Pendant que j’échange avec Samaël, je n’ai pas trop fait gaffe à ce qu’il se passait du côté de Limonde. Je l’ai bien entendu parler à Happy, mais j’ignore pourquoi… Et je ne peux pas m’empêcher de pouffer en constatant que la créature s’est hissée naturellement sur le dos de Pazuzu. Ma Bruyverne l’a laissé faire évidemment, je pense même qu’en vue de son caractère, elle aimerait bien prendre soin du petit Togepi… Mais j’sais pas si c’est une bonne idée de la laisser faire. Contrairement à Azazel qui a un instinct maternel très développé et qui sait s’occuper des autres à merveille, Pazu est un peu trop… Brusque, je dirais. Sa carrure ne doit pas aider, le plus compliqué étant les griffes au bout de ses ailes. Je ne compte plus le nombre de fois qu’elle m’a griffé sans le vouloir, c’est pas pour rien que je reste relativement tranquille quand elle commence à me bouffer les cheveux d’ailleurs. Bref, la scène m’amuse bien que je sois toujours un perturbé que Sam ne veuille pas venir avec nous.

De toute évidence, mon chéri n’a pas compris pourquoi mon starter restait en retrait. Je le laisse s’occuper de son Togepi en premier lieu, ayant sans doute un visage un peu éteint sur le moment. Je me souviens que j’ai jamais expliquer à Illia pourquoi Samaël est toujours avec moi. Il faudrait que je lui raconte la soirée qui a tout changé, mais en même temps, je n’ai pas envie de l’évoquer ce soir. J’ai envie de profiter du moment, pas de déprimer en repensant à cette soirée-là. Cependant, il s’agit d’un évènement important de ma vie qui a eu des répercutions énormes… Et qui explique aussi mon agressivité lors de notre première rencontre. Je me demande s’il s’en souvient encore.

« Il va bien t’inquiète. Disons plutôt qu’il te fait confiance pour veiller sur moi. »

J’vais pas mentir après tout. Mon Démolosse se tient droit et fier quand je m’exprime, lançant un regard à Illia pour faire passer le message qu’il n’avait pas compris. J’ai l’impression que ça lui pèse un peu quand même, comme décision, qu’elle n’est pas facile à prendre. Aussi, je préfère qu’on ne s’attarde pas trop pour ne pas le tenter de venir avec nous quand même, ou simplement le narguer. De toute façon faut qu’on fasse vite apparemment sinon c’est Happy qui vient aussi avec nous, même si la présence du Togepi ne m’aurait pas dérangé outre mesure. Mais bon, si on peut aussi passer un moment sans devoir nous soucier de nos compagnons… Je suis preneur.

Le trajet a fait disparaitre les souvenirs de Malié qui s’étaient immiscés malgré moi dans ma caboche. Si j’en crois les cris et rires d’Illia, il a aussi aimé le voyage, même s’il a été de courte durée. Je suis bêtement content qu’il s’entende assez avec Pazuzu pour profiter ainsi du vol. Je sais que ça fait plaisir à ma Bruyverne. Ça aurait été un drame si jamais elle n’aimait pas mon petit ami… Jusqu’à présent d’ailleurs, on dirait que tous mes pokémon l’apprécient. C’est tant mieux ! Et même nos pokémon entre eux, tout se passe bien. Peut-être qu’ils se rendent compte qu’ils n’ont pas vraiment le choix, en vue de notre relation. Je préfère me dire néanmoins qu’ils s’entendent bien parce qu’ils s’apprécient vraiment. Surtout que maintenant, ils vont se côtoyer encore plus fréquemment. Je l’espère, en tout cas.

L’endroit est chouette, en tous les cas. Je suis content aussi que le ciel soit dégagé, on peut ainsi voir la totalité du ciel étoilé. On est en plein milieu de la clairière donc il n’y pas d’arbres pour gêner la vue. Je suis vraiment content. Illia aime aussi et ça me fait arborer un sourire idiot. J’installe la couverture alors qu’il me questionne sur mes connaissances des constellations.

