comprendre que vous êtes une acharnée de boulot, mais ne négligez pas le temps passé avec vos proches. Ça fait un peu phrase de vieux cons, mais on ne se rend compte que trop tard que les vieux cons ont parfois raison.
- Vous avez un éventail de connaissance impressionnant. Je me trouve un peu gourde à coté de vous. Je n’ai pas fait de grandes études et je ne poursuis pas des objectifs professionnels à long terme. Je me suis toujours contenté de suivre la vie la où le vent me porte. Je vous envie.
Sa réponse a le mérite d'être honnête et sincère, elle ne se prend pas la tête, va là où le bon vent l'emporte, et elle n'a de compte à rendre à personne. C'est intelligent. A la fois elle affiche une certaine indépendance vis-à-vis des conventions sociales, mais aussi de l'expectative du monde en général. Elle affiche une sorte de contre-courantisme qui semble lui sied à merveille, et si en plus de ça elle peut se permettre de prendre du bon temps avec ses compagnons, alors pourquoi pas, après tout. Et puis elle a raison, Irisia est un chouette endroit où s'arrêter, et stopper le temps pour profiter du moment présent.
- Si vous êtes originaire d'Irisia, vous allez surement revoir votre famille. Je crois comprendre que vous êtes une acharnée de boulot, mais ne négligez pas le temps passé avec vos proches. Ça fait un peu phrase de vieux cons, mais on ne se rend compte que trop tard que les vieux cons ont parfois raison. - Vous pouvez me tutoyer si vous le souhaitez. Je pense qu'on a dépassé le stade des convenances, non ? Dans le doute, je vais répondre quand même. Effectivement, je vais rentrer voir ma famille.avoué-je.Ça fait un moment que je ne les ai pas vus, et ils me manquent un peu. Mon envie de faire de l'exploration est grande, mais le besoin de revoir les miens l'est tout aussi.confie-je.Il n'y a que mon grand frère que je ne pourrai pas voir, enfin je crois, vu son nouveau boulot…annoncé-je l'air un peu tristounet.
Puis comme un fait exprès, je détourne mon regard du côté de ma Chantico adorée, et m'aperçoit que cette dernière laisse s'embraser quelques flammes sur son dos, face à un Evoli en position de soumission animale. Etrange quand on y pense. En temps normal, mon Héricendre n'est pas à proprement parler une sauvage, elle est un peu rustre, elle a son petit caractère, et ce, depuis notre toute première rencontre à Bourg Geon. Mais jamais elle n'osait sortir ses flammes dans une situation comme celle-ci, où rien de dangereux ni de foncièrement mauvais se passait.
Je remarque aussi sur ces entrefaites que le compagnon de la bleue regarde encore une fois le Mystherbe chromatique du coin de l’œil, comme s'il y avait réellement quelque chose qui se tramait. Je ne peux m'en empêcher, j'ai besoin de savoir, surtout si cela peut aider à désamorcer la situation avec Chantico. Et sans réellement prêter attention à si la jeune femme était en train de me répondre, je rebondis sur mon observation.
- Dites. C'est moi où votre compagnon semble affreusement soucieux de ce que Mando, votre Mystherbe, pourrait bien faire en venant à mon contact ?fais-je remarquer à la bleue.Y aurait-il quelque chose que vous ne me dites pas et que je devrais savoir ?
La femme aux cheveux d’argent rentrera bien chez elle. Même si son envie d’explorer le monde la pousse à parcourir la région, sa famille lui manque. Peut-être n’est elle tout simplement pas prête à couper le cordon, à voler de ses propres ailes. Je suis bien placé pour savoir qu’on ne quitte pas le confort de son foyer natal sans y être poussé par un quelconque moyen. Caroline le sait aussi, elle a dû quitter Illumis dans la précipitation et n’a depuis son arrivé à Johto par encore posé ses valises. Un jour, qui sait, nous vivrons elle est moi dans un loft de Doublonville, Fantômette sera là aussi. Mando aura sans doute évoluer en Rafflésia d’ici là. En espérant que ça lui mette du plomb dans la tête. Pour l’instant, il est toujours là, à observer Ajora avec son air ahuri. Si elle est aussi successible que son Héricendre, elle ne va pas tarder à poser des questions à son sujet.
Caroline : Votre,… Je veux dire, ton frère ne sera pas présent ? Il fait quoi comme boulot ?
