Ce rire, qui vient du fond de ses tripes, te fait chaud au cœur. Un sourire se dessine naturellement sur ton visage. Un rire un peu plus timide sort d'entre tes lèvres, provoquant une petite toux. « C'est bon te t'entendre » souffle-t-il tendrement. Tu pourrais croire qu'il est au bord des larmes, mais tu ne peux en être certain. En tout cas, tu ne peux cacher que c'est ton cas, trahis par un reniflement. Tu prends alors une grande inspiration pour te ressaisir, expirant le tout instantanément. « Plaisir partagé » réponds-tu simplement, retrouvant ce sourire que tu avais abandonné un court instant.

S'en suit un silence radio. Ni toi, ni lui n'osait vraiment briser ce silence. Tu ne peux parler en son nom, mais pour ta part, ce silence était tout simplement parfait. Tu n'avais pas besoin de plus. Tu le savais là, comme tout près de toi. Et c'est tout ce dont tu avais besoin. Jusqu'à ce que ta sœur vienne mettre son petit grain de sel. Tu l'entends bougonner dans le fond, disant « Bon, si vous n'avez rien à vous dire, je reprends le téléphone ». Et là, ta bouche s'est aussitôt ouverte. Comme un instinct de survit, ton corps s'est activé sans réfléchir. Tu as même eu un petit mouvement, comme un sursaut, bien que pas tout à fait. « J'ai tellement de question à te poser ! » as-tu prononcé à la vitesse de la lumière. Un peu trop vite – ou alors c'est ce mouvement soudain – puisqu'à présent la tête te tourne. Tu ne disposes pas d'assez d'énergie pour ce genre de folie. « Mais je... ». Mais tu ne savais pas par où commencer. Ces questions tourbillonnes dans ta tête. Et idéalement, tu aimerais les lui poser en personne, non au travers d'un téléphone. Évidemment, toutes ces questions concerne votre vie passée, celle que tu as oublié. Car oui, tu es bien déterminé à stimuler cette mémoire, à la bousculer autant que nécessaire.

« Mais tu dois te reposer » dit-il dans la précipitation, te coupant dans ton élan. Sans doute pour parer ta sœur qui devait lui arriver dessus pour lui arracher le téléphone des mains. « On aura tout le temps de discuter quand tu seras en état. Je viendrais te voir dès que ce sera possible ». Tu souris à nouveau. Tu vois que les choses ne changent pas réellement. Lui comme toi n'avez jamais été très friand des conversations téléphoniques à rallonges. Il est fort probable que Haether ne te rappelle pas d'ici là – et ce fut le cas. Par contre, tu ne pourras échapper à ta sœur. Sœur qui d'ailleurs a enfin réussi à te mettre la main dessus. « Attend avant de raccrocher ! » dit-elle, comme essoufflée. Tu as un petit rire étouffé dans un soupire. Elle aussi semble fidèle à tes maigres souvenirs.

Elle te questionne brièvement sur ce que tu sais des visites, déplorant le fait que ce ne soit pas normal que personne n'ait le droit de venir te voir maintenant que tu es réveillé – point sur lequel tu es d'accord. « Tu vas le laisser respirer ? » entends-tu en fond. Une fois de plus ta sœur râle. Puis, d'une voix bien plus douce elle te dit « Excuses-moi. C'est le mélange de la joie et de l'inquiétude qui me fait perdre pieds. Passe une bonne nuit Bene. On se rappelle demain, d'accord ? » « Promis » conclus-tu. Tu raccroches donc avec le sourire. Tu sais comment Sorinah est. La tendresse ne fait pas parti de ses qualités. Mais quand elle en fait preuve, tu ne peux que te montrer touché. Et tu ignores encore si c'est la fatigue, l'émotion au travers de tes proches ou la soudaine prise de conscience sur ta situation qui te fait craquer, mais te voilà à présent en train de pleurer à chaude larme. Et tu n'en a aucunement honte. Tu en as besoin. Parce que tu es vivant, bordel.

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AIDE À LA MODÉRATION:

Tu t'es endormi peu après ce tourbillon émotionnel. Et c'est la lumière du jour qui vient te réveillé, sans aucune tendresse, se dévoilant au travers de ce rideau se faisant tirer par l'infirmière venant te rendre visite. Tu peines à ouvrir les yeux dans un premier temps, tant la transition est violente. L'infirmière fait le tour de ton lit pour se mettre à l'opposé de la fenêtre, te permettant de la regarder avec bien plus de simplicité. Elle te demande alors – avec un large sourire – comment tu te sens ce matin. Sans nul doute une question faisant parti de sa routine à elle. Tu réponds assez simplement, avec toute la politesse du monde. Tu n'as de toute façon pas grand chose à dire à cette dame là. Comme tout à chacun ici, tu ne souhaites qu'une chose : reprendre ta vie là où tu l'as laissée. Enfin, pas exactement. Loin de toi l'envie de retourner sur cette montagne qui a failli te retirer la vie. Du moins, pas dans l'immédiat.