« J’en connais quelques-unes, surtout celles qui permettent de s’orienter justement. Comme dans le désert on se déplace que la nuit, c’est vital pour savoir où aller. » Je lève les yeux, essayant de donner des exemples à Limonde. Je ne tarde pas à en pointer une. « Tu vois celle qui brille le plus ? C’est… Merde j’ai plus son nom en commun. En saharii c’est l’étoile guide, si je traduis littéralement. Elle indique toujours le nord. Mais elle est pas visible partout, par exemple je sais qu’à Alola on ne la voit pas. Ils ont un autre ciel comme ils sont pas sur le même hémisphère. » J’avais eu bien l’air con d’ailleurs quand j’avais essayé de m’orienter là-bas. Heureusement que mes frères étaient avec moi sinon… Quoi que. J’ai un bon sens de l’orientation, je m’en serais tiré autrement mais voilà. Puis de toute façon c’est des îles donc c’est relativement simple d’au moins trouver la côte. Derek m’avait expliqué d’ailleurs quelques trucs pour se repérer, mais je trouve leur ciel moins pratique que le nôtre de ce côté-là. Sans doute parce que je n’ai pas grandi avec.

Limonde se laisse tomber sur la couverture, je m’inquiète un instant qu’il se soit fait mal vu le bruit que son dos a fait. Il ne tarde pas à tendre les bras vers moi, me rassurant au passage. Contrairement à lui je me pose posément dans ses bras, notamment parce que j’ai pas envie de lui faire mal en m’étalant sur lui. Je me calle contre lui, ma tête se posant sur son épaule et mon bras allant le cercler à la taille doucement. J’aime sentir sa chaleur, profiter de cette proximité qui est désormais normale. Je ne regrette vraiment pas de m’être lancer malgré mes peurs. Je colle encore plus à lui inconsciemment, comme un Remoraid à un Démanta quand je sens son étreinte se faire plus forte. Je tente de le regarder pour découvrir le pourquoi du comment sans y parvenir. Les traits de son visage se sont un peu tendus, je ne sais pas ce qui lui passe par la tête. S’il souhaite en parler, je suis là. Je ne vais pas l’y forcer mais j’espère qu’il sait que je suis à son écoute. C’était déjà le cas avant, c’est évidemment encore valable.

Au lieu de ça il sort son téléphone. J’imagine que c’est comme moi avec la soirée d’Alola, il ne veut pas zapper l’ambiance. Même si… En y réfléchissant, ce n’est pas si pire. J’ai envie qu’on soit capable de se dire les choses, même les plus gênantes, sans gêne justement. Je n’ai jamais réussi à le faire avec qui que ce soit jusqu’à aujourd’hui, j’espère que ça va changer. Je détourne le regard pour ne pas voir l’écran de son téléphone. Je trouve ça intrusif et j’ai encore en mémoire Derek qui fouille mon portable ainsi que la sensation désagréable que ça m’a procuré… Je n’ai pas envie qu’Illia ressente la même chose. Puis je suis pas méfiant ou quoi que ce soit, Limonde a ma confiance totale. Du coin de l’œil j’ai quand même pu malgré moi voir de nombreuses notifications et c’est sans surprise qu’Illia me confirme que ça vient de Rose. Ça m’aurait été étonné, tiens. Ça me fait doucement rire. Je me marre davantage quand mon chéri m’annonce qu’elle était persuadée que je le draguais pendant le ciné… Et je pensais qu’il s’en était aussi rendu compte maintenant.

« Ah ben clairement. En plus elle connait mes sentiments pour toi depuis un petit moment. » C’est sorti naturellement. J’aurais peut-être dû faire attention et l’annoncer plus en douceur, mais j’sais pas comment il va réagir, en vrai. Après tout, je me suis confié à elle plutôt qu’à lui… Seulement la situation explique tout, n’est-ce pas ? Puis même, à l’origine je n’avais aucune intention de lui raconter. « Elle m’a grugé. Apparemment je suis pas aussi discret que je le pensais. » Je ris un peu, amusé, mais toujours un brin inquiet de la réponse d’Illia. Il me propose de trouver un émoticône pour lui répondre, un qui la laisserait dans l’incompréhension la plus totale. Je comprends que je suis autorisé à regarder son téléphone et m’exécute. « Je savais même pas qu’il existait autant d’émoji… » Pour ma part j’utilise toujours les mêmes donc je ne m’amuse jamais à chercher. Et je dois dire qu’il y en a plein qui m’interpelle, comme le masque Tengu. Pourquoi il y a une émote pour ça ? Un Tengalice, j’dis pas, y a plusieurs pokémon dans la liste mais… le masque Tengu, réellement ? Dans quel genre de conversation ça s’utilise… ? En fait, j’veux pas savoir. Je cherche toujours le bon choix mais je réalise que je suis nul à ce jeu-là.

