J'pourrais prétendre que j'ai assumé comme une chef. Que rien s'est passé après le départ de Frank. Qu'il m'a pas laissé dans cette ruelle comme un clébard qu'on abandonne sur le bord de la route avant les vacances. Dire que vraiment je l'ai bien pris, que j'ai pris ma vie à pleines mains aussi. Parce que j'suis débrouillarde. Que j'ai vécu pire. La vérité, c'est que j'ai chialé un moment dans cette ruelle, puis que j'ai encore chialé dans la chambre d'un motel pourri. Pendant un bout de temps. Je me suis réfugié sous une couverture puante en espérant vivre un sale rêve dont je me réveillerais bien à un moment. Tout est devenu accessoire en attendant que le miracle se produise. J'ai survécu grâce au distributeur de friandises dans le couloir et son voisin celui qui crachait des sodas. Rien de reluisant. Rien dont je suis fière. Tout le contraire. J'ai l'ego au fond du trou et l'envie de le rejoindre. Et pour la première fois depuis longtemps pas assez de thune pour supporter mes idées à la con. Aussi pourri que l'hôtel soit, il me charge tous les jours pour cette chambre miteuse et viendra un moment où quand la nana de l'accueil viendra me voir pour réclamer son dû, j'aurais plus rien à lui donner. Du coup, à défaut de trouver mon courage, j'ai pris mon bordel et je me suis tiré avant de me taper une honte de plus.

C'est pour ça que je suis posée au port là. Sur une bite d'amarrage façon vieux perso de manga vivant un moment dramatique qui regarde l'horizon. Je sais pas trop ce qu'il mate, le mec dessiné dans ma tête. Moi, je fixe rien de spécial. J'ai les yeux dans le vague. Plissés au max parce qu'ils me font un mal de voltoutou à cause de la luminosité. J'dois avoir une sale gueule. J'suis sûre de rien, je me suis pas maté dans une glace. Déjà, j'ai fait l'effort de prendre une douche avant de rendre la chambre. Le truc qui aurait pas du être si dur mais qui m'en avait fait chier avant de me faire du bien. J'suis pas mécontente de sentir pas trop mauvais et de pas coller sous mes fringues. N'empêche que ça me plairait bien d'avoir un pokémon capable de changer la météo avec une bonne danse pluie. Soleil de mes deux. Les gens seraient p't'être aussi moins heureux autour de moi si il pleuvait. J'ai envie d'emmerder quelqu'un sans en avoir l'énergie. Comme j'suis en solo, j'peux même pas dire de compter sur mes potes pour satisfaire la pulsion. J'sais, ça fait pitié. Mais j'fais pitié depuis le début à chouiner aussi. Si je m'avais en face, les tartes dans la gueule que je me foutrais.

modération:

Mais quelle surprise !!!
C'est un sympathique Doudouvet sauvage LV.12 qui apparait dans un nuage de coton.

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On le garde avec nous ?

Y a un bruit bizarre à côté de moi. Une sorte de grattement auquel je fais pas gaffe tout de suite à cause de la proximité de la mer. Le port est jamais calme. Mais y a pas que ça. Il y a aussi comme une présence légère qui finit par me faire tourner la tête. Et, là, je vois une boule de poils noire et rouge avec la tête enfoncée dans mon sac. Je sais pas trop comment la bestiole a réussi son coup mais la moitié de son corps disparait dans mes affaires. Pas par le...zipper... Putain de merde, y a un trou dans mon sac. What the hell ?! J'grogne en me redressant d'un coup sur mes pieds. Mes mouvements, et le fait que je gueule on va pas se mentir, font sursauter la bête qui s'arrache à mon sac avec un peu de mal. Le trou a beau être assez grand pour que la tête et les pattes avants passent, y a dû avoir du forcing. Manquait plus que ça. Je suis tellement choquée que j'arrive pas à réagir comme il le faudrait. C'est à dire en foutant un grand coup de bottine au machin pour le faire dégager. Du coup, pendant deux secondes, je me retrouve les yeux dans les yeux avec un petit félin à l'air vénère. Ouais, vénère. Il parait pas avoir peur même si il a été pris sur le coup en faisant une connerie. Je me rend compte que trop tard qu'un truc pend de sa bouche. Il détale avant que j'ai pu capter de quoi il s'agissait. Come back here ! Il court vite le bougre. J'attrape mon sac, heureusement en me rappelant le trou à temps pour pas perdre encore plus de trucs. Je le replie vite fait avec la déchirure en haut avant de le caler sous mon bras. C'est pas facile pour le transporter et ça va pas m'aider à courir mais je peux pas juste laisser le peu que j'ai avec moi sur le bitume. Et encore moins me laisser bully par un putain de chat.