Les humains aiment prêter attention à ce genre de détails. Ils organisent ainsi une hiérarchie mentale entre eux. Pour nous les Pokémon, c’est le stade d’évolution ou la sensibilité des types qui hiérarchisent les êtres entre eux. Pour les humains, pas plus de type que de stade dévolution. Il ne reste que l’âge et le niveau social pour se comparer à son prochain. Un medecin ou un avocat n’aura pas le droit au même respect qu’un ouvrier dans une usine de Pokéball. Connaitre le travail du frère de l’apprentie éthologue va permettre à Caroline de mieux cerner son interlocutrice et son niveau d’origine. C’est plus compliquer que de se renifler les phéromones comme le font les Pokémon, mais les humains sont des créatures étranges.
En parlant de créature étrange, ça y est Mando est au centre de l’attention. Ajora commence à poser des questions sur lui.
Caroline : Mando n’est pas avec moi depuis très longtemps, et je ne connais que peu de chose sur son passé. J’imagine qu’en tant que Pokémon Chromatique, il a vécu une histoire singulière, mais je ne pourrais pas vous, heu, t’en dire plus.
Parfait, Caroline est à l’aise et ment à la perfection. Inutile de raconter la vérité à une inconnue. Quoique la version racontée ne soit pas si loin de la vérité, si on occulte la partie test en laboratoire.
De mon côté, j’évite le regard d’Héricendre pour ne pas qu’elle se sente menacée. Je ne comprends toujours pas ce qui l’a mis dans un tel état. Mes intentions à son égard n’ont jamais été belliqueuses, bien au contraire. Je la trouve bien frigide pour un Pokémon du type feu.
- Votre… Je veux dire, ton frère ne sera pas présent ? Il fait quoi comme boulot ? - Aux dernières nouvelles, il vient de finir sa toute dernière saison au sein de son club de sport, et là, il a accepté un boulot de préparateur physique pour une toute nouvelle pension pokémon dans la région du Kantô.avoué-je.
Je n'ai aucun mal à partager des informations concernant ma famille, ou ne serait-ce que des éléments peu importants concernant mon entourage. Au contraire, toute occasion de pouvoir l'honorer en contant ses épisodes les plus marquants me servait d'exutoire pour faire moi-même le point sur l'endroit où moi-même je me trouve dans la vie. Là, il s'agissait de mon grand frère, celui que je considère comme un mentor, celui qui m'a appris la diligence et la fortitude mentale, tout comme l'endurance et l'abnégation physique. C'est de sa force et de sa sagesse acquises dans le labeur et la douleur que je tire ma propre combativité et ma capacité à mener mes explorations jusqu'au bout, et en des temps respectables. C'est grâce à lui que j'ai pris goût au dépassement de soi dans une discipline, pas forcément sportive, mais demandant une rigueur et une hygiène de vie certaine. C'est à lui que je dois cette flamme intérieure qui brûle d'envie de réaliser une myriade d'objectifs.
Alors que je venais de révéler la situation personnelle de mon frangin, celle qui se prénommait Caroline refait allusion au comportement de son Mytsherbe chromatique, Mando. Il ne serait apparemment pas un compagnon de longue date de la dresseuse et de son Evoli - toujours suspect aux yeux de ma jolie Chantico au demeurant - et qu'elle n'a aucune idée de ce qu'il a pu vivre de par le passé justifiant son attitude très curieuse envers ma personne. Mais le plus étrange, c'est cet espèce de raisonnement annexe de la part de Caroline, annonçant qu'elle ne serait pas en la capacité de m'en dire plus, comme si malgré tout, elle en savait assez. Un comportement mystérieux, ma foi. Mais que je respecte, après tout, tout le monde n'est pas aussi à l'aise avec le niveau d'information que l'on peut partager de sa vie.
- Je vois. En tous les cas, on a l'impression que quelque chose sur moi l'intrigue.insisté-je.Serait-ce possible que du pollen provenant du Bois aux Chênes l'ait interpelé ?
Je ne vois pas d'autres explications à ce comportement. C'est presque de la déformation pseudo-professionnelle, n'étant pas encore une éthologue pokémon reconnue, mais je me questionne tout naturellement là où les intrigues se posent. Comment un pokémon aussi docile mais énigmatique de sa condition chromatique peut s'enticher de la présence d'une autre personne que son propre maitre, ici en l’occurrence, cette jeune femme qui n'apparait pas comme dangereuse ou maligne. Secrète et taiseuse, à la grande limite. Mais rien de diabolique n'émanait de son attitude ni de ses tics de langage. En revanche, le seul autre point qui pouvait éventuellement me mettre sur la piste d'une réflexion, c'est ce rapport de supervision et de contrôle à distance de l'Evoli sur le Mystherbe. Une tendance à la soumission naturelle du plus fort sur le plus fragile ? Et quand une présence plus charismatique se trouve devant lui, les rôles s'inversent ? Le comportement de Chantico me laisse perplexe. Elle n'est pas, ou du moins elle n'est plus, caractérielle au point de se mettre intentionnellement un autre pokémon à dos.