« Il sert à quoi celui qui sourit mais qui dégouline ? »

C’est vraiment pas ma tasse de thé. Heureusement, j’ai pas proposé l’aubergine… Ça au moins je sais ce que ça signifie.

C’est avec attention que j’écoute Aram me partager quelques-unes de ses connaissances sur les étoiles. Des qui pourraient m’être utiles, en plus, si j’arrive à les retenir. Le soucis, c’est que j’ai du mal à repérer laquelle des étoiles, dans la direction qu’il me désigne, est celle qui brille le plus. Peut-être que je n’ai pas une si bonne vue que ça, ou alors qu’il faut être bien entraîné pour savoir repérer ce type de contraste. En plissant un peu les yeux, j’ai l’impression qu’une est plus lumineuse que les autres, alors je décide qu’il doit me parler de celle-ci. Je me demande comment je réussirai à la retrouver, si un jour j’en ai besoin, en-dessous d’un ciel si plein d’étoiles comme celui-ci.

- Si elle brille tant que ça, peut-être que je pourrai la voir même à Port Yoneuve, ce serait logique : si une des lumières étoilées doit pouvoir percer la pollution et les nuisances des éclairages, c’est peut-être elle. Je pensais pas qu’Alola c’était aussi loin, je me sens bête en le disant, mais ne m’en soucie pas puisque c’est à Limonde que je parle. Les planisphères, ça donne pas une bonne échelle des choses, je trouve. Et, même si je voyageais, je ne sais pas si je me rendrais compte que c’est loin à l’échelle du ciel.

J’observe encore l’étoile guide pendant quelques secondes avant de baisser la tête et me laisser tomber sur la couverture installée par Aram. Ayant l’habitude de me prendre des coups, j’ignore la légère douleur quand je touche le sol - j’aurais peut-être au moins dû mettre les mains - et quémande directement un câlin. Aram comprend et vient se caler contre moi. Je l’enlace doucement, souhaitant juste profiter de l’avoir contre moi dans un moment de calme, avec ce beau ciel étoilé au-dessus de nous. Quand je sens qu’il pose la tête contre mon épaule cependant, je ne peux m’empêcher de le prévenir :

- Rose dit que mes épaules sont pas confortables donc hésite pas à bouger, je le prendrai pas mal.

Laisser mon regard se perdre dans le ciel étoilé m’amène à penser au moment présent, à ce que j’aurais pu rater si ça s’était mal passé pour moi dans la grotte électrolithe. Sans que j’y prête attention, je resserre mon étreinte autour de Limonde. Pour en détourner mes pensées, je sors mon téléphone pour prendre des photos du ciel et remarque la montagne de notifications venant de ma meilleure amie. Ca me fait rire, car je sais que c’est autant son inquiétude que son amour des potions qui parle. Depuis qu’elle compris mes sentiments pour Aram - avant moi d’ailleurs - elle cherche à tout savoir.
J’explique un peu ce qu’il en est à Aram, sans lui cacher l’écran de mon téléphone. C’est pas comme s’il y avait quoi que ce soit de secret dessus de toute façon, même si j’ai l’impression qu’il cherche à éviter de le regarder… Je peux comprendre, mais là Rose a juste spammé la conversation de messages s’apparentant à une forme de harcèlement. Heureusement que c’est elle.

- Attend quoi ?!, comment ça, elle est au courant depuis un moment des sentiments d’Aram à mon égard ?! Je ne sais pas quand ils ont pu se voir pour qu’elle soit mise au courant, mais ça veut dire qu’elle me sort son meilleur jeu d’actrice depuis un moment, la traîtresse ! Je suis sur le cul. Un peu moins quand il m’apprend qu’elle l’a deviné toute seule. Donc elle nous a grillés tous les deux, super !, y a une certaine ironie dans ma voix. J’arrive pas à croire qu’elle m’ait laissée me lamenter comme ça sans rien dire…, quoiqu’en y réfléchissant. Je me passe une main sur le visage, me sentant très bête. Non oublie en fait, c’était gros comme une maison qu’elle essayait de me pousser vers toi, juste je captais rien.

Il est clair que Rose ne mérite aucune réponse claire ou cohérente de ma part. L’idée me faisait déjà rire avant, mais maintenant elle s’associe à une envie de vengeance face à ses manigances et ses cachotteries. D’un côté, c’est sûr, je suis content qu’elle ne m’ait rien dit des sentiments d’Aram car ça aurait été nul comme dénouement, d’un autre… Je me revois sur son canapé en train de lui exposer en long et en large à quel point c’est la merde, à quel point mes chances sont bien en-dessous de zéro et à quel point c’est une situation de merde. Tu m’étonnes qu’elle ne m’écoutais que d’une oreille ! Je ne re-gagnais son attention que quand j’énumérais malgré moi les qualités que je trouve à Limonde et qu’elle en profitais pour essayer de me convaincre de me lancer car, au pire, vu tous les bons points que je lui trouve, ça ne pouvait pas se passer si mal que ça. En plus, elle a eu l’indécence de me laisser m'empiffrer de pots de glace comme une caricature de film romantique à la con. A tous les coups c’était pour me prendre en photo et en rire plus tard ! Donc non, elle ne mérite aucune réponse claire.
Je propose donc à Limonde de choisir un emoji à lui envoyer, celui qui pourrait la rendre la plus confuse possible. Il y en a beaucoup, il fait d’ailleurs une remarque sur leur nombre qui m’amuse un peu. Tu m’étonnes qu’il ne soit pas doué avec son téléphone s’il n’a même pas pris la peine de regarder tous les émojis proposés… Hm. C’est peut-être pas le moment de repenser à cette photo qu’il m’a envoyée par erreur il y a longtemps.

- Euh…, je n’ai pas de réponse à sa question, car en effet le visage dégoulinant me laisse perplexe aussi. Honnêtement je sais pas. Peut-être un gros malaise ? Genre t’as envie de te laisser fondre et glisser dans les égouts ?, je ne sais pas si mon image est très parlante, mais moi en tout cas je vois très bien la sensation associée pour l’avoir ressentie de nombreuses fois au cours de ma vie. Ou alors juste il fait chaud, et du coup ça peut être pas mal, vu qu’on sait pas ce que ça veut dire !

Comme je ne veux pas non plus passer trop de temps sur mon téléphone, je m’empresse d’envoyer ce message à Rose avant de passer carrément en mode avion afin qu’elle ne puisse pas me déranger et tomber directement sur la messagerie si elle tente de m’appeler. Ca lui apprendra ! Peut-être qu’elle essayera de venir me chercher chez moi, à une heure pas possible, ce qui lui fera également les pieds.
Après ça, je prends quelques photos du ciel étoilé et ce faisant ait une idée d’image que je trouverais chouette. Je prends la main d’Aram dans la mienne.

- Tu me laisse faire ? Je vais essayer un truc.

Je tends nos bras vers le ciel et place mon téléphone de manière à avoir un bon angle de vue sur nos mains entrelacées devant les étoiles. Là, je prends plusieurs photos pour être certain d’en avoir une bonne et je relâche.

- Ca rend pas mal, non ?, je lui demande tout en lui montrant le résultat, tout fier de moi.

Après ça j’abandonne définitivement mon téléphone sur la couverture. Je suis bien là, blotti contre Aram. Je caresse ses cheveux, fins et doux. J’ai beau savoir que le blanc n’est pas sa couleur naturelle, je ne peux m’empêcher de les imaginer comme de précieux fils d’argents. Cette comparaison me fait remarquer que je suis en train de m’enfoncer dans cette tendance, que Rose a remarqué chez moi, à presque idolâtrer des caractéristiques physique de la personne que j’aime. Heureusement, ça ne me dérange pas. Je ne vois pas en quoi ça pourrait poser problème non plus, si tout chez Aram me paraît précieux.
Je fixe les étoiles et leurs scintillements jusqu’à constater que, malgré tous mes efforts, je ne peux pas m’empêcher de repenser à la grotte électrolithe. Elles brillent dans l’obscurité du ciel comme ces petites roches chargées d’électricité sur les parois de la grotte. Belles, mais qui se sont avérées si dangereuses. Je repense à ce que j’en ai dit à Limonde, à son bracelet, à mes paroles juste avant notre déclaration.