Ta journée commence sobrement. Madame l'infirmière t'aide à te redresser, remettant en place tes draps tel une parfaite névrosée. Ensuite, elle met en place un petit plateau devant toi, contenant ton petit déjeuner du jour. Rien de très consistant d'ailleurs, sans doute de peur que tu t'étouffes. Tu ignores la réflexion qui a pu se faire à la conception de ton menu pour que tu écopes d'autant de compote. Quoi qu'il en soit, tu te montres sage, ingurgitant le tout sans broncher. Il est certain que tu aurais préféré une bonne tartine accompagnée d'un café sans sucre. Ainsi qu'une cigarette. Tu payerais cher pour une cigarette. Qu'on te refuse quand tu viens la demander, d'ailleurs – avec tout un blabla moralisateur que tu n'écoutes qu'à moitié. Tu devras donc attendre que les visites te soit de nouveau autorisées. Et tant pis pour eux si tu deviens un horrible personnage. Car dieu sait à quel point tu deviens aigri sans ta dose de nicotine.

« Mais vous avez le droit – et le devoir d'ailleurs – de prendre ça ». Comme pour contrer tes pensées – serait-il possible de lire dans nos petites caboches à présent ? – madame dépose sur ton plateau un paquet de patch à se coller sur le bras, délivrant ce qu'il faut de nicotine pour ne pas ressentir les effets du manque. Un truc qu'on donne à ceux qui veulent arrêter progressivement de fumer. Ce n'est pas ton cas, évidemment. Tu regarde la boîte, affichant un sourire, puis tu redresses la tête vers l'infirmière. « Vous avez parlé avec ma femme ? ». Tu as souvenir de Sierra se plaignant à chaque fois que tu devenais un peu bougons, te quémandant de t'en griller une pour te détendre. « Votre sœur, à dire vrai » « Oh ! ». Il est vrai qu'elle t'ait déjà fait la réflexion elle aussi – bien qu'avec beaucoup plus de dérision.

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AIDE À LA MODÉRATION:

L'infirmière quitte ta chambre précisément à l'instant où tu t'es collé ta pastille de nicotine sur le bras, non sans ronchonner. Il serait si simple de te laisser fumer. Mais tu comprendras plus tard – en discutant une nouvelle fois du sujet avec la même infirmière – que ce n'était en aucun cas une volonté de te priver en te faisant la morale, mais simplement une politique à appliquer. Comme tout bâtiment public – ce qui est même relativement important pour un hôpital – il est interdit de fumer à l'intérieur des locaux. Il te faudrait donc descendre dans la cours intérieur dédiée aux personnes hospitalisés et leurs familles qui souhaiterait prendre un peu l'air. Sauf que, présentement, tu es encore en incapacité de te déplacer par tes propres moyens. A l'issue de tes deux semaines intensives, tu seras au moins capable de te glisser – non sans difficulté – dans ton fauteuil roulant et de te conduire à la seule force de tes bras. Mais pour l'heure, tu es tout juste capable de porter ton verre de jus de fruit à ta bouche.

Revenons donc au jours présentement conté. Ton patch collé à la peau et de nouveau seul, tu te saisi de ton téléphone pour appeler une personne en particulier. Loin de toi l'envie de te plonger dans tes affaires aussi vite, mais les mots de l'infirmière tournent en boucle dans ta tête et tu te dois de les faire sortir de là. Et pour ce faire, tu as besoin de ta sœur. Alors, tu composes son numéro. Ce n'est qu'après que tu as le réflexe de regarder l'heure – que tu peux voir s'afficher sur une petite radio moderne posée sur un petit meuble à côté de ton lit. Tu exprimes ton soulagement dans un soupir, estimant que l'heure affichée est une heure appropriée pour appeler des gens.