- Je suis désolé d'insister avec ça, Caroline, mais j'ai l'impression que tu me caches quelque chose sur la relation entre ton Evoli et ton Mystherbe.appuie-je.Comme un besoin de contrôle de la part de ton partenaire envers ton nouvel acolyte. Quelque chose s'est passée entre ces deux-là qui justifierait cette méfiance permanente de sa part ?
Non pas que je cherche à la piéger avec des questions un peu trop osées. Mais le comportement de son compagnon - véritable figure de toute la complexité des sciences pokémons actuelles - m'alerte quelque peu. Comme une impression de « monitoring », une technique de surveillance au plus proche de sa cible, afin de lui corriger le moindre fait et geste en direct, et parvenir à un maintien des apparences à un niveau acceptable aux yeux de tous.
Mando continue d’attirer l’attention bien malgré lui. C’est quand même étonnant qu’il attire autant les regards alors qu’il a la vivacité d’un pot de fleur. Il se met dans un coin et observe, pas de quoi en faire une thèse. Cela dit, je suis curieux d’entendre les théories de la spécialiste de l’observation. La … comment déjà ? Ha oui, l’éthologue.
Comme souvent chez les humains, il va y avoir surinterprétation et point de vue anthropomorphe. Et ouais, moi aussi je connais des mots compliqués, mais pour les placer dans un contexte approprié ce n’est pas toujours évident. Les humains aiment les mots compliqués pour expliquer des évidences. Pour parler des Pokémon à plumes, ils disent aviaires, pour les Pokémon fermiers, ils disent ruminants, et pour qui peut savoir ce qu’ils veulent dire lorsqu’ils parlent de starter ? Enfin, je m’assois à coté de Mando pour faire rempart de mon corps en cas d’attaque de l’Hericendre, je ne pourrais rien faire d’autre, et j’écoute la conversation des deux femmes assisent sur le banc.
Ajora expose donc sa théorie, ce qui attirerait Mando chez elle serait des restants de pollen du bois aux Chênes. Peut-être, ça peut être ça comme autre chose. Habituellement je n’ai pas un mauvais flair, mais là je ne sens rien de particulier. Ce crétin n’est jamais sorti de son laboratoire depuis son éclosion, n’importe quoi l’intrigue. Il s’extasie même devant les cailloux. Alors une nouvelle humaine qui balance des thermes scientifiques ça lui rappelle la maison. Et si elle sent le pollen, je suppose que ça l’intrigue encore plus. Parce que du pollen en laboratoire, il n’a dû sentir que le sien.
Caroline ne sait pas trop quoi penser de tout ça. Elle se dit que de toute façon, sans nouvelle d’elle, son contact avait surement filler depuis longtemps. Alors autant profiter de cette charmante compagnie qui en plus connait et la région et les Pokémon. Ce qui est loin d’être les points fort de ma belle aux cheveux bleus. Elle se dit qu’après tout, cette éthologue en herbe pourrait lui fournir des informations sur l’évolution de Mando. Après tout, c’est la mission qui lui a été confié.
Caroline : Mando est très curieux, mais aussi très timide. Enfin, timide je ne sais pas, plutôt pensif. Je ne sais pas si les résidus du bois aux chênes que tu as rapporté l’intéresse ou si c’est autre chose. C’est toi la spécialiste. Moi je ne suis que… Je ne suis pas spécialiste en tout cas.
Caroline n’a pas vraiment de métier, et elle estime qu’il est inutile de s’étaler sur ce qu’elle fait en ce moment pour gagner sa vie. Surtout vu la légalité et la moralité de ses missions.
Caroline : D’ailleurs, toi qui t’y connais en Pokémon, tu ne crois pas qu’en évoluant il sortirait de sa torpeur naturelle ?
L’éthologue surveille de temps en temps son Pkémon feu qui est toujours menaçant puis demande à Caroline si mon comportement est normal envers Mando. Comme si c’était moi qui avais un problème.
Caroline : Oh tu sais, Évoli est très protecteur avec moi comme avec Mando. Il doit se prendre pour un grand frère ou un truc du genre. Il a pris Mando sous son aile dès le début.