- Tu sais…, je commence avec un peu d’hésitations. Y a un truc que je t’ai pas dit tout à l’heure quand je te parlais de ton bracelet, je me demande comment je vais pouvoir être clair alors je continue à chercher mes mots. Je m’y suis accroché, c’est vrai, mais c’était beaucoup parce que je voulais te revoir. J’étais là, avec Rubis et Juliette qui me protégaient comme ils pouvaient de la putain de fatal-foudre déchaînée là, et je me disais juste que ce serait terrible de jamais te revoir, je ne sais pas trop si je cherche à faire un aveux d’égoïsme ou simplement à dire la vérité. Toujours est-il que je me sens bizarre, troublé. T’as déjà vu, toi, dans tes voyages, des trucs comme ça ? Je suis même pas sûr que c’était un pokémon. C’était comme si un orage hyper violent avait pris vie, genre une catastrophe naturelle qui nous attaquait volontairement. Avec des éclairs et des griffes.

Je crois avoir fini. Après quelques secondes passées en suspension, je me contorsionne un peu le cou pour déposer un baiser sur son front et affirmer, ayant retrouvé un sourire de reconnaissance infinie.

- Je suis vraiment heureux d’être là avec toi.

« Tu devrais la voir oui, c’est même la première étoile qu’on voit quand la nuit commence à tomber ! » Ça parait logique en même temps, si c’est la plus brillante. Mais j’aime bien partager mes connaissances quand j’en ai, et encore plus avec Illia. Parce que je me sens bien avec lui, je sais aussi que si je raconte une connerie il ne m’en tiendra pas rigueur. Enfin, il ne manquera de se moquer de moi mais c’est pas grave. Quand ça vient de mon chéri, je ne me vexe pas ! « On dirait pas et pourtant… J’y suis assez allé pour affirmer que c’est pas la porte d’à côté. » Est-ce que ça fait pas prétentieux de dire ça ? Bah, comme dit, c’est pas Limonde qui va en tenir rigueur. Avec mon job de toute façon, je suis amené à beaucoup voyager et si pour le coup je pensais surtout aux fois pour aller voir Derek, depuis mon arrivée à la Ligue j’y suis aussi pas mal retourné. Mais bon, pour l’heure, j’ai pas spécialement envie d’y penser maintenant. Que ce soit à mon ex ou au boulot.

Je me cale contre Illia, ravi de pouvoir profiter de cette proximité. Être près de lui suffit à me faire sentir bien. Sa chaleur me réchauffe. Je ri à sa réflexion, essayant d’estimer la dureté de son épaule. « Oh t’inquiète, je te rappelle que je préfère dormir par terre donc la notion de confort pour moi… Puis j’suis près de toi c’est tout ce qui compte. » C’est mielleux mais j’assume. Je pensais pas que j’arriverai aussi vite à assumer à voix haute mon bien-être comme ça. En général, il faut lire sur mon visage que je suis heureux, je l’exprime que rarement. Mais là… J’ai envie. J’ai envie de partager mes sentiments, j’ai envie de lui faire savoir que je suis bien avec lui… Même si mon corps entier hurle son bien-être. C’est nouveau de ressentir ça, j’vais toutefois pas m’en plaindre. C’est tellement bien…

Rose a fait sa Rose, si je puis dire. Je laisse échapper qu’elle savait pour mes sentiments et sans grande surprise, Illia est choqué. J’aurais peut-être dû y mettre un peu plus les formes plutôt que de lâcher ça comme ça. Du coup, je précise que c’est elle qui m’a grillé depuis belle lurette, mais je ne sais pas encore si je peux avouer à Limonde que ça fait longtemps que mes sentiments sont là… J’appréhende le moment où il apprendra que je suis amoureux de lui depuis qu’il m’a sorti de la mouise à Entrelasque. Quand il était encore en couple… Mon visage affiche une moue qu’il ne peut pas voir et ça m’arrange. Il m’apprend qu’elle l’avait lui aussi grillé et ça me fait un peu rire. On est vraiment pas doué ma parole ! Je fronce brièvement les sourcils quand il évoque que Rose l’ait laissé se lamenter… Par rapport à nous deux ? Vraiment ? Ça le mettait dans le mal alors que de mon côté j’étais carrément open et j’avais l’impression que la Terre entière était au courant ?... Je suis mal placé pour parler, en fait. Lui était open aussi et j’ai mis quinze ans à m’en rendre compte.

« La pauvre, on a dû la désespérer. Ça doit pas être facile de savoir des trucs, de se retrouver au milieu en sachant qu’on peut pas révéler ce qu’on sait… Elle m’a encouragé à me lancer aussi. » Je sais d’ores et déjà qu’Illia va certainement pas la plaindre mais je réalise la position dans laquelle elle s’est retrouvée. Savoir qu’on est tous les deux fous de l’autre mais qu’on ose pas se l’avouer et ne pas pouvoir intervenir… De ce que je sais d’elle, j’imagine que ça devait la rendre folle ! C’est pas réellement étonnant qu’elle l’ait harcelé de messages dans ce cas-là. « Mais du coup… T’avais peur que je t’envoie sur les roses ? Sans mauvais jeu de mots. » Quelle idée de s’appeler comme une fleur aussi là, l’expression m’a échappé. « Je sais que moi… J’étais terrifié à l’idée que tu me rejettes. J’étais en stress à l’approche d’aujourd’hui parce que j’avais prévu de me lancer depuis le début. » Ça au moins je peux l’admettre, même s’il l’a peut-être déjà compris. En tous les cas… Je suis curieux de son point de vue à lui.

Avec plus de légèreté on cherche un émoji à lui envoyer. Je questionne mon chéri sur le sourire coulant -si je peux le définir comme ça- et il semble tout aussi sceptique que moi. Ça m’amuse et me rassure en même temps ; ça veut dire que je ne suis pas aussi débile que je le pensais. J’suis toujours une bile avec les nouvelles technologies. Je me mets à rire quand Illia décide qu’il envoie ce smiley dont on ignore la signification. « Je me demande comment elle va l’interpréter. Peut-être qu’elle sait ce que ça veut dire contrairement à nous. » On ne connaitra pas la réponse cela-dit, j’ai vu du coin de l’œil Illia passer en mode avion. Oh, faudrait que je fasse pareil avec le mien… Même si y a peu de chance que je dois déranger. Alice a bien compris qu’aujourd’hui, il fallait me foutre la paix. Idem pour mes frères et Nina, même s’ils doivent être aussi curieux que Rose si j’y réfléchis deux secondes. Cependant, j’ai pas envie de sortir mon téléphone pour vérifier ; on verra ça demain.

Je regarde Illia prendre des photos du ciel, toujours bien calé contre son épaule. Je la trouve pas si inconfortable que ça d’ailleurs. Je le laisse prendre ma main et montre de l’intérêt quant à son idée. J’suis curieux de ce qu’il veut faire. J’ai toujours aimé ses photographies donc… J’suis sûr que je vais aimer aussi cette fois. J’essaye de ne pas trop bouger quand je comprends qu’il souhaite photographier nos mains enlacées sur fond étoilé. J’adore l’idée, j’adore le rendu. Alors forcément, quand il me demande mon avis, je suis enthousiaste. « C’est super chouette ! J’adore ! Faudra que tu me les envois sur mon phone, en fond d’écran ça devrait bien rendre ! » On en fond de verrouillage. En vérité… je préfèrerais mettre une photo de nous deux en fond d’écran. Sauf que je sais comment il se crispe quand on fait des clichés prévus comme des selfies alors… Il va falloir que je sois ingénieux pour le surprendre et qu’il soit naturel. Même si en vrai je le trouve beau quoi qu’il arrive, mais j’suis complètement mordu jusqu’à l’os alors…

Les caresses dans les cheveux, j’adore. Je profite de l’instant, bougeant un peu pour lui permettre d’avoir plus facilement accès et je feins un ronronnement pour faire connaitre mon plaisir. C’est idiot mais ça m’amuse. C’est le genre d’attention qui me fait fondre, je pourrais m’endormir tellement je me sens bien. Cependant, je comprends, quand Illia reprend la parole qu’il faut que je sois alerte et attentif. Il évoque l’exploration désastreuse, mon bracelet et cette peur qui l’a habité ; celle de ne plus jamais me revoir. Je sens mon cœur me serrer. Certes, ça me fait plaisir mais c’est surtout la compassion qui prend le pas. Je relève un peu la tête, serrant sa main dans la mienne. Je l’écoute attentivement, fais savoir en attendant que je suis là. Je serais toujours là pour lui. Sa question me plonge dans une réflexion intense, regroupant mes souvenirs. « J’ai déjà assisté à des phénomènes météorologiques assez flippants ouais… Mais rien qui ressemble à ce que tu as vécu. Le plus probable... Non je saurais même pas dire en fait. Je ne connais pas de pokémon capable d’un tel chaos. ‘Fin… A part ceux des légendes mais comme dit, c’est des légendes. Je crois… » Je suis sceptique. Je ne crois pas aux pokémon légendaires, pourtant j’ai déjà assisté à des évènements inexpliqués. Mais pour moi, ça revête pas de l’extraordinaire. J’suis persuadé qu’il y a une explication, sauf qu’on ne la connait pas, c’est tout. « Si ça se trouve… C’est un pokémon qui a méchamment muté. Y a des environnements qui sont favorables à ce genre de trucs. » J’ai entendu dire que les radiations dues au nucléaire peuvent influencer certains pokémon mais aussi les humains. C’est pas des trucs très joyeux et je n’ai pas très envie d’y penser. Le plus important à mes yeux, c’est qu’Illia et ses alliés s’en sont sortis. Par quel miracle je ne sais pas, je serais même prêt à remercier Rhalgr pour ça. Même si je ne crois pas en lui.

Le baiser me fait fermer les yeux pour en profiter, les paroles qui suivent me font arborer un sourire doux. « Moi aussi. » Je sais pas ce qu’il serait advenu de moi s’il lui était arrivé quelque chose de plus grave encore. Seulement, je ne souhaite pas lui imposer cette pression. Je bouge légèrement pour pouvoir être capable de l’embrasser. Je m’en lasse pas. Mon bras s’accroche à sa taille, on dirait un Dodoala qui ne veut pas lâcher sa buche. Mes doigts se faufilent sous le tissu pour profiter de sa chaleur. Sauf que… Sauf que c’est en train de me donner d’autres idées. C’est peut-être pas le moment, alors qu’il se confie à moi sur l’épreuve qu’il a traversé. Mais en même temps, j’ai envie de le soutenir, de le câliner, de l’embrasser…

Et tellement plus encore.

- Elle se retrouverait pas dans ces situations si elle se mêlait un peu plus de son propre cul, désespérer Rose est le cadet de mes soucis, je pratique la discipline depuis ma plus tendre enfance. Enfin, j’imagine qu’il faut que je la remercie un peu si elle t’as encouragé…

La question qui vient ensuite a le don de m’embarrasser. Maintenant que nous en sommes là, je me sens ridicule. Ceci-dit, j’avais toutes les raisons du monde de penser que ça ne marcherait jamais. Apprendre qu’Aram était lui aussi terrifié me rassure un peu, même s’il n’avait aucune raison de l’être.

- L’expression est bonne, vu que c’est vers elle que je serais allé chialer si ça c’était mal passé… Quoique non. Ca pouvait pas mal se passer, parce que moi j’avais prévu de rien dire. Jamais, j’adopte un ton faussement catégorique pour tenter de couvrir mon sentiment de ridicule. Donc ouais j’avais peur à ce point. Parce que bon les probas…, je fais un vague geste dans ma direction. Enfin, maintenant on sait qu’il y avait pas de raison qu’on ait peur, mais c’est quand même dingue ce qu’y se passe !

Quand j’y repense, j’ignore comment j’ai réussi à me lancer sans avoir de véritables certitudes tout à l’heure. Bien sûr j’étais terrifié, mais cela aurait dû justement me retenir de faire quoi que ce soit. Peut-être une tendance auto-destructrice qui refaisait surface et dont les plans ont été contrecarrés par une probabilité absurde. Aram doit avoir des prétendants tout autour du ventre et il me choisit moi. Je ne comprends pas ce que j’ai fait pour le mériter, mais je ne veux pas savoir de peur de gâcher l’exploit.