modération:

Little shit ! Le chat a l'avantage de connaitre le territoire. Je suis une noob dans ces rues et y a du monde autour. Je bouscule des gens pour pas le perdre de vue. Je m'excuse pas. Je veille juste à pas me casser la gueule. Ce serait la lose. Il bifurque d'un coup dans une ruelle et je suis forcée de tourner sec. Du coup, je me mange le mur. Ca arrête pas totalement ma course, c'est plus que je me râcle contre la brique et je suis ralentie parce qu'il faut que je me propulse du bras. Je le sens passer. Je suis en t-shirt donc j'ai tout l'avant-bras qui a morflé. Rien de si dérangeant. J'ai vécu pire. Mais les petites douleurs sont les plus chiantes et va falloir que je trouve un endroit pour nettoyer le sang. Plus tard. Y a plus urgent. J'ai toujours le félin en visuel. Il est rapide et agile donc ça tient pas à grand chose. Je vois sa forme qui fuse. Puis il saute sur une benne à ordures pour sauter pardessus un grillage. Il saoule. Au moins il va pas se faufiler dans des coins trop petits où je pourrais pas le suivre, preuve qu'il doit pas être si malin que ça. Il me sous-estime si il pense que ce qu'il fait là va m'arrêter. Même si j'aurais aimé avoir Ace sous la main pour qu'il le chope vite fait et p't'être le réduise en charpie pour l'audacity. Je refoule l'idée dès qu'elle commence à faire mal. Ace est pas là. Il le sera pas avant un bout de temps. Faut que je passe à autre chose. Je l'abandonne pas. Je le retrouverais. Mais faut que je trouve mes priorités pour ça.

En arrivant à proximité du grillage, je balance mon sac au dessus en espérant qu'il se videra pas en tombant et je saute à sa suite. Il est pas si haut et y a pas de piques qui terminent le travail ce qui m'évite de me niquer les doigts quand je m'accroche au sommet pour me hisser de l'autre côté. Je retombe pas super délicatement parce que faut que j'écarte les pieds d'une façon pas super naturelle pour éviter d'écraser mes affaires. Je me penche le temps de le ramasser en tâchant de trouver où et le trou et ça suffit pour foutre la merde. Quand je me redresse, je vois plus le chat. Fuck. Je peste. Vraiment, Alola peut pas me blairer.

modération:

J'ai atterri dans une sorte de terrain vague. On entends plus le bruit de la mer ce qui prouve que j'ai dû courir plus que je le pensais. Tout autours, il y a des buildings. Je me sens plus si dépaysée d'un coup. Je pourrais me croire dans un quartier d'Unys. L'endroit doit être abandonné à cause d'espèce de travaux. Du matériel de chantier traîne un peu partout. Le plus impressionnant, ça reste les gros tuyaux en béton qui forment une pyramide pas loin. J'suppose qu'ils prévoient de construire un truc ici mais qu'ils ont dû s'arrêter. En tout cas, c'est l'impression que ça laisse parce que les herbes sont hautes autour du matos. Ou p't'être qu'ils utilisent le terrain pour stocker des trucs et qu'ils bossent ailleurs. J'sais pas. Je m'en tape un peu dans les faits.

Le chat est pas si con d'être venu ici. Les cachettes manquent pas. Y a des trucs à escalader qui seront pas faciles à checker pour moi. Puis j'ose pas imaginer les petits coins un peu partout. J'doute que je vais pouvoir récupérer ce qu'il m'a piqué. Ca fait chier. Je sais même pas ce que c'est en plus. Ce qui fait pitié. Faut au moins que je me fasse une meilleure idée là-dessus. Puisque ici ou ailleurs c'est un peu le même délire, je me trouve une poutre où m'asseoir et je commence à vider mon sac. J'essaye de pas trop saloper mes fringues en les posant sur mes genoux. Vu que j'sais pas quand est-ce que je pourrais les laver, vaut mieux faire gaffe. Déjà que ça va être galère vu ce que je transpire sous ce soleil. Je sors des trucs que je me souviens pas trop avoir foutu là. J'étais ailleurs en préparant mes affaires, faut dire. Du coup, p't'être qu'il m'a piqué un truc dont je me fous. Ce serait le mieux et ça restaurerait ma foi en ce monde de merde. Un peu. Je vais partir là-dessus parce que finir l'inventaire m'a pas plus avancée. Du coup, je range tout en foutant tous mes vêtements du côté du trou pour que ça le bouche un maximum. J'sais pas encore ce que je vais faire pour ça. J'suppose que je pourrais dépenser quelques dollars pour un nécessaire de couture et tenter une réparation. Quand j'ai vu Frank refermer la blessure d'un gars, ça avait pas l'air si dur que ça et c'était sur de la peau, pas du tissu. Mon sac risque pas non plus de beugler si je me loupe.