Belle analyse, c’est vrai que lorsque j’était plus jeune, j’étais le plus jeune de la maisonnée, tout le monde était au petit soin pour moi. Lorsque j’ai quitté le dojo, je n’y connaissais rien au monde extérieur. Et j’i du apprendre seul. Je fais peut-être un transfert. Et voilà que je pense comme un humain, comme si c’était anormal d’éduquer les plus jeune.
Caroline : Ça m’a surpris car avec le précèdent Pokémon qui nous a rejoint, une Fantominus, Évoli est toujours très méfiant. Alors qu’elle de son coté est très affective avec lui.
Affective ? Tu parles ! Déjà, c’est un Pokémon spectre, et je n’aime pas ça. Et puis elle passe le plus clair de son temps à me faire des blagues morbides ou à essayer de me lécher la tronche. Tu m’étonnes que je sois méfiant.
Caroline: Et toi, à part Héricendre, il y a d'autres Pokémon qui t'accompagnent?
Caroline me répond que son Mystherbe chromatique de couleur blanche est un Pokémon assez timide dans l'ensemble, ou plutôt dirait-elle, pensif. Elle ne sait pas non plus me dire si de possibles effluves du Bois aux Chênes peuvent être les déclencheurs de sa soudaine curiosité envers moi. Et à ce moment-là, je me demande si le lien qui unit ces deux êtres est réel ou s'il n'est encore que factice du fait d'une rencontre encore toute fraiche. Je ne m'attarde alors pas trop sur le cas de ce pokémon plante qui a l'air tout à fait charmant, mais au demeurant mystique, assez pour que sa maitresse ne puisse pas en dire davantage sur lui. Qu'importe.
Puis elle enchaine sur le fait que j'ai l'air d'en connaitre plus sur les Pokémons qu'elle. Chose qui peut être vraie comme fausse, je n'ai pas forcément une pléthore de connaissances sur le monde des Pokémons, mais le fruit de mes années de travail m'ont amenée à en découvrir suffisamment sur eux pour pouvoir les analyser et donner mon avis dessus. Tout comme j'en ai suffisamment découvert à leur sujet pour vouloir faire de l'éthologie exploratrice un métier, pour m'emmener aux quatre coins du monde, et me remplir la tête et ainsi que le carnet de notes d'évènements incroyables. Pourtant, sa question semblait lui tenait à cœur, à propos de l'influence d'une évolution sur le comportement d'un Pokémon.
- De ce que j'en sais, l'évolution d'un Pokémon est phénomène qui se fait au feeling, naturellement, et qui exprime un lien très fort avec le dresseur qui en est le propriétaire.commencé-je à expliquer.Je ne peux pas dire que le comportement change, ou se modifie drastiquement pour en faire un tout nouveau spécimen, mais il est vrai que dans certains cas, évoluer et prendre en confiance tant physiquement que mentalement, ça peut aider les plus timides à devenir plus expansifs, plus matures.poursuis-je.Pour ce qui est de Mando, je n'ai pas l'impression qu'il montre un quelconque signe de volonté d'évoluer. Votre rencontre est peut-être encore trop fraiche pour ça…supputé-je.
D'un côté, je ne veux pas brusquer Caroline en lui disant que si elle cherchait à adoucir et rendre son compagnon doux comme un agneau, à le rendre plus docile et plus obéissant à son charisme naturel via l'évolution, ce n'est pas vraiment ce que je recommanderais. Mais encore une fois, qui suis-je pour donner des leçons de ce genre ? Je ne suis qu'une scientifique de terrain, et je ne peux que constater des choses pour l'instant. Il lui faudrait avoir les conseils d'une pension pokémon, de véritables professionnels du développement du Pokémon.
A peine ai-je terminé ma réponse qu'elle enchaine un bout de conversation à propos de son compagnon, le fameux Evoli au comportement suspect. Du moins, assez énigmatique pour susciter la méfiance de Chantico. Elle explique alors qu'il est très protecteur du Mystherbe, mais à la fois très éloigné d'une Fantominus qui, pour le coup, est celle qui tente d'attirer l'attention de l'Evoli. Un contexte affectif et émotionnel plutôt étrange : est-elle réellement en la capacité de maitriser ses pokémons ? Je sais que dans chaque équipe pokémon qui existe, il y a des tensions parfois entre certains pokémons, mais pas au point d'en avoir un comportement aux antipodes en toute circonstance. Se réconcilier, trouver un terrain d'entente, c'est important pour une cohésion de groupe. Est-ce que cela vient de Caroline ? Est-elle également peu sûre d'elle et ça se transmettrait à la synergie de son équipe ? Là aussi, des suppositions qui ne resteront que des suppositions.
- Oui, j'en ai deux autres. Une Hoothoot et un Nosférapti.réponds-je.Attends, je vais te les présenter. Ehecatl, Camazotz, venez dire bonjour à Caroline. - Houhouhouuuutte ! Kshiiiiii !font les deux nouveaux arrivants.
Voilà qui pourrait expliquer le caractère de l’Héricendre, elle est frustrée. Ça peut se comprendre, ses compagnons de voyage sont des Pokémon volants et nocturne. Elle doit se sentir mise à l’écart. Qui peut savoir ce qu’elle ressent ? Elle vivait tranquillement avec son humaine et a vu son espace être envahie par ces deux volatiles. Le Hoothoot semble le plus entreprenant des deux. Mando lève les yeux au ciel pour observer les deux nouveaux arrivants. Il n’arrive évidemment pas à les suivre du regard. En parlant de regard, celui du Hoothoot me parait si pénétrant qu’il semble me sonder au fond de mon âme. C’est à se demander s’il a des paupières, il ne cligne pas des yeux. Je ne me pose pas ce genre de question concernant le Nosférapti, il n’impressionne pas par son regard pour sûr, ni par ses paupières. Les deux Pokémon, dont j’ai oublié le nom, nous survolent en cercle comme deux charognards ayant trouvé une carcasse. Caroline les observe également. Elle met la main à la ceinture et libère Fantômette de sa Pokéball.
Caroline : Puisque l’heure est aux présentations, il ne manque plus que toi Fantômette.
La boule de gaz se forme à coté de moi jusqu’à ce que de grands yeux apparaissent. Avant que je n’aie le temps de me préparer à la chose, son immense langue jaillie de sa bouche et se frotte sur mon visage. Elle me lèche si fort que j’ai l’impression qu’elle tente de remonter mon menton sur mon front. Une léchouille baveuse dont je me serais bien passé.
L’équipe est au complet. Pour la femme aux cheveux d’argent, Héricendre, Hoothoot et Nosférapti, et pour ma Caroline, Fantômette, Mando et moi. J’espère que l’Héricendre snobinarde va se détendre maintenant que ses compagnons nous ont rejoint. Caroline relance la conversation sur les Pokémon d’Ajora.
Caroline : Je pensais qu’une personne qui étudie les relations entre les Pokémon en aurais plus. Et des plus exotiques.
C’est bien une réflexion d’humain ça. Pendant qu’elles discutent de choses et d’autres, j’en profite pour m’extirper de la dérangeante compagnie de Fantômette. Cette spectre est incompréhensible. Lorsqu’on l’a rencontré elle été se faisait malmener par ses paires à la tour Chetiflor. Mais depuis qu’elle nous suit, elle se montre de mois en moins timide et de plus en plus entreprenante. Surtout envers moi. Mando fini par ne plus se soucier des deux Pokémon vol et s’est tourné vers le paysage. Il regarde un bateau s’en allez. Il parait que sur toutes les plages du monde, il y a un Pokémon qui regarde au loin les bateaux. Et souvent ce Pokémon est lui-même observé par un humain.
Caroline : Au fait, tu n’avais pas un bateau à prendre ?
Mes deux compagnons viennent de faire leur entrée respective dans le paysage, et déjà, leurs traits de caractère propre à chacun des deux commencent à faire leur apparition.
Ehecatl, mon Hoothoot, est entreprenant de nature, il débute déjà son envol par une reconnaissance des lieux, grâce à ses deux grands yeux ronds et clairvoyants. Il furète dans les airs, alternant entre des phases de vol plané et de vol glissé, afin de ratisser au plus large de l'environnement qui nous entourent, et se tenir à l'affût de la moindre présence ennemie qui déciderait de nous surprendre de depuis les fourrés environnants, ou de par un angle mort constitué par ces bâtiments portuaires disséminés un peu partout sur le domaine.
Camazotz, mon Nosférapti, est déjà plus timide, plus timoré, un brin plus méfiant que son comparse aviaire. Il scrute lui aussi les environs grâce à une utilisation discrète et presque inexistante de ses ultrasons, afin d'y identifier le plus d'obstacles possibles, de voir les différents présences dans les lieux, et déterminer le meilleur court d'action à effectuer si jamais je devais lui demander de me définir une route de fuite à utiliser. Ses légers couinements presque sourds sont révélateurs de sa nature bienveillante, ne voulant pas se faire trop intrusif dans notre conversation, toute en manifestant avec subtilité sa présence et son envie de rester à mes côtés comme un gardien.