Nous envoyons un smiley fait pour la rendre confuse à Rose, suite à ses messages incessants. Limonde se questionne sur ce qu’elle en pensera, ce que j’évite de faire. Il y a des chances qu’elle s’inquiète et cherche à savoir où je suis pour me consoler ou que sais-je. Elle le mériterait, ça lui ferait les pieds, mais je sais que je m’en voudrais si je l’apprends. Alors je passe en mode avion pour ne plus être dérangé : je ne veux pas me sentir coupable de quoi que ce soit ce soir. Ou du moins pas d’un truc aussi stupide que ce que Rose décide de faire de sa nuit après s’être mêlée de nos affaires.

Le ciel étoilé est beau, ce qui me donne l’idée de prendre nos mains en photos devant. Je suis fier de montrer le rendu à Aram qui souhaite s’en faire un fond d’écran. Ca me touche et me fait sourire bêtement. C’est vrai que l’idée est bonne, peut-être que je vais le copier s’il le fait. Je pense pas qu’il m’en voudrais. Bien que je n’y ai pas encore trop pensé, j’imagine sans mal que je ne vais pas trop pouvoir me balader avec une photo avec la tête d’Aram dessus en fond d’écran de mon téléphone. Enfin, j’y réfléchirai plus tard. Pour le moment, je laisse mon téléphone de côté. Rester là à se câliner c’est mieux que de réfléchir à tout ça, même si mes pensées reviennent presque tout de suite à la grotte Electrolithe. Même le faux ronronnement d’Aram ne parvient pas à m’en détourner, même s’il a le don de me faire rire. Comme quoi, je n’étais peut-être pas si loin dans ma comparaison entre lui et mon chacripan.
Ca m’agace de reparler d’un truc lourd maintenant, mais je finis par me confier un peu plus à lui sur ce qu’il s’est passé dans la grotte Elecrolithe. Sur mes pensées égoïstes, la peur de ne jamais le revoir, et mes interrogations concernant ce qui nous a attaqué. Heureusement, je m’arrête avant de décrire la jambe de Célestin. Aram est avec moi. Même si je ne le regarde pas dans les yeux, car ils se perdent dans les étoiles, je le sens et serre sa main dans la mienne en retour. Il me fait du bien, comme à chaque fois.

- J’y crois pas non plus je t’avoue, rapport aux pokémons légendaires. Car il faudrait accepter des absurdités comme le fait qu’un pokémon soit le Temps, entre autres trucs débiles. C’est vrai que la grotte Electrolithe c’est un endroit super bizarre. L’électricité fait flotter les pierres et tout… Enfin t’as vu les photos. Peut-être que t’as raison. Peut-être que c’est un pokémon qu’a muté, je reste pensif quelques instants. J’espère qu’il pourra jamais sortir de là en tout cas !

Car je ne veux jamais le revoir. Encore moins maintenant que je suis avec Aram. Ce serait horrible que de m’avoir permis de le retrouver tout ça pour que le nuage d’orage me retrouve et m’enlève.

J’essaye de faire s’envoler ces pensées négatives et ces appréhensions absurdes, aidé par l’affirmation mutuelle que nous sommes heureux d’être ensemble à cet instant. Aram se rapproche encore de moi, dans une position qui permet à nos lèvres de se trouver plus facilement. Mes bras s’enroulent autour de son torse, pour plus de proximité encore. je le sens sous mon haut, espère un instant qu’on ne sente plus autant mes côtes. La fraîcheur du soir pénètre par là où sa main a soulevé le tissu et je frissonne, à cause du contraste entre le froid et la chaleur de ses mains et de ses lèvres que je ne veux plus laisser. Je ne m’étais jamais assez rendu compte d’à quel point il est merveilleux de pouvoir enlacer et embrasser la personne que j’aime. Qu’elle soit là, qu’elle existe physiquement. De vouloir la sentir tout contre moi et que cela puisse se réaliser.
Sans réfléchir, je profite de l’étreinte de mes bras autour d’Aram pour le tirer et qu’il se retrouve complètement au-dessus de moi. Je pose une main sur sa joue et prends un instant pour observer son beau visage sur fond de ciel étoilé. Il chasse la grotte Electrolithe au loin, très loin. Si loin que je ne peux plus la voir. Je m’empare à nouveau des lèvres d’Aram et laisse nos langues se rencontrer. Ma main qui y était encore descend de son dos pour trouver le haut de sa cuisse. Peut-être trop haut, mais il ne manifeste rien qui m’indiquerait qu’il ne veut pas que je sois là. J’espère qu’il ne le fera pas…