Cours, Taru-chan, couuuuurs. La voix de Iori était déformée par l'effort et l'excitation. Elle se perdait aussi un peu dans la foule. Malgré tout, Hotaru la décryptait sans mal, sans doute un peu car elle en avait l'habitude. Son surnom résonnait assez souvent que pour qu'elle se soit découvert une seconde nature en y réagissant. L'affaire n'avait pas été gagnée. Iori était un condensé de tout ce que la petite Hotaru détestait chez les autres enfants mais la bonne humeur infectieuse et sa chaleur l'avaient rendue curieusement tolérable. Malgré tout, parfois, la gamine désirait plus que tout lui faire manger de la neige pour que sa camarade se calme un peu. Une volonté qui ne serait pas satisfaite au vu du public présent. Les adultes progressaient à leur suite et il y avait beaucoup d'inconnus tout autour. Par réflexe, Hotaru jeta un regard derrière son épaule. Elle croisa les yeux de son père avant qu'il ne lui indique d'un signe de la main qu'elle pouvait y aller. Les parents de Iori discutaient entre eux et semblaient peu dérangés par les manières de leur fille. Ils y étaient habitués, elle supposait. En plus, contrairement à elle, Iori était originaire de la petite ville et la connaissait comme sa poche. Taru-chan ! Oui, oui, j'arrive. Bougonna la petite fille avant de se mettre à courir à son tour. Elle n'était pas aussi énergique que son amie et le sol était couvert de neige. Heureusement ce n'était pas cette neige très glissante dont il fallait se méfier. A Acajou, il y avait une bonne couche qui s'enfonçait un peu sous chaque pas sans devenir un piège. De toute façon, Hotaru avait chaussé des bottines aux semelles adaptées. Ou plutôt son père avait insisté pour qu'elle choisisse ces chaussures là. Il l'avait aussi poussé à mettre des sous-vêtements thermiques en dessous de ses vêtements normaux. La soirée promettait d'être froide avait-il dit. Pour le moment, la gamine regrettait un peu ce choix car l'effort lui donnait chaud sous toutes ces couches.

Enfin, Hotaru rattrapa son amie. Elle le devait uniquement au fait que leurs parents leur avaient demandés d'attendre devant l'entrée de la patinoire. Contrairement aux apparences, Iori n'était pas totalement une sauvage et avait obéi. Pou-pourquoi- Parler était difficile quand son souffle allait et venait si rapidement. L'enfant s'efforça de retrouver une respiration normale pendant que sa camarade lui tapait inutilement le dos. Elle ne s'étouffait pas pourtant. Pourquoi on a couru ? Après tout, les adultes étaient encore loin. Ils prenaient leur temps car rien ne pressait. Ils étaient venu bien à l'avance exprès. En réponse à cette question, Iori se contenta de hausser les épaules. Sous le regard d'Hotaru, elle offrit une explication qui lui semblait infaillible. Parce que c'est fun ! Sans rien dire, Hotaru rejoint un petit muret pour collecter la neige qui s'y était déposé et forma une boule qu'elle jeta sur son amie avec un sentiment de satisfaction.

Les trois parents trouvèrent leurs enfants dans des états bien différents. Pendant que Hotaru attendait calmement, un peu à l'écart de la foule de gens pénétrant dans la patinoire, Iori formait un ange de neige avec un rire ravi. Elle s'était lancée dès qu'elle avait eu l'excuse d'être déjà couverte de neige après cette bataille de boules improvisée. Au vu de la nuit tombée, Hotaru avait préféré garder une distance prudente et observait son amie avec un peu de jugement dans le regard. Cette dernière allait passer la soirée à se tortiller à cause de l'humidité désagréable sous ses vêtements, elle le voyait venir à des kilomètres. Quand à elle, Hotaru se plaisait à rester bien au chaud dans ses vêtements secs.

Iori, enfin ! S'exclama la mère de cette dernière en se précipitant sur sa fille pour la remettre sur ses deux jambes. Elle s'acharna un instant sur sa veste pour la débarrasser des petits paquets de neige qui s'y étaient déjà formés. Hotaru fut elle gratifiée d'une main posée doucement sur la tête. Son père était à ses côtés et souriait avec amusement en voyant la scène. Quand il la regarda, elle le supposa soulagé d'avoir pour enfant un spécimen plus calme. Tu as déjà joué toute l'après-midi. Mais il fallait que je montre à Taru-chan comment faire. Hotaru soupira. Elle n'avait rien réclamé de tout ça. Elle quitta le flanc de son père pour s'approcher de son amie et lui tendit la main. Un peu par pitié pour sa pauvre génitrice, il fallait l'avouer. Si t'arrête de courir partout, je demanderais à papa si je peux venir jouer le weekend prochain. L'idée ne la dérangeait pas non plus même si elle préférait garder les fins de semaine pour ses activités personnelles. Une fois de temps en temps, elle pouvait bien s'adapter au rythme de Iori. Celle-ci effectua un salut maladroit comme elle avait dû le voir à la télévision, puis pris la main d'Hotaru. Je serais sage. C'est d'accord, hein, maman ? La femme hocha lentement la tête après un regard échangé avec les autres adultes.