Ces deux créatures qui sont du genre nocturne sont le parfait contrepied de ma Chantico, mon Héricendre, toute feu toute flamme. Elle vit plutôt le jour, et elle n'a que faire des aléas de la nuit, puisqu'elle sait que ses deux compatriotes feront le boulot pour elle. Bien évidemment, du fait de son âge mûr et de sa sensibilité acérée et incisive, elle ne change pas de comportement à la sortie de ses deux amis d'aventures. Au contraire, elle semble encore être fixée sur la présence de l'Evoli un brin espiègle, qui fait mine de ne pas la calculer, tout en s'assurant que le Mystherbe chromatique n'aille pas ailleurs par mégarde.
Caroline fait alors de même, et fait intervenir un tout dernier compagnon de depuis sa pokéball. Comble de l'étonnement, la balle de capture s'ouvre dans un filet rougeoyant, comme tout outil de capture, mais le contenu semble vide. Vide ? Eh bien, c'était beaucoup plus finaud que ça. Il s'agit en réalité d'un Fantominus, une femelle si j'en crois les dires de ma partenaire à la chevelure turquoise. Visiblement, cette créature spectrale semble joueuse, car elle jette directement son dévolu sur le petit Evoli, qu'elle salue d'une léchouille bien franche et bien baveuse. Je pousse un léger rire, tellement la situation est incongrue.
Par la suite, la jeune dresseuse s'étonne de ne pas me voir accompagnée de Pokémons plus exotiques, plus rares, qui seraient révélateurs d'un parcours d'éthologue chevronnée. A vrai dire, elle n'a pas tort, c'est une vision valide et valable de la profession, et n'étant pas accréditée en tant que telle moi-même, du moins pas encore, je ne peux pas réellement défendre mon point de vue qui est que, tout Pokémon qui se veut un tant soit peu proche de l'Homme et de ses coutumes, n'est pas forcément partie prenante d'une lignée des plus exotiques qui soient. Au contraire, c'est bel et bien parfois les espèces les plus communes et les plus singulières qui se révèlent être des partenaires d'exception.
- Pour faire simple, je pense que la rareté et l'excentricité du Pokémon ne fait pas forcément toute la renommée et la crédibilité de celui qui les étudie.annoncé-je.Je suis une femme simple, qui ne rêve ni trop grand, ni trop petit. Et mes partenaires sont exactement comme moi, humbles et faisant de chaque exploration, un moment d'amitié sincère. Un vrai trésor difficile à trouver par les temps qui courent, ne penses-tu pas ?
La turquoise ne me répond pas tout de suite, mais préfère reporter mon attention sur l'un des bateaux qui part du port. Si je devais avoir loupé celui-ci, c'est qu'elle aussi venait d'oublier le sien. Et cela faisait de nous deux ronds de flanc, encore proche de leur banc de rencontre, à se faire la conversation jusqu'à point d'heure.
- Oh ne t'inquiètes pas, il y en a un autre dans trente minutes. Et puis, celui qui vient de partir fait plusieurs arrêts entre temps, celui qui vient plus tard est direct.l'informé-je.Profitons-en pour continuer de faire connaissance ?enchainé-je.Comment es-tu entrée en possession de cette charmante représentante du règne des spectres ? Comment vit-elle une vie en plein jour, loin des ombres dont elle raffole ?puis, reportant mon regard vers son compagnon à fourrure.Et ton Evoli n'a pas l'air de l'apprécier plus que ça, comment peut-on ne pas tolérer émotionnellement une Fantominus qui ne passe pas son temps à faire des farces et attrapes ?la bombardé-je alors de questions.
Il semblerait que l’apprentie éthologue aime les Pokémon simples et humbles. Vu le snobisme dont fait preuve la brulée au grand nez j’ai du mal à la croire. Mais, avec l’arrivée de Fantômette, l’Héricendre est devenu le cadet de mes soucis.
Caroline : Fantômette, elle nous a rejoint avant Mando. Nous visitions la Tour Chetiflor lorsqu’elle nous est tombée dessus. Les autres spectres la mettaient de côté sans que je ne sache trop pourquoi. Peut-être car elle était la plus petite, ou parce qu’elle ne voulait pas être méchante avec les visiteurs. En tous cas, elle a vite rejoint l’équipe. Sa relation je t’aime moi non plus a fait beaucoup de bien à Évoli, même si il ne l’admettra jamais. Il est mois pot de colle avec moi depuis que Fantômette nous a rejoint. Et ce n’est pas plus mal.
Moins pot de colle peut-être, mais plus gluant c’est certain. Mando est bien moins souvent victime des léchouilles de Fantômette que moi. Heureux soit les simples d’esprit comme disent les humains. Fantômette va virevolter et jouer de sa légèreté avec les deux Pokémon volatiles. Je préfère garder les pieds sur terre. Pendant ce temps, Caroline et Ajora continuent de bavasser sur les Pokémon comme si on ne les entendait pas ou que l’on ne pouvait pas comprendre ce qu’elles disent.
Caroline : Je suis un peu comme toi, en termes de Pokémon je prends ce qu’il vient. En réalité je n’ai même pas choisi ceux-là, ils m’ont rejoint à la suite de concours de circonstances. Je n’ai pas de grandes ambitions pour former une équipe de rêve. Les Pokémon rares sont surtout un business dans lequel les éleveurs se tapent la part du lion.
Caroline vit d’acte qui manque de bienveillance, mais son but n’est pas la richesse ou la gloire, ce qu’elle veut c’est retrouver ses parents.
Caroline : Enfin, qui peut les blâmer ? Nous ferions sans doute pareil si nous étions éleveuses. J’aurais déjà fait fortune en vendant plein de bébés Mando multicolores, ce serait original pour le coup. Je suppose que dans ta branche, on préfère assister à des reproductions en milieu sauvage. Certaines pratiques doivent être curieuse quand même. Tu as des anecdotes marantes à partager en attendant le prochain bateau ?
Pitié non ! Pourquoi les humains raffolent-ils tant de la reproduction des Pokémon ? Est-ce que je demande des anecdotes sur la reproduction humaine moi ? Non. Pourtant je pense qu’ils ont bien plus de pratiques étranges que nous les Pokémon. Après si l’Héricendre d’Ajora est OK pour une démonstration, je veux bien me prêter à l’exercice…
Je ris doucement en entendant la question de Caroline. Les anecdotes sur la reproduction des Pokémon, c’est un sujet auquel on ne peut pas vraiment échapper quand on se dit éthologue, même en formation. Pourtant, l’éclat légèrement exagéré dans les yeux de l’Évoli de Caroline me met sur mes gardes, et Chantico, ma fidèle Héricendre, semble partager mon appréhension. Ses petits yeux perçants se rétrécissent alors qu’elle s’éloigne de quelques pas, préférant se placer près de moi plutôt que de risquer une confrontation inutile avec ce curieux compagnon à fourrure.
Pendant ce temps, Ehecatl, mon Hoothoot, a repéré Fantômette qui virevolte dans les airs, et je peux voir Camazotz, mon Nosferapti, se joindre à leur jeu spontané de cache-cache. Fantômette, rieuse et pétillante, semble dans son élément, taquinant mes deux Pokémon avec des disparitions soudaines et des réapparitions espiègles. Cela me fait sourire et je me sens un peu plus à l’aise de partager cette légèreté entre nous. Je reprends donc, amusée par la tournure que prend notre conversation, et décide de lui raconter une anecdote plus charmante que provocante, qui ne manquera pas de la faire sourire.
— Ah, tu sais, Caroline, je pourrais te raconter bien des choses sur la reproduction des Pokémon, mais il y a une histoire que j’aime particulièrement. C’est celle d’une parade nuptiale entre deux Noarfang que j’ai eu la chance d’observer lors d’un de mes séjours dans une réserve naturelle.introduis-je.C’était en plein cœur de la forêt d'Ecorcia, alors que le crépuscule commençait doucement à tomber. Le mâle était perché sur une branche imposante, et il déployait ses ailes avec une grâce majestueuse. On pouvait apercevoir les derniers reflets ambrés du soleil à même son plumage, presque comme si elles étaient tissées d’or. Ce qui m’a le plus marquée, c’est sa manière de hululer d’un ton grave et rythmé, presque comme une mélodie envoûtante. La femelle, quant à elle, était plus discrète, tapie sur une branche inférieure, mais elle répondait elle aussi par de petits hululements plus aigus, créant un dialogue musical entre eux.m'interromps-je pour m'accorder un temps de répit vocal, tout en gardant du coin de l'œil la position de l'Evoli et de ma Chantico.Mais la parade ne s’arrêtait pas là. Le mâle, dans un élan de démonstration, un peu forcé je dois bien l'avouer, a commencé à voler en cercles autour de la femelle, ses ailes effleurant délicatement le feuillage, et produisant un bruissement doux. C’était presque comme une chorégraphie de ballet, mais aérien. La femelle, elle, faisait mine de l’ignorer, se détournant légèrement, mais je pouvais voir ses yeux luire d’un intérêt palpable. Un peu une sorte de je t'aime moi non plus, si tu vois ce que je veux dire.