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Mon estomac se met à gargouiller salement dès que je me redresse sur mes deux pieds. Je pose la main sur mon bide par réflexe, pas certaine d'à quand remonte mon dernier vrai repas. Vaut mieux compter toute la merde que j'ai mangé dans le tas où vraiment ça va me déprimer. En quittant le motel, j'avais pas l'impression d'être affamé mais j'suppose que c'est devenu difficile de nier l'évidence après la course poursuite à laquelle j'ai participé. Il va falloir que je me fende de quelques dollars pour régler le problème. D'un côté, l'idée ne m'enchante pas de céder déjà à la faim, de l'autre, je vais pas mentir, manger un truc régional me déplait pas. On mange bien à Alola, la nature est super riche et vu que c'est une amalgamation d'îles, ils ont tout intérêt de se tourner vers du frais. Du coup, entre les fruits et les produits de la mer, y a de quoi faire. Je m'en serais mieux sorti financièrement en consommant local plutôt qu'en dévalisant un distributeur automatique pendant des jours. Pour ça, il aurait fallu sociabiliser. Le truc impossible à ce moment là. Je suis toujours pas convaincue d'être motivée à parler à un autre être humain à l'instant. Va falloir. Je peux pas continuer à jouer à la fake ermite parce que mon petit cœur, ce faible, souffre.

Mon sac sur le dos, je quitte le terrain vague avec la sale impression de fuir le combat. Ca tient de la retraite stratégique, je me rassure. Même si je risque pas de croiser ce foutu chat de si tôt. Y a peu de raison vu la taille de la ville portuaire dans laquelle je me trouve. Trop de ruelles, trop d'avenues commerçantes, trop de touristes. Ouais, j'suis pas sûre de trop aimer ce coin. J'ai pas prévu de traîner à Alola non plus mais va bien falloir que je trouve une solution pour me tirer et je préférerais faire ça ailleurs. Une chose à la fois. D'abord, je bouffe. J'aurais les idées mieux en place quand mon ventre arrêtera de faire son concert.

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L'astuce quand on voyage est similaire dans toutes les régions. Il faut s'éloigner des touristes. A défaut de pouvoir bouger de ville, je peux au moins continuer à m'éloigner de la zone commerciale. Same pour les grosses tours des hôtels que je laisse dans mon dos. J'ai la dalle mais j'en suis pas à une minute près. Puis faut bien commencer à prendre les bonnes décisions à un moment. Je peux pas continuer à me comporter comme une gosse. Pas quand j'ai prétendu à tout le monde que j'en étais pas une et qu'on pouvait se fier à moi. La sale blague. J'me force à plus y penser parce que je me sens encore putain de fragile. Et le goût de la trahison est dégueulasse dans ma bouche. J'aurais envie de le cracher. Ca changera rien et je ferais que gâcher ma salive alors qu'il fait chaud et que j'ai soif aussi. Donc je fous l'idée à la poubelle et je ravale la sale impression. Tout ça, c'est psychologique. Faut pas que je l'oublie. Ni que j'oublie qui je suis. Pas en relation avec quelqu'un d'autre. Juste ce que j'ai vécu et qui ça m'a fait devenir. J'ai du mal à le voir à cause des émotions. Mais mon corps se souvient que j'ai pas grandi comme le suggère mon statut ces dernières années. Si je me débarrasse du mou qui est venu avec la facilité et la survie qui n'est plus devenue prioritaire, j'suis sûre que je verrais plus l'épreuve actuelle de la même façon. Avant aussi, c'était difficile. La plus grosse différence était qu'à ce moment j'étais pas seule. Sauf que j'étais qu'une enfant. C'est plus le cas. Donc ça doit compenser. Je peux m'assumer. Et j'vais leur prouver. Qu'importe ce que j'ai à faire. Je suis pas non plus dans une situation désespérée. Les finances sont juste un peu creuses. Puis je peux pas me plaindre, ouais il fait fort chaud, mais ça pourrait être pire. Faut que je m'hydrate et que je reste à l'ombre par moments. Ca se fait. Si il avait fait froid, j'aurais galéré plus. C'est pas non plus comme si j'étais incapable de gagner de l'argent. Quand on est ok de faire dans l'illégalité et qu'on a les ovaires d'assumer de pas être nice, la thune se trouve. Le fait que y ait tant de touristes peut carrément aider. Juste, là, on parle de court terme. Ce qui est déjà pas si mal vu que je pars d'une phase où je me suis laissé pourrir.

modération:

Je sens l'odeur de bouffe avant d'apercevoir d'où ça peut venir. Le vent peut porter le fumet de loin mais, à force de longer la plage, je trouve un cabanon planté dans le sable. Juste un plancher surélevé et trois murs percés de grandes ouvertures. De longs draps flottent et claquent au rythme de la brise, tous très colorés. Vu que le toit parait être fait en feuilles de palmier, j'suppose que l'abri est assez temporaire. En tout cas, il doit pas tenir si une tempête passe. Mais ça veut aussi dire qu'il est facile à reconstruire et tous les éléments qui le composent ne feront pas trop de dégâts. Ouais, j'comprends la logique.

Deux personnes sont accoudées à un espèce de bar et je les entends parler à une troisième un peu cachée derrière tout ce micmac. En approchant, je repère enfin la femme occupée de cuisiner sur un barbecue. 'Fin un truc qui y ressemble. Des braises chauffent dans un vieux baril coupé en deux et une grille est posée dessus dans un équilibre précaire. Elle manie agilement une pince pour retourner un truc qui sent vraiment trop bon. Le mélange d'épices très fortes me perturbe un peu les papilles et, à cette distance, j'ai dû mal à capter de quel genre de protéine il s'agit. Quand mes bottines se mettent à trop crisser dans le sable, les trois se tournent vers moi. Je me sens jugée pendant deux secondes. Faut dire que j'ai pas l'air local. Je suis blanche comme un cul, j'ai des grosses bottines aux pieds, et une veste en cuir nouée autour de la taille. Mon sac de voyage termine de me dresser le portrait. Je dois faire à peine mieux que les touristes avec leurs fausses chemises aloha et leurs grands chapeaux de snobinards. Finalement, les deux gars retournent à leur conversation et y a plus que la cuisinière pour s'intéresser à mon cas. T'as faim, petiote ? Je hoche la tête en continuant d'avancer jusqu'à pouvoir monter sur le plancher. Y a plus qu'une place de libre au niveau du petit comptoir. Je lâche mon sac à mes pieds en espérant plus me faire troller. Le plat du jour. La femme annonce en déposant une écuelle devant moi. Quand je jette un coup d'œil autour de moi, je vois rien qui ressemble à un menu en effet. Elle attire mon attention en tapotant un grand bocal au milieu du comptoir avec le manche de sa pince. Des billets et pièces s'y mélangent. C'est combien ? Ce que t'estime que ça vaut. Elle fait un peu rustre. Comme moi. J'apprécie le comportement. Vous auriez un truc à boire ? J'm'en occupe, Mama. L'un des habitués annonce en se penchant au dessus du bar pour fouiller dans une glacière et sortir une bouteille en verre bien fraîche qu'il fait glisser vers moi dès que j'ai fini de lâcher quelques dollars dans la jarre.

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C'est bon. Tout l'aurait été vu comment j'ai la dalle mais la bouffe en reste pas moins extra kiffante. La bidoche est super tendre avec un extérieur qui craque légèrement sous la dent et les saveurs éclatent à chaque bouchée. Le riz en dessous a rien de spécial, il remplit le bide et c'est bien comme ça. Il est pas là pour être la star. Entre deux coups de fourchette, je fais sauter la capsule de la bouteille qui lâche un pshit agréable à l'oreille. Je bois de longues gorgées d'un soda aromatisé à la baie nanana qui désaltère et goûte la qualité. Vraiment je suis tombée sur une pépite. Doit y avoir pas mal d'habitués au rendez vous. Je pourrais me voir revenir en attendant de réussir à me tirer d'Alola.

Mon repas engouffré comme une sauvage, je me sens mieux. Personne dans le cabanon a fait de commentaire sur mes manières de gourmelet. J'crois que la dégaine que je me tape doit attirer la pitié. J'aime pas ça. Mais j'apprécie qu'on m'ait foutu la paix. Ils ont continué à parler dans leur coin de sujets qui m'intéressent pas. Lorsque je récupère mon sac, j'ai juste droit à un regard. Je hoche la tête à l'attention de la cuisinière. Ma gamelle parle pour moi, presque léchée comme celle d'un ponchiot. Alors que je m'écarte, prête à retourner dans le sable, elle m'interpelle. A la maison du Kahuna tu pourras trouver des douches et un lit. Elle est toujours ouverte pour les jeunes. Va à Lili'i, tu pourras pas la louper. Je réponds rien. J'aime pas la charité. Et je pue certainement pas déjà à ce point.

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