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AIDE À LA MODÉRATION:

Elle te réponds relativement vite – et visiblement inquiète, puisqu'elle te demande en premier si tout va bien. Tu réponds par l'affirmative, avant de poursuivre. « J'ai une question », dis-tu sans aucune transition. Tu mets directement les pieds dans le plat. Tu entends Sorinah étouffer un rire à travers le téléphone. « De si bon matin ? Tu ne perds pas de temps à ce que je vois ». En effet. Ce petit quelque chose te turlupine. Tu as besoin que ça sorte de ton esprit, tu refuses de cogiter ainsi pendant des heures, voir des jours. « Je t'écoutes » souffle-t-elle pour te pousser à continuer dans ta lancée. Allons-y donc.

« Tout d'abord, merci pour les patchs de nicotine ! ». Elle rit à nouveau. « C'était une question de vie ou de mort pour ces pauvres infirmiers » crache-t-elle. Tu repousses un rire à demi nerveux. « Tu exagères pas un peu ? » « A peine ! ». Tu es bercé par son rire, contenant le tient pour éviter la souffrance. Tu ne laisses échapper qu'un soupire amusé. « Et donc, ta question ? ». Tu ravales ta salive. Sans vraiment t'en rendre compte, tu tournes autour du pot, comme si tu redoutais la réponse à cette fameuse question. Mais il faut que tu crèves cet abcès.

« Est-ce que... ». Ta gorge se noue. Tu ne sais pas comment tourner la chose correctement. Tu ne sais pas évoquer la chose sans que ça te déchire de l'intérieur. Comme si tu savais déjà tout. Sans doute que tu le sais, mais tu n'en as pas le souvenir pour le moment. Et tu dois affronter ta terreur pour aller de l'avant, pour savoir sur quelles épaules tu peux concrètement t'appuyer. Pendant ce temps de réflexion, ta sœur se montre patiente. Tu soupires un bon coup pour te donner le courage nécessaire. « Et Sierra dans tout ça ? ». Voilà, c'est enfin sorti.

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AIDE À LA MODÉRATION:

« Oh » souffle d'une petite voix. Cela ne présage rien de bon. « Que veux-tu savoir au juste ? » poursuit-elle. Tu la sens comme renfermée. Comme si le sujet était un fardeau pour elle. Tu ne sais l'expliquer – encore et toujours un truc de jumeaux – mais tu la sens comme en colère. Forcement, ton cœur s'emballe et ta tête se pose un million de question. Tu n'as pourtant pas beaucoup de temps devant toi, tu devras te contenter de ton questionnement initial. Seulement, la chose peut se tourner sous tout un tas de formulation. En soit, tu veux simplement savoir si ta présumée femme se soucis de toi. Car depuis que tu es éveillé, tu n'as jamais entendu qui que se soit prononcé son nom, ni même l'évoquer. C'était à se demander si elle était encore vivante. L'était-elle ? Bien-sûr, tu le saurais autrement. N'est-ce pas ?

« Est-elle venue me rendre visite ? Peut-être avec Caelum d'ailleurs ». Cette deuxième phrase était plus comme pour te rassurer qu'autre chose. Comme pour te dire à toi-même que ta question était stupide et que, forcement, ta femme est venue à ton chevet. Il s'agit de ta femme, ta tendre moitié. Il ne peut en être autrement. Pourtant, tu sens au fond de toi que quelque chose cloche. Ta mémoire défaillante veut croire à cette réalité là. Mais ton cœur lui voit les choses autrement. Et lui ne peut te trahir. Et c'est précisément ce flou qui te rend fou. Tu ne peux croire les médecins qui disent qu'il est préférable de laisser le temps faire, plutôt que de fouiller dans son passé. C'est vraiment la plus grosse des conneries.

« Je... Je ne veux pas te mentir Bene ». Aïe. C'était comme si ton cœur venait de prendre vie et de te susurrer ces mots à ton oreille. Sauf que là, ce sont les paroles de ta sœur. Un tout autre être en parfaite santé qui a vu les choses évoluer durant ton long sommeil. Sorinah n'a jamais été du genre à ménager les autres. Plutôt franche et rentre-dedans, c'est ce que tu as toujours préféré chez elle. « Je n'ai jamais espéré de toi de prendre des pincettes. C'est bien pour ça que c'est toi que j'appelle ». Tu aurais très bien pu te renseigner auprès de Haether, ou de tes parents. Mais aucun de ces trois là n'aurait eu la franchise de ta sœur. Surtout dans ton état actuel. Tu sais qu'elle est la seule à ne faire aucune différence, qu'importe ta situation. Et c'est justement ce dont tu as besoin. Tu veux être bousculé.