J'en profite pour marquer une nouvelle pause, pouffant légèrement de rire après cette remarque terriblement révélatrice des quelques comportements féminins qui existent de par le monde, qu'ils soient humains ou animaux. Mon Héricendre semble toujours sur ses gardes, des fois que le compagnon à fourrure de Caroline ait eu l'envie de se tenter à l'exercice. Les trois autres joueurs de cache-cache vaquent à leur occupation du moment, je peux donc reprendre mon anecdote.
— Et tu sais ce qui est amusant ? La femelle a fini par céder, mais pas sans une dernière feinte : elle s’échappe de la branche et commence une course-poursuite effrénée à travers la canopée. Le mâle la suit, sa silhouette se fondant dans les ombres des arbres. Une scène à la fois magique et hilarante, car chaque virage et chaque cabriole semblaient calculés, comme s’ils jouaient un jeu que seuls eux pouvaient comprendre.interprété-je avec amour, le sourire tendre au coin des lèvres.Au bout d’un moment, ils sont revenus se poser, côte à côte cette fois-ci, et le mâle a doucement frotté sa tête contre celle de la femelle. C’était un moment tellement mignon que j’ai presque cru entendre un soupir de contentement provenant de Chantico, qui a vu ce bal aérien à mes côtés. Elle est romantique à ses heures perdues je crois.ris-je amicalement dans sa direction, la voyant rougir un petit peu au niveau de ses petites joues de hérisson.
Voilà, voilà. Après ce moment de gênance il est temp de changer de sujet. Alors comme ça Chantico l’Hericendre est romantique. J’aurais plutôt dit sainte nitouche mais bon. Pour un Pokémon de type feu, elle pourrait être plus chaude. J’ai connu une Caninos une fois, une vraie allumeuse. Héhé ! Heureusement que personne ne sait ce qu’il se passe dans ma tête. Moi j’en rigole mais je ne suis pas sûr que ça plaise aux culs sérés et aux biens pensant. En parlant de coincé du bulbe, il où Mando ?
Il regardait l’horizon il n’y a pas cinq minutes, il ne doit pas être loin. Bon tant pis, encore une fois, au risque de passer pour le boulet de service alors que veille au bien de tous, je vais déranger les humaines qui discutent. Vu le sujet de la conversation, ce n’est pas très grave. Je m’approche de Caroline et lui donne des coups de tête dans la jambe en chouinant.
Caroline : Qu’est-ce qu’il t’arrive ? C’est la conversation sur les Noarfang qui te met dans cet état ?
Je remue la tête de gauche à droite pour signaler que non, les Noarfang ne me font pas d’effet. Je ne suis pas un oiseau. Je saute et je jappe pour attirer l’attention.
Caroline : T’as envie de faire ? Va derrière un arbre et fais toi discret.
Caroline regarde l’éthologue du coin de l’œil comme si elle venait de se rendre compte qu’elle venait de dire quelque chose qu’il ne fallait pas.
Caroline : Enfin je veux dire, je viendrais ramasser après. Bien sûr. Comme tous les dresseurs bienveillants qui se respectent.
Ramasser ? Ramasser quoi ? Habituellement elle ne ramasse rien, et c’est mieux comme ça. Encore une lubie d’humain que de ramasser ça. Pourquoi faire de toute façon. Et ce n’est pas le sujet, l’autre abrutit a disparu et je suis le seul à m’en être rendu compte. Je recommence mes appels en tentant d’imiter Mando. Je ne suis pas un M.Mime mais je tente tant bien que mal une imitation du Mystherbe disparu. Je prends l’air le plus niais possible en faisant des bulles avec ma salive et en utilisant ma queue pour mimer ses feuilles.
Caroline : Toi qui es spécialiste du comportement des Pokémon, tu comprends ce qu’i veut dire ?
Je jette un regard à Chantico pour lui demander de m’aider à me faire comprendre des humaines. Fantômette est bien trop occupée à virevolter dans les airs avec les deux volatiles pour prêter attention à mes appels.
Caroline : Arrête de faire le clown, on dirait Mando. D’ailleurs il est où lui. Mando !? Ajora, tu veux bien m’aider à le chercher ?
Elles ont compris, enfin. Il n'y a plus qu'à trouver l'autre ahuri.