Voilà qui était réglé.

Le hockey sur glace n'était pas une discipline que la petite Hotaru connaissait beaucoup. Si elle n'était pas étrangère à l'existence de ce sport, elle n'y avait été exposée qu'au travers de médias étrangers et n'avait jamais envisagé qu'il puisse être pratiqué à Johto. Il fallait dire qu'elle n'était pas non plus très intéressée par ce genre d'activités. Non seulement elle n'aimait pas particulièrement se donner dans un effort physique intense mais elle n'aurait aussi pas trouvé sa place au sein d'une équipe. Elle était obligée d'avoir assez d'interactions à l'école sans en plus occuper son précieux temps libre avec des coéquipiers sentant la transpiration. Et puis était venue cette invitation de la famille de Iori à venir voir le match de charité et son père avait été rapide pour accepter. Toute occasion était bonne pour lui d'avoir des contacts avec d'autres adultes en dehors de son boulot et il savait que la présence de l'autre enfant était plus que tolérée par Hotaru. Cette dernière l'avait pris comme une chance de découvrir une nouvelle discipline, curieuse qu'elle était, tout en restant certaine qu'elle n'aurait jamais l'envie de participer. Elle était là pour regarder et tenter de comprendre ce qu'il y avait de si particulier à se rentrer dedans dans un contexte où tenir debout sur des patins tenait déjà du miracle à ses yeux. Iori lui avait sauté dessus de son arrivée en lui promettant qu'elles en feraient toutes les deux, un futur pour lequel l'enfant n'était pas très optimiste.

Mais l'heure de glisser sur la glace avec toute la délicatesse d'un Deerling venant de naître n'était pas encore venue. Pour le moment, Hotaru était installée entre son père et son amie, un paquet de friandises lui étant présenté en attendant le début du match. Il y avait beaucoup de monde dans ces gradins peu confortables et le bruit était omniprésent, venant autant de la foule que des enceintes crachant un mélange de musique motivante et de déclarations d'un présentateur excité.

Quand enfin les joueurs firent leur entrée dans l'enceinte, les spectateurs se mirent à rugir. Une partie du moins. On pouvait tout de suite comprendre qui était les vrais fans grâce à leurs maillots colorés aux couleurs de leurs hockeyeurs préférés. Les parents de Iori arboraient des écharpes rappelant les uniformes de l'équipe locale, les Farfurets. Même leur fille avait pris le temps de se défaire de sa veste tout à l'heure pour lui montrer son t-shirt exhibant la tête du Pokémon dans un dessin cartoon adorable. Pour ça, Hotaru l'avait un peu envié. Juste pour le design en lui-même, elle en aurait voulu un. La présence d'un stand de goodies à l'entrée ne lui avait pas échappé et elle n'attendait qu'une occasion pour convaincre son père de lui acheter quelque chose. A défaut d'être intéressée par le sport, elle aimait collectionner des choses. Cela allait de petites figurines, aux stickers. A chaque fois qu'ils voyageaient, elle adorait ramener un souvenir un peu kitsch des lieux visités. Une planche de l'étagère de sa chambre n'allait bientôt plus supporter son butin à cette allure.

Les deux équipes se discernaient facilement au vu des couleurs radicalement différentes de leurs uniformes. Si les Farfuret arboraient un bleu-vert très sombre et quelques détails roses, leurs adversaires se démarquaient par un orange criard. Un peu plus tôt, le présentateur les avait nommé les Camérupt d'Autéquia. Si le fait qu'ils viennent d'Hoenn n'était pas si surprenant, il était plus perturbant d'apprendre que leur mascotte était un Pokémon un peu pataud de type Feu et Sol. Toutes ces caractéristiques allaient bien mal avec le sport contrairement aux Farfuret qu'on imaginait sans mal en train de danser sur la glace. Cela n'empêchait pas les hoenniens de se tenir fièrement sur leurs patins. L'un d'eux, assez petit en comparaison des autres, paraissait même bomber le torse. Cela fit réagir le présentateur qui se mit à crier plus fort dans son micro pour les informer que le joueur en question avait appartenu à l'équipe d'Acajou ce qui le poussait à entretenir une certaine rivalité avec ses anciens coéquipiers. Hotaru s'amusa de cette explication. Le hockey sur glace accueillait bien plus de drama qu'elle n'aurait pu le penser avant ce jour.

Le match commença finalement au son d'un buzzer qui poussa aussitôt les joueurs à s'entrechoquer pour récupérer le palet. L'enfant n'avait appris le nom de ce drôle de disque qu'il y a peu grâce aux babillages de Iori à ses côtés. Cette dernière avait désormais quitté son siège et sautillait, toute excitée, mais elle n'avait pas encore bougé du périmètre que sa mère lui avait demandé de respecter. Hotaru le prenait pour un bon signe.

Le palet passait d'une crosse à une autre. Il était parfois récupéré par un adversaire avant d'être envoyé vers le but dans un coup brusque. La petite fille pouvait au moins leur reconnaitre beaucoup de talent. Il fallait avoir une sacrée dextérité pour réussir à manier aussi habillement un objet sur une surface glissante avec un long bâton. Quand on le résumait de la sorte, l'image était un peu ridicule mais le spectacle en lui-même restait impressionnant. Ainsi, même Hotaru se prit au jeu. Des Ohs et des Ahs lui échappaient sans qu'elle n'en ait réellement conscience. Elle finit même par se mettre debout à l'instar de son amie lorsque le premier réel incident se produit. Le joueur le plus chétif des Camérupt avait plaqué un Farfuret contre l'enceinte du rink et ce dernier avait glissé au sol après l'impact. Cela avait permis à son adversaire de s'emparer du palet pour marquer, ouvrant enfin le score. En réponse, le présentateur n'avait pas manqué d'ajouter son grain de sel. Il insistait depuis un moment déjà sur le fait que l'ex-Farfuret harcelait celui qui était apparemment le capitaine de son ancienne équipe. La collision avait été la concrétisation de cette attitude. Les yeux peu habitués d'Hotaru n'avaient pas perçus tout cela mais elle voulait bien le croire. Il y avait dans les mouvements de celui qui venait de marquer une attitude provocante et il restait fort proche du joueur encore au sol. Les coéquipiers de celui-ci s'étaient rassemblés et on pouvait entendre quelques éclats de voix indistincts. L'un d'eux effectuait même de grands gestes avec son bras comme pour dire à l'autre de s'éloigner.

Relève toi, Kiku. Iori se mit soudainement à crier avec les autres spectateurs. Elle avait les mains en coupe autour de sa bouche dans un mégaphone improvisé. Hotaru supposa qu'il s'agissait du nom du joueur qui ne s'était pas encore remis sur ses patins. La foule repartit de plus belle en voyant le fameux Kiku se remettre debout. De toute évidence, le capitaine était aimé à Acajou.

Le match s'acheva sur la victoire de justesse des Camérupt après une égalité qui avait longuement duré. Perdre à domicile paraissait peser lourdement sur les joueurs des Farfuret mais ils reprirent un peu de poil de la bête sous les applaudissements de leurs fans. Si ceux-ci étaient déçus, ils ne le montraient pas trop. Ils avaient plutôt l'air fier. Leur attitude aurait peut-être été différente si le match avait eu une importance dans un potentiel tournoi. Ici, ils jouaient un peu plus pour le plaisir et pour la bonne cause. Paraitre mauvais joueur n'aurait pas aidé. Même le joueur le plus brutal des Camérupt alla serrer la main du capitaine des Farfuret avant de lui taper l'épaule. Qu'importe l'animosité sur la glace, l'histoire se finissait bien.

Hotaru oublia vite tout cela après un passage au stand de produits dérivés. Il avait fallu faire la queue un moment mais elle en était ressortie avec une petite statuette en forme de Farfuret portant le maillot de l'équipe et une crosse de hockey. Une nouvelle écharpe aux couleurs du Pokémon était aussi enroulée autour de son cou, cadeau des parents de Iori. Cette dernière paraissait heureuse de les voir assortie désormais. Mais elle était plus excitée encore à l'idée de ce qui les attendait. Après un passage obligatoire au comptoir vendant du chocolat chaud, tout le petit groupe s'était dirigé vers la glace où les restes du match avaient été ôtés. Les spectateurs étaient libres de patiner, le personnel de la patinoire proposant d'aider les débutants. Ils se démarquaient avec leurs polaires estampillées au nom des lieux. Plus surprenant, les joueurs des Farfuret, débarrassés de leur équipement, se mêlaient à la foule. Hotaru en repéra certains qui signaient des autographes mais d'autres étaient occupés à stabiliser des jeunes sur la glace, leurs visages fendus de grands sourires. Si ils étaient épuisés après le match, ils n'en montraient rien.

Pendant que Hotaru observait, Iori n'avait pas perdu de temps. Son chocolat chaud abandonné dans les mains de son père, elle avait déjà troqué ses bottines pour des patins probablement tout droit sortis du grand sac porté par sa mère. Avec la force de l'habitude, elle était en train de les nouer. Tu veux essayer ? Le père d'Hotaru se tenait maintenant à ses côtés et la regardait avec bienveillance. Elle secoua la tête. Pas maintenant. Son gobelet lui réchauffait les mains et il était suffisamment bon que pour ne pas lui donner envie d'en gaspiller une goutte. Et puis, pour le moment, il y avait un peu trop de monde sur la glace à son goût. Plus tard, elle s'essayerait peut-être à l'exercice mais elle préférait le faire dans de bonnes conditions. Il valait sans doute mieux aussi que Iori aille se fatiguer un peu par elle-même avant qu'elle ne se mette en tête de transmettre son savoir.

Comme à son habitude, son père n'insista pas et elle se laissa peser contre son côté avec un soupir satisfait. Observer les mouvements habiles de son amie lui suffisait amplement pour le moment.