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AIDE À LA MODÉRATION:

Tu l'entends soupirer de bon cœur avant de te répondre. « Au début, sur les premières semaines, elle venait. Mais seule. Et puis... Elle a vite abandonné ». C'était ce que tu craignais. Tu ne réponds rien, essayant d'analyser les choses, mais puisque tu n'as pas tous les éléments à ta disposition, tu ne peux pas conclure à grand chose. « Caelum lui avait interdiction de venir te voir. Mais comme je te l'ai dis, il n'en a fait qu'à sa tête. Il n'a jamais été un fils à sa maman ». A ces mots tu esquisses un sourire, bloquant avec difficulté ce rire qui ne demande qu'à sortir. Tu as apporté à ce monde un petit gars plein de détermination, c'est beau. Et puis, entendre qu'il te préfère est toujours bon à prendre.

« Je suis navrée » lâche finalement ta sœur à l'autre bout du fil. Tu es quelque peu surpris. Sorinah ne s'excuse jamais à la légère – elle le fait même très rarement. Et pour le coup, tu ne vois pas pourquoi elle devrait se sentir désolée. La encore, il doit y avoir bien des choses que tu ignores. « Tu n'es en rien responsable de tout ça. » lui dis-tu le plus sincèrement possible. Elle répond par un soupire. « Je me doute que tu te questionnes à son sujet et ce n'est pas une chose à discuter au téléphone. On en reparlera le moment venu, je ne te laisserais pas dans l'inconnu avec celle là ». Tu souris. Sorinah aurait fait une parfaite espionne ; au courant de tout et parfaitement loyal envers ses partis. « Mais s'il-te-plaît, ne te soucis pas de Sierra ». Un silence. Une bien drôle de requête que voilà. A vrai dire, tu ne peux pas dire que tu t'en soucis vraiment. Tu ne cherches qu'à éclairer ta lanterne. Autrement, l'envie de voir ta femme n'est même pas présente. « Je ne ressens rien à son égard, si ça peut te rassurer ». Tu jurerais l'entendre sourire. « Bien ! Au moins ton cœur a bonne mémoire ! ». Vous raccrochez peu après ces mots, interrompu par l'infirmière venant te chercher pour tes exercices du jours.

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AIDE À LA MODÉRATION:

Durant ta séance de rééducation du jour – particulièrement douloureuse – ton téléphone a sonné dans le vide. Tu avais laissé celui-ci dans ta chambre. Une demande du corps médicale, afin que tu te concentre pleinement sur les exercices physiques qui t'étaient demandé d'effectué. Rien de bien difficile pour le commun des mortels. Mais pour les personnes dans ton cas, le moindre geste te semble impossible. Tous tes muscles sont inexistants. Tu as même entendu des médecins se questionner sur tes capacités, craignant que tu perdes l'usage de certains membres – dont ceux de la partie inférieurs de ton corps. Mais tu es quelqu'un d'acharné. Tu te tueras à la tâche si nécessaire. Il est juste hors de question de t'avouer vaincu aussi facilement. Quoi qu'il en soit, le sujet n'est pas à ton corps en piteux état suite à ton accident, combiné à ces longs mois dans le coma.

Le sujet est donc porté sur ton téléphone, celui que tu as retrouvé en rejoignant ta chambre. Comme toujours, tu es assisté dans tous tes déplacements pour un ou plusieurs infirmiers – plusieurs dans le cas présent quand il est nécessaire de te transférer de ton fauteuil roulant jusqu'à ton lit médicalisé. Ce n'est qu'une fois laissé seul – dans ton lit donc – que tu t'ai saisi de ton téléphone – et tu t'estimes bien heureux d'être capable de bouger les bras sans mal, bien qu'incapable de porter la moindre charge. Le poids d'un téléphone était ta limite.

Ton attention est désormais portée sur ce cellulaire. C'est à cet instant précis que tu découvres un appel manqué. Et pas de n'importe qui ; celui de ton fils. Ton cœur se serre et le doute s'empare de toi. Tu n'as malheureusement aucun souvenir de lui en dehors de sa naissance. Tu ne sais donc pas vraiment à quoi il ressemble, ni ce qu'il peut attendre de cet appel. Tu sais définitivement que tu dois le rappeler. Après tout, il reste un jeune adolescent en manque de son père et qui peut se poser tout un tas de questions si tu te décides à éviter ses appels – ce qui ne te ressemble pas vraiment. Non sans crainte, tu portes ton téléphone a ton oreille après avoir fait la manipulation nécessaire. Et puis tu attends.

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AIDE À LA MODÉRATION: